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Les villes à travers les documents anciens

 

Alger en 1830 lors de sa conquête par les français, par Abel Hugo

 

Carte d'Alger vers 1830 - reproduction © Norbert Pousseur
Carte d'Alger vers 1830 - pour voir les détails Vers la vue agrandissable par zoom

 

Article de l'ouvrage "La France pittoresque" d'Abel Hugo ( frère de Victor Hugo ) - édition de 1835
Version exceptionnelle aux gravures en couleur aquarellée (collection personnelle)

HISTOIRE,
Alger, dans le XVe siècle, servit de retraite aux Maures expulsés d’Espagne. C’était depuis longtemps le refuge des hardis pirates musulmans qui infestaient la Méditerranée. En 1510, les Espagnols s’en emparèrent, et y bâtirent, sur un rocher isolé au milieu des flots, les fortifications qui en protègent le port. En 1516, Alger recouvra son indépendance. Deux frères, corsaires fameux, les Barberousse, en firent le chef-lieu de la principauté qu’ils se créèrent sur la côte septentrionale de l’Afrique. Cette ville a toujours depuis continué à acquérir de l’importance. Elle était sortie libre et souvent victorieuse de toutes les expéditions que le désir de défendre ou de venger la chrétienté fit entreprendre contre elle. Charles-Quint en 1541, le duc de Beaufort en 1663 et 1665, Duquesne en 1682 et 1683, Tourville en 1687, O’Reilly en 1775, lord Exmouth en 1816, avaient menacé, humilié, mais non réduit Alger, l'audace du gouvernementale la régence s’accrut des succès incomplets obtenus contre lui, au point, qu’en 1830, il ne craignit pas de lutter avec la France.

Alger vers 1830 - reproduction © Norbert Pousseur
Alger vers 1830, dessin d'après nature de Fidel Gudin

GUERRE D'ALGER
Causes. — Ce ne fut point un fait isolé qui amena la rupture entre la France et la régence d’Alger. Les griefs du gouvernement français remontaient à l’accession au pouvoir du dernier dey, Hussein-Pacha, en 1818. Mais c’est surtout depuis 1824 qu’ils acquirent plus de gravité. A cette époque, contre la teneur expresse des traités, des perquisitions furent exercées dans la maison consulaire de France à Bone. Des autorisations illicites de séjourner et de commercer dans cette ville, et sur les côtes de la province de Constantine, furent accordées à des négociants anglais et mahométans. Un droit arbitraire de dix pour cent fut établi sur les marchandises introduites dans ces contrées pour le compte de l’agent des concessions françaises. En 1826, des navires appartenant à des sujets du Saint-Siège, mais couverts du pavillon blanc et de la protection de la France, furent injustement capturés, et la restitution en fut refusée. Des propriétés françaises, saisies à bord d’un navire espagnol, furent confisquées. Ainsi furent violés les deux principes qui avaient constamment servi de base à nos transactions avec les régences d’Afrique : que le pavillon français couvre la marchandise quelle qu’elle soit, et que la marchandise française est inviolable, même sous le pavillon ennemi. Des visites arbitraires et des déprédations furent commises à bord des navires français. La souveraineté de la France sur la portion de territoire qui se trouve comprise entre la rivière Seïbouse et le cap Bon, et dont elle est en possession depuis le milieu du XVe siècle, fut méconnue. Enfin, le 30 avril 1827, lorsque le consul de France, que des raisons financières avaient déjà brouillé avec le dey, se rendit auprès de lui pour le complimenter, suivant l’usage, la veille des fêtes musulmanes, une insulte grossière répondit seule à cet hommage officiel. Le gouvernement français, informé de cette insulte, envoya au consul l'ordre de quitter Alger, et celui-ci, étant parti le 15 juin, le dey fit aussitôt détruire les établissements français en Afrique, et notamment le fort La Calle, qui fut pillé complètement et ruiné de fond en comble. Alors commença le blocus d’Alger, qui coûta à la France, sans amener aucun résultat, plus de 7 millions par an ; au mois de juillet 1829, le gouvernement français, en reconnaissant l’inefficacité, voulut, avant de se décider à la guerre, faire une dernière démarche vis-à-vis du dey. M. de La Bretonnière fut envoyé à Alger; il porta à Hussein, jusque dans son palais, nos justes réclamations ; le dey refusa d’y faire droit, et lorsque le parlementaire s’éloigna du port, les batteries, à un signal parti du château, firent feu toutes à la fois sur le bâtiment qui le portait. Le feu continua jusqu’à ce que M. de La Bretonnière se trouvât hors de portée. Cette éclatante violation du droit des gens ne pouvait rester impunie, la guerre fut donc résolue. Une flotte et une armée, destinées à cette expédition, se réunirent à Toulon.
Armée d’expédition. — L’armée, placée sous le commandement du général Bourmont, offrait un effectif de 37,639 hommes, de 3,853 chevaux, et de 70 bouches à feu de gros calibre, etc. La flotte, aux ordres de M. Duperré, présentait un total de 644 bâtiments, parmi lesquels on en comptait 107 appartenant à la marine royale.
Campagne. — La flotte fut contrariée par les vents.
Elle resta plus de vingt jours en mer. Pendant ce temps le dey d’Alger avait fait ses préparatifs de défense. A la milice turque, forte d’au moins 20,000 hommes, s’étaient réunis les contingents des beys d’Oran, de Tittery et de Constantine, au nombre de 40,000 combattants, et les tribus belliqueuses de l’Atlas. Néanmoins le débarquement s’effectua heureusement, et la guerre ne dura que le temps nécessaire pour conduire l’artillerie, de Sidi-Ferruch en batterie devant Alger. A Staoueli, à Sidi-Khalef, l’ennemi essaya vainement d’arrêter la marche de nos troupes. Un dernier effort, tenté sous les murs d’Alger, n’eut pas un résultat plus heureux. Le fort de l’Empereur fut pris, et quinze jours après le débarquement, Alger, au moment d’être enlevé de vive force, capitula.
Le maréchal Bourmont, quelque graves qu’eussent été en 1815 ses torts envers l’armée dans laquelle il avait accepté un commandement, et qu’il abandonna, en présence de l’ennemi, trois jours avant la funeste bataille de Waterloo, se montra, pendant la campagne d’Afrique, digne de la haute mission qui lui avait été confiée. On l’a accusé de trop de lenteur et de trop de prudence; mais, en lui faisant ce reproche, on oublie que toutes les expéditions précédentes contre Alger, celles même de Charles-Quint et d’O’Reilly, n’ont manqué que par l’effet de la précipitation et de l’ardeur des troupes de débarquement. L’expérience du passé a servi de règle au général Bourmont. Il a pris Alger, et, à son départ d’Afrique, en remettant le commandement au général Clausel, il n’a emporté pour tout trésor qu’un coffret de cèdre, renfermant le cœur d’un de ses fils blessé à mort au combat de Sidi-Khalef.

