Gravure et texte extrait de "La Suisse pittoresque"
ouvrage édité vers 1830, d'Alexandre Martin,
Nous sommes ici dans les hauteurs de Lucerne, qui se cache à droite, au bout du lac des quatre cantons.
Cette gravure fait partie de la descritption du canton de Lucerne vers 1830 ,
ainsi que la promenade photographique réalisé en 2008 et 2009
Il est possible de voir cette illustration en vue simple dans l'article du canton de Lucerne.
Le mont Pilate. — De toutes les montagnes du canton, la plus remarquable est le mont Pilate qui lui sert de limite du côté du canton d’Unterwald. Ce mont colossal et majestueux, dont la base septentrionale se rapproche de la ville de Lucerne,est élevé de 6,906 pieds au-dessus de la mer. On le nomme en latin mons pileatus, à cause d’un petit nuage en forme de chapeau, qui couvre ordinairement sa cime, lorsque le temps est beau.
Les fables qu’on débitait sur le Pilate, accréditées par plusieurs siècles de superstition, étaient cause que nul étranger ne pouvait visiter cette montagne sans une permission écrite du magistrat de Lucerne, et sans avoir promis préalablement de ne point profaner le lac, soit en y jetant des pierres, soit en provoquant le mauvais génie qui l’habitait. Les bergers qui séjournaient durant l'été dans les pâturages voisins, prêtaient chaque année le serment de n’y conduire aucun étranger, et de n’en indiquer le chemin à personne. Un huissier allait, tous les printemps, signifier cet ordre aux montagnards et recevait, pour salaire, un florin d’empire. Quelquefois même on mit en prison des voyageurs assez téméraires pour gravir le Pilate sans permission. Il existe, un acte public, daté de l’année 1307, au sujet de sept prêtres arrêtés sur le chemin de la montagne. Stumpf, dans sa chronique, et Vadian, dans son commentaire sur Pomponius Méla, parlent d’individus qu’on aurait fait mourir pour avoir transgressé cette défense
« Un peu au-dessus du Pilate, dit ce dernier écrivain, est un petit lac, ou plutôt un marais auquel on a donné le nom de Pilate. Si l’on y jette à dessein quelque pierre, il manifeste son courroux par d’horribles tempêtes. Des paysans qui ont osé provoquer ce mauvais génie, ont été soudain mis à mort. »
Après que la réformation eut commencé à éclairer les esprits, ces fables perdirent de leur crédit, et il ne fut plus besoin de permission pour visiter le mont Pilate. Mais le peuple tenait encore à ses vieux préjugés, et des faits seuls pouvaient le désabuser. En conséquence, Jean Mülier, curé de Lucerne, d’accord avec les magistrats, monta au lac, en 1585, suivi d’un grand cortège de curieux et des pâtres du voisinage. Il jeta, en leur présence, dans les eaux, des pierres et des branches d’arbre, et provoqua le démon, en lui criant : « Pilate, jette ton limon ! ...» invocation qui devait, à coup sûr, allumer le courroux du Génie du lac. Il fit plus, il ordonna à un paysan d’entrer dedans, de le traverser en tous sens ; et, au grand étonnement des bergers épouvantés, le ciel resta serein ; il n’y eut ni orage, ni inondation. Pour effacer jusqu’au dernier vestige de cette fable, Jean de Müller obtint des magistrats qu’on ferait couler toutes les eaux du lac, et qu’on le mettrait à sec. Cette opération fut commencée en 1594; des obstacles divers ont empêché de la terminer.
A voir aussi, dans les pages suivantes,
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