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Le Pont de la Chapelle (Kapellbrück)
et ses tableau décrivant l'histoire de la Suisse
Le pont de La Chapelle avec sa tour majestueuse
Lucerne - Suisse - Mai. 2008 - Num 10mpx - canon400da_5711
A Lucerne, il y a deux ponts anciens remarquable jetés sur la Reuss, qui reprend là sa course après avoir alimenté le lac des 4 Cantons. Tous deux, en bois, montrent à chaque travée de soutènement du toit, des tableaux du 17ème siècle. Ce pont-ci, dite de la Chapelle, abrite des tableaux relatant l'Histoire des villes de Suisses
Voici, ci-dessous un aperçu à travers les 10 premières scènes, dont les descriptions proviennent de l'ouvrage
"Galerie des tableaux du pont de la Chapelle à Lucerne", du Chanoine Bussinger,
traduit de l'allemand par Henry de Crouzak - 1821
A voir aussi, dans les pages suivantes :
Le Pont de la Chapelle
Le lac des 4 cantons
Lucerne en décors
Personnages à Lucerne
Dieu barbu et helvète
Lucerne - Suisse - Mai. 2008 - Num 10mpx - canon400da_5644
- 1 - Un géant ou un homme sauvage
C'est à bon droit que le géant ou homme sauvage, qui sert de support à l'écusson des armoiries du canton de Lucerne, est placé ici à l'entrée de cette galerie de tableaux nationaux, comme s'il en était le portier. La nature a parsemé la contrée environnante, de tant de scènes colossales, que l'Etat de Lucerne a bien pu se choisir un protecteur emblématique d'une taille analogue et, gigantesque. Celui-ci cependant n'a paru dans les armoiries cantonales qu'à une époque assez moderne, lorsqu'en 1577 l'on eut découvert près de Reyden, village Lucernois, sous le tronc d'un vieux chêne déraciné, un squelette d'une dimension extraordinaire. La crédulité populaire et les lumières peu étendues de ces temps-là se plurent à voir dans ces ossements les dépouilles d'un géant, et cette opinion fut même partagée par des personnes plus éclairées. Ils furent transportés dans les archives du canton, où on les a conservés avec soin jusqu'à ce que des recherches plus exactes et plus récentes, ont décrédité cette superstition. Deux savants entr'autres, arbitres très compétents dans les sciences naturelles, Mrs. Blumenbach et Dolomieu ont prononcé que ces restes paraissaient être ceux d'un de ces animaux gigantesques d'un monde primitif, dont la race n'existe plus de nos jours, plutôt que d'une créature humaine. Depuis-lors l'ancienne croyance populaire s'est peu-à-peu évanouie, et ces ossements ont été transfère hors des archives cantonales dans le cabinet d'histoire naturelle d'un particulier. Cependant le géant a conservé sa place dans les armoiries du canton, où il restera probablement malgré toutes les objections qu'une critique sévère a su élever contre son existence.
Il nous reste encore à, dire un mot de l'écusson, qu'il semble protéger et qui forme les armoiries du canton de Lucerne.
Il représente un champ uni, coupé horizontalement en deux parties égales de bleu et de blanc, qui sont aussi les couleurs cantonales. Jadis sous les abbés de Murbach, qui possédèrent longtemps la souveraineté de la ville de Lucerne, la figure paisible d'un moine lui servait de support, ainsi qu'on le voit encore sur un monument de pierre, qui était muré sur l'une des portes de la ville. Plus tard sous le gouvernement des empereurs d'Allemagne, l'aigle impérial ornait l'écusson de la ville. Enfin le géant, dont on a parlé plus haut, vint usurper cette espèce de petite magistrature qu'on ne lui a plus contesté.
Article extrait de la "Galerie des tableaux du pont de la Chapelle à Lucerne", Chanoine Bussinger, traduit de l'allemand par Henry de Crouzak - 1821
Ange au-dessus d'une chapelle
Lucerne - Suisse - Mai. 2008 - Num 10mpx - canon400da_5645- 2 - Une contrée déserte et solitaire.
