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Châteauroux, vers 1850
gravure extraite du plan de l'Indre - Vuillemin - 1851
(collection personnelle).
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Texte de A. Chenu de Pierry,
Châteauroux, sur la rive gauche de l’Indre, au milieu d’une plaine immense dont le sol varie, suivant qu’on s’approche ou qu’on s’éloigne de la rivière, ici sablonneux et aride, là verdoyant et fertile, est une de ces villes que le commerce et l’industrie de notre âge transforment sensiblement. Ses anciennes maisons, petites, irrégulières et sombres, font place à des constructions plus commodes et de meilleur goût ; ses rues étroites, tortueuses et mal pavées, s’élargissent, se dressent, s’aplanissent, grâce aux soins persévérants de ses édiles. Le goût du luxe, introduit par l’aisance que le commerce y répand, et les besoins d’une population toujours croissante l’emportent enfin sur la lenteur, l’esprit de routine et l’apathie qu’on a souvent reprochés aux habitants du Bas-Berry. À l’une des extrémités de la ville, s’élève, sur une éminence, l’ancien château dont les fortifications, assez bien conservées, dominent tous les édifices : on en a fait la maison commune. L’hôtel de la préfecture, bâtiment moderne, une salle de spectacle et deux églises, méritent à peine un coup d’œil en passant : c’est à l’extérieur de la ville que doit se fixer l’attention. Des promenades qui l’environnent, on aperçoit, çà et là, de charmantes habitations, des filatures et des fabriques de draps, que les belles laines, dont le pays abonde, ont fait multiplier. La fabrique de M. Muret de Bord, dite Château-du-Parc, se fait remarquer entre toutes : ses produits et ceux de la filature de MM. Godard, ont figuré avec distinction à toutes les expositions de notre industrie nationale. On divise en deux classes les draps de Châteauroux : la première comprend des étoffes qui ont de l’analogie avec les draps d’Elbeuf et conviennent aux personnes aisées ; celles de la seconde sont spécialement destinées à l’habillement des troupes et des artisans. L'activité de tous ces établissements industriels, favorisée par un comptoir de la Banque de France, contraste singulièrement avec l’immobilité de mœurs et d’habitudes qui donne à la plupart des villes de province une physionomie si morne et si triste. La ville de Châteauroux, la seconde du Berry par sa population et la première par son commerce, est fille d’un bourg bâti sur l’autre rive de l’Indre, à une demi-lieue de ses murs. Ce bourg, où l’on voit encore une belle église et des ruines imposantes, portait sous les Romains, au Ve siècle, le nom de Vicus Dolensis, dont on fit, au moyen âge, Déols ; on l’appelle aujourd’hui Bourgdieu. Le bienheureux Lusor (Lusorius, nommé dans le pays saint Ludre), y fut inhumé dans un tombeau magnifique, au rapport de Grégoire de Tours. Lusor était fils de Léocade, de ce sénateur romain dont le palais, à Bourges, servit à établir la première église du Berry. Il n’en a pas fallu davantage pour faire conclure à quelques auteurs que le château de Déols avait été le séjour de prédilection de Léocade ; et La Thaumassière, d’après Jean de La Gogue, Chaumeau, Péan et autres historiens de la province, a prétendu même que les seigneurs de Déols descendaient en droite ligne de cet homme puissant. Nous prendrons les choses de moins haut.
