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Les villes à travers les documents anciens

Blois : histoire détaillée

 

La cour du château de Blois vers 1850 -  gravure reproduite etrestaurée numériquement par © Norbert Pousseur
Château de Blois, la cour du château, par Rouargue frères
gravure extraite de l'Album pittoresque du Jardin de la France - Bords de la Loire - 1850
collection personnelle


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Extrait de l'Histoire des villes de France d'Aristide Guilbert -1859
Texte de Louis de la Saussaye

 

 

Des premiers temps au 15ème siècle

Le savant jurisconsulte Dupont donne comme une chose positive, et non contestée de son temps, que Blois fut bâtie par les soldats de Jules César, pendant qu'ils y tenaient leurs quartiers d'hiver. Nous croyons que les Blésois doivent se montrer plus fiers d'être les descendants de ces anciens Carnutes qui opposèrent une si glorieuse résistance à l'invasion romaine. Les noms même de Blois et du Blésois appartiennent à leur langue : Bleiz, Blaiz signifient loup, dans plusieurs dialectes de la langue celtique qui subsistent encore. Le plus ancien emblème de la ville de Blois était un loup, et les Blésois étaient appelés dans les dictons populaires les Loups de Blois. Des inductions fondées sur l'analogie de position de diverses localités gauloises nous portent à penser que, de même que l'île de la Cité fut le premier emplacement occupé par les Parisiens, de même ce fut dans l'ancienne île de Vienne que les Blésois eurent leurs premières demeures. De très anciens monuments historiques font mention de cette île, insula Evenna, dont on reconnaît encore aujourd'hui les limites occidentales dans le nom et la maison d'Aigrefins (Aiguefins, Aquœfines), et dans celui du bourg de Chailles, qui se trouvait alors plus près des grèves, des cailloux du fleuve, ou des chailles, comme on disait anciennement. Dès l'époque gauloise, Blois était peut-être un lieu de passage entre le pays des Carnutes et celui des Bituriges ; il est certain que les Romains, à cause de l'importance de sa position, y construisirent un camp à demeure, castrum stativum, traversé de voies qui suivaient la direction des ponts Chartrains et Saint-Michel. Le castrum de Blois occupait vraisemblablement toute l'étendue d'un mamelon isolé du coteau de la Loire. Une bourgade ne tarda point à se former sur l'emplacement actuel du faubourg de Foix, comme nous portent à le croire un tombeau gallo-romain, des médailles impériales et quelques autres objets d'antiquité qu'on a découverts dans ce faubourg.

Aucun historien n'a parlé de Blois avant l'auteur anonyme de la Vie de Louis le Débonnaire ; il l'appelle Castrum Elesense, dans le récit de l'entrevue que l'empereur eut avec Lothaire, non loin de ses murs, en 833. Blois était alors le chef-lieu d'un pagus de la cité des Carnutes (pagus Blesensis), gouverné par des comtes depuis la fin du VIe siècle. Ce n'est qu'en 834 qu'apparaît dans l'histoire le premier nom connu d'un comte de Blois. Nous n'avons point à nous occuper ici de la succession de ces comtes dont la généalogie a été esquissée dans l'Introduction générale à l'Orléanais. Blois, qui probablement n'était encore qu'une réunion de cabanes de bois, fut brûlé par les Normands en 854 ; la forteresse, bâtie en pierres, échappa à l'incendie. Cependant les agrégations de maisons s'étant multipliées au pied de la forteresse, une ville se trouva formée, au Xe siècle, par la réunion de trois bourgs, qui, en s'étendant, avaient fini par se toucher. Le plus ancien devait être, comme nous l'avons déjà dit, le faubourg du Foix (de Fisco, du fisc ou domaine royal) ; le second s’appelait Saint-Jean-en-Grève, à cause de sa situation sur le bord de la Loire ; le troisième avait reçu de sa position entre les deux autres le nom de Burgus Médius, Bourg-Moyen. Celui-ci fut dans la suite entouré de murailles, qui, en le reliant à la forteresse, enceignirent la ville proprement dite, dont les bourgs du Foix et de Saint-Jean devinrent les faubourgs. Pour ce qui concerne le Bourg-Neuf et le bourg de Vienne, le premier situé dans la ville haute, au-delà de la Porte-Chartraîne, était dans toute sa nouveauté vers la fin du XIIe siècle, comme nous l’apprend une charte de l'année 1190 ; l'autre, bâti dans une île formée par deux bras de la Loire, réunis depuis en un seul, à l’époque de la reconstruction du pont de Blois, n’était point alors considéré comme faisant partie de la ville.

Nous grouperons ici quelques circonstances curieuses, parce qu'elles trouvent naturellement leur place dans les préliminaires de notre notice. Ainsi, on confiait des monnaies mérovingiennes et carlovingiennes frappées dans la capitale du Blésois. Quant à la monnaie des comtes, il est impossible de préciser l’époque de son apparition, le nom d'aucun de ceux de la première dynastie n'étant inscrit sur les pièces venues jusqu'à nous. L'un des côtés représente la croix, commune à toutes les monnaies du temps, et la légende blesis Castro, l'autre, un symbole bizarre sans légende.
En 924, le roi Raoul, à la prière du comte Thibault le Tricheur, accorda aux moines de Saint-Laumer l'église de Saint-Lubin, sise au-dessous du château, avec le faubourg du Foix et ses habitants, serfs de condition, pour aider les moines à construire leur église. Au commencement du siècle suivant, fut fondée par douze prêtres séculiers l'église collégiale de Saint-Sauveur, dans la basse-cour du château (an 1000). Vers la fin du même siècle, des titres mentionnent une chambre autorisée de la connaissance et de la reddition des comptes du domaine de Blois. Une charte datée de 1122 nous apprend, en outre, qu'il y avait alors un Hôtel-Dieu dans cette ville, créé par le comte Thibault le Bon. Plus tard, il est aussi question d'une autre maison de charité consacrée aux lépreux, et sous l'invocation ordinaire de Saint-Lazare. Enfin, en 1256, Jean de Châtillon fonde le Couvent des Cordeliers, et, en 1274, le même comte établit les Jacobins ou frères prêcheurs, sur l'emplacement d'une église paroissiale de Saint-Gervais.

Les premières libertés des Blésois datent du règne de Louis, fils de Thibault le Bon. Par une charte donnée solennellement à Blois, en 1196, le comte Louis affranchit les habitants de la ville et changea le droit de la taille en celui de cinq sols par chaque maison, impôt qu'on appelait le faîtage (fastigium). Les moines de Saint-Laumer n'affranchirent que vers 1224 les habitants du faubourg du Foix, moyennant deux mille livres. Dans une belle charte de confirmation de privilèges, donnée le 15 juillet 1345, par Louis Ier de Châtillon, aux manants et habitants de Blois, assemblés aux halles, on voit que Blois était une de ces villes qui, sans être encore érigées en communes, avaient reçu de leurs seigneurs certaines franchises et certains privilèges. Ce n'est qu'en 1379 que l'existence d'une commune est clairement signalée dans une contestation entre le comte et les habitants, au sujet de la garde des clefs de la ville. Par transaction homologuée au parlement, il fut convenu qu'elles seraient remises entre les mains d'un capitaine, à la nomination des comtes de Blois. Cette ville, en 1388, reçut la visite du duc Jean de Bretagne, qui, sur les instances du sire de Coucy, l'un des plus habiles diplomates du temps, avait accepté la médiation des ducs de Bourgogne et de Berry auprès du roi Charles VI, dans le débat soulevé par la querelle d'Olivier de Clisson avec Jean de Montfort. On passa cinq à six jours en festins et réjouissances ; pendant ce temps, les ducs de Bourgogne et de Berry conduisirent si bien leurs négociations que Montfort se décida à les suivre à Paris, à rendre hommage au roi et à soumettre sa cause au parlement.

Avant le XIe siècle, on ne voit briller sur la capitale du Blésois aucun de ces rares éclairs du savoir qui sillonnèrent les ténèbres épaisses de la monarchie franque. Les Bénédictins de Saint-Laumer y furent, à cette époque, les restaurateurs de la science et de l'art. Tandis qu'ils construisaient le chœur admirable de leur église, leur école ouverte à tous devenait justement célèbre. C'est là que se formèrent Pierre de Blois, Guillaume son frère, Vital, auteur d'une Aulula ria, attribuée à Plaute, et Robert de Blois, qui acquit, au XIIIe siècle, une réputation méritée dans la poésie didactique et le genre du fabliau. Ce mouvement littéraire fut d'ailleurs favorisé par Louis d'Orléans, frère de Charles VI, auquel Gui II, à la mort de son fils unique, Louis de Châtillon, avait vendu le Blé- sois (1391). Louis d'Orléans fit son entrée solennelle à Blois, le 31 août 1403. Prince lettré, comme le roi Charles V, son père, il plaça au château une bibliothèque destinée à devenir célèbre. Valentine de Milan, sa femme, partageait ses goûts littéraires. C’est au château de Blois qu'après l'assassinat du duc, elle vint avec ses enfants ensevelir son désespoir et ses ennuis (1407). Une année de deuil la conduisit au tombeau, à l'âge de trente-huit ans. « Le quatriesme jour de décembre, dit Juvénal des Ursins, mourut de courroux et deuil la duchesse d’Orléans. C’estoit grande pitié d’ouïr avant sa mort ses regrets et complaintes, et piteusement regrettoit ses enfants et un bastard nommé Jean, lequel elle voyoit volontiers, en disant qu'il lui avoit esté emblé (volé) et qu'il n'y avoit aucun de ses enfants qui fust si bien taillé pour venger la mort de son père. » Charles, fils aîné de Louis, devint le chef de la famille d'Orléans, et fut fait prisonnier à la bataille d'Azincourt (1415). Le 5 août 1421, le dauphin, depuis Charles VII, data de Blois des lettres portant ordre aux nobles de se rendre en avant et assembler les autres le plus qu'on pourrait, sous peine de perdre leur noblesse, de voir leurs maisons rasées et leurs biens confisqués.

