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Texte et gravure
Une des plus antiques cités de la France, la ville de Rouen, était déjà une ville connue et respectée du temps de Ptolémée ; au dixième siècle elle devint la conquête de ce peuple normand, si beau, si brave et si fort, qui tient une si grande place dans l’histoire de l’Europe moderne. A présent, que l’histoire est devenue moins belliqueuse, et que les peuples ont goûté les charmantes douceurs de la paix, il est bien peu de nos villes fortes qui aient conservé leur triple enceinte de murailles. Ainsi a fait la ville de Rouen : la ville de guerre a fait place à la ville pittoresque, riche, occupée, tranquille. La ville s’étend sur la rive droite de la Seine, protégée par deux chaînes de montagnes ; c’est un très curieux pêle-mêle de maisons anciennes et de maisons modernes, de pierres noires et de pierres blanches, de ruines silencieuses, solennelles, et de fabriques turbulentes bâties d’hier. Les boulevards, les quais, le pont suspendu, le théâtre, l’hôtel des Monnaies, les deux hospices, les prisons, le collège royal, l’Hôtel-de-Ville, le Musée, le Palais-de-Justice, dont la salle, de cent soixante pieds de longueur sur cinquante pieds de largeur, est regardée comme un chef-d’œuvre de la vieille architecture ; la Bourse, qui est ornée d’un Christ de Van-Dyck ; les halles, bâties sur l’emplacement du palais de Richard 1er, troisième duc de Normandie ; tous ces édifices antiques et modernes, tout cela disparaît devant la cathédrale, qui remonte aux temps les plus reculés de la ville, et devant la statue de Pierre Corneille, qui n’a été élevée que d’hier. Voilà donc tout ce que maintenant on peut voir à Rouen : la cathédrale et la statue de Pierre Corneille ; un vaste édifice frappé de la foudre et sans croyance, un bronze d’hier entouré de tous les respects et de toutes les adorations de la foule ; ici un temple sans dieu, et là-bas un dieu sans temple ; des ruines saintes autrefois, aujourd’hui dévastées, et que réparent lentement, chétivement et tristement quelques manœuvres raisonnables et. raisonneurs qui, en conséquence, se croiraient mieux employés à construire un corps-de-garde ou une mairie ; sur le pont se tient debout un homme de bronze, que dis-je? un poète autrefois méconnu, humilié, chassé, couvert de misère, et pour lequel on vient de construire un piédestal tout neuf de marbre et d’airain ; ici une église silencieuse, dévastée, livrée à la poussière, misérable, là-bas, autour de ce piédestal, le respect, l’admiration, le culte du dernier matelot qui passe sur le pont et qui regarde avec orgueil son compatriote Corneille. En présence de pareils spectacles et de si tristes antithèses, qui oserait dire de quel côté est la croyance ? et qui donc est le dieu ? Ce que c’est que le temps ! le temps, qui détruit, et qui change, et qui renverse, peut aussi élever, proclamer, sauver les gloires immortelles ; le voilà qui a jeté une auréole immortelle sur un pauvre homme de cette ville qui est mort il y a à peine plus d’un siècle. Après cela, qui donc oserait désespérer de la gloire humaine ? Corneille n’est pas la seule célébrité intelligente dont la ville de Rouen puisse à bon droit s’immortaliser : l’ingénieux poète Benserade, poète, il est vrai, suivant la cour, mais la cour de Louis XlV, est né à Rouen ; le père Berruyer, qui a écrit l’histoire du peuple de Dieu ; Thomas Corneille, le frère de Pierre, et son digne frère ; Daniel l’historien ; Fontenelle, qui eut presque autant d’esprit que Voltaire ; Jouvenet, peintre excellent, dont se souvient le château de Versailles ; Paul Lucas, hardi voyageur ; Pradon, célèbre par sa lutte avec Racine, et qui fut assez malheureux pour triompher de la Phèdre de Racine ; Boïeldieu, l’aimable et grand artiste qui fut le Rossini de la France, et enfin Armand Carrel, ce rude jouteur politique, cet admirable écrivain si rempli de nobles passions, de probité, de désintéressement, d’honneur, ce grand avenir tué si vite, mort si misérablement et si jeune : ils étaient les enfants de la ville de Rouen !
Pour voir les détails du port de Rouen,
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