Lorsque Charlemagne fit à ses officiers la distribution d’une partie des terres du Berry, Déols et son territoire devinrent le lot d’un de ces vassaux de la couronne (vassi dominici). Telle est l’origine des seigneurs de la principauté Déoloise. Soumis, dans le principe, à la puissance immédiate du roi, ou à l’autorité des comtes de Bourges, ils figurèrent ensuite au rang des plus grands personnages de la province ; on les vit, à l’époque des usurpations féodales, se qualifier princes du Bas-Berry et marcher les égaux des comtes de Sancerre. Le premier de ces seigneurs qui nous paraisse digne de mention est Ebbon le Noble, contemporain du roi Charles le Simple. Ebbon, à l’exemple de Guillaume le Pieux, comte d’Auvergne et de Berry, fonda sur la rive droite de l’Indre un couvent de moines de l’ordre de Saint-Benoît-d’Aniane, dont le fameux Bernon, abbé de Cluny et père de presque tous les monastères d’Aquitaine, prit d’abord la direction. Les moines firent à leur bienfaiteur une grande réputation de générosité et de magnificence : son nom parvint en Bretagne, que les Normands désolaient alors ; et bientôt des religieux de Saint-Gildas-de-Ruis et de Locmenech, échappés à la fureur des Barbares, se présentèrent devant lui, pour le prier d’accorder un asile aux reliques de leurs couvents. Touché de leur infortune, Ebbon fît d’abord réparer quelques constructions abandonnées dans la vallée de l’Indre, un peu au-dessous de son monastère de Déols, et les y logea provisoirement. Deux ans plus tard, un couvent dédié à saint Gildas s’élevait pour eux dans une petite île formée par les eaux de la rivière (922). Ebbon eut bientôt affaire aux Normands. Il convoqua, sans délai, ses vassaux répandus entre le Cher, la Gartempe et l’Anglin, et marcha droit aux barbares. La rencontre eut lieu sous les murs de Châtillon-sur-Indre, aux frontières de la Touraine. L’ennemi mis en déroute s’enfuit jusqu’à Loches, où le roi de France s’apprêtait à combattre l’armée entière de ces pirates campés dans les environs. Ebbon partagea avec le roi l’honneur d’une seconde victoire ; mais, trop acharné à la poursuite des vaincus, il tomba frappé d’un coup mortel, après les avoir contraints à repasser la Loire. Transporté à Orléans, il y expira presque aussitôt, recommandant ses protégés de Déols et de Saint-Gildas à Géronce, son oncle, et à Laune, son neveu, tous deux plus tard archevêques de Bourges et qui avaient vaillamment combattu à ses côtés. Raoul, fils d’Ebbon, marcha sur les traces de son père et mérita, par ses largesses envers l’Église, le surnom de Largua. Après avoir mis la dernière main à Saint-Gildas et cédé aux moines de Déols le château de ses pères, avec les champs, les prés, les vignes, les villages et les habitants d’alentour, il se retira sur la rive gauche de l’Indre, où l'on achevait pour lui une splendide habitation féodale. Ce manoir fut appelé Château-Raoul, du nom de son fondateur : un groupe de maisons se forma au pied de ses murs et s’étendit rapidement. En 951, les Hongrois venant d’Italie envahirent l’Aquitaine première et poussèrent leurs incursions jusque dans la principauté Déoloise, où ils répandirent un tel effroi que plusieurs habitants et les moines de Strade, qui vivaient à l’extrémité occidentale des terres de Raoul, se réfugièrent dans la citadelle de Loches. Raoul le Chauve succéda à Raoul le Large et prit le titre de baron de Château-Raoul. L’abbaye de Déols continua à prospérer sous sa protection : le pape Jean XIII la déclara, en 968, franche et quitte de toute dépendance ; de celle des enfants du fondateur, aussi bien que de l’archevêque de Bourges et du roi lui-même. Les moines, si parfaitement libres, tenaient sous le joug un nombre considérable de familles : à tel point que lorsqu’un garçon de Déols épousait une fille de Saint-Gildas, les deux maisons stipulaient que les enfants issus de ce mariage seraient partagés entre elles, comme le produit d’un troupeau commun. Les barons de Châteauroux finirent par regretter les libéralités de leurs