RéSUMé CHRONOLOGIQUE.
1830 - 25 mai. - Départ de Toulon.
27-28. Coup de vent qui disperse la flotte.
3 juin. - Relâche à Palma.
10 —   - Départ de Palma.
13 —  - Arrivée à Sidi-Ferruch.
15 —  - Débarquement.
19 —  - Première attaque. — Combat de Staoueli.
24 — - Combat de Sidi-Khalef.
26 —  - Coup de vent. Situation critique de l’armée navale.
3 juillet. - Attaque des batteries de mer d’Alger.
4 —  - Prise du fort de l’Empereur.
5 — - Capitulation d’Alger.

PRODUITS DE LA CONQUêTE.
Trésor du dey (espèces et matières d’or et d’argent). ......................................... 47,639,010 fr. 84 c
Recettes diverses, impôts, subsides, etc.  ................................................................. 657,196 fr. 37c.
Matériel d’artillerie (785 bouches à feu en bronze, 399 en fer, projectiles, etc.)...... 4,589,624.fr. 43 c.
Matériel de marine (2 corvettes, 5 goélettes, 1 chebeck, etc.).................................... 799,791 fr.
Effets d’habillement, campement, etc. .........................................................................155,990 fr.  35 c.
Mobilier et médicaments.............................................................................. ................. 81,010 fr. 70 c.
Denrées et marchandises diverses.......................................................... .................. 796,733 fr. 72 c.
Total, ..... 54,719,937 f. 41  c.

