Texte de William Duckett en 1866, extrait de "La Normandie"
Eglise Saint-Ouen (dans le jardin de l’Hôtel-de-Ville). C’est la plus belle de toutes les abbatiales, et elle est digne d’être comparée aux cathédrales les plus illustres. Elle fut commencée en 1318 par un architecte inconnu, qui en 21 ans acheva le chœur, les chapelles absidiales, les piliers et la plus grande partie du transept. Au siècle suivant, Alexandre de Berneval dirigea les travaux. Vers 1464, on bâtit deux travées de la nef ; le reste ne fut continué que sur la fin du XVe siècle et au commencement du XVIe. Le grand portail occidental n’a point été fait d’après les plans primitifs grandioses, qui ont été conservés ; deux massifs en lourde maçonnerie ont flanqué le bas de la nef pendant longues années. On les a abattus de nos jours, et M. Grégoire a élevé le portail actuel, large de 38 mètres, trois portes s’ouvrant à la base de cette façade. La voussure de la porte centrale a 5 cordons de statuettes et de dais fort délicatement sculptés ; la baie est coupée par un pilier vertical auquel s’adosse une statue du Christ ; les pieds-droits offrent les statues de 10 apôtres, entre lesquels Saint-Paul a été substitué à Saint-Matthias ; et les 2 autres apôtres, ajoutés après coup, un peu en saillie sur la façade.
Façade de l'église Saint Ouen par Robbocq, vers 1860
Pour mieux les distinguer, voir ci-dessous la même gravure, zoomable
Les deux autres portes n’ont que 2 cordons à la voussure et 2 statues sur chacun de leurs côtés ; en tout 8 statues, parmi lesquelles on remarque celles de Dagobert, Saint-Eloi, Saint-Tilibert et Saint-Ouen. En retour sur les flancs de l’édifice, sont percées 2 portes semblables, avec pareil nombre de statues, entre lesquelles on cite celles de Clotaire 1er, de l’impératrice Mathilde et de Sainte-Clotilde. Ces 2 portes n’ont aucune utilité, puisqu’elles donnent accès dans les petits vestibules qui sont à la base des tours de la façade et où l’on pénètre déjà par les portes antérieures. Les cinq portes n’ont point de tympan, mais, à la place, une rosace à jour. Elles sont toutes surmontées d’élégants frontons, découpés à jour et couronnés d’un pinacle, sans celui de la porte centrale que termine un groupe de la Trinité.
Au-dessus de cette porte, et en arrière de son fronton, s’ouvre une galerie vitrée ; et, plus haut, une magnifique rose à laquelle beaucoup d’archéologues ne reconnaissent d’égale nulle part. La façade est couronnée par une galerie ogivale, avec 20 statues, entre lesquelles se mêlent à des saints et des archevêques des ducs de Normandie, Richard Cœur-de-Lion entre autres, et par un pignon élégamment sculpté dont une statue de Saint-Ouen occupe le point culminant.
Deux tours s’élèvent au dessus des petites portes ; elles ont 2 étages, de forme octogonale, en retraite l’un sur l’autre, et sont percées de longues baies ogivales sur leurs faces ; le premier encadre la grande rose ; le second dépasse le comble de l’édifice ; puis .des flèches également octogonales atteignent une hauteur de 76 mètres.
Sur le flanc septentrional de l’église est un petit cloître, qui servit longtemps de prison municipale, et dont on a fait une sacristie après l’avoir reconstruit. Le croisillon du même côté, attenant à l’Hôtel-de- Ville, qui fut autrefois le dortoir des moines de l’abbaye, n’a point de portail. On distingue seulement au-dessus du comble de l’Hôtel-de-Ville, un pignon sculpté qui a dû être la partie culminante de ce portail.
Au delà des bâtiments municipaux, dans le jardin public qui enveloppe tout le chevet de l’église, on remarque une petite tour, en style XIe siècle, appelée la Chambre aux clercs, et qui paraît provenir d’une église plus ancienne ; elle a intérieurement deux étages, dont l’un contient le mécanisme de l’horloge.
En passant sur le côté méridional de l’édifice, on trouve une autre sacristie ; puis, à l’extrémité du croisillon, le Portail des Marmousets, un des spécimens les plus élégants de l’architecture ogivale. La voûte, qui supporte une petite bibliothèque, projette deux pendentifs d’une exécution hardie. Le tympan de la porte offre un bas-relief, divisé en trois parties : l’ensevelissement de la Vierge, son assomption et son entrée au ciel. Jamais peut-être on n’a rien sculpté de plus gracieux. Au-dessous du croisillon, une petite porte donne accès dans l’église.
