Histoire de Rouen par Abel Hugo, extrait de "La France pittoresque", édition 1835.
La ville de Rouen est mentionnée pour la première fois dans Ptolémée sous le nom de Rothomagus, capitale des Vélocasses. Les érudits sont peu d’accord sur l’étymologie de ce nom ; la conjecture la moins inadmissible paraît celle qui le fait venir de deux mots celtiques signifiant palais de Roth ou de Vénus. Quelques auteurs prétendent en effet que cette déesse avait un temple à Rouen.
Rouen, ville gauloise, est peu connue : tout ce qu’on en peut dire, c’est qu’elle était gouvernée par les Druides, qui réunissaient les fonctions de chefs militaires, d’administrateurs civils et de ministres de la religion. Les notions sur la ville romaine sont plus étendues : Rouen était la résidence du gouverneur d’une division militaire, prœfectus militant ursariensium. L’enceinte de Rouen était alors bornée au midi par la Seine, à l’est par le Robec, au nord par le fossé qui s’étendait sur toute la longueur des rues de l’Aumône et de Louis VIII ; la limite occidentale formait une ligne dans laquelle se trouve le Marché-Neuf. Des restes de murailles découverts en 1789 dans la rue des Carmes, et quelques autres débris d’architecture font penser que les premières fortifications extérieures de la ville furent l’ouvrage des Romains.
Dès l’an 260, Rouen eut des évêques. Saint Mellon, le premier, y érigea une chapelle, sous l’invocation de la Vierge ; saint Victrice, un de ses successeurs, contribua par ses exhortations et par son exemple à l’agrandissement de la ville.
Ce fut en 497 que Rouen devint ville française : elle envoya vers Clovis des députés qui lui présentèrent son hommage et celui des populations qu’elle avait sous sa dépendance. Elle figure dès lors comme capitale de la Neustrie.
L’événement le plus remarquable qui ait eu lieu dans cette cité, sous les rois de la première race, est l’assassinat de l’archevêque Prétextat, frappé au pied des autels par ordre de Frédégonde, le dimanche de Pâques de l’an 586.
Dans le cours du IXe siècle, la Neustrie fut ravagée à plusieurs reprises par les incursions des Normands. Vers la fin de cette période, leur chef Rollon s’empara de Rouen et en fit une place d’armes qu’il fortifia en relevant ses murailles et ses tours. Ce fut le centre de ses audacieuses expéditions, dont le succès fut tel que le roi Charles IV se vit contraint d’entrer en négociation avec lui et conclut à Saint-Clair-sur-Epte, en 912, un traité par lequel il lui céda non-seulement le pays conquis, mais encore la Bretagne.
Rouen, à cette époque, fut érigée en capitale du duché de Normandie.
Parmi les successeurs de Rollon, on doit signaler Guillaume-Longue-épée, son fils, dont la cour fut un modèle d’urbanité pour le temps, et qui plaça Louis d’Outremer sur le trône de France ; Richard Ier, fameux par la sanglante victoire qu’il remporta en 949 contre 200,000 Français et Allemands dans l’endroit désigné depuis sous le nom de Rougemare ; Robert, qui fit le pèlerinage de Jérusalem ; et enfin cet illustre bâtard, Guillaume, auquel la conquête de l’Angleterre mérita le surnom de Conquérant. A dater de ce dernier, les ducs de Normandie firent leur séjour tantôt à Rouen, tantôt à Londres.
Après la mort de Guillaume, arrivée en 1087, le pays fut déchiré par les factions sous ses successeurs, Henri Plantagenet, Richard-Cœur-de-Lion et Jean-Sans-Terre. Celui-ci s’était emparé du duché au préjudice du jeune Arthur de Bretagne, son pupille, et ne pouvant lui arracher une cession de ses droits, il eut la barbarie de l’assassiner de sa propre main, en 1203 dans une tour de Rouen où il le retenait prisonnier. L’emplacement de cette tour porte aujourd’hui le nom de Basse-vieille-Tour. Jean, accusé pour ce crime auprès de Philippe- Auguste, fut cité devant la cour des pairs et ne comparut point ; ses juges le condamnèrent à la peine de mort et à la confiscation de ses terres. Cette dernière partie de l’arrêt fut exécutée.
