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Extrait du dictionnaire Moreri ( source utilisée par Victor Hugo ) - édition de 1725 ALGER, ville & royaume d'Afrique dans la Barbarie, a le royaume de Tunis au levant, le Biledulgerid au midi, au couchant le royaume de Fez, & la mer au Septentrion. On le divise ordinairement en cinq provinces. La ville d'Alger, qui en est la capitale est belle & grande, avec un très-bon port. C'est l'Algeria, Algerium, ou Algaria des historiens latins. Divers auteurs se sont imaginés que cette ville est l'ancienne Julia Cœsarea, que Juba roi de Mauritanie fit bâtir à l'honneur de César, dont il voulut que sa ville portât le nom; mais aujourd'hui on est revenu de cette opinion, Julia Cœsarea est plus probablement Tenez, dans le royaume d'Alger. Il y a bien plus d'apparence que la ville d'Alger est le Ruscurium ou Rusuccurum d'Antonin, de Pline, & de Victor de Vite, que Ptolomée nomme Rhusuccoroe. Cette ville était le siège d'un évêque suffragant de Césarée, & les prélats de cette église avaient très-souvent souscrit aux conciles d'Afrique. Les Africains l'appellent Gezeir de Beni Mosgana, & les Arabes la nomment Algesir. Elle est située sur la pente d'une montagne qui s'élève insensiblement: de sorte que les maisons qui sont bâties sur cette pente, depuis le bord de la mer jusqu'au haut de la montagne. forment une espèce d’amphithéâtre d'autant plus agréable à la vue, que chaque maison a son corridor ou sa galerie tout autour, avec une belle terrasse. La plupart sont bâties de brique, & il y a plusieurs palais à la moderne, faits par d'excellents architectes. Près de la grande mosquée est la principale prison des esclaves, appelée Mahmora ou Bagues. Les murailles de la ville d'Alger sont hautes & flanquées de bons bastions. Elle a quatre portes principales. Vis-à-vis de celle qui regarde le septentrion, est le port & une île, laquelle est maintenant jointe à la terre ferme par un mole, qui rend le port plus sûr, & plus grand qu'il n'était auparavant. Il y a plusieurs forteresses aux environs de la ville, avec de bonnes garnisons & quantité d'artillerie; entr'autres, le fort de Burche, à un quart de lieue du château. Il est défendu par quatre bastions couverts de canons de bronze; & il a une place d'armes capable de tenir mille hommes. Du côté de la terre, la ville est environnée de rochers, au pied desquels sont de vastes plaines fertiles en blé & en pâturages. Cette ville est aujourd'hui la plus riche de toute l'Afrique, & la doüanne rapporte autant de revenu que tout le royaume. On y compte environ cent mille habitants; savoir douze mille soldats, qui sont presque tous Chrétiens renégats; quarante mille esclaves de tous les endroits de l'Europe, outre des Maures, des Turcs & des Juifs. Alger a été soumise aux rois de Mauritanie, puis aux Romains, aux Arabes, & à d'autres princes. Dans le XVI. siècle Barberousse la prit & la laissa à son fils Afan. Mai aujourd'hui c'est proprement une république sous la protection du Turc, qui y envoie quelquefois des bachas. La ville est une infâme retraite de corsaires & d'écumeurs de mer. Elle a été bombardée deux fois, & presque réduite en cendres, en punition de leurs pirateries, par les flottes du roi Louis XIV. en 1682 sous les ordres de M. du Quesne, & en 1688 sous ceux du maréchal d'Estrées. Ces Barbares n'ont osé depuis attaquer les vaisseaux Français.