Le paysage agreste et sauvage que représente ce tableau est sans doute l'image fidèle de ce qu'était le terrain qu'occupent maintenant la ville de Lucerne, et ses riants alentours, dans leur état primitif, avant que de nombreux édifices, et des jardins fertiles ornassent les rives du beau lac qui le baigne, avant que le soc eût défriché le sol virginal de ces déserts. On n'y voyait alors que des sombres forêts, des côteaux et des vallons tapissés de chardons et de broussailles sans cesse dévastés par les torrents rapides et indomptés qui les traversaient, des marais fétides et incultes. Quelques misérables cabanes de pêcheurs étaient les seules conquêtes que l'industrie humaine eut osé faire dans ces solitudes. Une humble chapelle consacrée à St. Nicolas, patron des nautoniers et des pécheurs, avait été érigée par ces premiers habitants sur la colline où brille aujourd'hui le temple majestueux de la cathédrale ou Hofkirche. L'histoire n'a pas conservée la date de cette modeste construction. Mais il est probable qu'elle eut lieu dans les premiers siècles de l'ère chrétienne, lorsque de pieux missionnaires Irlandais vinrent porter les lumières du christianisme dans les vallées de l'Helvétie. Une ancienne tradition rapporte que pendant plusieurs nuits avant que le duc Wikard fondât un couvent sur le même emplacement, l'on vit cette chapelle éclairée par une lumière surnaturelle.
Article extrait de la "Galerie des tableaux du pont de la Chapelle à Lucerne", Chanoine Bussinger, traduit de l'allemand par Henry de Crouzak - 1821
Les ponts sur le lac des 4 cantons
Lucerne - Suisse - Mai. 2008 - Num 10mpx - canon400da_5646- 3 - La ville de Lucerne dans les premiers temps de son origine.
Il serait impossible de citer la date précise de l'origine de la ville de Lucerne, ni l'époque où elle commença à former une communauté. Aucun document ne l'atteste et l'histoire ne fournit que très peu de lumières à cet égard. Les événements qui entourèrent son berceau se perdent dans la nuit des temps. On peut supposer sans pouvoir en alléguer aucune preuve, qu'elle était l'une de ces 12 villes et 400 villages que les peuples de l'Helvétie abandonnèrent et brûlèrent, lorsque dans le siècle de Jules César, ils quittèrent au nombre de 400,000 âmes, sous la conduite de leur chef Orgetorix, leur patrie froide et stérile, pour aller chercher un climat plus doux et un sol plus productif. On sait qu'ils furent atteints et vaincus par les légions Romaines, sur les frontières des Gaules, et que Jules César contraignit les débris de cette multitude échappée au carnage d'une sanglante bataille, de retourner dans leurs vallées et à reconstruire leurs habitations. Depuis cette défaite les Helvétiens vécurent paisiblement pendant plusieurs siècles sous la domination Romaine. C'est dans ce période que l'on peut placer avec quelque probabilité la construction de quelques monuments qui existent encore et qui portent l'empreinte de leur origine Romaine ; principalement la Tour de l'eau (Wasserthurm), placée à l'endroit où la Reuss sort du lac des 4 cantons, qui servait de fanal aux navigateurs et aux pêcheurs et qui probablement a procuré à la ville son nom de Luceria ou Lucerna.
L'église-cathédrale de la ville présentée à la vierge
Lucerne - Suisse - Mai. 2008 - Num 10mpx - canon400da_5647- 4 - Fondation du couvent au Hof.
Le tableau représente des hommes armés, portant des bannières et des écussons, sur lesquels on voit des armoiries.
Ce n'est que depuis le 6ème siècle de notre ère, lorsque l'Helvétie passa sous la domination des rois des Francs, sous le règne de Clovis III, que l'on a des données un peu précises sur l'histoire de Lucerne. Ce prince divisa ses nouvelles conquêtes en districts, auxquels il préposa les compagnons de ses victoires, sous le titre de ducs ou de gouverneurs, pour y administrer la justice et pour maintenir les droits de leurs habitants. Lucerne fut soumise au gouvernement des ducs de Souabe, et l'on prétend que lorsqu'ils venaient y résider momentanément pour y exercer leur office, ils tenaient leur cour à remplacement, où fut construite depuis-lors la cathédrale qui existe encore de nos jours ; d'où lui vient le nom de Im-Hof (à la cour).
Wikard l'un de ces ducs, frère du duc Ruppert fondateur de la cathédrale de Zurich, prince riche et puissant, fonda en 695 à la même place, où dans des temps, plus reculés avait existé la petite chapelle de St. Nicolas, dont on a parlé plus haut, une église et un monastère sous la règle de St. Benoit. Il attribua à cette communauté plusieurs villages, des domaines et des droitures considérables. Plusieurs nobles francs ou allemagniens, qui tenaient une partie de ces propriétés sous le titre de fiefs, devinrent ainsi vassaux de ce couvent.