L’opinion publique, trompée par les rapports exagérés des Maures et des Juifs, estimait à une bien plus haute valeur le trésor de la régence. On ignorait que depuis longues années ce gouvernement éprouvait un déficit annuel de plus de 2,000,000 fr. Les hommes aveuglés ou malveillants accusèrent de malversation et de péculat les chefs de l’armée expéditionnaire. Une commission d’enquête fut envoyée sur les lieux, et l’accusation fut réduite à néant. On n’a détourné aucune somme d’argent, c’est un fait avéré, mais nous tenons d’officiers dignes de foi, attachés à l’armée d’Afrique, qu’il y a eu pillage de certains objets curieux, tels que selles, harnachements, costumes, armes et armures. Ce pillage au moment même du triomphe peut être excusé; dans tous les temps, les armes des vaincus ont fait partie des trophées appartenant au vainqueur. Ce sont les reliques de la victoire et de la conquête.
Des objets d’une autre nature ont été soustraits, et il est certain que ces objets n’ont point été compris dans le nombre des dépouilles que l’armée d’expédition s’est adjugées. Alger renfermait, outre la milice turque, en qui résidait le pouvoir, deux populations soumises, les Maures et les Juifs, qui pouvaient se croire le droit de réclamer des restitutions à leurs oppresseurs. Un fait grave, et qui mériterait d’être examiné, c’est que, d’après M. Pichon, intendant civil, tout le matériel de l’atelier des monnaies placé dans la Cassaubah a disparu au moment de la conquête. Evidemment, nos soldats n’en avaient que faire. Mais le matériel enlevé peut servir (à des industriels habiles, comme il s’en trouve en Afrique) pour fabriquer et répandre dans le pays une monnaie dont l’altération sera d’autant plus difficile a reconnaître, que les habitants de la régence, par suite de l’habitude et de la prévention nationale, préféreront long-temps, dans toutes les transactions, les monnaies arabes aux monnaies françaises.
Les lingots d’or et d’argent provenant du trésor du dey d’Alger, et fondus à la monnaie de Paris, ont produit en espèces à l’effigie de Louis-Philippe :
Or...................... 20,368,635 fr.
Argent. ............. 19,315,821 fr.
Total.................. 39,684,456 fr.
Le reste, se composant d’espèces monnayées ayant cours dans la régence, a été employé à Alger au service des dépenses publiques.

BILAN DE LA GUERRE D’ALGER.
Les frais extraordinaires de l’expédition (marine, guerre et finances) se sont élevés, pour 1830 (conquête et occupation), à la somme totale de ....................... 49,107,433 fr. 80 c.
Et à celle de ......................................................... 55,962,699 fr. 83 c.
en y ajoutant les dépenses du pied de paix, dépenses qui, dans tous les cas, auraient été faites.
La conquête a produit en 1830............................. 54,719,537 fr 41 c.
Différence au profit du trésor.................................. 5,611,923 fr. 61 c.
Cet excédant doit être augmenté de la valeur du matériel acquis sur les 49,107,433 fr. dépensés, matériel qui, n’ayant été consommé qu’en partie durant la campagne, est venu grossir les approvisionnements de la guerre et de la marine, et qui peut être évalué à environ. ... 10,000,000 fr.
La guerre d’Alger, outre la conquête d’un riche et important territoire,
a donc donné à  la France un bénéfice de. ............. 15,611,923 fr. 61 c.

ANTIQUITéS.
L’état d’Alger comprend la Numidie et presque toute la Mauritanie césarienne. Gouverné d’abord par des princes indigènes, il est devenu successivement la conquête des Romains, des Vandales, des Grecs, des Arabes, des Espagnols, des peuples de l’intérieur de l’Afrique, et des Turcs. Il doit renfermer un grand nombre d’antiquités de nature diverse ; mais le peu de progrès que l'armée française y a faits depuis la conquête n’a pas encore permis de les rechercher et de les étudier avec soin. On ne connaît guère que celles qui se trouvent sur les chemins qui conduisent d’Alger aux principales villes. Ainsi on trouve : — sur les côtes de la Méditerranée, au cap Caxines, les restes d’un aqueduc; dans la province de Constantine, les ruines de Collo, ville romaine; à Cherchell, les restes d’un port romain et d’une ville immense. — Sur la route de Bone à Constantine : les ruines d’un édifice thermal. — Sur la route d’Alger à Oran : Miliana, bâtie sur l’emplacement de l’ancienne Malliana ; sur le fleuve Cheliff, cinq arches d’un pont romain ; plus loin, les restes d’un bel aqueduc, de voies romaines, des tronçons de colonnes, etc., des citernes et des inscriptions grecques et latines.

MœURS ET CARACTèRES.
Depuis l’expulsion des Turcs, et sans compter les Européens qui y arrivent de tous les pays méridionaux, quatre races distinctes, les Kabyles, les Arabes, les Maures et les Juifs, forment la population de la régence d’Alger.
Les Kabyles ou Berbères sont les habitants primitifs du pays; ils descendent des anciens Gétules et des Libyens ; ils ne parlent pas arabe. Leur langue est l’idiome choviah, chillah ou berbère, qui est répandu depuis l’Atlas jusqu’à l’Oasis de Sywah. Ils ont le teint rouge ou noirâtre, la taille haute et svelte, le corps grêle et maigre. C’est un peuple guerrier et brave. Retirés dans les montagnes et divisés en un grand nombre de tribus qui, toutes, ont leur chef particulier, ils se font gloire de ne jamais s’allier avec les autres nations. Leurs maisons, construites en terre grasse séchée au soleil, ou avec des claies enduites de boue, s’appellent gurbies ; elles sont couvertes de paille ou de gazon. L’intérieur n’en est pas divisé en plusieurs pièces; mais seulement un coin est réservé pour le bétail La réunion des gurbies d’une tribu forme un dachkras ou village; Les Kabyles ont un esprit industrieux; ils réussissent à fabriquer eux-mêmes des fusils, médiocres il est vrai, mais qui servent à leur défense.