Extrait de l'ouvrage "La France pittoresque" d'Abel Hugo ( frère de Victor Hugo ) - édition de 1835 Alger, capitale de la régence, sur la côte septentrionale de l'Afrique, à 36° 48' lat. N., et 0° 44' longit. E. du méridien de Paris, est bâti en amphithéâtre sur le penchant d'une colline. Son périmètre est d'environ une demi-lieue. Elle a presque la forme d'un triangle équilatéral, dont un côté s'appuie à la mer. L'angle supérieur opposé, où se trouve la Cassaubah, château-fort, et résidence du dernier dey, domine la ville. Alger est entouré de murailles, et a six portes, dont deux sur la mer. — Les rues sont fort étroites et sombres, attendu que plusieurs maisons des côtés opposés se joignent l'une à l'autre dans. les étages supérieurs. — Les maisons n'ont aucune apparence extérieure; mais intérieurement quelques-unes sont richement décorées. De tons les arts celui que les Maures entendent le mieux c'est l'architecture. A Alger, comme dans le Levant, on trouve dans certaines maisons de grandes portes, des appartements spacieux, des pavés de marbre, des cours à portiques, ornées quelquefois de jets d'eau; toutes les fenêtres donnent sur une cour intérieure; un balcon, garni de treillages fort serrés, est le seul jour pratiqué du côté de la rue. A l'entrée de chaque maison, on trouve d'abord un porche avec des bancs des deux côtés; c'est là que le chef de famille reçoit ses visiteurs et expédie ses affaires. Vient ensuite une cour ouverte qui, suivant la fortune du propriétaire, est pavée de marbre ou de pierres polies. En été une toile étendue la garantit de l'ardeur du soleil. Autour règne une galerie qui donne entrée dans les appartements. Les pièces sont en général très vastes; rarement elles communiquent entre elles. Une de ces chambres sert souvent de domicile à une famille entière. A l'extrémité de chaque appartement, on remarque une estrade entourée d'une balustrade, et élevée de 4 à 5 pieds, sur laquelle les Maures placent leurs lits. Chez les gens riches, les chambres, depuis le plancher jusqu'à la moitié de leur hauteur, sont tapissées de velours ou de damas; le reste du mur est chargé d’ornements en stuc ou de plâtre. Le plafond est boisé et peint avec beaucoup d'art; les planchers sont en briques et couverts de tapis. Les escaliers sont sous le porche, ou a l'entrée de la cour, mais jamais dans l'intérieur des maisons. Les toits des habitations forment des terrasses, souvent garnies d'arbustes et de fleurs. — Il y a à Alger trois marchés pour les grains, l'huile et les légumes. On y trouve une grande quantité de bains ou étuves publiques, des fours banaux, des moulins arabes grossièrement fait, mais qui suffisent aux besoins de la population. — Depuis l'occupation française, on y a abattu une grande mosquée et fait une place publique qu'on appelle place du Gouvernement. Six moulins à vents, des casernes en pizè, des hôpitaux en planches, un lazaret, un abattoir public, des bains à la parisienne y ont été établis. — La rade d'Alger offre, sous le canon des batteries, plusieurs mouillages abrités et commodes, D'après les états fournis par le génie militaire, 273 bâtiments, mosquées, caravansérails, ou maisons, sont occupés militairement à Alger. Le nombre des maisons de la ville est d'environ 4000. Un grand nombre est abandonné. Depuis l'occupation, plus de 25, 000 habitants, tourmentés par les vexations, les tiraillements des autorités civiles et militaires, ont émigré. La population que Shaw en 1720 évaluait à 100,000 habitants, et qui certainement, en 1825, était de 50,000, se trouvait réduite, au 1er juin de l'année 1832, à 23,541, savoir: 14,000 Maures, 5,400 Juifs, 4,021 Européens, et 120 Turcs. — Alger possède des égouts bien établis, et de nombreux aqueducs, qu'il suffit d'entretenir pour avoir en abondance une eau saine et pure.