Cependant les troupes anglaises continuaient d'envahir le territoire français. Dès 1427, on craignait tellement pour la ville de Blois, que les chartes, livres, tapisseries et autres objets précieux renfermés dans le château furent envoyés à la Rochelle. Blois devint place frontière. Le maréchal de Boussac, l'amiral de Culant, La Hire, Xaintrailles, Renaud de Chartres, archevêque de Reims, et un grand nombre de prêtres et de moines des abbayes voisines fuyant devant les Anglais, l'avaient encombrée déjà d'hommes d'armes et de gens d'église, quand Jeanne d'Arc y entra, vers la fin d'avril 1429, aux acclamations de toute cette multitude. Elle fit aussitôt faire un étendard blanc semé de fleurs de lis, portant d'un côté ces mots IHESUS-MARIA, et de l'autre une image du Sauveur assis sur un trône de nuées et ayant à droite et à gauche deux anges en adoration, dont l’un tenait une tige de lis. Jeanne ensuite ordonna tous les jours des processions sous la conduite de frère Pasquerel, son aumônier, marchant au milieu des prêtres, des soldats et du peuple, priant avec une grande ferveur et engageant les hommes d’armes à ne plus jurer et maugréer. Le 28 avril l’armée, qui ne comptait pas plus de six mille hommes, partit pour Orléans. Frère Pasquerel ouvrait la marche portant la sainte bannière et entouré d’un bataillon de prêtres qui chantaient le Veni Creator. Jeanne était tout en blanc, sauf la tête, et montée sur un coursier noir. Derrière elle venaient son frère, armé aussi en blanc ; Guyenne et Ambleville, ses deux hérauts d’armes ; son écuyer, plusieurs pages, et les cinq lances qui formaient son escorte ordinaire. La levée du siège d’Orléans et le sacre du roi à Reims, les deux objets de la mission de Jeanne, n’étaient plus un doute pour personne dans cette petite armée. L'issue de la campagne justifia leur confiance.

Jean, comte de Dunois, exerçait dans le château de Blois le commandement que lui avait donné, en 1431, son frère Charles, toujours captif en Angleterre, quant à l'époque de la Praguerie, le connétable de Richemont venant d'Angers, où était la cour, s'y rendit sans défiance et y trouva réunis Dunois, Bourbon, Vendôme et Chabannes. Ceux-ci cherchèrent par des paroles irritantes à faire perdre patience au connétable, de manière à trouver l'occasion de s’emparer de sa personne ; mais Richemont sut si bien se contenir qu'ils n'osèrent l'arrêter. Gaucourt et Xaintrailles, dépêchés par Charles VII, le rejoignirent bientôt à Beaugency ; le connétable repassa par Blois, mais cette fois-ci ce fut dans un bateau et à la faveur de la nuit (1439). L’année suivante, Charles d'Orléans fut mis en liberté par l'entremise du duc de Bourgogne. Son voyage fut un véritable triomphe jusqu'à Blois, où il alla directement. Il se mêla peu, dès lors, des affaires publiques, et séjourna habituellement dans cette ville, où il vécut entouré d'une cour brillante et polie, occupé de l'administration de ses immenses domaines, de l'embellissement de son château, et surtout de la culture des lettres qui avaient apporté de si douces consolations aux ennuis de sa captivité. La bibliothèque du château fut augmentée d'un nombre considérable de manuscrits rapportés par lui d'Angleterre. Charles transforma cette antique forteresse en un palais riche de toute la somptuosité architecturale de l'Italie, dont le goût avait pénétré déjà en France. Il encouragea en même temps les habitants à bâtir des demeures plus commodes et plus élégantes ; il leur permit de couper dans la forêt de Blois tout le bois nécessaire à ces constructions, aimant mieux, disait-il, loger des hommes que des bestes. Enfin, Jean de Saveuse, son chambellan, édifia l’Hôtel de ville, où se tinrent dès lors les assemblées communales, que l'on convoquait auparavant dans différentes localités et particulièrement dans le beau réfectoire des Jacobins.

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Le château de Blois

Saint-Gelais nous a laissé un tableau naïf de l'éducation que Louis d'Orléans reçut au château de Blois, sous la surveillance de sa mère, Marie de Clèves. Son esprit avait été cultivé dès l'âge le plus tendre : il était très instruit, et, en outre, il excellait dans tous les exercices du corps. En 1483, il commença à figurer dans les affaires du royaume. C'est à Blois qu'il organisa la révolte armée contre la régence d'Anne de Beaujeu : il n'y revint, après sa défaite et trois années de prison, que vers la fin du règne de Charles VIII. A quelque temps de là, dans la nuit, des messagers accouraient lui annoncer la mort inopinée de ce prince (1498). Il partit le lendemain, 8 avril, pour Amboise, afin d'ordonner les obsèques du feu roi, et revint ensuite à Blois, où il reçut les députations du parlement de Paris, les envoyés des villes, les grands seigneurs du royaume, et dit à La Trémoille ces paroles si nobles : Ce n’est pas au roi de France à venger les injures faites au duc d'Orléans. C'est peut-être en mémoire de son avènement à la couronne dans sa ville natale que, par lettres-patentes du mois de novembre 1498, Louis accorda aux habitants de Blois l'exemption des tailles, aides, subsides, solde de francs-archers, huitième du vin qu'ils vendaient de leur cru, etc. ; privilèges confirmés par tous les rois ses successeurs. L'année suivante, il convoqua au château une assemblée de notables pour travailler avec lui à réformer la justice et l'administration générale du royaume. Le résultat de cette réunion fut la fameuse ordonnance en cent soixante-deux articles connue sous le nom d’Ordonnance de Blois, et dans laquelle les abus du système judiciaire sont réformés et les libertés de l’église gallicane garanties. Le 25 avril de la même année, Louis XII signa à Blois un traité d’alliance avec la république de Venise, et partit pour la conquête du Milanais.