ancêtres et envier les immunités du couvent ; ce sentiment les fit attenter, soit à sa fortune, soit à ses privilèges : il en résulta des troubles qui mirent en émoi toute la province et dans lesquels la cour de Rome intervint quelquefois. Eudes l’Ancien, fils de Raoul, se rendit très redoutable ; il était doué d’une grande bravoure et disposait de troupes nombreuses. Il soutint avec succès la guerre contre tous ses voisins, contre le roi de France lui-même, Robert le Pieux (1020), et attaqua ensuite Argenton. Cette place avait beaucoup d’importance, non-seulement par la force de ses murailles, mais encore par sa position géographique. Située sur la rivière de Creuse, près des frontières de la Marche, elle commandait une voie romaine qui, partant de Nantes et conduisant, d’un côté à Bourbonne-les-Bains et à Decize, par Bourges, et de l’autre à Neris, par Châteaumeillant, mettait en communication l’occident et l’orient de la France. Waïfer, duc d’Aquitaine, au milieu de ses luttes terribles contre Pépin le Bref, détruisit Argenton de fond en comble, de peur que cette place ne tombât entre les mains de son ennemi ; le prince Frank se hâta de la relever, dès qu’il se fut emparé du Berry. Il mit tous ses soins à la rendre imprenable, et en confia la garde à l’oncle de Waïfer, Remistan, dont nous connaissons la fin tragique à Saintes. Giselar, son successeur dans le gouvernement du pays frontière, établit également sa résidence à Argenton. Cette ville eut d’abord des seigneurs qui relevaient des comtes de Limoges ; ils étaient avoués de Saint-Benoît-du-Sault, et leurs vassaux marchaient sous la bannière de l’abbaye. En 1020, Eudes l’Ancien conçut le projet de s’en emparer ; il s’y ménagea des intelligences, et s’en saisit autant par adresse que par force. Ainsi tombée entre les mains des seigneurs de Châteauroux, elle subit les vicissitudes des guerres dont le Bas-Berry fut le théâtre au moyen âge. Eudes joignit l’enthousiasme religieux au courage militaire. En 1027, il partit pour la Terre-Sainte, en compagnie de Richard, abbé de Déols. Assailli, à son retour, par une furieuse tempête, il invoqua les saints dont les reliques reposaient à Saint-Gildas, et attribua à leur intercession le calme qui suivit. Sa reconnaissance se manifesta, depuis, par de nouvelles libéralités envers le couvent. De son temps, une querelle sanglante s’éleva entre les populations séparées par le Cher ; elle eut pour cause première la possession de Châteauneuf, que se disputaient les barons de Châteauroux et les vicomtes de Bourges. Ebbes, fils d’Eudes, fut tué par le vicomte Geoffroy : cette catastrophe devint le signal d’une guerre générale (1033). Eudes, à la tête de ses vassaux, livra bataille à Geoffroy et à Aimon, archevêque de Bourges, lequel, on ne sait pourquoi, faisait cause commune avec le vicomte. A la vue du baron du Châteauroux, l’ennemi, frappé d’une terreur panique, prit la fuite et se précipita dans la Creuse, « où l’on trouva le lendemain, dit le chroniqueur de Déols, plus de mille cadavres, sans compter ceux que le glaive avait moissonnés. » Raoul le Prudent, autre fils d’Eudes, s’empara du château, objet du conflit qui avait jeté le deuil dans sa famille. Est-ce par suite de cette longue contestation qu’en 1152, le roi Louis le Jeune brûla La Châtre et Châteaumeillant, et que, de son côté, le baron incendia Cluis, comme nous l’apprend la chronique de Déols ? Nous lisons dans cette même chronique, que Châteauroux avait été la proie des flammes, en 1088 ; mais elle n’explique pas si ce fut par un accident ou par la vengeance d’un vainqueur impitoyable. Quelques années après ces événements, le pape Pascal II vint à Déols (1107). L’abbaye fut encore honorée, en 1163, de la présence d’un pape et d’un grand roi ; Alexandre III y passa tout un hiver, et Henri II, roi d’Angleterre, lui rendit visite. « Le monarque, dit la chronique, se prosterna humblement devant le pontife ; mais, après le baisement des pieds et l'oblation de présents en or, il fut admis à l’embrasser. Un siège