Extrait de l'ouvrage "Précis de la géographie universelle" de Malte-Brun, édition de 1840 Alger, que les Arabes appellent Al-Djêzaïr (les Iles), ville dont on a considérablement exagéré la population en la portant, d'après Shaw, à 100,000, et d'après plusieurs auteurs plus récents à 200,000 âmes, n'a, suivant les recensements faits par l'administration française, qu'un peu plus de 30,000 habitants. Il est probable que cette population n'a jamais été plus considérable. Elle s'élève en amphithéâtre au fond d'une rade fortifiée, mais peu sûre lorsque le vent souffle du nord. Les nombreuses et jolies maisons de campagne semées sur un amphithéâtre de collines parmi des bosquets d'oliviers, de citronniers et de bananiers, présentent un aspect champêtre, pittoresque et peu analogue au caractère d'une nation de pirates. Le sommet de la colline à laquelle cette capitale est adossée, atteint la hauteur de 124 mètres au-dessus du niveau de la mer. La ville se présente sous la forme d'un triangle, dont la base est sur la côte, et le sommet sur celui de la colline: c'est là que s'élève la citadelle appelée Kasbah, qui servait de résidence au dey. Les maisons d'Alger, comme celles de la plupart des villes de l'Afrique, n'ont point de toits: elles sont terminées par des terrasses. Les habitations sont blanchies à la chaux, ainsi que les forts, les batteries et les murailles qui règnent autour de la ville, en sorte qu'à une certaine distance Alger ressemble à une vaste carrière de craie, ouverte sur le penchant d'une montagne. Du côté de la mer elle est défendue par des forts élevés sur un rocher, dont la réunion forme un fer à cheval, et qui, lorsque les Français s'en emparèrent, étaient armés de 237 pièces de canon, formant jusqu'à cinq rangs placés les uns au-dessus des autres, et dont le premier était composé de pièces en bronze du calibre de 36 à 96. Celui-ci était placé dans des casemates voûtées, dont les murs, à l'épreuve de la bombe, avaient trois mètres d'épaisseur (Rapport du 13 juillet 1830, au ministre de la guerre). Au milieu de ces forts s'élève un phare. Ils sont réunis à la terre par un magnifique môle en maçonnerie. Le port est petit:; 50 bricks de commerce suffisent pour le remplir; l'entrée en est étroite, et le soir on le fermait autrefois avec des pièces de bois réunies par des anneaux de fer. Il peut recevoir une frégate armée, mais les vaisseaux de ligne sont obligés de mouiller dans la rade. Après avoir traversé le port, on entre dans Alger par la porte de la Marine qui touche au môle, et qui conduit dans une des plus belles rues de la ville, bien qu'elle n'ait pas trois mètres de largeur, et que les corps avancés des maisons, soutenus par des rondins de bois plantés obliquement dans le mur, en couvrent plus de la moitié. Une rue parallèle au port, et communiquant de la porte Bab-Azoun à la porte Bab-el-Ouad; est la plus marchande d'Alger. Elle est encombrée par des échoppes ouvertes devant chaque maison, et si peu large, que les portefaix (piskeris) y circulent difficilement. Toutes les rues sont étroites, tortueuses et irrégulières, mais toutes sont arrosées par des fontaines qu'alimentent des aqueducs. Les maisons sont carrées, et ordinairement sans fenêtres sur la rue. C'est dans un vestibule appelé skifa, au rez-de-chaussée, que le maître de la maison reçoit les visites. Cette pièce est garnie de banquettes en maçonnerie sur lesquelles on place des tapis. Le premier étage est formé d'une cour, autour de laquelle règne une colonnade qui supporte le second étage: elle sert à donner de l'air et de la lumière aux appartements; chacun de ceux-ci n'est qu'une longue chambre aux extrémités de laquelle se trouve une estrade sur laquelle on place un lit tellement élevé qu'il faut une échelle pour y monter. En face de la porte d'entrée il existe un enfoncement dans lequel ou place un divan, sur lequel les femmes s'asseyent pendant la journée. Du côté de l'escalier il n'y a pas de chambre, mais c'est là que se trouvent à chaque étage une cuisine et une garde-robe très propres. La cuisine est la seule pièce de la maison où il y ait une cheminée.