Philippe vint en personne mettre le siège devant Rouen, qui, après une longue résistance, lui ouvrit ses portes, en 1204, sous la condition expresse de garder les lois, coutumes, franchises et libertés de la ville. Dès lors Rouen et la province de Normandie passèrent sous la domination française, dont elles étaient détachées depuis trois siècles.
La ville de Rouen n’avait cessé de s’étendre, et à diverses époques on dut en changer l’enceinte. Celle des Romains ne suffisant plus, Rollon et son fils en avaient construit une seconde, à laquelle succéda une troisième dans le XIe siècle. La quatrième enceinte date des derniers ducs. Philippe-Auguste fit bâtir le Vieux- château, à l’extrémité de la ville opposée à la Seine. Cette forteresse se trouva comprise dans l’intérieur de la cité, au milieu du XIIIe siècle, sous saint Louis, qui fit élever une cinquième enceinte.
Lors de la démence de Charles VI, en 1418, Rouen soutint un siège de six mois contre Henri V, roi d’Angleterre. Les habitants se défendirent avec un courage héroïque, et, vaincus par la famine, qui avait déjà moissonné trente mille personnes, ils ne capitulèrent que sous des conditions honorables, résolus de brûler la ville plutôt que d’en subir de honteuses. Le parti anglais y établit alors le centre de ses opérations.
C’est à Rouen que fut amenée l’héroïque Jeanne D'arc, prise à Compiègne par Lyonel, bâtard de Vendôme, et vendue à ses ennemis moyennant 10,000 francs. Son procès, commencé en 1431 devant un tribunal de moines, se termina par une sentence qui la condamnait à être brûlée vive comme sorcière. Cet arrêt barbare fut exécuté, mais Charles VII, s’étant emparé de Rouen en 1449, fit réhabiliter la mémoire de la vierge de Vaucouleurs, et ordonna qu’une croix fût dressée à l’endroit où elle avait été brûlée ; une fontaine surmontée de la statue de Jeanne D'arc a depuis remplacé la croix.
L’institution de l’échiquier a été faussement attribuée au duc Rollon. La première trace ne s’en trouve que sous Guillaume-le-Conquérant. L’échiquier était ambulatoire, et se tenait tantôt à Rouen, tantôt à Caen ; quelquefois à Falaise. Louis XII fixa cette cour souveraine à Rouen en 1499, et en fit l’ouverture le 1er octobre de la même année. L’an 1515, François 1er érigea l’échiquier en parlement. Interdit en 1549, il fut réinstallé en 1541.
Le protestantisme fit de notables progrès à Rouen, et attira de grands malheurs sur la ville. Les réformés, vainqueurs d’abord sous le prince de Condé, pillèrent les églises en 1522 ; mais vaincus ensuite vers la fin de la même année, la ville fut prise d’assaut par Charles IX et saccagée : le duc de Guise fit passer au fil de l’épée ou brûler par le bourreau tout ce qui portait dague ou moustache. Quatre à cinq cents personnes furent encore immolées lors du massacre de la Saint-Barthélemy.
En 1593, Rouen fut assiégée pendant huit mois par Henri IV, qui s’en fit ouvrir les portes à prix d’argent. Le sieur de Villard, gouverneur de la ville, la lui vendit avec quelques autres places de la Normandie, pour la somme de 3 millions 477,800 livres.
L’année 1621 est une époque déplorable dans les annales de Rouen : la ville fut ravagée par la peste, et les trois quarts de ses habitants succombèrent au fléau.
La capitale de la Normandie fut toujours regardée comme un des plus beaux fleurons de la couronne de France ; aussi fut-elle souvent le but des visites royales. Louis XI, Louis XII, François 1er, Louis XV s’y rendirent en grande pompe, et depuis qu’elle est devenue le chef-lieu d’un département, elle a reçu dans ses murs Napoléon et Louis-Philippe.
Outre les cinq enceintes dont nous avons parlé, Rouen reçut, vers le milieu du XIVe siècle, un sixième accroissement. Un couvent, qui fait maintenant partie de la préfecture, fut enfermé dans l’intérieur de la ville, aussi bien que l’église de Saint-Pierre-le-Portier, ce qui obligea de reculer la porte Cauchoise. A l’ouest, la ville s’agrandit du quartier de la Maréquerie. Aujourd’hui elle compte 33 barrières, 3 halles, 8 marchés, 21 places, environ 1,700 maisons, et plus de 470 rues. Avant 1790 il y existait 37 églises paroissiales et à peu près autant de communautés des deux sexes ; elle n’a plus que 6 églises paroissiales et 8 succursales.