Dans les intervalles de repos que lui laissaient ses campagnes, le roi séjourna d’ordinaire à Blois, dont il fit construire le château, dit Jean d’Auton, « tout de neuf, et tant somptueux que bien sembloit œuvre de roy. » Au-dessus de toutes les portes, le porc-épic, son emblème favori, dressait ses longues épines, pacifiques pour l'humble, terribles pour le superbe. L’intérieur de l’édifice était admirable de magnificence. Au mois d’octobre 1501, il y donna l’hospitalité au malheureux Frédéric d’Aragon qu’il venait de détrôner, et lui assigna cinquante mille livres de rente sur le duché d’Anjou, sous la condition qu’il ne sortirait pas de France.
Le 7 décembre arrivèrent l’archiduc Philippe d’Autriche, accompagné de l’archiduchesse, sa femme, Jeanne de Castille. Louis XII, dont la fille, la princesse Claude, devait épouser le jeune Charles, depuis Charles-Quint, fils de Jeanne et de Philippe, fit à ses hôtes une réception toute royale. L’archiduc et sa femme ne prirent congé que le lundi 13. Blois revit Philippe d’Autriche au mois de mars 1503. Ce prince y jura à Louis XII de ne point s’éloigner avant la ratification du traité de Lyon, par lequel Ferdinand le Catholique s’était engagé, de concert avec le roi de France, à rétablir la paix qui avait été troublée par les entreprises des princes espagnols dans le royaume de Naples. Des ambassadeurs arrivèrent bientôt chargés de propositions nouvelles ; mais les vives instances de Louis XII et de . l’archiduc les ayant contraints d’avouer qu’ils ne pouvaient ratifier le traité de Lyon, le roi les congédia avec colère, en leur adressant de justes reproches sur la conduite déloyale de leurs maîtres. Le 22 septembre 1504 fut signé au château de Blois, entre lui et les ambassadeurs d’Autriche, le traité fameux dont une clause restituait à Charles de Luxembourg, fils de l’archiduc Philippe, en raison de son mariage avec la princesse Claude, et comme héritier des ducs de Bourgogne, le duché de ce nom, les comtés d’Auxonne, d’Auxerre, de Mâcon et de Bar-sur-Seine, Louis XII, en même temps, transférait à sa fille les duchés de Milan, de Gênes et de Bretagne, et les comtés d’Asti et de Blois. On a cherché à excuser ce manque d’intelligence et de droiture de la part de Louis XII, par l’état habituel de maladie où il était alors. Il recouvra la santé cependant, puis retomba malade à Paris, et les médecins lui ayant conseillé le changement d’air, il se fit porter à Blois ; mais une rechute plus grave y mit ses jours en danger. Il reçut les sacrements de l’Église et fit son testament, dans lequel, revenant à la véritable politique du royaume, il recommanda le mariage de sa fille unique, Claude, avec l’héritier présomptif de la couronne, François de Valois, comte d’Angoulême (1505). Rétabli contre toute espérance, il rompit avec l’archiduc d’Autriche ; et en 1507, huit jours après l’ouverture des États de Tours, eurent lieu les fiançailles de François d’Angoulême et de Claude de France.
Le 21 janvier 1510, Louis XII rendit l’ordonnance de Blois, dans laquelle il prescrivit que toutes les coutumes du royaume fussent discutées en assemblée des trois États de chaque bailliage ou sénéchaussée, et rédigées par écrit pour lui être remises. Le célèbre Machiavel passa une partie de cette année à Blois, et prit part aux conférences diplomatiques qui eurent lieu au château comme ambassadeur de la république Florentine, alliée de Louis XII. Le secrétaire florentin était déjà venu dans cette ville, en 1501, également chargé des pouvoirs de son gouvernement. L’an 1511 (date peut-être de la construction des Grandes fontaines attribuées à Louis XII), on commença des travaux considérables de réparation à l’aqueduc et aux fontaines de Blois, lesquels, après avoir été interrompus, ne furent terminés qu’en 1522. Le 9 avril 1513, la première de nos lois relatives à la librairie fut rendue à Blois, sur la demande de l'Université de Paris. A son retour de Picardie, théâtre de ses dernières défaites, le malheureux roi revint à Blois où l’attendait un nouveau sujet d’affliction. Atteinte depuis longtemps d’une grave maladie, Anne de Bretagne succomba, le 2 janvier 1514. Louis XII fut frappé au cœur, car « il l’avoit si tant aimée qu’il avoit déposé en elle tous ses plaisirs et toutes ses délices. » Il voulut porter le deuil en noir contre l’usage, et resta trois jours enfermé dans son cabinet sans voir personne. Des motifs politiques le déterminèrent, plus tard, à contracter un nouveau mariage. Pour plaire à sa jeune épouse, Marie d’Angleterre, il changea toutes ses habitudes ; il ne revint plus à Blois et mourut le 1er janvier 1515, loin du château qu’il aimait tant, loin du pays qui l’avait vu naître, et aux mœurs franches, douces et généreuses duquel il dut peut-être les belles qualités qui lui méritèrent le surnom de Père du Peuple.

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La ville de Blois à partir du 16ème siècle, et les remous religieux

La date peu éloignée à laquelle commencent les registres municipaux de Blois semble indiquer que sa municipalité était de si petite importance, qu’elle avait attaché peu d’intérêt à la conservation du souvenir de ses délibérations. Le seul registre de compte antérieur à 1789, conservé dans les archives de la ville, est de l’année 1518. Ses revenus ne s’élevaient alors qu’à deux mille six cent quarante-neuf livres et douze sous, tandis que la dépense était deux mille neuf cent quarante livres quatre sous neuf deniers. Les recettes consistaient principalement dans le fermage du grenier à sel et de la dîme du vin débité dans la ville. La municipalité percevait aussi quelques petites rentes perpétuelles des loyers de tours et de maisons sur le pont de Blois, les impositions foraines et le péage des ponts, pour l’entretien de ces édifices, des chaussées et des pavages. Il y avait, en outre, un revenu spécial de quatre livres tournois assigné par le roi sur la gabelle pour le soutènement et l'entretien de la fontaine de l'Arcis (de l’aqueduc, arcus). Les affaires de la commune étaient administrées par quatre officiers municipaux qui portaient le titre d'élus ou échevins, et étaient nommés dans l’assemblée générale annuelle des notables. Les fonctions du receveur municipal duraient deux ans.
Le 15 avril 1523, les trois Etats du bailliage de Blois se rassemblèrent par l’ordre de François Ier, dans le réfectoire des Jacobins, lieu ordinaire des grandes réunions administratives et communales, afin d’y discuter la rédaction des coutumes locales dont s’était occupée déjà une commission préparatoire composée de quatre notables blésois. Les seuls faits qu’il nous reste à consigner, sous ce règne, dans les annales de Blois, sont la mort de la reine Claude, à l’âge de vingt-cinq ans (20 juillet 1524) ; le passage de Charles-Quint, lorsqu’il traversa la France, en 1539 ; et la reconstruction de la tour de l’église de Saint-Solenne, commencée en 1544. Ce fut aussi dans le château de cette ville que l’on réunit les sommes stipulées pour la rançon du roi par le traité de Madrid. François Ier ne fit, d'ailleurs, que de rares apparitions dans la capitale du Blésois. En 1544, il transféra à Fontainebleau la bibliothèque que Louis XII avait formée au château de Blois. D'après l'inventaire dressé par Mellin de Saint-Gelais, la collection se composait de dix-huit cent quatre-vingt-dix volumes, dont neuf cent seulement étaient imprimés ; trente-huit manuscrits grecs y avaient été apportés par le célèbre Jean de Lascaris. Sous Henri II, l'histoire de Blois ne présente, non plus, aucun fait bien remarquable. L'édit de 1552, par lequel furent créées les dix-sept grandes divisions du royaume en généralités, est daté de cette ville. C’est également au château de Blois que Henri II jura entre les mains du comte de Lallain, envoyé de Charles-Quint, la paix de cinq ans, dite Paix de Vaucelles (1556). Catherine de Médicis y fit jouer, en 1559, la Sophonisbe du Trissin, traduite en prose avec des chœurs par Saint-Gelais. A la mort de Henri II, les persécutions religieuses avaient déjà pris une grande extension. Plusieurs déclarations de François II, datées de Blois en 1559, portent commission d’informer contre ceux qui favorisaient les Sacramentaires et autres entachés d’hérésie. On n’ignore point que c'est à Blois que devait éclater la conjuration de La Renaudie. Les Guise, avertis de ses projets par l’avocat Avenelles, emmenèrent aussitôt le jeune roi à Amboise. Cette résolution fut décisive, et le complot avorta.

Au commencement du règne de Charles IX, les protestants déjà nombreux à Blois, s’emparèrent de vive force de l’église de Saint-Solenne pour y exercer publiquement leur culte ; mais la reine-mère envoya l’un des grands officiers de la maison du roi, M. de Chemault, qui, en pacificateur habile, obtint qu'on restituât l’église au culte catholique (1561). Néanmoins le premier séjour à Blois de Charles IX fut signalé par des mesures de précaution hostiles contre ceux de la religion (1562). A peine se fut-il éloigné, à la nouvelle du massacre de Vassi, que les calvinistes redevinrent tout-puissants. Mais leur triomphe fut de courte durée. Voyant la place mal fortifiée et n’espérant aucun secours, ils l'abandonnèrent, le 4 juillet, à l'approche des bandes détachées de l'armée du triumvirat. Les catholiques entrèrent aussitôt dans la ville, et quoiqu’elle eût été prise sans combat et sans siège, ils pillèrent les maisons, tuèrent ou noyèrent tous les protestants. Fait prisonnier à la bataille de Dreux, le prince de Condé fut d’abord conduit au château de Blois. La cour y revint, en apprenant l’assassinat du duc de Guise par Poltrot. Catherine de Médicis se rapprocha du prince de Condé et réussit à attirer Coligny au château de Blois pour y négocier le traité de paix dont les préliminaires avaient été arrêtés avec le prince. L'accueil le plus brillant attendait Coligny. A chaque entrevue, c'estoit festes, chières et contentemens. Enfin la paix fut signée (1569). Dès l'année suivante, cependant, M. de Chemault reparut à Blois pour réprimer de nouveaux excès des catholiques. Deux séditieux furent pendus, et l'un d'eux eut le poing coupé avant l'exécution.

Nous avons vu que l'administration de la commune de Blois était confiée à des officiers municipaux dans l'assemblée générale des notables habitants. Des quatre échevins deux entraient et sortaient ensemble. La présidence appartenait au bailli ou à son lieutenant général. Les votes étaient oraux et chacun pouvait les motiver. La même assemblée, qui nommait les échevins, choisissait aussi le receveur municipal les administrateurs de l’hôtel-Dieu et les commissaires de police. En 1567, les troubles toujours croissants nécessitèrent l'organisation d'une milice citoyenne. La ville était divisée en six quartiers répondant à chacune des six principales portes, savoir : la Porte-Neuve (appelée plus tard porte Bastille), la Porte du Pont, la Porte Chartraine, la Porte Saint-Jean, la Porte du Foix et la Porte-Côté. Les habitants de chaque quartier formèrent une compagnie subdivisée en six escouades. Les efforts de la milice bourgeoise et de la garnison soldée ne purent empêcher, en 1568, la ville de Blois d'ouvrir par capitulation ses portes, le 12 février, à une troupe de protestants gascons et provençaux commandée par le capitaine Bouchard, dont le manque de parole donna lieu dans le Blésois au proverbe la foi Bouchard. En effet, malgré la promesse jurée d'épargner la ville et les habitants, il mit tout à feu et à sang, pilla les maisons, ruina les églises et renversa les monuments qu'elles renfermaient. Les religieux du couvent des Cordeliers furent massacrés, coupés par morceaux et jetés dans un puits que l'on voit encore dans une maison bâtie sur l'emplacement de l'ancien jardin du couvent.