La Kasba ou Al-Kassabah est le plus vaste des édifices d'Alger. C'est une forteresse irrégulière; c'est une prison plutôt qu'un palais. Son enceinte est fermée par des murailles d'une hauteur prodigieuse, sans issues, sans ouvertures, crénelées à la mauresque, et d'où s'échappent par de profondes embrasures, sans ordre ni alignement, de longs canons dont l'embouchure était, du temps du dey, soigneusement peinte en rouge. On n'y pénétrait, en venant du Château de l'Empereur, que par la porte neuve de la ville, et après avoir suivi une longue et tortueuse ruelle dont la largeur suffit à peine, dans quelques parties, pour le passage d'une bête de somme; mais les Français y ont ouvert une poterne sur la campagne. « Cette ruelle conduit, après quelques minutes de marche, sous un porche sombre, au centre duquel s'élève une coupe en marbre blanc, d'où coule un eau limpide. Ce porche, grossièrement décoré de larges lignes rouges et blanches, et de quelques petits miroirs, est le lieu où se tenaient les nègres qui formaient la garde fidèle du dey. Ce porche franchi, une seconde ruelle conduit d'un côté au magasin à poudre, et de l'autre à l'entrée de la cour intérieure où le dey faisait sa demeure. Cette cour, dallée en marbre, est carrée; elle offre, sur trois de ses côtés, des galeries soutenues par des colonnes torses . »(Rapport du 13 juillet 1830, au ministre de la guerre.) Sous l'une de ces galeries était une espèce de retraite indiquée par une longue banquette, couverte en drap écarlate, où le dey se tenait quelquefois lorsqu'il présidait le divan, dont les membres occupaient d'autres banquettes placées le long des murailles. Tout le mur de cette galerie était revêtu de carreaux en faïence ornés de jolis dessins. Sous cette galerie et de plain-pied se trouvaient les salles renfermant le trésor. C'est dans la cour dont nous venons de parler que les négociants étaient tenus de déposer la cargaison de leurs navires, afin que le dey pût choisir lui-même les 5, 6 ou 10 pour 100 qui lui convenaient, et qu'il prélevait en nature. Le premier étage se compose de quatre galeries, dont l'une communiquait à une longue batterie qui commandait la ville, et par un petit escalier à une galerie supérieure où venaient aboutir les quatre longues chambres formant l'appartement du dey, et dont deux extrêmement grandes étaient décorées dans le goût oriental. Dans la galerie en face se trouvaient les chambres destinées aux femmes. Ces chambres n'avaient de jour que par une cour intérieure. Le seul lieu dont l'accès leur fût permis est un espace décoré du nom de jardin, encaissé dans de hautes murailles, et n'ayant pour tout ombrage qu'un berceau de jasmin. On n'y parvient, après cent détours, qu'en descendant 60 à 80 degrés. Au-dessus du second étage on ne trouve que des terrasses et quelques autres petites chambres: on découvre de là toute la mer à une grande distance, et l'on plane sur la ville et les environs. L'enceinte du palais renferme aussi une mosquée, grande salle carrée ornée d'un rang de colonnes en marbre qui supportent un dôme octogone: un petit escalier servait à monter à un minaret, d'où le mouzzen appelait cinq fois par jour les fidèles à la prière. Telle est cette Kasbah qui, lorsque les Français y entrèrent, était armée de 50 pièces de canon en bronze, et dans laquelle ils trouvèrent des munitions et des marchandises évaluées à 7 millions, et un trésor en or et en argent s'élevant à la somme de 48,684,000 fr. Les plus importantes constructions après la Kasbah sont celles que forme la réunion du môle et des forts de la marine. Le môle qui unit les forts à la ville a 400 mètres de longueur: il est construit en briques et couvert par une terrasse supportée par des voûtes, sous lesquelles se trouvent de superbes magasins. Mais les plus beaux édifices sont certainement les mosquées. A l'arrivée des Français on en comptait 10 grandes et 50 petites, ou chapelles appelées marabouts. La plus grande mosquée se trouve à l'entrée de la rue de la Marine, du côté de la place du Gouvernement. « C'est un long bâtiment rectangulaire, voûté, divisé longitudinalement en trois nefs par deux rangs de colonnes, et sous le dôme, à peu près aux deux tiers de la longueur, il y a encore deux autres rangs qui forment la croix avec les premières. De chaque côté de la grande nef, les colonnes supportent des tribunes, dont les plus près de la porte sont publiques; mais celles qui se trouvent au-delà du dôme et de chaque côté de la niche sont réservées pour la noblesse. Cinq ou six lustres en verre et plusieurs lampes sont suspendus avec des chaînes dans toute la longueur de la grande nef, et contre les deux rangs de colonnes qui viennent la couper sous le dôme. Les lampes sont allumées pour la » prière du soir, mais les lustres ne le sont que dans les grandes cérémonies, à la fête du Bayram, par exemple (Rozet: Voyage dans la régence d'Alger, tom. III. Paris, 1833). » Avant l'occupation d'Alger par les Français, tout chrétien qui franchissait le seuil d'une mosquée était puni de mort, et le temple était lavé à grande eau et blanchi à la chaux pour effacer la souillure causée par la présence d'un infidèle. Le culte catholique avait aussi ses temples à Alger; quant aux synagogues, elles sont, dans la partie basse de la ville, le seul quartier que les juifs pouvaient habiter.