Les Arabes, originaires d’Asie et descendants des anciens conquérants de la Mauritanie, conservent une physionomie mâle; ils ont les yeux vifs, le teint olivâtre, une taille moyenne, mais bien prise. Ceux qui s’adonnent à la culture des terres occupent des demeures fixes. Les autres vivent sous des tentes et errent avec leurs troupeaux ; ceux-ci sont les Arabes Bédouins. Ennemis de toute espèce de travail, ils passent la journée à fumer. Une extrême sobriété, un mélange de ruse et de cordialité, un besoin impérieux de liberté et d’indépendance, une hospitalité qui ne se dément jamais, tels sont les traits qui les distinguent. Comme leurs frères d’Arabie, ce qu’ils aiment le mieux au monde, c’est leur cheval. Leurs femmes, chargées de tous les travaux domestiques, ont des traits peu agréables. Leurs chefs se nomment cheiks, et reconnaissent pour supérieur un aga, qui réside à Alger, et qui aujourd'hui est nommé par le gouvernement français. Comme les Kabyles, ils sont partagés en de nombreuses tribus, dont la plupart, habitant l’Atlas et le désert, sont riches par le commerce qu’elles font avec Tunis et Maroc.

Les Maures forment plus de la moitié de la population. Ils descendent du mélange des anciens Mauritaniens avec les Phéniciens, les Romains et les Arabes. Ils ont la peau plus blanche, le visage plus plein, le nez moins saillant, et tous les traits de la physionomie moins prononcés que les Arabes. Les Juifs, qui les redoutent à cause de leur industrie et de leur activité, les dépeignent comme avares, débauchés, avides, paresseux et vindicatifs. Ils aiment le luxe des habillements. Les exercices à cheval et le tir des armes à feu sont leurs passe-temps favoris. Les femmes maures sont généralement belles, et reçoivent une certaine éducation. Elles portent le cachet de l’oppression individuelle beaucoup moins qu’on ne pourrait le penser. Les coutumes locales leur assurent une protection active et efficace. M. Pichon rapporte qu’elles savent très bien faire elles-mêmes leurs affaires et soutenir leurs réclamations. « On ne trouverait pas en France, dit-il, des solliciteuses plus fermes et plus décidées dans leur langage. »
Les Maures qui habitent les villes et les villages se livrent au commerce, exercent des métiers, sont propriétaires de maisons et de biens de campagne, et, sous le gouvernement de la régence, occupaient divers emplois administratifs. Les Maures de la campagne, réunis en tribus errantes, pauvres, ne possèdent aucun immeuble et ne se distinguent que par le nom du pays qu’ils occupent, ou par celui des chefs dont ils descendent. Chaque tribu habite un adouar, village ambulant composé de tentes comme un camp ; chaque tente sert de logement à une famille, et tout l'adouar obéit à un seul cheik, qui prend soin des intérêts communs. Les Maures nomades habitent alternativement les contrées qui leur paraissent les plus productives ; ils louent de ceux des villes des terrains qu’ils cultivent, et, avec le produit de leurs récoltes, paient le loyer et les impôts. Le cheik répond pour tous, et tous sont mutuellement garants les uns des autres. — Ces Maures ont le caractère guerrier ; leur adresse à cheval est remarquable ; ils se servent peu des armes à feu. Leurs armes principales sont la lance, qu’ils appellent azagaie, et un large coutelas.

Le séjour des Juifs dans le royaume d’Alger remonte, à ce qu’ils prétendent, à l’époque de la destruction de Jérusalem par Vespasien; mais le plus grand nombre vient des Juifs chassés de l’Europe dans le XIIIe siècle. Méprisé et maltraité par les Turcs, les Maures et les Arabes, ce malheureux peuple, jusqu’au moment de la conquête française, ne pouvait porter que des vêtements noirs. Aujourd’hui il a repris son indépendance. Comme les Juifs d’Europe, les Juifs d’Alger sont industrieux. Presque tout le commerce de la régence est dans leurs mains. De toutes ces populations diverses, les Maures et les Juifs sont les seuls qui aient accueilli favorablement la domination française. Les Arabes n’ont qu’une soumission équivoque, et les Kabyles se sont ouvertement déclarés contre nous.