Sur la fin de l'été 1571, Charles IX se rendit à Blois, accompagné de la reine-mère, des ducs d'Anjou et d'Alençon et de sa sœur Marguerite de Valois. La cour se livra d'abord à toutes sortes de plaisirs et de fêtes, destinés, disent les historiens protestants, à cacher l'épouvantable projet de la Saint-Barthélemy. Bientôt arrivèrent les personnages les plus marquants du parti calviniste pour protester, au nom de tous ceux de la religion, de leurs loyautés et servitudes. Coligny, décidé par Teligny, se rendit lui-même à Blois, où Charles IX l'accueillit avec les plus vives démonstrations de bienveillance et d'amitié. Jeanne d'Albret, malgré sa prévoyance, entraînée par les sollicitations du comte de Nassau, y vint aussi, environnée d'un nombreux et brillant cortège. Son fils, le jeune roi de Navarre, la rejoignit, sur son autorisation, avec le prince de Condé et plus de cinq cents gentilshommes calvinistes. Ce fut une occasion nouvelle de fêtes et de jeux au milieu desquels Charles IX faisait, disait-il, « comme son fauconnier et surveillait ses oiseaux. » Lé 29 avril de l'année suivante, fut signé à Blois un traité de paix et d'alliance entre la France et l'Angleterre. Les ambassadeurs chargés par Charles IX d'aller recevoir en son nom le serment de la reine Élisabeth, avaient pouvoir de lui proposer le mariage du duc d'Alençon avec elle. Les événements de la Saint-Barthélemy rompirent toutes les négociations. Nous ignorons quelles conséquences eut à Blois cette fatale journée : les délibérations communales, pour 1572, manquent dans la collection des registres municipaux.

Sous le règne de Henri III, Blois n'offre aucun souvenir intéressant avant la convocation des États-Généraux de 1576. Le 1er octobre, le tiers-ordre du bailliage qui devait élire les députés aux États-Généraux, se réunit dans la grande salle du palais de justice. Après l'élection du Tiers, les commissaires conférèrent le cahier des doléances de chaque localité avec ceux renfermés dans le coffre, et réduisirent le tout en un seul cahier qu'on approuva dans une autre réunion. Entre autres réclamations contenues dans ce cahier, on demandait qu'il fût permis d'aliéner les biens du clergé, au moyen des baux à long terme, et que les seigneurs justiciers fussent justiciables eux-mêmes des juges royaux. Puis c'étaient l'inamovibilité des juges, l'administration gratuite de la justice, l'abolition de toutes les justices extraordinaires et de toutes les justices particulières au-dessous de celles de châtellenies ; la liberté d’exportation hors du royaume, l’unité des poids, mesures et aunages, etc. Les cahiers de la noblesse et du clergé ne sont point parvenus jusqu’à nous.
Le jeudi 6 décembre, eut lieu la séance d’ouverture. Le roi ayant au cou le grand cordon de l’Ordre de Saint-Michel, s’assit dans une chaire sous un dais à dossier placé au milieu d’un marchepied, avec deux coussins pour les pieds, le tout couvert d’un drap de velours violet semé de fleurs-de-lis d’or. A son arrivée l’assemblée s’était levée en se découvrant. Ceux du Tiers-État restèrent un genou en terre jusqu’à ce que le roi et la reine sa mère se fussent assis. Il commanda alors au chancelier Birague de faire asseoir l’assemblée ; après quoi, il prononça un discours empreint d’une éloquence douce et persuasive qui produisit une vive impression sur l’auditoire. Le discours du chancelier n’eut pas le même succès : on le trouva long, lourd et ennuyeux. Le clergé surtout ne lui pardonna point d’avoir fait entendre que Henri III ne voulait pas être privé du droit de nomination aux bénéfices. Toutefois, quand la cour eut quitté la salle, l’assemblée se retira en protestant hautement des sentiments de bonheur et d’admiration qu’avait universellement excités le beau dire du roi. Malgré toutes ces assurances de dévouement, Henri III ne tarda point à découvrir dans toutes les demandes qui lui furent adressées la secrète influence de la Ligue. Sur l’initiative prise par la noblesse, les États insérèrent dans leurs cahiers un article portant que le roi ne souffrirait qu’une seule religion, et qu’on révoquerait tous les édits en faveur des protestants. Un seul membre du Tiers, Bodin, député du Vermandois, auteur du livre de la République, s’opposa à cette violation qui était, disait-il, l’ouverture de la guerre civile. Sa prévision se réalisa bientôt. Le prince de Condé et le roi de Navarre protestèrent contre cette violation des traités, et signalèrent, par le ravage de quelques provinces du Midi, la reprise d’armes à laquelle on venait de les contraindre. Néanmoins, à la seconde séance royale du 17 janvier, les orateurs des trois ordres furent unanimes dans leur demande au roi de ne permettre que la seule religion catholique, apostolique et romaine.

Henri III, pensant obtenir un changement dans les dispositions des États, très-hostiles sur la question des finances, se fit déclarer chef et protecteur de la sainte Ligue. Mais son espoir fut trompé. Les doléances formulées au nom de chaque bailliage furent portées confusément dans le cahier général de chaque ordre, et le 9 février ces cahiers ayant été présentés au roi, il promit d’y donner telle réponse qu’il « s’assuroit que tout le royaume en recevroit contentement. » Cependant la guerre civile s’organisait. Les chefs réformés, malgré toutes les avances de la cour, continuaient de protester contre les mesures prises par une assemblée qu’ils taxaient de perturbatrice du repos public. Le 29 février 1577, les trois ordres furent convoqués dans la galerie du château attenant au cabinet du roi. Henri III recommanda aux députés de nommer, conformément à la requête faite à l’ouverture des États, douze ou tout au moins six d’entre eux pour assister à l’examen des cahiers. Il demanda ensuite que les trois ordres votassent des secours pour supporter les frais de la guerre, et manifesta l’intention de vendre pour trois cent mille livres de rentes de biens de son domaine.
Le Tiers ne voulut point consentir à la nomination des commissaires, s’appuyant sur la facilité qu’on aurait à dominer dix-huit ou trente-six députés exposés aux influences toutes-puissantes de la présence du roi et du séjour de la cour. Il refusa aussi d’adhérer à l’aliénation du domaine, attendu que c’était chose inaliénable et qui n’appartenait point au roi mais au royaume. Le clergé et la noblesse s’efforcèrent en vain de lui arracher son consentement : il demeura inébranlable. Les États furent dissous le 1er de mars : ils se séparèrent plaçant le roi dans l’alternative d’une guerre que le désordre de ses finances l’empêchait de soutenir, et celle d’une paix qui le rendait odieux et suspect à la majorité des Français. Vers la fin d’avril, Henri III quitta Blois pour aller à Poitiers afin de se rapprocher du centre des négociations qu'il avait entamées avec le roi de Navarre. Le 17 septembre fut publié le sixième édit de paix. Bien qu’elle n’eût rien voulu préjuger des affaires politiques d’un intérêt plus général, l’assemblée nationale de 1576 mérite une belle place dans notre histoire sociale. C’est, en effet, sur les plaintes et les doléances contenues dans ses cahiers, que fut rendue, en 1579, la fameuse ordonnance en trois cent soixante-trois articles, connue sous le nom d'Edit de Blois, qui établit plusieurs règlements sur l’administration de la justice et des finances, sur l’instruction publique, sur les offices de judicature, sur la noblesse et les gens de guerre, sur la perception des aides et des tailles, et enfin sur la police générale du royaume.
Les registres municipaux de Blois ne contiennent aucun renseignement sur les États de 1588. La séance d’ouverture, fixée au mois de septembre, n’eut lieu que le 15 octobre, à cause de la lenteur des députés. Le roi, dans les communications qui précédèrent, put juger aisément des méfiances injurieuses de l’assemblée. Le discours adroit et conciliant qu’il prononça fut néanmoins goûté de tout le monde ; mais comme il contenait de vigoureuses allusions au duc de Guise et aux représentants des Seize, le cardinal de Lorraine, ayant appris que son projet était de le livrer à l’impression, lui dépêcha l’archevêque de Lyon, d’Espinac, homme résolu du parti, qui le fit consentir à des changements.
Le 18 octobre, Henri III renouvela, comme il l’avait promis, le serment de l’édit d’Union en séance générale. Puis il se rendit en grande pompe à l’église de Saint-Sauveur pour y entendre le Te Deum. Le peuple suivait en foule, aux cris de vive le roi ! Henri put croire à une réconciliation. Mais les États lui prouvèrent bientôt de quel sentiment de malveillance ils étaient animés envers lui. Chaque jour on adressait au monarque quelque remontrance ou on lui arrachait quelque concession nouvelle. Le 25 novembre, les trois ordres en corps se rendirent au château pour lui demander le retranchement et réduction de toutes tailles et impositions établies depuis 1576. Le roi, attaqué par le duc de Savoie, qui venait d’envahir le marquisat de Saluces, sollicita en vain un sursis et finit par tout accorder. Les États s’enhardissant davantage, demandèrent la suppression de tous les trésoriers généraux. Tandis qu’ils travaillaient ainsi à déconsidérer l’autorité royale, Henri de Guise s’enivrait de sa croissante popularité. Les Lorrains ne désignaient plus Henri III que par d’insultantes dénominations, et la duchesse de Montpensier, au milieu des propos les plus violents, montrait à toute la cour les petits ciseaux d’or destinés à faire la tonsure de moine à frère Henri de Valois. Il ne s’agissait donc plus pour le roi de France d’une lutte politique avec son adversaire, toute la question était de prévenir les coups qu'on allait lui porter. La mort du duc de Guise fut résolue. Pour endormir sa victime, Henri s'enveloppa du plus profond mystère.