Il y a à Alger environ 60 cafés, mais 5 ou 6 seulement méritent de fixer l'attention. C'est là que les Maures et les Turcs viennent s'accroupir gravement sur des banquettes, fumer et prendre du café. Ils y restent quelquefois toute la journée sans proférer une parole. Les boutiques de barbiers sont aussi les lieux de réunion les plus fréquentés. Au mois d'août 1832, l'administration française, jugeant qu'il était nécessaire d'ouvrir une grande place à Alger, ne trouva pas d'autre moyen que de détruire l'une des deux grandes mosquées. Pour ménager la susceptibilité d'un peuple fanatique, on eut recours à un stratagème: des ingénieurs travaillèrent secrètement pendant plusieurs nuits à miner l'édifice; on mit le feu à la mine, et au grand étonnement de la population la mosquée s'écroula comme d'elle-même: ce qui fit dire aux Arabes que c'était une punition de Dieu, de ce qu'ils avaient laissé prendre leur ville, et que le prophète les abandonnait. La nouvelle place a 155 mètres de longueur sur 65 de largeur. En 1836, un hôpital civil fut provisoirement installé dans une ancienne mosquée de la rue des Consuls; mais depuis le mois d'octobre 1838, cet utile établissement occupe les bâtiments de Caratine, ancienne caserne des janissaires. Il peut contenir 400 à 500 malades. Parmi les édifices qui ont été construits par le gouvernement français, on doit citer la cathédrale dédiée à Saint-Philippe, le palais du gouverneur et l'évêché.
Les besoins de l'armée et des services publics exigèrent que d'importantes et faciles communications fussent ouvertes à travers le massif de maisons qui composaient la basse ville: de là le percement des rues de la Marine, Bab-Azoun et Bab-el-Ouad, que l'on a nommées les grandes artères d'Alger; de là l'ouverture de la place du Gouvernement, de celle de Chartres et de celle du Soudan. On a exigé des particuliers qui ont bâti des maisons dans les trois principales rues que nous venons de désigner et sur les deux places du Gouvernement et de Chartres, l'obligation de construire des arcades. Cette mesure compense avec avantage les inconvénients qui, sous un climat tel que celui de l'Algérie, auraient pu résulter de la grande largeur de ces nouvelles voies de communication. Le nombre des arcades construites à la fin de 1839 était de 319, formant un développement de 800 mètres. L'érection d'un évêché catholique à Alger n'a point empêché le gouvernement de témoigner toute sa sollicitude pour les autres cultes. Ainsi, le 29 mars 1840, un pasteur protestant a été installé dans une église consistoriale, tandis que l'état des Israélites a été considérablement amélioré. L'instruction publique a reçu aussi une louable impulsion: à la fin de 1839 on comptait à Alger un collège, sept écoles primaires de garçons, six écoles de filles et une salle d'asile. Le nombre total des écoliers était d'environ 1,500. Jusqu'à l'arrivée des Français, les filles publiques d'Alger étaient sous la dépendance d'un mezouar, espèce de commissaire de police qui prélevait une taxe sur chacune d'elles, et qui payait au dey 2,000 piastres par an. Leur nombre peut être évalué à plusieurs milliers. Elles étaient enfermées dans des maisons particulières, et ne pouvaient en sortir sans la permission du mezouar. Il était défendu aux juifs et aux chrétiens d'avoir des relations avec elles; en cas de contravention, la femme était liée dans un sac et jetée à la mer, et l'homme avait la tête tranchée, à moins qu'il ne pût payer une grosse somme d'argent. Le mezouar avait le pouvoir d'enfermer dans les maisons de filles toutes les femmes dont les intrigues amoureuses n'étaient point tenues assez secrètes pour qu'à l'aide de ses agents il ne pût les surprendre en tête