L'église Saint Ouen par Rouargue, vers 1860
Pour mieux les distinguer, voir ci-dessous la même gravure, zoomable
La grande tour qui s’élève du centre du transept et qui a 82 mètres de haut, est à la fois un monument de légèreté et de force. Sa base carrée est percée, à chaque face, de deux grandes fenêtres surmontées de pignons élégamment découpés. Le partie supérieure, de forme octogonale, est flanquée de quatre jolies tourelles. Une délicieuse couronne, travaillée à jour, la surmonte.
A l’intérieur, l’église Saint-Ouen a 138 mètres de long, dont 80 pour la nef et 35 pour le chœur ; 26 de large, dont 11,33 pour la nef majeure et 7,33 pour chaque collatéral ; 42,22 de large au transept, et 32,50 de haut sous voûte. Contre le pilier de droite, en entrant par le portail occidental, est un grand bénitier de marbre, où, par un effet d’optique assez curieux, se reflète l’église dans toute son étendue. Dans cet édifice si admirable pour la grandeur des proportions, la régularité de l’ensemble, l’harmonie des parties, la pureté des lignes, sans qu’aucun ornement superflu embarrasse la perspective, 125 verrières disposées sur 3 rangs, sans y comprendre les 3 roses, projettent une lumière mystérieuse. La pierre noircie par les ans et .par les forges que 1793 installa dans ces vastes nefs, ajoute encore à la sévérité de l’architecture.
Les piliers élancés et largement espacés sont flanqués de colonnettes élégantes, dont quelques-unes montent jusqu’au sommet de l’édifice pour recevoir la retombée des nervures de la voûte. Un certain nombre de ces piliers offrent des consoles et des dais, entre lesquels devraient se trouver des statues. Le sommet des arcades à ogives est à 15 mètres 23 centimètres au-dessus du sol. Une élégante galerie, de 6,25 d’élévation, formée de colonnettes que couronnent des rosaces à 5 lobes, surmonte ces arcades dans tout le pourtour. Plus haut, une claire-voie compose le second rang de fenêtres. Le troisième rang est garni de vitraux qui représentent d’illustres personnages de l’Ancien Testament, des sibylles, des évêques, des Pères de l’Eglise et des abbés de Saint-Benoît.
Les collatéraux, en général, n’ont pas de chapelles ; et les chapelles absidiales sont décorées pauvrement et sans goût. Le chœur était autrefois séparé de la nef par un beau jubé du XVe siècle, dont on a, faute de mieux, conservé le dessin. Il possède encore, autour du sanctuaire, plusieurs grilles en fer d’un beau travail de serrurerie. Une chaire en bois, dessinée par M. Desmarest et sculptée dans le style du XIVe siècle, a été placée dans la nef, en 1861.
Le choeur et la grande tour de l'église Saint Ouen par Robbocq, vers 1860
Pour mieux les distinguer, voir ci-dessous la même gravure, zoomable
Texte d'Abel Hugo en 1835, extrait de "La France pittoresque"
église de Saint-Ouen. — Elle dépendait de l’abbaye de ce nom, la plus ancienne de Rouen et de la Normandie. Roussel Marc-d’Argent, vingt-quatrième abbé, posa la première pierre de cette magnifique église en 1318. L’édifice ne fut entièrement terminé qu’au commencement du XVIe siècle, mais la tour l’était avant la fin du XVe. Rien n’égale la majesté de son aspect. Sa longueur dans l’œuvre est de 416 pieds 8 pouces ; sa largeur de 78 pieds en y comprenant les parties latérales. La grande tour, surmontée d’une couronne travaillée à jour, s’élève à 244 pieds au-dessus du pavé. L’église reçoit le jour par 125 fenêtres sur trois rangs, sans y comprendre trois rosaces, dont celle qui est à l’occident est sans rivale pour la délicatesse et le luxe des ornements. Le chœur est un ovale entouré de hauts piliers formés de colonnes en faisceaux, qui frappent d’admiration par leurs formes aériennes. Onze chapelles l'environnent ; quelques-unes sont décorées de tableaux et de statues remarquables. On voit dans l’église des inscriptions funéraires, entre autres celle de Jean Talbot, fils du célèbre général anglais de ce nom. — L’ancienne maison abbatiale de Saint-Ouen a été démolie en 1816 ; c’était l’habitation des rois de France lors de leur passage à Rouen. Henri IV y séjourna quatre mois.
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