Le roi Clovis confirma non seulement cette fondation, mais y ajouta même la souveraineté et la juridiction sur la ville de Lucerne et son territoire. C'est pourquoi l'on voit sur ce tableau les armoiries des villages de Scholfingen, Halderwank, Reyn, Lunkofen, Buchrein, Kussnacht, Alpnach, Emmen, Malrs, Kriens, Horw, Stans, Littau, Adelgeschwyl, Gysswyl, Sarnen, Glattfelden et Bellikon, qui furent données au couvent du Hof, ou qui lui payaient quelques redevances. Mais dans la suite des temps il perdit plusieurs de ces propriétés, soit parce que les tenanciers se rachetèrent de leurs redevances féodales, soit par la dissipation des abbés qui les vendirent, soit par d'autres circonstances malheureuses. Plusieurs des villages susnommés, ne font plus même partie du canton de Lucerne.
Construction de l'église cathédrale
Lucerne - Suisse - Mai. 2008 - Num 10mpx - canon400da_5648- 5 - Construction de l'église et du couvent au Hof.
À l'époque de cette construction l'ordre de St. Benoit était très florissant et jouissait de la plus grande considération. Ses congrégations étaient des écoles de piété et d'érudition. Elles s'occupaient avec zèle, non seulement de l'enseignement de la jeunesse, mais aussi à faire défricher des terrains incultes et à introduire un meilleur système d'agriculture. C'est ainsi qu'elles contribuaient de toute manière à la civilisation des nations encore à moitié barbares. Le peuple les vénérait et se soumettait volontiers à leur domination spirituelle et à leur gouvernement temporel. La fondation du monastère au Hof par le duc Wickard, fut donc un bienfait inappréciable pour la ville de Lucerne et posa les premières bases de la prospérité, qu'atteignit dans la suite cette commune alors si chétive. Le prince accomplit son œuvre méritoire en embrassant lui-même l'état monastique et en devenant le premier abbé du couvent. Plusieurs de ses successeurs, surtout le premier, nommé Allwik, se distinguèrent par leur piété et leurs lumières. Le couvent se maintint paisiblement dans la jouissance de ses possessions et dans l'exercice de ses droits, entr'autres dans celui de choisir lui-même ses supérieurs jusques vers le milieu du 8ème siècle. Dans cette période l'étendue, la population et le bien-être de la ville s'accrurent considérablement. Elle obtint des franchises et des immunités importantes de ses généreux souverains. Mais en 765 un abbé du couvent de Murbach en Alsace, qui avait passé par Lucerne en se rendant à Rome, tenté par l'opulence de l'abbaye au Hof, obtint au moyen de diverses intrigues, du pape et de Pépin, roi des Francs, la survivance de la prélature du Hof et l'incorporation de cette abbaye à celle de Murbach, qui devint par là, souveraine de la ville de Lucerne. Les abbés de cette dernière n'y établirent jamais leur résidence permanente. Ils y envoyaient des gouverneurs, qui présidaient à la congrégation sous le titre de prévôts et d'autres employés subalternes. Cependant ils s'y rendaient quelque fois, habitaient alors un château nommé Lugaten, situé dans le voisinage du Rothenthurm (Tour rouge), près du Nœllithor, et y administraient eux-mêmes la justice suprême.
Sous leur gouvernement, la commune de Lucerne obtint le droit de ne pouvoir être imposée d'aucune redevance, sans avoir été consultée, de donner son assentiment à toutes les alliances, à toutes les guerres qui seraient entreprises par les abbés, de ne pouvoir jamais être aliénée ni séparée du couvent au Hof, et de se donner une magistrature choisie dans son sein et composée de 36 citoyens, sous la présidence d'un avoyer, soit juge suprême. Ainsi s'écoulèrent 5 siècles de paix et de bonheur pour Lucerne, jusqu'en 1291. Le baron Berchtold de Falkenstein était alors abbé de Murbach. Il surpassa tous ses prédécesseurs en magnificence et en prodigalité. Se trouvant sans cesse dénué d'argent à la suite de ses folles dépenses, il céda peu-à-peu plusieurs droitures à la commune et lui vendit des domaines appartenant à son monastère pour des sommes considérables. C'est ainsi qu'en 1285 il confirma solennellement la promesse que la ville de Lucerne ne serait jamais séparée du couvent, moyennant 300 marcs d'argent qu'elle lui paya. Malgré cet engagement, se trouvant encore dans une nouvelle pénurie et se voyant sommé d'acquitter les droits d'investitures et d'autres impôts qu'il redevait à l'empire, il vendit à l'empereur Rudolphe, au profit de ses fils les ducs d'Autriche, tous ses droits sur la ville de Lucerne, 20 métairies appartenant au chapitre de St. Léger, et 6 villages situés en Alsace, pour la somme de 2000 marcs d'argent.