lui ayant été offert, il le refusa. Il voulut s’asseoir par terre, en signe d'humilité, et forma avec ses barons, tous dans celte humble posture, un cercle autour des pieds du pape. Henri fit de larges dons au pontife, et se retira fort satisfait de cette entrevue. » Raoul VI ne laissa qu’une fille en bas âge, nommée Denise, qu’il avait eue de son mariage avec une fille naturelle de Geoffroy Plantagenet. Le père, avant de mourir, en confia la tutelle à Henri II, dont il s’était fait complaisamment le feudataire ; mais les seigneurs berruyers de la famille mirent la main sur les biens du défunt, et répondirent aux sommations de l’Anglais en fortifiant leurs châteaux. Le baron de La Châtre enleva Denise et la conduisit dans le sien. « A cette nouvelle, dit Benoît de Peterborough, Henri ordonna à son fils aîné de réunir une armée et de s'emparer de la terre de Raoul de Déols. Le jeune prince, obéissant sans différer, entra dans le Berry. » Un nouveau conflit ne se fit pas longtemps attendre : Philippe-Auguste tentant une diversion dans le Bas-Berry, pour appuyer le duc de Toulouse, son allié, vint investir Châteauroux (1187). A son approche, les portes avaient été fermées, et les jeunes gens s’étaient élancés sur les remparts. Tandis qu’on se battait de deux côtés avec fureur, Henri II et Richard arrivèrent, suivis de troupes nombreuses ; ils dressèrent leurs tentes non loin du camp du roi de France, et lui écrivirent pour le sommer de renoncer à son entreprise. Toutefois les deux armées n’en vinrent pas aux prises, un traité de paix conclu entre leurs chefs ayant amené la cessation des hostilités. En 1188, Philippe-Auguste conquit rapidement Châteauroux, Buzançais, Culan, Levroux el Argenton, places fortes inféodées aux princes de Déols. Il fit prisonnier Baudouin de Rivers, que Henri avait donné pour époux à Denise. Richard Cœur-de-Lion ramena sur ce théâtre ses troupes, occupées d’un autre côté. Cependant il ne combattit pas encore en personne les troupes du roi de France. Les armées des princes rivaux ne se signalèrent que par la dévastation des campagnes, le sac et l'incendie des églises, des villes et des villages. La perte de Châteauroux, dont on dit que Henri II avait eu comme la révélation, dans une chapelle où il était en prière, le fit tomber dans un sombre chagrin et contribua à abréger ses jours. Après sa mort, un nouveau traité fut signé entre Richard Cœur-de-Lion, son successeur, et Philippe-Auguste. Ce traité portait que le roi de France retiendrait et garderait toutes ses conquêtes, notamment celles qu’il avait faites en Berry (1189). On doit rapporter à cette époque le mariage de Denise de Châteauroux avec André de Chauvigny. Elle était devenue veuve, soit par la mort de Baudouinde-Rivers, son premier mari, soit par un divorce. André fut la tige d’une maison célèbre, non-seulement dans la province, mais encore dans tout le royaume. C’était un rude chevalier dont la grossièreté égalait la vaillance. La croisade que Philippe et Richard avaient entreprise de concert, donna quelque repos au Berry ; mais le retour de ces deux princes fut signalé par de nouvelles guerres, dont la principauté Déoloise souffrit cruellement (1195). En définitive, Richard se reconnut vassal de Philippe, et obtint, en échange de ce sacrifice d’amour-propre, les fiefs situés à la gauche du Cher. La seigneurie de Châteauroux rentra, cinq ans plus tard (1200), sous la domination de la France, en vertu d’un traité conclu par Philippe-Auguste avec Jean-sans-Terre ; ce qui n’empêcha pas le monarque anglais de faire, quelque temps après, des incursions dans le Bas-Berry où il surprit Déols. Depuis la bataille de Bouvines jusqu’à l’époque de guerres funestes entre les premiers Valois et les rois d’Angleterre, la baronnie ne fut troublée que par des dissensions intérieures ; d’abord ce fut l'émancipation des communes. A Châteauroux, elle se termina seulement en 1208, au moyen d’une transaction entre les bourgeois et Guillaume Ier, fils d’André de Chauvigny. Ce baron devint suspect