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Assassinat du Duc de Guise

Le 18 décembre, jour du mariage de Christine, fille du duc de Lorraine et sœur de la reine régnante, avec Ferdinand de Médicis, grand-duc de Toscane, toute la cour étant réunie le soir chez la reine-mère, Henri III profite de ce moment où toutes les pensées étaient tournées vers le plaisir, et appelle dans son cabinet ses confidents les plus intimes. « Il y a longtemps, leur dit-il, que je suis sous la tutelle de M. de Guise. Je suis résolu de le faire tuer dans ma chambre : il est temps que je sois seul roi. Qui a compagnon a maître, » Tous approuvent son projet, excepté le maréchal d'Aumont qui opine pour qu'on le fasse arrêter. Il ne s'agissait plus que de trouver un moyen pour isoler un instant le duc, de manière à le frapper loin de tout secours. On choisit un jour de conseil. Il fallait enfin, et avant tout trouver un brave serviteur dont le cœur fût résolu, le bras fort, le zèle aveugle. Henri III jeta les yeux sur le colonel de son régiment des gardes, Crillon, qui refusa mais promit le secret. Loignac, premier gentilhomme de la chambre, accepta et répondit des moyens d’exécution. C'était le 21 décembre. Henri fixa au vendredi 23 le jour de sa vengeance. Cependant tout ce qu'il y avait à la cour et aux États d’hommes éclairés et d'esprits froids avaient déjà prononcé l'arrêt de Guise. C'est en vain que sa famille, ses amis, essayaient de lui faire partager leurs craintes raisonnées et leurs terreurs superstitieuses. La veille de sa mort, en se mettant à table pour dîner, il trouva sous sa serviette un billet contenant ces mots : « Donnez-vous de garde, on est sur le point de vous jouer un vilain tour. » Il se contenta pour réponse d’écrire au bas : On n'oserait, et jeta le billet sous la table.
Le vendredi 23 décembre, Henri III devait aller en pèlerinage à Notre-Dame-de-Cléry. La Veille au soir, il fit prier le duc et le cardinal de Guise, l’archevêque de Lyon et quelques autres seigneurs, de se trouver à six heures du matin dans son cabinet, parce qu'il voulait, avant son départ, tenir conseil et expédier quelques affaires pressantes. Le lendemain matin, réveillé dès quatre heures, le roi entre dans son cabinet neuf, où Loignac ne tarde pas à venir avec neuf des quarante-cinq ordinaires. Le roi, pour s'assurer de ces derniers, les enferme dans des cellules qu’il avait fait construire pour des capucins. Il les délivre, lorsque les membres du conseil et les officiers de service sont arrivés, leur apprend ce qu'il exige de leur dévouement, et les poste avec Loignac dans sa chambre à coucher. Il commande en même temps à Nambu, huissier de la chambre, de ne laisser sortir ni entrer personne, que lui-même ne l'ait ordonné. Le maréchal d'Aumont, par son ordre, se rend ensuite au conseil pour le faire tenir. Ces préparatifs achevés, il fallait attendre l’arrivée des deux frères. On court annoncer au roi que le cardinal était au conseil, mais le duc n'arrivait point. Guise, qui logeait au château, dans le bâtiment de Louis XII, n'avait quitté qu'à trois heures du matin sa maîtresse, la belle madame de Sauves, marquise de Noirmoutier. Il était près de huit heures quand ses valets de chambre le réveillèrent en lui apprenant que le roi était prêt à partir. Il se lève à la hâte et sort pour aller au conseil.
Le temps était sombre et triste, une pluie froide tombait par torrents. Larchant, capitaine des gardes, qui, de concert avec le roi, avait visité, le soir du 22, le duc de Guise, à la tête de quelques soldats de sa compagnie, pour le supplier de vouloir bien appuyer dans le conseil une requête de ses gens qui demandaient l'arriéré de leur paie, attendait le duc au pied du grand escalier. Il lui présente la requête. Guise promet son appui, monte et entre dans la chambre du conseil. Aussitôt Larchant dispose ses gardes en double haie sur les degrés du grand escalier ; il envoie vingt hommes à l'escalier du vieux cabinet du roi ; douze autres sont placés dans le cabinet même, afin de se jeter sur le duc quand il viendra à hausser la portière pour y entrer. En même temps, Crillon fait fermer toutes les portes du château. Ces précautions inusitées jetèrent l'effroi parmi les serviteurs de Guise. Péricard, son secrétaire, lui envoya dans un mouchoir un billet contenant ces mots : Monseigneur, sauvez-vous, ou vous êtes mort. Mais le page chargé de porter ce mouchoir à un huissier du conseil fut repoussé par les gardes. À son entrée dans la chambre du conseil, le duc de Guise s'était assis auprès du feu en se plaignant du froid. Tout d'un coup il devient pâle, et soit pressentiment de la mort, soit terreur de son isolement ou fatigue des excès de la nuit, il sentit son cœur défaillir. « Monsieur de Fontenay, dit-il au trésorier de l'épargne, veuillez prier M. de Saint-Prix de me monter des confitures. » Saint-Prix, premier valet de chambre du roi, apporta des prunes de Brignoles. Le duc en mangea et se trouva mieux. Petremol, maître des requêtes, commençait la lecture d'un rapport sur les gabelles, lorsque Révol ouvrit la porte de la chambre du roi et dit à Guise que Sa Majesté le demandait dans son cabinet vieux. Le duc met quelques prunes dans son drageoir, et jetant les autres sur la table : « Messieurs, dit-il, qui en veut se lève. » Puis il retrousse son manteau, et saluant l'assemblée avec sa grâce habituelle, il entre dans la chambre du roi. Nambu ferme aussitôt la porte derrière lui. Guise se trouve en présence des quarante-cinq ; il les salue en entrant ; les gardes s'inclinent et accompagnent le duc comme par respect. Un d'eux lui marche sur le pied : était-ce le dernier avertissement d'un ami ?
Guise traverse la chambre, et comme il s'approchait du passage qui conduisait au cabinet, inquiet de se voir suivi, il s'arrête, et prenant, par un geste d'hésitation, sa barbe avec la main droite, il se retourne à demi. En ce moment, Montséry qui se trouvait près de la cheminée le saisit au bras et lui porte à la gorge un coup de poignard. « Mes amis ! mes amis ? trahison ! » s'écrie Guise. Aussitôt dés Effrénats se jette à ses jambes et Sainte-Maline le frappe derrière la tête. Malgré ses blessures, Guise peut encore renverser un des assassins d'un coup de son drageoir, et bien qu'il eût son épée engagée dans son manteau et les jambes saisies, il ne laissa pas, tant il était fort, d'entraîner ses meurtriers d'un bout de la chambre à l'autre. Il marchait « les bras tendus, les yeux éteints, la bouche ouverte, comme déjà mort. » Poussé par Loignac, il tombe au pied du lit du roi, en criant :« Mon Dieu ! miséricorde ! » Ce furent ses dernières paroles. Lorsqu'il apprend que c'en est fait de Guise, Henri III hausse la portière de son cabinet, et après s'être assuré que son ennemi est bien mort, il sort pour contempler sa victime. Il lui donne un coup de pied au visage, comme le duc de Guise en avait donné un à l'amiral de Coligny, le jour de la Saint-Barthélemy. « Mon Dieu ! qu'il est grand, s’écria-t-il ; il paraît encore plus grand, mort que vivant ! » et il le poussa de nouveau du pied. Il rentre ensuite et commande à Beaulieu de le visiter. On trouva autour du bras une chaîne d'or à laquelle était attachée une petite clef, sans doute quelque gage d'amour, et dans la pochette des chausses, une bourse contenant quelques pièces d’or et un billet où étaient écrits de la main du duc ces mots : Pour faire la guerre civile en France, il faut sept cent mille écus par mois. En s'acquittant de cette triste fonction, Beaulieu croit remarquer quelque mouvement dans le corps de Guise. « Monsieur, lui dit-il, cependant qu'il vous reste quelque peu de vie, demandez pardon à Dieu et au roi. » Mais sans pouvoir parler, Guise jette un grand et profond soupir ; c'était le dernier effort de cet homme puissant, qui périssait plein de vie et de force. Le corps, couvert d'un tapis sur lequel on mit une croix de paille, fut traîné dans la garde-robe. Deux heures après, il était livré à du Plessis de Richelieu, prévôt de France, aïeul du cardinal.
Au bruit qui se faisait dans la chambre du roi, tous les membres du conseil s’étaient levés. « On tue mon frère ! » s'écrie le cardinal, et dans son effroi il se précipite vers la porte du grand escalier, tandis que d’Espinac, par un mouvement de résolution et de dévouement, se jette à la porte de la chambre pour prêter secours au malheureux Guise. Au même instant, le maréchal d'Aumont, mettant l’épée à la main, leur dit : « Ne bougez, messieurs, le roi a affaire à vous. » Aussitôt la chambre se remplit d’archers, et les prélats sont placés entre deux exempts des gardes. Quelques minutes après, la porte s’ouvre, et Loignac vient dire que le duc de Guise était mort. Henri III fait appeler les membres du conseil, leur parle avec un ton de menace et d’autorité qu’on ne lui connaissait pas encore, puis il descend chez la reine-mère, qui était depuis longtemps au lit, tourmentée par la goutte. En apprenant de la bouche même du roi la mort de Guise, elle fut frappée, dit l'historien De Thou, moins de frayeur que d'indignation de n’avoir pas été prévenue de cette entreprise. Elle demanda à son fils s’il avait prévu les suites de ce coup de hardiesse, et sur sa réponse qu'il avait pourvu à tout : « C'est bien coupé, ajouta-t-elle, mais il faut à présent coudre : activité et vigueur, voilà ce qu’il vous faut ; » et elle retomba affaissée par la douleur et ses vives anxiétés. Cependant le cardinal de Guise et l’archevêque de Lyon, d’Espinac, avaient été conduits dans la salle haute d'une des tours du château, appelée la Tour de Moulins.
A quatre heures on les fit descendre dans une salle située au-dessous, et connue aujourd'hui sous le nom de Salle des Oubliettes. Le roi avait résolu la mort du cardinal. Larchant refusa de porter la main sur un prêtre. Le capitaine Du Guast accepta, et détermina trois soldats de sa compagnie, Gosi, Châlons et Viollet, moyennant quatre cents écus, à tuer le cardinal. Le samedi 24 décembre, à huit heures du matin, Du Guast, accompagné de La Fontaine, l’un des valets de chambre du roi, entre chez les deux prisonniers. « Monseigneur, lui dit-il, le roi vous demande. — Nous demande-t-il tous deux ? répond le cardinal. — Je n’ai charge d'appeler que vous seul. » Guise sort. « Monsieur, pensez à Dieu » lui dit d’Espinac. L'archevêque de Lyon entendit ensuite un bruit éloigné. C'était son malheureux compagnon que les soldats de Du Guast frappaient dans un petit passage près de la chambre où les deux prélats avaient été enfermés. Le corps du cardinal et celui de son frère le duc de Guise furent brûlés dans la chambre des combles, située au-dessus du grand escalier de Louis XII. Leurs cendres furent jetées dans la Loire. Henri III, craignant que les restes des deux victimes ne fussent regardés par les Ligueurs comme reliques de saints martyrs, ne se laissa point fléchir par les supplications de la duchesse de Nemours, et lui refusa les cadavres de ses fils.