Les citoyens de Lucerne tentèrent en vain de s'opposer à un traité aussi funeste ; ils se refusèrent pendant une année entière, à se soumettre à ce nouveau gouvernement, qui changeait entièrement leur condition de francs-tenanciers de l'empire et les rendait sujets de la maison d'Autriche. Mais ils étaient trop faibles pour lutter contre une puissance aussi prépondérante. Le duc Albert, vint lui-même parmi eux pour se faire prêter hommage et promit solennellement de respecter et de maintenir tous les droits et privilèges de la commune. Dès-lors les rapports de celle-ci avec le couvent au Hof diminuèrent peu-à-peu et ce monastère dépouillé d'une grande partie de ses propriétés tomba tellement en décadence, que le pape Calixte III se vit obligé de changer sa constitution et de le transformer en un chapitre de chanoines (en 1455), en réservant expressément dans l'acte dressé à cet égard toutes les franchises de la ville.
Celle-ci se racheta en 1479 de toutes les redevances qu'elle avait encore à payer à ce chapitre, telles que les dimes, censés etc., pour la somme de 2600 florins. Elle acquit aussi par-là la propriété d'une partie du lac, qui jusqu'alors avait appartenu au couvent.
La rade de Lucerne et ses ponts
Lucerne - Suisse - Mai. 2008 - Num 10mpx - canon400da_5649- 6 - Agrandissements, embellissements et fortifications de la ville de Lucerne.
On voit dans ce tableau la ville de Lucerne déjà plus grande que dans le 3ème tableau, renfermant des maisons bâties en pierres, entourée de hautes murailles et défendue par plusieurs tours.
Il est probable que Lucerne ne tarda pas à devenir une ville assez considérable. Sa situation sur le lac des 4 cantons, à l'endroit où la Reuss s'en échappe, au débouché septentrional du passage du St. Gothard, était trop favorable au commerce entre l'Italie, l'Allemagne et la France, pour ne pas y attirer une foule de gens industrieux qui augmentèrent sa population et ses richesses. La résidence qu'y firent de temps à autre les rois des Francs, et les opulents abbés de Murbach, contribua à lui donner de l'importance, II existe des documents du 8ème siècle, qui prouvent qu'à cette époque on s'occupait déjà à l'embellir, tel qu'une ordonnance qui prescrivait d'élargir les rues et d'aligner les bâtiments. Les abbés de Murbach s'étaient arrogé le droit de se faire précéder par une barre de fer d'une longueur déterminée, portée horizontalement lorsqu'ils traversaient les rues et de faire abattre les maisons trop avancées pour que la barre put passer sans les toucher. Les propriétaires pouvaient cependant se racheter de cette obligation. Ce fut aussi sous leur domination, que l'on commença à ceindre la ville de murailles garnies de tours ; que le pont sur la Reuss et celui qui, jette sur le lac, conduit à la cathédrale du Hof, furent construits et que l'on abattit une forêt de chênes qui dominait la ville, sur le coteau de la Musegg, pour y planter des vignes. Sous le gouvernement plus belliqueux de la maison d'Autriche, les nouvelles constructions qui se firent à Lucerne tendirent plutôt à la fortifier. On en sentit encore mieux la nécessité lorsqu'elle s'affranchit de ce joug étranger et qu'elle dut songer à la défense de sa liberté naissante. C'est à ces époques que se rapporte l'élévation de plusieurs nouveaux murs de la ville plus étendus, et d'un plus grand nombre de tours. On ne négligeait cependant pas tout-à-fait d'embellir la ville et d'y construire des édifices d'utilité publique. C'est ainsi qu'en 1303, pour faciliter la communication entre les deux parties de la ville séparées par la Reuss, on jeta un troisième pont sur cette rivière, à l'endroit où elle sort du lac. C'est le Pont de la Chapelle où sont placés les tableaux dont nous donnons l'explication. Le magistrat encourageait par des primes et par des concessions de matériaux, les bâtisses de maisons en pierre.