à tête avec leurs amants. ll faisait cerner les maisons où il espérait prendre en flagrant délit une femme adultère, et lorsque le galant était un juif ou un chrétien, la femme était jetée à la mer, et l'homme décapité. Mais à l'arrivée des Français, et surtout après qu'ils eurent décrété la liberté de toutes les classes, les fonctions de ce singulier protecteur de la morale publique ont cessé, les filles publiques ont brisé leurs verrous, les juives se sont arrogées le droit qui leur avait été refusé d'en faire partie, et aujourd'hui on compte plus de filles publiques juives qu'il n'y en avait avant de mauresques, d'arabes et de négresses.
Si l'administration française a détruit le pouvoir un peu trop étendu que l'usage accordait au mezouar, elle a dû détruire le singulier privilège dont jouissaient les mendiants d'Alger. Sous le règne du dey, il fallait bien se garder de faire trop régulièrement l'aumône au même pauvre, sans quoi l'on était condamné par le cadi, non seulement à continuer, mais encore à payer au mendiant tout l'arriéré de l'aumône que l'on avait cessé de faire. M. Rozet cite, à l'appui de cette assertion, l'exemple d'un négociant européen qui avait l'habitude de donner tous les jours à un pauvre qui allait se placer à sa porte, et qui, de retour à Alger après une absence de plus d'une année, fut condamné à lui payer tout ce qu'il lui aurait donné pendant ce temps, et cela parce que le mendiant n'avait cessé de se présenter chaque jour à sa porte. A peu de distance de la ville s'étendent le jardin d'essai et la pépinière du gouvernement: le premier de la contenance de 5 hectares et la seconde de 24 hectares environ. Dans le jardin d'essai s'élèvent aujourd'hui 10,000 pieds d'arbres appartenant à des espèces dont la plupart n'existent point en Afrique ou s'y sont perdues, et qui paraissent devoir s'y acclimater facilement. La pépinière renfermait au 1er janvier 1840 plus de 69,000 pieds d'arbres, et elle avait fourni aux colons dans les trois années précédentes près de 20,000 arbres et plus de 60,000 boutures de mûriers et de peupliers. La pépinière est en état de suivre tous les développements que pourra prendre en Algérie l'industrie des vers à soie, industrie qui parait devoir y acquérir une grande importance. En parcourant les environs d'Alger, on remarque plusieurs objets dignes d'être mentionnés ici: ce sont d'abord les tombeaux, qui occupent la partie supérieure de la colline à laquelle la ville est adossée. Ils s'étendent jusqu'à 500 mètres de ses murs. Au milieu des pierres sépulcrales s'élève çà et là le tombeau d'un marabout; le plus remarquable est celui de Sydy-Abderahman: il ressemble à une petite mosquée; des caroubiers, des figuiers, des agaves, et un palmier magnifique, croissent aux environs; on y entre en passant par un vestibule voûté, au milieu duquel un bassin et un jet d'eau invitent les fidèles musulmans aux ablutions que leur prescrivent leur culte et la chaleur du climat; une petite galerie conduit à une salle où se tient le successeur du défunt personnage; plus loin est celle où s'élève la chasse du saint vénéré, recouverte d'un drap de soie rouge brodé en or, et sur laquelle flottent d'énormes drapeaux en soie verts et rouges. Ce tombeau est en grande réputation; il est surtout visité par les femmes; celles-ci ne font aucune difficulté d'admettre dans leur compagnie le successeur du saint, et se dévoilent sans scrupule devant lui. C'est flans la demeure de l'ermite musulman que se réfugient les esclaves qui s'échappent de chez leur maître; c'est lui qui parvient, par son crédit, à engager le maître à céder son esclave à un autre, et souvent à lui accorder sa liberté. En se dirigeant vers le