à Philippe-Auguste, puisque le monarque l’obligea non-seulement à lui prêter un serment personnel, mais encore à faire jurer aux habitants de ses terres qu’ils se tourneraient contre leur seigneur, dans le cas où il s’écarterait des devoirs d’un fidèle vassal de la couronne de France. On peut conjecturer que l’événement justifia la défiance de Philippe, et que le baron de Châteauroux entra dans la ligue dissipée par la prudente fermeté de Blanche de Castille ; car la chronique de Déols nous apprend que ses domaines, confisqués sans doute par le roi, furent rendus à Guillaume II, fils et héritier de Guillaume Ier. Guillaume II, fidèle à Saint Louis, le suivit dans sa malheureuse expédition d’Afrique, en compagnie d’Eudes, cardinal de Châteauroux, que Louis appelait l’homme de son cœur. Guillaume III, d’humeur chagrine et querelleuse, fut en guerre avec tout le monde : le roi le fit enfermer dans la tour d’Issoudun, pour le punir d’être entré à main armée dans une maison du sire de Culan, et d’en avoir brisé la porte. Guillaume, à peine libre, se mit à altérer les monnaies pour payer l’amende à laquelle il avait été condamné, et poussa même les choses si loin, que les pièces frappées à Châteauroux n’eurent plus cours dans les pays limitrophes. Il épousa, en secondes noces, une femme dont le caractère était encore plus aigre que le sien. La discorde entra avec elle dans la famille. Bientôt la maison paternelle devint un séjour insupportable pour les enfants du premier lit. Ils la quittèrent clandestinement et s’enfermèrent dans la tour de Vovillon, voisine de Châteauroux, d’où ils ne cessèrent de faire des courses sur les terres de la baronnie. Guillaume, voulant mettre fin à ces querelles, céda l’administration des biens de sa maison à son fils aîné, André de Chauvigny. Celui-ci soutint avec énergie les droits de Philippe de Valois contre les prétentions d’Édouard III. Robert d’Artois, seigneur de Meheung-sur-Yèvre, ayant cherché vainement à l’entraîner dans sa rébellion, détermina le prince Noir, quand la guerre eut éclaté entre les deux couronnes, à diriger ses premiers efforts contre Châteauroux. Une partie de la population se dispersa dans les bois, à rapproche des Anglais, et la jeunesse, sous la conduite du fils de son seigneur, s’enferma dans le château. Édouard fit sommer ces braves gens de se rendre, cherchant à les intimider par les plus terribles menaces ; mais les trouvant inébranlables, et jugeant qu’un assaut pourrait tourner à sa confusion, il fit sonner la retraite après avoir brûlé la ville. André de Chauvigny se rendit alors à Chartres, au camp du roi Jean, avec toute la population virile des terres de sa famille (1356). Il périt, avec la plupart des siens, à la bataille de Poitiers. En 1359, Guy de Chauvigny, baron de Châteauroux, tomba sur le chemin de Bourges entre les mains de Robert Knolles, qui parcourait le Bas-Berry à la tête d’une troupe de routiers, et demeura son prisonnier jusqu’à ce qu'il lui eût payé une rançon de deux cent mille livres. Peu de temps après (1360), la ville faillit être surprise par un capitaine de routiers établi à Buzançais, château bâti sur l'Indre, à quelques lieues au-dessous de Saint-Gildas. Un certain Oweres, autre capitaine anglais, qui, depuis le traité de Brétigny, était reçu dans la famille du baron, voulut livrer la forteresse à son compatriote. Mais l’entreprise fut découverte, et le vicomte de Villemure, tuteur des enfants de Guy Ier, fit jeter les traîtres dans les fossés de la place. Ce vicomte dilapidait les biens de ses pupilles : des serviteurs de leur maison lui enlevèrent adroitement leur jeune seigneur Guy II, et firent déclarer la ville et la garnison du château contre l’ambitieux tuteur. Guy II partagea, avec ses vassaux, les travaux et la gloire de Du Guesclin, qui l’arma chevalier. Tandis qu’il gagnait des villes au roi de France, le grand sénéchal de Poitou et plusieurs seigneurs du parti anglais, réunis à Poitiers, firent irruption sur le territoire de Châteauroux (1369). La maison