En 1403, on bâtit un 4ème pont sur la Reuss, celui des moulins ; en 1408 on orna la tour de la Mussegg, d'une horloge déjà établie en 1385 par un artiste Bâlois, En 1350 on avait déjà élevée la tour de l'hôtel de ville, qui fut lui-même démoli et rebâti en entier en 1484 ; en 1454 on commença à paver les rues et en 1481, on posa la belle fontaine, qui décore encore le marché aux vins. Nous ne faisons pas mention d'une quantité d'églises, de couvents, d'édifices publics, d'établissements de charité, qui prirent naissance dès la fin du 13ème siècle jusque dans le15ème, dans cette période que l'on peut nommer à juste titre l'âge d'or de Lucerne. L'esprit public, l'amour de la liberté, les sentiments patriotiques qui animaient tous les citoyens, fruits de leur régénération politique, portèrent alors cette nouvelle république, au comble de la prospérité, dont les résultats bienfaisants se font encore ressentir de nos jours. Heureuse dans son intérieur, considérée au dehors, aimée de ses voisins et de ses allies, Lucerne comptait alors dans son enceinte et dans ses faubourgs, 1200 maisons, toutes habitées par des familles aisées, et industrieuses. Le nombre de ses citoyens s'augmentait journellement et les registres de la commune font foi que dans l'espace de 126 ans, de 1357 à 1433, elle admit 2931 nouveaux bourgeois. L'industrie et le négoce y florissaient tellement, que plusieurs villes étrangères, des plus commerçantes, telles que Gènes, Milan, Francfort-sur-le-Main, se firent un honneur de conclure avec elle des traités de commerce. Ce fut ainsi qu'elle sut mériter le titre de Lucerna lucens, qui lui fut donné alors par ses contemporains.
Le lieutenant Laurentz Meyer
Lucerne - Suisse - Mai. 2008 - Num 10mpx - canon400da_5650- 7 - Les deux bannières de Lucerne.
(sans autres texte - note du transcripteur)
Trois porteurs de drapeaux en 1743
Lucerne - Suisse - Mai. 2008 - Num 10mpx - canon400da_5651- 8 - Les drapeaux de la ville et ceux des sociétés d'arquebusier.
Les bannières étant ordinairement envisagées comme le symbole des liens, qui constituent une société en corps de nation, ces deux tableaux, qui ne donnent lieu à aucun commentaire historique, nous fournissent l'occasion de parler des diverses formes d'administration et de gouvernement qui ont régi la ville de Lucerne. Nous ne remonterons point jusqu'aux tems les plus reculés, pour dépeindre les mœurs des anciens Helvétiens, et leur état politique sous le joug des Romains et sous celui des rois des Francs. L'histoire ne fournit pas des renseignements assez positifs à cet égard. Nous nous référons au témoignage d'une célèbre historien national, qui atteste que sous tous les gouvernements qu'ils subirent, les Suisses furent toujours un peuple ami de la liberté, loyal et valeureux. Tout homme libre contribuait par son vote à la législation, et l'autorité des lois résistait au pouvoir des princes les plus arbitraires. Ces lois étaient simples, peu nombreuses, plutôt prohibitives, qu'impératives. Les ducs et les comtes qui administraient les provinces au nom des rois, étaient chargés de les exécuter, d'exercer la haute juridiction, de surveiller l'action de la justice inférieure, d'organiser la levée des gens d'armes, et de les conduire aux combats.
Lorsque le duc Wikard en fondant le monastère au Hof, lui soumit la ville de Lucerne et sous le gouvernement des abbés de Murbach, de nouveaux rapports plus étroits s'établirent entre elle et ses gouvernants. Ceux-ci exerçaient leurs droits, tels qu'ils leur avoient été concédés et percevaient leurs revenus soit eux-mêmes soit par l'entremise de leurs délégués. En temps de guerre les milices de la ville se joignaient à celles du couvent et suivaient avec celles-ci, les bannières des rois des Francs, La haute juridiction dépendait exclusivement et immédiatement de l'abbaye, et les sentences inférieures en matière civile passaient par trois instances. Cependant la ville jouissait déjà d'une espèce d'indépendance municipale, il y existait un tribunal choisi dans son sein, dont les membres étaient renouvelés de 6 en 6 mois. Un délégué du couvent y siégeait sous le titre d'amman, pour y défendre les prérogatives de ses supérieurs. Lorsqu'en 1291 la souveraineté passa à la maison d'Autriche, Lucerne ne tarda pas à éprouver les conséquences fâcheuses d'un pareil changement. L'empereur Rudolphe favorisa cependant ces nouvelles possessions de tout son pouvoir. II éleva Lucerne presque au rang d'une ville impériale, la mit sous sa protection spéciale et sous celle de l'empire, respecta ses anciennes franchises et lui en octroya de nouvelles. Mais ses successeurs prirent une marche tout-à-fait contraire. Lucerne jadis dépendante d'un fief direct de l'empire, se ressentit d'être devenue une ville sujette de princes puissants et trop belliqueux ; elle fut appelée à partager toutes leurs entreprises injustes, ambitieuses et sanglantes.