Voici comment M. Pichon, qu'un esprit observateur, une longue expérience des peuples étrangers, une étude consciencieuse des populations algériennes, placent, malgré sa disgrâce officielle, au premier rang des juges dont l’opinion doit faire loi, apprécie les nouveaux sujets que la France a acquis en Afrique ; « Les Maures doivent être nos premiers et plus fidèles intermédiaires ; ce sont eux qui possèdent commercialement et intellectuellement l’Afrique ; ce sont eux qui ont désiré, plus que les autres races, le succès de nos armes. Les autres races, bien qu’opprimées par la milice gouvernante des Turcs, n’y ont point autant applaudi : c’est chez elles, comme plus pauvres, moins éclairées, que se retranche l’amour du sol natal, que se retire la dernière étincelle du patriotisme local. Cependant, parmi les Arabes qui ont ici des cheiks illustres, des marabouts, renommés par leur origine, leur piété, leur influence; parmi les Arabes, il y a aussi de bons instruments à choisir. Ne serait-il pas glorieux de tenter et de réussir à mettre dans nos mains des nations qui ont parcouru en conquérants un grand tiers du globe habile ? Je ne connais pas de figure humaine où les traits de l’indépendance brillent d’un plus grand éclat que dans celle de l’Arabe que la conquête de 1830 a donné à la France pour sujet. Bien différent est le Kabyle ; descendant des Numides et des autres peuples indigènes qui habitaient les royaumes rivaux de Bocchus et de Juba, sous les premiers empereurs romains, le Kabyle a du cauteleux dans les traits comme dans la conduite. C’est le petit propriétaire de la Barbarie. Il est aussi plus indomptable que l’Arabe, parce qu’il habite les lieux les plus difficiles. Il n’y a que peu ou point de parti à en tirer pour la confiance publique. Il est à peine musulman, et encore près de l'idolâtrie et du fétichisme. Dans la province de Bugie, il est maître à peu près ; le dey d’Alger lui-même n’y avait que peu ou point d’autorité. Il ne s’y faisait obéir qu’en s’emparant des Kabyles qui vivaient assez nombreux à Alger dans la domesticité, et s’en faisant des espèces d’otages pour l’obéissance de leurs concitoyens ; mais nulle part l’amour du pays n’est plus exalté que chez cette race. »

Costumes algériens vers 1830 - reproduction © Norbert Pousseur
Costumes algériens, dessin d'après nature et gravure de Ferdinand Wachsmuth

COSTUMES.
Les costumes des habitants de l’Etat d’Alger sont variés comme la population ; riches et brillants dans les villes, sombres et pauvres dans les campagnes. Il y a généralement peu de luxe : c’est un résultat de la crainte que chacun éprouvait, sous la domination de la milice turque, de laisser apercevoir l’état de sa fortune.
Les Kabyles et Maures s’enveloppent d’un haïk, grande pièce d’étoffe de laine blanche très grossière. Quelques-uns entourent leur tête d’un morceau de drap. Les cheiks portent une chemise et un burnous, sorte de manteau en laine avec un capuchon. Ces burnous se conservent avec soin, et se transmettent de père en fils. Les enfants des deux sexes restent nus jusqu’à sept ou huit ans. Les femmes maures se couvrent avec une étoffe de laine, qui prend au-dessous des épaules, et descend jusqu’aux genoux. Elles ont les cheveux tressés et ornés de dents de poisson, de corail ou de grains de verre; elles portent aux bras et aux jambes des bracelets en bois eu en corne ; quelques-unes se tatouent les bras et la figure.
L’Arabe porte une chemise de gaze fine, des caleçons, une veste, et un burnous de couleur rouge ou bleue, orné de tresses de soie ou d’or sur les coutures, et d’une grande houpe au capuchon.
Les femmes des riches Arabes portent, comme les hommes, des chemises de gaze, des caleçons, et une espèce de veste que recouvre une robe à manches extrêmement larges : tous ces habillements sont en soie. Lorsqu’elles doivent paraître en habit de cérémonie, elles y ajoutent un long manteau rouge ou bleu, dont les deux bouts se rattachent sur les épaules avec des agrafes d’argent; elles ont des anneaux de même métal aux oreilles, aux doigts, aux bras et au bas des jambes.
Les femmes arabes moins riches ont un costume à peu près semblable, mais en laine, au lieu de soie. Les filles arabes font usage du fard; elles s'en mettent au bout des doigts, au sein et au visage ;; elles se teignent aussi les paupières et les sourcils, et se dessinent sur les joues des fleurs et des feuilles de myrte ou de laurier.