Henri III ne jouit pas longtemps des résultats qu’il se promettait d’un triomphe dont la cour avait été le témoin effrayé ou le panégyriste servile. Les États-Généraux lui refusèrent tout. Il prit alors le parti de les congédier. La dernière séance fut tenue le lundi 16 janvier 1589. Il y assista et fit lire et jurer l’édit d’Union. A tous ces malheurs était venue se joindre la mort de Catherine de Médicis : frappée, dit-on, des reproches du cardinal de Bourbon, prisonnier, qui l’accusa de l’avoir conduit à la boucherie, lui et ses neveux de Guise, elle fut saisie d’une fièvre ardente et succomba le samedi 5 janvier, dans sa soixante-dixième année. Henri III ne tarda point à partir pour Amboise, suivi de ses prisonniers, le cardinal de Bourbon, le jeune duc de Guise, le duc d’Elbeuf, l’archevêque de Lyon, le président de Neuilly et le prévôt des marchands, Marteau. Le duc de Nemours avait réussi à s’évader ; le roi furieux fit arrêter la duchesse sa mère, petite-fille de Louis XII. Le surlendemain il revint en toute hâte à Blois, dès qu’il eut appris que le maréchal d’Aumont avait levé le siège d’Orléans. Du Guast, nommé commandant d’Amboise, s’étant laissé circonvenir par la Ligue, il fut obligé de négocier avec lui pour la remise immédiate du cardinal de Bourbon, du prince de Joinville et du duc d’Elbeuf, qui furent ramenés à Blois sous bonne garde. Vers la fin de février il quitta de nouveau cette ville, toujours accompagné de ses trois prisonniers. La dernière fois que Henri III revit Blois, ce fut dans les premiers jours du mois de juin pour aller rejoindre le quartier général du roi de Navarre, auquel il s’était enfin allié et qui était alors à Beaugency. Deux mois après, il tombait à Saint-Cloud sous le couteau de Jacques Clément (2 août 1589).

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Blois sous Henri IV

Le bailliage de Blois n’envoya point de députés aux États de la Ligue, convoqués en décembre 1592 par le duc de Mayenne. Pendant que la réunion s’ouvrait bruyamment à Paris, Blois recevait Henri IV dans ses murs. À l’avènement de la maison de Bourbon, l’importance de cette ville commence à décroître. La centralisation du gouvernement rencontre dans les provinces, dont elle menace les privilèges, une longue et vive opposition. Blois sert alors comme point intermédiaire entre Paris et les provinces insoumises, et Henri IV est forcé d’y faire un long séjour au commencement de 1602, lorsqu’il se rendit en Poitou pour étouffer les troubles et les soulèvements prêts à éclater. Jusqu’à la majorité de Louis XIII, l’histoire est muette sur Blois. En 1617, Marie de Médicis, obscurément enveloppée dans des accusations où l’on cherchait une apologie pour le meurtre du maréchal d’Ancre, vint habiter le château de Blois, accompagnée d’Armand du Plessis de Richelieu, alors évêque de Luçon, que la cour éloigna bientôt de sa personne. Richelieu s’empressa d’obéir et se retira dans son diocèse. Le système d’espionnage et de délation dont Luynes entoura la reine mère la plongea d’abord dans un profond découragement. Ce n’est qu’à bout de patience et de résignation qu’elle consentit à autoriser les secrètes intrigues de quelques serviteurs pour la tirer de l’espèce de prison où elle gémissait. L’abbé Rucellai, ancien ami de Concini et ennemi prononcé de Luynes, lui fit adopter un plan de délivrance.
Au mois de février 1619, tout était préparé pour l'évasion de la reine. L'archevêque de Toulouse, fils du duc d'Épernon, devait l'attendre à Loches, et le duc lui-même se porter à sa rencontre, accompagné d'une escorte de gentilshommes. La reine, avertie d'avance par un valet de chambre intelligent, nommé Cadillac, avait chargé le comte de Brienne, son premier écuyer, de tenir prêt un carrosse au pont de Blois, hors de la ville, et de faire suspendre deux échelles de cordes, l'une à la terrasse du château, l'autre de la terrasse à la fenêtre de son cabinet. Dans la nuit, Cadillac gravit ces deux échelles, et s'élançant dans le cabinet de la reine, il lui annonce que tout marche au gré de ses désirs. « Aussitôt la reine elle-même, dit Girard, leva sa robe, et l'ayant troussée pour sortir plus aisément, elle donna la main au comte de Brienne, qui était passé le premier, et descendit la seconde. La reine eut tant de peine à cette première descente, qu'elle ne put se résoudre à se servir d'échelle pour descendre du haut de la plateforme dans la rue du faubourg. Elle aima mieux, la terre étant éboulée en beaucoup d'endroits, parce que la terrasse n'était pas encore revêtue, s'asseoir sur un manteau, lequel tiré doucement en bas conduisit à l'aise Sa Majesté. » Le plus difficile semblait fait. Après une alerte occasionnée par l'absence du carrosse qu'on n'avait point trouvé au bout du pont, Marie de Médicis était enfin montée en voiture, et on allait partir, quand tout à coup elle s'aperçoit que sa cassette lui manque : il y avait, dit-on, pour cent mille écus de pierreries. La reine veut qu'on la trouve. On la cherche longtemps, on la découvre enfin au pied de la terrasse où elle avait été oubliée. On suit alors silencieusement le faubourg ; puis les flambeaux sont allumés, et la reine se dirige rapidement avec sa petite escorte du côté de Montrichard. Il était grand jour lorsque les gens attachés à son service s'aperçurent de sa fuite.
Sept années plus tard, le cardinal de Richelieu fit arrêter au château de Blois et conduire prisonniers à Amboise, le duc de Vendôme et le grand prieur, son frère, convaincus d'avoir trempé, avec Gaston, frère du roi, et le jeune comte de Chalais, dans un complot contre sa vie (juin 1626). Cette arrestation ne fut que le prélude de la cruelle exécution du comte de Chalais. Blois reçut ensuite un éclat passager des séjours du duc d'Orléans, forcé à chaque nouvelle faute politique d'y chercher un refuge. Ce fut au commencement de l'année 1635 que ce prince entreprit une reconstruction générale du château. Malgré le talent et la magnificence du plan de l'architecte, on ne doit point regretter la réalisation complète de son projet, car il nous eût privés de deux admirables modèles du style architectural des deux siècles précédents. La peste sévit à Blois en 1637, et continua ses ravages pendant tous les étés jusqu'en 1640. Le conseil de la commune déploya dans ces circonstances un zèle digne d’éloge, sans cesser pourtant de s'occuper des autres intérêts qui lui étaient confiés. Ainsi, cette année-là même, il fut décidé qu'à partir du jour de l'assemblée générale du 28 décembre, l'un des deux échevins qui sortirait de charge serait remplacé par un marchand, et que celui-ci le serait à son tour par un autre, en continuant de même, dorénavant, à chaque élection.