Ce fut surtout lorsque la guerre s'alluma entre les Ducs d'Autriche et les peuples pasteurs, riverains du lac des quatre cantons, qu'elle en ressentit les effets les plus funestes. En butte à la haine de ces voisins turbulents et irrités par d'affreuses vexations, exposée à leurs incursions, tourmentée d'extorsions d'impôts sans cesse renouvelées par ses souverains et leurs suppôts, qui repoussaient par des menaces et des humiliations les représentations que faisait la commune contre une pareille tyrannie, Lucerne se vit arracher encore plusieurs de ses anciennes immunités. Le choix libre de ses magistrats municipaux lui fut enlevé et le sénat autorisé à se recruter et à se compléter lui-même sans le concours de la bourgeoisie. Bientôt toutes les places y furent occupées par des nobles, vassaux des Ducs d'Autriche, qui leur étaient entièrement dévoués et foulaient aux pieds les droits de la commune. Il n'est pas étonnant que les citoyens de Lucerne, fatigués d'un joug aussi despotique qu'avilissant, d'autant plus incommode qu'il faisait un contraste frappant avec le gouvernement si doux et si pacifique des moines de St. Benoit, dont ils avaient joui pendant 6 siècles de prospérité, il n'est pas étonnant, dis-je, que les citoyens de Lucerne saisirent la première occasion de le secouer. Déjà en 1332 la commune fit proposer aux peuples des cantons forestiers (Uri, Schwyz et Unterwalden) qui toujours en guerre contre leurs tyrans, molestaient sans cesse leurs sujets Lucernois, une trêve de 20 ans, et peu après ils conclurent ensemble une paix perpétuelle, malgré l'opposition du conseil vendu à l'Autriche. Ayant fait ce premier pas vers la liberté, Lucerne ne tarda pas à refuser toute obéissance à ses souverains et à s'affranchir de leur despotisme.
Dès-lors la constitution de la nouvelle république prit un aspect tout-à-fait différent. Tous les droits de souveraineté passèrent entre les mains de la totalité des citoyens. L'exercice en fut confié à un Grand-Conseil, d'abord composé de 300 bourgeois, dont le nombre fut ensuite réduit à 100, et à un second ou Petit-Conseil composé de 36 membres et chargé spécialement de l'exécution des lois et de rendre la justice. Ces deux sénats étaient présidés par un avoyer ou juge suprême, qui joignait ordinairement à cette dignité celle de chef des troupes de la république en temps de guerre. Il fut d'abord nommé à vie, mais le brave Avoyer de Gundolfingen, qui mourut les armes à la main sur le champ de bataille de Sempach, en défendant sa patrie, conseilla en expirant à ses concitoyens, de borner à une année la durée de la présidence civile et militaire de la république, et l'on se conforma dès-lors à ce vœu patriotique. L'assemblée générale des citoyens s'était cependant réservé le droit de conclure, conjointement avec les conseils, la guerre, la paix et les alliances, celui de délibérer sur les aliénations ou acquisitions de domaines de l'état, sur la levée de nouveaux impôts et sur la confection des lois générales.
Personnage au drapeau en partie calciné
Lucerne - Suisse - Mai. 2008 - Num 10mpx - canon400da_5654- 9 - La bannière du comté de Willisau portée par un guerrier armé de toutes pièces.
Le comté de Willisau, aujourd'hui l'un des plus grands et des plus beaux districts du canton de Lucerne, fut jadis, ainsi que la plus grande partie de l'Helvétie, soumis à la domination des Romains, puis à celle des rois des Francs, sous lesquels il faisait partie de la petite Bourgogne ou Bourgogne transjurane. Sous l'empire germanique, qui leur succéda dans cette possession, il fut régi sous le titre de fief héréditaire par des comtes ou des ducs, grands vassaux de l'empire. Les plus anciens qui soient connus, étaient de la maison de Méran alors très puissante et très riche en Souabe, mais éteinte depuis plusieurs siècles. Déjà en 1082, les Comtes de Zehringen leur succédèrent par droit d'héritage. Ceux-ci s'étant éteint à leur tour en 1262, le comté de Willisau parvint de la même manière aux comtes de Kybourg, qui bientôt après s'éteignirent aussi et laissèrent leur succession en 1273 au comte Rodolphe de Habsbourg, qui devint ainsi l'un des seigneurs les plus riches et les plus puissants de l'Helvétie. Ayant été élu empereur d'Allemagne, il céda la province dont nous parlons, à son petit-fils le malheureux duc Jean de Souabe, surnommé le parricide, parce qu’aigri contre son oncle l'empereur Albert, qui lui retenait injustement son héritage, il l'assassinat. Ses biens ayant été confisqués, tombèrent en partage aux fils de sa victime. Cependant suivant le système féodal de ces temps-là, Willisau avait aussi ses propres comtes, qui en étaient investis, comme feudataires des grands vassaux de l'empire. C'est ainsi qu'il fut possédé par les comtes de Vallengin et Neufchatel, dont la race se fondit dans celle des comtes d'Arberg, qui le conservèrent pendant 2 siècles. Pendant la guerre des Suisses contre le duc Léopold d'Autriche, ces seigneurs ayant pris parti pour ce dernier, Willisau fut enveloppé dans cette querelle, qui lui était étrangère, exposé à de fréquentes invasions et enfin pris par les Bernois, qui cependant après la paix survenue en 1389, le rendirent à la comtesse Jeanne d'Arberg, veuve du comte Jean III et à ses enfants.