 

Portrait de Barberousse d'Alger - reproduction © Norbert Pousseur
Barberousse, dessin de A. Duc

EXTRAITS BIOGRAPHIQUES.
Barberousse (Aroudj), premier roi d’Alger, fut ainsi nommé à cause de la couleur de sa barbe. — Sa bravoure et son audace le rendirent, au XVe siècle, la terreur des côtes de l’Italie et de l’Espagne. Il périt dans un combat contre les Espagnols, en 1518.
Barberousse (Khaïr-Eddyn, que nous appelons Hariadan), son frère, qui lui succéda, n’eut pas une moins grande renommée. — Il reconnut la suzeraineté de la Porte, appela les Turcs à Alger, et fut amiral de Soliman. Le célèbre Doria lui disputa l’empire de la Méditerranée. Hariadan vainquit, dans les eaux de Candie, la flotte chrétienne, forte de 300 voiles. — Dans une de ses courses en Italie, il faillit enlever la belle Julie de Gonzague, qui, surprise à Fondi, n’échappa qu’en s’enfuyant la nuit, presque nue, au triste honneur d’aller orner le harem de Soliman. Plus heureux que son frère aîné, Hariadan mourut dans son lit à l’âge de soixante-dix ans. - On a publié en 1781 une Vie de ce roi-corsaire, où l’on cherche à prouver qu’il était d’origine française, gentilhomme de Saintonge, et de la famille d’Authon.
Hussein-Dey, dernier dey d’Alger, est un vieillard honnête homme, doué de beaucoup d’esprit naturel et d’une capacité remarquable. — Son gouvernement se distingua par l’ordre, la douceur et la probité. Mais il avait de l’entêtement : comme Charles X, une fatalité irrésistible l’a entraîné à sa ruine. Il ne parait pas, s’il faut en croire son récit, que, dans sa discussion avec le consul dont la France a dû embrasser la querelle, tous les torts aient été de son côté. Voici comment il l’a racontée lui-même à M. Jal, qui, dans un écrit fort intéressant, nous en a transmis les détails. « Deval s’était bien mis dans mon esprit ; il était adroit, insinuant; je ne me défiais point de lui. Il était gai, et me plaisait pour cela. Je crus à la sincérité de son affection pour moi. II devint très familier, parce que je le traitais en ami ; et j’ai su depuis, par quelques-uns de mes officiers, qu’on disait généralement au sérail qu’une pareille intimité avec un homme de son espèce ne pouvait manquer d’avoir une mauvaise conclusion. Vers la fin du ramadan, Deval, que je commençais à aimer moins, parce qu’il me parlait souvent mal de son souverain, et que je pouvais craindre qu’il ne lui parlât mal aussi de moi, Deval vint me faire la visite officielle d’usage. Je me plaignis à lui de n’avoir pas de réponse à quatre lettres écrites par moi au roi de France. Il me répondit (le croiriez-vous?) : « Le roi a bien autre chose à faire que d’écrire à un homme comme toi ! » Cette réponse grossière me surprit. L’amitié ne donne pas le droit d’être impoli : j’étais un vieillard qu’on devait respecter, et puis j’étais dey. Je fis observer à Deval qu’il s’oubliait étrangement. Il continua à me tenir des propos durs et méséans. Je voulus lui imposer silence ; il persista. « Sortez, malheureux !  » Deval ne bougea pas ; il me brava en restant ; et ce fut au point que, hors de moi, je lui donnai, en signe de mépris, de mon chasse-mouches au visage, Voici l’exacte vérité. » — Hussein vit maintenant retiré à Livourne. Il eut été plus généreux et plus prudent de la part du gouvernement français de lui accorder l’autorisation qu’il demandait de se fixer en France.— Avant de parvenir à la suprême dignité, Hussein avait passé par tous les grades; il avait été simple janissaire.
Il avait une éloquence vive, originale, abondante en figures. Voulant peindre la haine qui sépare les habitants de Tunis et d’Alger, haine instinctive, profonde, enracinée, pareille à celle des Portugais pour les Espagnols, et que l’imprévoyance impolitique de l’administration française ne respecte pas assez, il s’exprimait ainsi, à Paris, en 1831 : « Faites bouillir dans une chaudière un Algérien et un Tunisien ; laissez reposer, et ils se sépareront. » Un moraliste du XVIIe siècle et un chimiste du XIXe n’auraient pas dit mieux.