nord, on trouve le fort Tiklits, construction magnifique, mais irrégulière comme tous les forts d'Alger, et que les Français ont nommé le Fort des vingt-quatre heures; plus loin la maison de plaisance du dernier dey, dont les jardins sont remarquables. Sur un rocher de schiste s'élève le dôme d'un marabout appelé Sydy-Yakoub, qui est en vénération principalement chez les Juifs. Dans les vallons ombragés que l'on traverse en sortant d'Alger par la porte Bab-el-Ouad, on rencontre, comme sur toutes les routes des environs de la ville, des cafés où| les musulmans viennent avec des filles publiques oublier les moments ennuyeux qu'ils passent dans leur intérieur, au milieu de leurs nombreuses épouses. Du côté du Château de l'Empereur, les environs d'Alger sont moins agréables que ceux dont nous venons de décrire les objets les plus curieux. Ce fort, construit en briques, doit son nom à quelques travaux de fortifications que Charles-Quint fit élever en 1541, lorsqu'il vint assiéger Alger, Les Français l'ont augmenté. Lorsqu'ils s'en emparèrent, il était armé de 50 pièces de canon et de 6 mortiers. Sur la route que suivit l'armée française, on aperçoit encore le marabout de Sydy-Efroudj, construit à l'extrémité du cap de ce nom, sur un roc de gneiss élevé de 28 mètres au-dessus de la mer. Les Algériens avaient une grande confiance dans la puissance des reliques qu'il renferme; ils y faisaient des pèlerinages pour obtenir la réussite d'un voyage, d'une entreprise ou la guérison de quelque maladie. A la vue de nos voiles, ils allèrent en procession porter des offrandes au Sydy, et lui demander l'extermination des infidèles qui venaient les attaquer; mais lorsque leur ville fut au pouvoir des Français, ils accusèrent le saint de trahison, et depuis ce temps ils n'ont plus en lui aucune confiance. Sur un plateau qui domine la mer, on observe des monuments que l'on est étonné de trouver en Afrique: ce sont deux groupes de pierres parfaitement semblables à ceux que l'on appelle dolmen, et que l'on attribue au culte druidique. A-t-on bien examiné la question relative à l'origine de ces sortes de monuments, que l'on s'est empressé d'appeler celtiques dans l'Europe occidentale, et que l'on retrouve aussi, non seulement sur la côte d'Afrique, mais en Islande, mais sur le continent américain, au nord comme au midi ? M, Rozet pense que ceux qu'il a signalés aux portes d'Alger pourraient bien avoir été érigés par des Gaulois qui faisaient partie des armées vandales qui s'établirent sur les côtes de la Barbarie. Mais qui pourrait prouver que les Gaulois ont jamais élevé de pareils monuments, quand le plus ancien de leurs vainqueurs, César, qui fait un tableau si détaillé de leurs mœurs, quand Tacite, après lui, ne parlent ni l'un ni l'autre de travaux semblables qu'ils auraient dû, pour ainsi dire, voir élever sous leurs yeux ? Ces monuments et tous ceux du même genre appartiennent très probablement à un peuple primitif dont l'histoire n'a conservé aucun souvenir. Près du cap Matifou, des antiquités d'un autre intérêt se présentent: ce sont les débris de Rustonium, cité romaine qui, à en juger par les tronçons de colonnes en marbre dont le sol est jonché, par les habitations dont on reconnaît les restes, dut être une ville importante, bien qu'il n'y existe aucune trace de l'enceinte d'un port. |
Nota : les propos ci-dessus reflètent les idées de l'époque sur les colonies et leurs habitants. Il s'agit bien de notices historiques à replacer dans leur contexte. Ces textes ne correspondent en aucun cas à la position de l'auteur de ce site, qui a, par ailleurs, un grand respect pour la nation algérienne et son peuple |
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