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Blois sous Louis XIV

Au mois de mars 1652, durant les troubles de la Fronde, la cour de Louis XIV occupait le château de Blois. Une armée sous les ordres des maréchaux de Turenne et d'Hocquincourt était cantonnée dans la ville, afin de s'opposer à l'armée des Frondeurs, commandée par le prince de Condé. A peine rentré à Paris, au mois d'octobre de la même année, le jeune roi y signa un ordre qui relégna son oncle, le duc d'Orléans, au château de Blois. Gaston supporta d'abord impatiemment sa disgrâce. Il ne faudrait pourtant pas juger de sa cour par tout ce qu’en dit de peu flatteur dans ses Mémoires mademoiselle de Montpensier. Le duc d'Orléans s'acquit, en 1657, de véritables titres à la reconnaissance des Blésois, en fondant dans leur ville un hôpital pour recevoir des vieillards et élever des enfants pauvres. Louis XIV, en 1659, traversa Blois pour se rendre à Saint-Jean-de-Luz, où il devait épouser l'infante d'Espagne. Il s'y arrêta encore, à son retour des Pyrénées. L'année suivante, au mois de janvier, ce fut le tour du prétendant d'Angleterre, Charles II, qui revenait aussi des Pyrénées, où il avait cherché vainement à entamer des négociations avec Mazarin. Gaston désabusé, vers la fin de sa vie, des menées politiques et des intrigues de cour, avait appelé à son aide le goût qu'il avait montré, dès sa jeunesse, pour l'étude des sciences et de l'histoire naturelle. Il établit au château une très belle bibliothèque, une galerie de tableaux, un cabinet d'estampes, de médailles et de pierres gravées, des collections d’oiseaux et d'insectes. Il mourut, le 2 février 1660, léguant par testament toutes ces richesses à Louis XIV. C'est un fait remarquable que les trois collections scientifiques les plus précieuses de la France : la bibliothèque des manuscrits, le cabinet des médailles, le muséum d'histoire naturelle, aient dû en partie leur origine ou leur accroissement aux richesses amassées dans le château de Blois.
L'année 1664 vit les libertés municipales des Blésois, qui constituaient à peu près le suffrage universel, considérablement diminuées par ordre du roi. Louis XIV, sous prétexte de désordres causés par les brigues qui donnaient lieu souvent à de mauvais choix, décida qu'à l'avenir les assemblées ne seraient composées que du bailli, de son lieutenant général, du commissaire de la banlieue, du procureur du roi, des échevins, du receveur en charge, et des huit conseillers ordinaires de la ville. Le droit électoral n'appartint plus qu'à quatre ecclésiastiques pour tout le clergé, trois officiers d'épée, trois nobles ou bourgeois, trois marchands de la paroisse Saint-Solenne, trois autres de la paroisse Saint-Honoré, et deux seulement, un de chaque corps, pour la paroisse Saint-Martin, ainsi que pour la paroisse Saint-Sauveur. Les électeurs étaient élus eux-mêmes par l'assemblée générale des habitants des trois ordres, qui ne se réunissait plus qu'une fois par an, le dimanche suivant la fête de Noël.
Au mois de décembre 1677, Louis XIV, voulant encore empiéter sur les privilèges de la commune de Blois, délivra commission au président de la chambre des comptes et conseiller de cette ville, de présider les assemblées communales, au lieu et place du lieutenant général. Mais cette mesure excita de vives réclamations et fut révoquée au mois de février de l'année suivante. Le roi ne réalisa ses projets pour la nomination directe des présidents des assemblées communales, qu'au mois d'août 1698, en créant des charges de maires perpétuels. La révocation de l'édit de Nantes avait, cinq années auparavant, détruit la plupart des établissements industriels de la ville, dont l'essor s'était singulièrement développé à cette époque, surtout la fabrication des objets de luxe, et l'horlogerie, célèbre depuis le commencement du XVIe siècle. En 1697, l'hérésie survivant encore à la révocation de l’édit de Nantes, Blois fut érigé en évêché, dans le but d'extirper ses dernières racines. La fondation du couvent des Nouvelles-Catholiques, où l'on instruisait les enfants des réformés convertis ou fugitifs, remonte à la même date.

Au point où nous sommes parvenus, jusqu'à la révolution de 1789, nous n'avons plus à mentionner que quelques faits d'un ordre secondaire, tels que le passsage du duc d'Anjou, suivi de ses deux frères, les ducs de Bourgogne et de Berry, lorsqu'il alla prendre possession du trône d’Espagne sous le nom de Philippe V (10 décembre 1700) ; le séjour de Stanislas Leczinski, roi de Pologne, et de sa famille, qui habitèrent le château jusqu'en 1725 ; la mort de la reine de Pologne, aïeule de Louis XV (1716) ; la réception faite à l'infante d'Espagne, que la politique du régent destinait à ce jeune prince, tandis que, trois ans après, elle devait traverser Blois sans pompe en reprenant la route de son pays (1722-1725) ; la construction du nouveau pont de la ville qui commença de lui enlever sa physionomie du moyen âge (1716-1724) ; l'établissement dans ses murs de l’un des six conseils supérieurs substitués aux parlements par le chancelier Maupeou (1771) ; l'abolition de la chambre des comptes de Blois, l’une des plus anciennes du royaume (1774) ; et la démolition des vieux murs noirs et percés d’étroites ouvertures qui donnaient à l’Hôtel de Ville, du côté de la Loire, l’aspect sombre et triste d’une prison (1777). A la place de cette muraille, on éleva la façade qu'on voit encore aujourd’hui.

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La Révolution

Le mouvement régénérateur de 1789 fut accueilli à Blois par un sentiment unanime de confiance dans toutes les classes de la société, comme le prouvent suffisamment les signatures qu’on lit au bas du Plan du cérémonial de la fédération, dont on y célébra la fête avec magnificence (14 juillet 1790). Trois ans après (brumaire an II, octobre 1793), le représentant du peuple Guimberteau vint épurer les autorités constituées. On comprend que cette épuration ne fut que le prétexte de quelques vengeances ; mais bientôt Garnier de Saintes remplaça Guimberteau ; il ordonna d’élargir la plupart des prisonniers et leur fit la remise des taxes auxquelles ils avaient été condamnés. Malheureusement la Révolution, en épargnant les personnes, crut devoir s’attaquer aux monuments : c'est ainsi que furent complètement démolies les églises de Saint-Sauveur, Saint-Nicolas, Saint-Martin, Saint-Honoré et Bourg-Moyen ; le château subit des modifications barbares, et l'on dévasta tous les couvents pour les convertir en magasins. Guimberteau avait fait détruire une arche du pont, dans la crainte illusoire de l'approche des armées vendéennes. Sous l'Empire, M. de Corbigny, préfet de Blois, le fit réparer et appropria les divers édifices religieux à des prisons, des hôpitaux et autres établissements publics. Le 22 mai 1808, les souverains détrônés de l'Espagne traversèrent Blois en se rendant à Compiègne. Le 13 août de la même année, Napoléon revenant d’Espagne, fit son entrée à Blois, à sept heures du soir, accompagné de l’impératrice Joséphine ; il descendit à l’Hôtel de la préfecture et repartit à dix heures. C’est là que descendirent aussi, le 2 avril 1814, fuyant de Paris, l’impératrice Marie-Louise, le roi de Rome, Joseph Bonaparte, et les ministres et dignitaires de la cour impériale. Une régence fut organisée à Blois. Jérôme Bonaparte s'entendit avec son frère Joseph pour des mesures de défense et de gouvernement. Les bureaux de la guerre devaient travailler nuit et jour au recrutement de l'armée. Il fut question de former deux camps aux environs de la ville : le pont était miné et devait sauter aux approches de l'ennemi.
Le vendredi saint, 8 avril, les deux princes, décidés à se retirer au delà de la Loire, entrent chez Marie-Louise et lui proposent de les suivre, afin de mettre sa personne en sûreté. L'impératrice ne leur répond qu’en fondant en larmes. Ils essaient alors de l'emmener de force, et la prennent chacun par un bras ; mais, aux cris que pousse Marie-Louise, accourent plusieurs officiers de sa maison ; leur présence déconcerte les princes, et ils partent seuls. Vers deux heures, on apprend l'arrivée du comte Schouvalow. Dès ce moment, la régence est dissoute de fait. Le samedi 9, l'impératrice s'éloigne avec le roi de Rome et une partie de la cour, le 26 mai, arriva le duc d’Angoulême, qui allait rejoindre la famille royale à Paris. Pendant l’hiver de 1815, le maréchal Ney vint à Blois passer en revue l'ancienne garde impériale qui y tenait garnison. Enfin, après la seconde chute de l'Empereur, c'est dans le faubourg de Vienne de cette ville, alors occupée par les troupes alliées, que s'accomplit le licenciement de notre héroïque armée de la Loire.