Cependant cette princesse privée des secours et de la protection de l'Autriche, dont le pouvoir en Helvétie tendait à sa fin, craignant le voisinage des nouvelles républiques de Berne et de Lucerne déjà très puissantes, ne crut pouvoir se maintenir dans la possession tranquille de cette petite province ruinée par la guerre et elle se décida à la vendre. Lucerne se présenta comme acquéreur et obtint d'autant mieux la préférence sur Berne, que la comtesse lui devait de fortes sommes d'argent. Le marché fut conclu en 1407 pour 8000 florins d'or, somme assez considérable dans ce temps-là. L'empereur Sigismond confirma non seulement cette transaction, mais transmit aussi à la ville de Lucerne tous les droits de féodalité que les comtes d'Arberg y exerçaient en qualité de vassaux de l'Autriche.
Le comté de Willisau fut dès-lors gouverné par un bailli, nommé par le grand conseil de la république, renouvelé tous les 4 ans et résidant au château des anciens comtes dans la petite ville de Willisau. Une partie des dîmes de Willisau fut assignée au grand hôpital de Lucerne. Pour faire jouir aussi ses nouveaux sujets de la liberté, qu'elle avait nouvellement acquise elle-même, la commune de Lucerne leur concéda plusieurs franchises, abolit plusieurs redevances prélevées par les comtes et donna même à la ville de Willisau la basse juridiction sur une grande partie du nouveau district. L'origine de cette petite ville et l'époque de sa fondation ne sont pas connues. On sait seulement qu'elle existait déjà dans le 12ème siècle et qu'elle fut plusieurs fois pillée, incendiée et ravagée dans les guerres, dont l'Helvétie fut trop souvent le théâtre.
Personnages portant une bannières - reste du tableau calciné
Lucerne - Suisse - Mai. 2008 - Num 10mpx - canon400da_5653- 10 - Le château fort et la petite ville de Rottenburg avec trois figures armées, dont l'une porte la bannière du bailliage.
Le nom de Rottenburg parait déjà dans les plus anciens documents des annales de la Suisse. L'un de ses seigneurs, Arnold était revêtu en 1150 de la dignité de Dapifer, c’est à dire grand maitre de la maison de l'empereur. Plusieurs autres furent dans la suite protecteurs du couvent du Hof à Lucerne. La ville était entourée de murailles et de fossés et protégée par un château fort assez considérable, situé dans son voisinage. C'est pourquoi elle est nommée castrum Rottenburg. D'après un document de l'an 1240, elle jouissait, ainsi que d'autres villes municipales de la Suisse, de quelques immunités, mais ce qui lui donnait le plus d'importance, c'est qu'étant une place frontière du territoire Lucernois, elle était le siège de la douane, où les marchandises venant par le St. Gothard et transportées de Lucerne dans l'étranger, payaient le péage. Ce revenu appartint en premier lieu aux abbés de Murbach qui l'amodièrent aux seigneurs de Rottenbourg et lorsque ceux-ci se trouvèrent en 1293 dans la nécessité de vendre leurs droits et leurs possessions aux ducs d'Autriche, il fut perçu par les baillis de cette puissance, qui gouvernèrent en son nom cette partie de la Suisse. L'arbitraire que les employés se permettaient dans la perception de ce péage, qu'ils voulurent porter en 1384, à un taux plus élevé, fut une des causes les plus marquées de la révolte des Lucernois contre leurs souverains, et des longues guerres qui s'en suivirent.
On verra plus bas le sort qu'éprouva cette petite ville sous Herrmann de Grunenberg, dernier bailli Autrichien qui la gouverna et comment ses fortifications furent détruites. Elle a fait depuis-lors partie du canton de Lucerne, avec le district qui en dépendait.