Portrait du Bey Hussein d'Alger - reproduction © Norbert Pousseur
Hussein, dessin d'après nature de Fidel Gudin

 

TOPOGRAPHIE.
La régence d’Alger, bornée au nord par la Méditerranée, à l’est par les états de Tunis, au sud par le désert de Sahara, à l’ouest par le royaume de Maroc, s’étend du 4e au 6e degré 30 minutes de longitude Oest, méridien de Paris. Elle forme une bande d’environ 225 lieues de long, sur une profondeur moyenne de 40 à 50 lieues. — La largeur du pays labourable n’étant évaluée qu'à 30 lieues, la partie arable de la régence présente une superficie de 1,268 myriamètres, (12,680 km) ou 6,300 lieues carrées.
Montagnes. — La chaîne de l’Atlas, qui traverse la régence parallèlement à la mer, est le point de départ des rivières qui se jettent dans la Méditerranée, dans des lacs intérieurs, ou se perdent dans les sables du désert.
Rivières. -— Les principales sont le Cheliff, le Mazafran, l’Aratch, le Hamise, la Budouah, l’Isser et la Bouberak.
Routes. — Les routes de l’Etat d’Alger ne sont que des chemins praticables seulement pour les chevaux et les bêtes de somme. Depuis l’occupation française, on a commencé une route carrossable pour conduire à la Metidjah.

MéTéOROLOGIE.
Le climat du territoire d’Alger est chaud, mais salubre et très agréable dans la partie septentrional. L’égalité de l’état de l’atmosphère est telle, que le baromètre n’y varie que de 1 pouce 3 dixièmes (de 29 pouces 1 dixième à 30 pouces 4 dixièmes). — La saison des pluies commence en octobre et finit en avril; mais elles ne tombent que par intervalles : cependant, dans la saison de 1831 à 1832, il est tombé 117 centimètres et demi d’eau (64 centimètres et demi de plus qu’à Paris, année moyenne). D’après Shaler, la quantité d’une année moyenne doit être, à Alger, de 70 centimètres. — Les vents régnants sont, de mai en septembre, ceux d’est, et, le reste de l’année, ceux d’ouest. Les vents du sud, chauds et violents, ne durent que cinq à six jours en juillet ou août.

HISTOIRE NATURELLE
Règne animal. — Avant l’expédition, on menaçait nos soldats d’immenses troupeaux de bêtes féroces; jusqu’à présent on n’en a pas vu une seule aux environs d’Alger. Il y a cependant des lions dans l’Atlas. — Les chevaux de Barbarie, quoique de race arabe dégénérée, ont de précieuses qualités. Les ânes et les mulets sont grands et vigoureux. Les chameaux et les dromadaires y sont très nombreux et très estimés. Les bœufs de Barbarie sont plus petits que ceux d’Europe. Les chèvres d’une belle espèce; les brebis, remarquables par la grosseur de leur queue, fournissent de belles laines. Le nombre des insectes est très multiplié; les puces y sont plus incommodes que les moustiques dans l’Amérique sud. Les sauterelles y causent de grands ravages; leur apparition est véritablement un fléau.
Règne végétal. — Les montagnes voisines de la mer, plus fertiles que celles du grand Atlas, sont ombragées par d’épaisses forêts, où se trouvent le pin d’Alep, cinq espèces de chênes différentes, le lentisque, le térébinthe, le thuya, le sumac, le cyprès, l’olivier sauvage, le genévrier rouge, le myrte, l’arbousier, la bruyère, le cyste-ledon, le laurier rose, etc. — Sur le versant méridional de l’Atlas, les palmiers et les dattiers prospèrent, et donnent en abondance des fruits justement appréciés. Tous les arbres et toutes les plantes des contrées méridionales de l’Europe réussissent à Alger.
Règne minéral. — Les montagnes de l’Atlas se composent de calcaire et de grès. On y trouve des traces volcaniques. Les vallées et les plaines sont sablonneuses, et même, dans quelques parties, imprégnées de sel marin. On trouve, dans le territoire de la régence, des mines de fer, de plomb et de cinabre. Les mines de plomb sont fort riches, et, si elles étaient bien exploitées, donneraient des produits considérables. Les mines de Ouannaseris produisent 80 livres de métal par quintal de minerai.
Eaux minérales. — Le territoire d’Alger abonde en sources minérales et thermales, chaudes et froides, nitreuses, salines, sulfureuses, ferrugineuses, etc. — Les bains chauds de Merega, ceux d'El-Hamman-Meskouten (77 degrés Réaumur), étaient les plus fréquentés. — Il y a, près d’Oran, une source considérable, dont les eaux sortent de terre presque bouillantes, et deviennent aussitôt comme glacées.