Blois était, avant la Révolution le siège d'un bailliage et d'un présidial, le chef-lieu d’une élection, d’un grenier à sel, d’une maîtrise particulière des eaux et forêts, et d’un bureau de commerce pour la vente des vins et eaux-de-vie récoltés dans plus de cinquante arpents de vignes que renfermait le territoire de la ville. Son évêché, créé par le pape Innocent XII, était suffragant de Paris. A part les deux abbayes de Saint-Laumer et de Bourg-Moyen, il y avait dans ses murs une maison de chanoines réguliers de Saint-Lazare, des Cordeliers, des Capucins, des Jacobins, des Minimes, des Carmélites, des Visitandines, et des Chanoinesses dites Véroniques.
Chef-lieu du département de Loir-et-Cher, Blois a aujourd’hui un tribunal de première instance, un tribunal et une bourse de commerce, une société d’agriculture, une bibliothèque publique assez riche, un collège communal, un grand et un petit séminaire. Son siège épiscopal a été conservé. On fabrique dans cette ville des gants de peau estimés ; le commerce y a pour objet les vins et eaux-de-vie, les vinaigres qui sont excellents, les draps, les papiers, les cuirs, la faïence, les bois de merrain et les bois à brûler. Blois se ressent encore du coup que lui porta la révocation de l'édit de Nantes, puisque sa population, qui s’élevait à cette époque à près de 18,000 âmes, en atteint tout au plus maintenant 15,000. On compte dans l’arrondissement environ 129,000 habitants, et le département en renferme plus de 256,000.

La liste des Blésois illustres est assez longue. Outre le roi Louis XII et sa fille, la célèbre duchesse de Ferrare, nous citerons particulièrement le savant jurisconsulte Denis Du Pont, rédacteur de la coutume locale de cette ville ; Louis de Bourges (ou Burgensis), premier médecin des rois François Ier et Henri II ; Jean Blanchet, médecin de Catherine de Médicis ; Pierre le Beau, médecin de Charles IX ; Dufour, médecin de Henri IV ; le chancelier de Cheverny ; Albert, greffier de la chambre des comptes de Blois et notre plus ancien historien de localité ; le cardinal George d’Amboise ; Jean Bazin, qui eut la plus grande part aux négociations secrètes de Catherine de Médicis pour faire échoir à son fils Henri de Valois le trône de Pologne ; Florimond de Beaune, l’ami et l’émule de Descartes ; Denis Papin, l’inventeur de la machine à vapeur ; le médecin Bernier, qui publia le premier une histoire de Blois ; Guillaume Ribier, auquel on doit une collection de pièces diplomatiques pour servir à Fhistoire des règnes de François Ier, Henri II, et François II ; le capucin Théodore de Blois, auteur d une histoire générale de la marine et d'une histoire de Rochefort ; le P. Ange de Sainte-Rosalie, si connu par son histoire de la maison de France et des grands officiers de la couronne ; les deux peintres Mosnier et Bunel ; les graveurs Picault, Chereau frères, et Leroy ; les deux célèbres orfèvres émailleurs Vauquer et Gri-belin ; les Cuper, qui pendant trois siècles tinrent un rang honorable dans Fart de l'horlogerie ; les Phélypeaux, dans la famille desquels on compte onze ministres et un chancelier ; Michel Bégon, intendant de Rochefort, protecteur des lettres et des arts, qui paya de ses deniers le beau livre que Perrault consacra aux hommes illustres de la France ; Marin Bailly, phrénologiste distingué ; l'économiste Boësnier de l'Orme, qui émit dans son Gouvernement économique la plupart des idées fondamentales popularisées plus tard par Adam Smith ; le poète Fariau Saint-Ange, élégant traducteur d'Ovide ; M. Pardessus, fondateur du droit commercial, et digne héritier de l'érudition bénédictine dans sa collection des lois maritimes et dans son commentaire sur la loi salique ; M. Augustin Thierry, dont les admirables travaux ont ouvert une voie toute nouvelle à la science historique ; et son frère, M. Amédée Thierry, que son Histoire des Gaulois et son Histoire de la Gaule sous l’administration romaine placent au rang de nos savants les plus érudits et de nos écrivains les plus distingués,

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Blois vers 1850 - gravure reproduite puis  restaurée numériquement par Norbert Pousseur
Blois - détail de gravure de la carte de Vuillemin - 1851
Voir la page du département du Loir et Cher
(collection personnelle).

 

Blois au 19ème siècle

Aucune des villes dont le beau fleuve de Loire baigne les murailles, n’offre un aspect plus pittoresque que la ville de Blois. Bâtie en amphithéâtre sur une côte escarpée, elle étale aux yeux toutes ses parures : en bas, l’Hôtel de ville, le collège, l’Hôtel-Dieu, les quais et leurs blanches maisons sur lesquelles se détachent les hautes nefs dé l’église Saint-Laumer, noircies par le temps et la flamme des huguenots ; au-dessus, le château, si célèbre dans l’histoire, l’église des jésuites au pignon traditionnel ; tout en haut, le donjon des anciens seigneurs de Beauvoir, la cathédrale, l’évêché et ses jardins suspendus. Trois grandes voies de communication, placées aussi par étages, traversent Blois dans sa longueur : le fleuve, les levées, le chemin de fer. Une pyramide haute de dix-huit mètres s’élève sur le pont, dont la forme peu usitée répond à la disposition amphithéâtrale de la ville. Cet aspect extérieur perd de son prestige quand on pénètre dans les rues étroites et tortueuses de la vieille cité, quand on gravit les rampes et les escaliers qui relient les quartiers hauts aux quartiers bas. Quelques-unes de ces rues renferment plusieurs vieilles maisons à sculptures fantastiques du XVe siècle, et on trouve encore, çà et là, quelques débris des édifices de la Renaissance. Il reste peu de chose des anciennes fortifications. Les portes gothiques ont été détruites : un amas de glaces a renversé, en 1716, le vieux pont du XIIe siècle, avec sa chapelle, sa pyramide, ses bastilles, ses maisons de bois et ses moulins. La cathédrale, dont la fondation remonte au VIe siècle, peut être regardée comme un modèle de mauvais goût et un exemple curieux de faux gothique. Le cachet de noblesse et de force qui distingue le règne de Louis XIV se retrouve dans le palais épiscopal bâti à côté de la cathédrale. Saint-Laumer, ancienne église abbatiale de Bénédictins, devenue église paroissiale de Saint-Nicolas, a été construite pendant les XIIe et XIIIe siècles. La tour de Beauvoir, débris d'un vieux manoir, joint par les comtes de Blois aux fortifications de la ville, fait aujourd'hui partie des prisons.

L'importance du château de Blois, sous le rapport de l'art, égale l'intérêt que lui ont légué les événements de l'histoire. L'architecture du XIIIe siècle y est encore représentée par la colonnade de la salle des États ; le XIVe a vu s'élever la galerie des ducs d'Orléans, et Louis XII a fait bâtir la façade orientale, où l'heureux mélange de la brique et de la pierre, l'originalité de l'ensemble, la délicatesse et la naïveté des détails laissent l'œil et le goût indécis entre cette construction et celle qui l'avoisine, due au roi François Ier. Celle-ci, riche de tout ce que l'art avait emprunté à la Renaissance italienne, sans répudier pour cela l'ancien style français, mérite cependant plus d’attention. La façade du côté de la cour a peut-être un peu de lourdeur, mais elle  se distingue par son magnifique escalier extérieur, à jour, qui est certainement une des pièces capitales de l’architecture de la Renaissance. Gaston d'Orléans fit élever le quatrième corps de logis sur les dessins de François Mansard ; le célèbre architecte lui a donné toute la grandeur et la majesté des édifices de l'époque. Le faubourg de Vienne, sur la rive gauche de la Loire, n'a de remarquable que son église, d’abord simple chapelle dédiée à Saint- Antoine-des-Bois ; devenue paroisse, elle fut restaurée par Anne de Bretagne, qui fit construire le portail et commencer la tour des cloches. Catherine de Médicis y fit aussi quelques augmentations. La ville basse renferme un grand nombre de fontaines, parmi lesquelles on doit mentionner celle dont Louis XII décora la place qui porte son nom. Un monument curieux, mais assez grossier, est l'aqueduc, prétendu romain, qui recueille, pour alimenter ces fontaines, les eaux provenant des infiltrations des plateaux qui dominent la ville de Blois. Nous ne parlerons point des nouveaux édifices publics : laids, mesquins et incomplets, ils sont tout ce que leur permettent d'être la parcimonie des conseils généraux et municipaux et le système des adjudications au rabais.

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Blois du 17ème au 19ème siécle

 

 

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