de Chauvigny s’éteignit dans la personne d’André III, en faveur duquel Charles VIII avait érigé la baronnie en comté (1497). Au XVIe siècle, la majeure partie des biens de cette illustre famille échut à Hardouin de Maillé-de-Ia-Tour-Landri et à Françoise d’Aumont, enfants de Henriette de Chauvigny, tante d’André III (1502). Une rue de Châteauroux eut alors deux propriétaires. Cette rue, appelée de l’Indre, constituait à elle seule une baronnie ; elle faisait partie du comté de Blois, dont elle suivait la coutume, tandis que le reste de la ville était régi par celle du duché de Berry. Les seigneurs n’en avaient permis la construction à leurs vassaux, qu’en les grevant de redevances onéreuses. Guillaume Ier leur en avait fait abandon, et un usage singulier s’était établi en mémoire de cet affranchissement. Chaque année, le jour de la Pentecôte, la femme mariée le plus récemment en secondes noces, parmi les habitants de la rue, se présentait en grande pompe devant la porte du château, ayant sur la tête un pot garni de roses et orné de rubans : là, le seigneur, ou son représentant, brisait le pot encore posé sur la tête de l’épousée. Cette cérémonie s’est pratiquée jusqu'à la Révolution. La seigneurie étant ainsi divisée, il y eut deux années parallèles de barons de Châteauroux : celle des d Aumont et celle des Maillé. Charles IX l’érigea de nouveau en comté (1573), en faveur du brave maréchal d’Aumont, lequel servit avec éclat sous cinq rois. Henri III accorda également le titre de comte à François de Maillé-de-la-Tour-Landri. En 1612, Antoine d’Aumont, petit-fils du maréchal, vendit sa part à Henri II, prince de Condé, qui, l'année suivante, acquit l’autre moitié de Jean de Maillé. Enfin, en 1616, les deux seigneuries furent ensemble érigées en duché-pairie, avec union des baronnies de la rue de l’Indre, de Bourgdieu, de La Châtre, etc., en faveur de Henri de Bourbon, prince de Condé. Le nouveau propriétaire jeta d’abord un regard de convoitise sur l'abbaye de Déols, soumise depuis plus de deux cents ans à des abbés commendataires, la plupart princes de l’Église. La vie dissipée des moines était un objet de scandale public ; le prince fit exprès un voyage à Rome et obtint leur sécularisation. Les revenus du monastère furent désormais confondus avec ceux de Châteauroux ; en 1623, Saint-Gildas éprouva le même sort : Condé mit la main sur ses revenus, et fit substituer à ses moines des chanoines réguliers. Par ces confiscations déguisées, les ducs de Châteauroux avaient acquis cinquante mille écus de rente en fonds de terre, et près de deux mille fiefs en Bas-Berry. Aussi, durant les troubles de la Fronde, lorsque le grand Condé fut arrêté, les habitants de Châteauroux prirent la résolution de fermer leurs portes aux partisans de la cour. Mais le comte de Saint-Aignan, créature de Mazarin, avait eu la précaution d’établir un poste militaire à Bourgdieu : à la première nouvelle du soulèvement, des troupes entrèrent dans la ville et le comprimèrent. Quelques jours après, le gouverneur réunit à Châteauroux tous les prévôts et tous les archers de la province, pour donner la chasse à des espèces de corps-francs qui, sous les couleurs des Condé, couraient les campagnes environnantes, rançonnant les Mazarins et dépouillant les agents du fisc. En 1736, Charles de Bourbon, prince de Clermont, vendit la terre de Châteauroux à Louis XV ; le roi en fit don à Marie-Anne de Nesle, sa maîtresse, qu’il créa duchesse. A la mort de celle-ci, le duché fit retour au domaine. Bibliographie : Ademari Cabanensis chronicon.— Chronicon Dolensis cœnobii, apud Labbeum, nova bibliotheca, M. S. — Dolense chronicon. — Turonense chronicon. — Kemperligiense chronicon. — Gallia Christiana. — L’Astronome, Vie de Louis le Pieux. — Jean de La Gogue, Histoire des princes du Bas-Berry. — Histoire des grands officiers de la couronne. — Dictionnaire de la noblesse.— Froissart. — La Thaumassière. — D'Anville. —D’Alphonse. — Mémorial de Sainte-Hélène.
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