Chambre des comptes , extrait du Magasin pittoresque de 1865
Voir ci-dessous la même gravure, zoomable
- Chambre des Comptes. (Abel Hugo) — L’édifice où se tenait la chambre des comptes, avant qu’elle ne fût supprimée en 1789, est situé dans la rue des Carmes. Il fut construit en 1525, sous François Ier. Le corps de bâtiment à droite est orné d’un rang de colonnes, qu’on pourrait appeler corinthiennes si elles ne supportaient des chapiteaux arabes
Rue de la Grosse Horloge de Rouen, dessiné par Thomas Allom
in "La France au XIX siècle illustrée par Thomas Allom" - 1841
à signaler- L'échoppe 'Andret Dopah - De Brosses (au bord, à droite).
Tour de l'Horloge à Rouen, extrait du Magasin pittoresque de 1869
Voir ci-dessous la même gravure, zoomable
Le Gros-Horloge de Rouen, dessiné par Percival Skelton
in "Europa - in al zun herlijkheid geschetst"
(L'Europe, esquisse de ses mystères de Gérard Keller (Hollande), vers 1880.
à signaler - La publicité 'Machines Singer-3-175' et 'A la ville de Troyes, spécialité de bonneterie, chemises sur mesure'.
- Tour de la Grosse-Hordoge. (Abel Hugo) — L’horloge principale de la ville et la cloche du beffroi sont placées dans cet édifice, élevé en 1389, d’une forme carrée et d’un gothique simple ; on y monte par un escalier de 200 marches. La tour est percée de grandes croisées en ogives, et terminée par un dôme en plomb que couronne une lanterne. — La tour est jointe à l'ancien hôtel-de-ville par une voûte remarquable construite en 1527.
Fontaine de Lisieux in "Le Magasin pittoresque", éd. 1845
Voir ci-dessous la même gravure, zoomable
- Fontaine Lisieux, contre l’hôtel de ce nom (rue de la Savonnerie), célèbre par le privilège qui lui avait été accordé par l’évêque de Lisieux, son propriétaire, de servir en carême du gras aux voyageurs.
- Fontaine de Lisieux.(Magasin pittoresque) Ce bas-relief très fruste est le plus curieux ornement de l’antique manoir des évêques de Lisieux, rue de la Savonnerie , n° 4 à Rouen. Il est adossé à la muraille de cette maison qui, vers le couchant, fait saillie dans la rue. Sa construction date, dit-on, de 1518. C’est, comme on le voit dans la gravure, un rocher pyramidal figurant le mont Parnasse, sur lequel sont en relief Apollon, le cheval Pégase , la Philosophie et les neuf Muses.
Au sommet, Apollon vêtu à la mode du seizième siècle, son arc sous le bras, joue de la harpe. Au-dessous de Pégase, la Philosophie, debout, présentait de la main droite un livre ouvert, et de la gauche indiquait un flambeau. Les trois tètes symboliques de cette figure représentent la logique, la physique et la métaphysique. Des rochers, des gazons et quelques moutons composent les accessoires de la scène. A la base du mont, on voyait naguère deux salamandres en bronze, attribut du règne de François Ier, qui donnaient sans interruption l’eau destinée à l’usage journalier ; mais pour faire de cette fontaine un objet d’agrément, on avait pratiqué dans les figures dont elle était ornée, beaucoup d’autres petits canaux dont il reste encore quelques vestiges ; les instruments symboliques des muses, les naseaux et un des pieds du cheval ailé étaient les principales issues d’ou l’on faisait à volonté jaillir l'eau, mais seulement en de rares circonstances, et lorsqu'on voulait réjouir de ce spectacle quelque personnage important.
Pierre Corneille par L Robock vers 1860, in "La Normandie" de W. Duckett
- Statue de Pierre Corneille, par David d’Angers, (au Pont-Neuf).
Vieilles maisons de la rue Battoi, in "Le Magasin pittoresque", éd. 1845
l'église St Laurent de Rouen, in "Europa - in al zun herlijkheid geschetst"
(L'Europe, esquisse de ses mystères" de Gérard Keller (Hollande), vers 1885
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