Restes calcinés du 11ème tableau, après l'incendie du 18 août 1993
Lucerne - Suisse - Mai. 2008 - Num 10mpx - canon400da_5652- 11 - La vallée dEntlibuch avec ses villages et sa bannière.
La vallée d'Entlibuch ainsi nommée du torrent de l'Entlé, qui la traverse, a 8 lieues de long et de 2 à 4 lieues de large. Située entre de hautes montagnes pittoresques et fertiles, elle est habitée par une peuplade alerte, et robuste. Les anciennes annales indiquent les barons de Grunenberg, résidant au château de Wollhausen au débouché de la vallée, comme les premiers seigneurs de cette contrée, qu'ils possédèrent jusqu'en 1299. Une nombreuse noblesse, qui y résidait dans plusieurs châteaux et qui y avait des domaines, y exerçait sous eux une autorité subordonnée. Cependant les ducs d'Autriche fidèles à leur système d'agrandissement, cherchèrent aussi à étendre leur puissance de ce côté-là, et surent engager le baron Jean de Wollhausen en 1313, à soumettre sa seigneurie à leur fief, sous condition de déchéance au défaut d'enfants mâles. Le cas étant arrivé peu de temps après, la maison d'Autriche posséda quelques temps la vallée d'Entlibuch, jusqu'à ce que le duc Léopold en investît son favori Pierre de Thorberg, contre une somme d'argent. Mais les habitants de la vallée, mécontents de la sévérité de leur nouveau seigneur, lui remboursèrent cette somme et s'affranchirent ainsi de ce joug odieux avec l'autorisation de l'Autriche, qui s'engagea par un document de l'an 1358 à ne plus remettre la contrée sous une pareille hypothèque et à respecter ses anciennes droitures. Cette promesse ne fut pas tenue ; la vallée d'Entlibuch fut bientôt trafiquée à de nouveaux seigneurs et exposée à toutes espèces de vexations. Enfin les habitants cherchèrent à s'en affranchir à jamais, en se mettant sous la protection de la ville de Lucerne, qui la leur accorda et les incorpora à sa nouvelle république. La querelle qui s'ensuivit entre celle-ci et les seigneurs de Grunenberg, dont les châteaux furent détruits, contribua aussi à allumer la guerre entre le duc Léopold d'Autriche, et les Suisses. La paix ayant été conclue après la défaite de celui-ci sous les murs de Sempach, l'Autriche céda en 1405 toutes ses prétentions sur la contrée d'Entlibuch et tous les droits qu'elle y possédait, aux Lucernois, toutefois contre une somme de 3000 florins d'or. Ceux-ci se hâtèrent de concéder à leurs nouveaux ressortissants tous les impôts et redevances, auxquels ils avoient été assujettis sous leurs anciens seigneurs, et ne réservèrent que le droit de leur demander des secours en hommes et en argent en cas de besoin. Dans la suite on leur accorda d'autres franchises, dont ils jouissaient sous l'inspection d'un bailli délégué par les conseils de Lucerne et renouvelé tous les deux ans.
Les habitants d'Entlibuch avoient leur code de lois particulier, que Lucerne avait confirmé et sous lequel ils administraient eux-mêmes la basse juridiction et leur économie intérieure avec de certaines restrictions. Cependant ce peuple inquiet se souleva quelque fois dans les derniers siècles, mais il fut facilement réduit à la tranquillité et à l'obéissance. Cette vallée n'était jadis habitée que dans la plaine ; peu-à-peu les épaisses forêts qui couvraient les flancs de ses montagnes et lui donnaient un aspect sombre et sauvage, furent extirpées et transformées en terrains cultivés. Aussi la population s'y augmenta tellement, que dans l'espace d'un siècle elle s'accrut de 7470 individus. Elle montait en 1754 au nombre de 11,120 âmes et s'est encore augmenté depuis-lors. L'Entlebuch contient 8 paroisses et plusieurs beaux villages. Il était divisé en 3 districts, dont le bourg de Schüpfen était le chef-lieu commun et sert encore de résidence au bailli Lucernois. C'est là que l'on conservait dans une vieille tour les bannières, les archives et les documents publics de cette intéressante contrée. L'église de la paroisse de Romoos fondée par les barons de Wollhausen est la plus ancienne de la vallée et date de l'an 1084. Plusieurs autres, richement dotées ont été rebâties dans les derniers siècles.
A voir aussi :
Lucerne en 1830
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Les lutteurs de l'Entlibouch
Le mont Pilate
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Le Lion de Thorwaldsen
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Le canton de Lucerne
vers 1830
Histoire de la Suisse
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