 

Arsenal d'Alger vers 1830 - reproduction © Norbert Pousseur
Arsenal de la marine vers 1830 à Alger, dessin d'après nature de Ferdinand Wachsmuth

VILLES.
Alger, capitale de la régence, sur la côte septentrionale de l’Afrique, à 36° 48’ lat. N., et 0° 44’ longit. E. du méridien de Paris, est bâti en amphithéâtre sur le penchant d’une colline. Son périmètre est d’environ une demi-lieue. Elle a presque la forme d’un triangle équilatéral, dont un côté s’appuie à la mer. L’angle supérieur opposé, où se trouve la Cassaubah, château-fort, et résidence du dernier dey, domine la ville. Alger est entouré de murailles, et a six portes, dont deux sur la mer. — Les rues sont fort étroites et sombres, attendu que plusieurs maisons des côtés opposés se joignent l’une à l’autre dans les étages supérieurs. - Les maisons n’ont aucune apparence extérieure ; mais intérieurement quelques-unes sont richement décorées. De tous les arts celui que les Maures entendent le. mieux c’est l'architecture. A Alger, comme dans le Levant, on trouve dans certaines maisons de grandes portes, des appartements spacieux, des pavés de marbre, des cours à portiques, ornées quelquefois de jets d’eau ; toutes les fenêtres, donnent sur une cour intérieure ; un balcon, garni de treillages fort serrés, est le seul jour pratiqué du côté de la rue. A l’entrée de chaque maison, on trouve d’abord un porche avec des bancs des deux côtés ; c’est là que le chef de famille reçoit ses visiteurs et expédie ses affaires. Vient ensuite une cour ouverte qui, suivant la fortune du propriétaire, est pavée de marbre ou de pierres polies. En été, une toile étendue la garantit de l’ardeur du soleil. Autour règne une galerie qui donne entrée dans les appartements. Les pièces sont en général très vastes ; rarement elles communiquent entre elles. Une de ces chambres sert souvent de domicile à une famille entière. A l’extrémité de chaque appartement, on remarque une estrade entourée d’une balustrade, et élevée de 4 à 5 pieds, sur laquelle les Maures placent leurs lits. Chez les gens riches, les chambres, depuis le plancher jusqu’à la moitié de leur hauteur, sont tapissées de velours ou de damas ; le reste du mur est chargé d’ornements en stuc ou de plâtre. Le plafond est boisé et peint avec beaucoup d’art ; les planchers sont en briques et couverts de tapis. Les escaliers sont sous le porche, ou à l’entrée de la cour, mais jamais dans l’intérieur des maisons. Les toits des habitations forment des terrasses, souvent garnies d’arbustes et de fleurs. — Il y a à Alger trois marchés pour les grains, l’huile et les : légumes. On y trouve une grande quantité de bains ou étuves publiques, des fours banaux, des moulins arabes grossièrement faits, mais qui suffisent, aux besoins de la population. — Depuis l’occupation française, on y a abattu une grande mosquée et fait une place publique qu’on appelle place du Gouvernement. Six moulins à vent, des casernes en pisé, des hôpitaux en planches, un lazaret, un abattoir public, des bains à la parisienne y ont été établis. — La rade d’Alger offre, sous le canon des batteries, plusieurs mouillages abrités et commodes, D’après les états fournis par le génie militaire, 273 bâtiments, mosquées, caravansérails, ou maisons, sont occupés militairement à Alger. Le nombre des maisons de la ville est d’environ 4,000. Un grand nombre est abandonné. Depuis l’occupation, plus de 25,000 habitants, tourmentés par les vexations, les tiraillements des autorités civiles et militaires, ont émigré. La population que Shaw en 1725 évaluait à 100,000 habitants, et qui certainement, en 1825, était de 50,000, se trouvait réduite, au 1er juin de l’année 1832, à 23,541, savoir : 14,000 Maures, 5,400 Juifs, 4,021 Européens, et 120 Turcs. — Alger possède des égouts bien établis, et de nombreux aqueducs, qu’il suffit d’entretenir pour avoir en abondance une eau saine et pure.
Bone, à 95 l. E. d’Alger, C’est un des points que nos troupes occupent. La ville est laide, sale et mal bâtie ; mais elle est traversée par une vallée cultivée et ombragée, qui offre un séjour agréable sur une plage aussi aride. (Pop. 4,000 h.) — A un tiers de lieue sont les ruines d'Hippo-Regius, évêché de Saint-Augustin.
A 10 l. E., la petite ville de La Calle, ancien comptoir français, ruiné par les Turcs algériens en 1827.
Bugie ou Bugiah, à 40 l. E. d’Alger, ville fortifiée en 1510 par Pierre de Navarre, et située sur une haute montagne qui abrite et commande un golfe profond. (Pop. 3,500 h.) — Dans des documents conservés au ministère des affaires étrangères, on lit que « Bugie  offre un bon port et une position telle que, suivant les Anglais, on pourrait y faire un second Gibraltar. » — On  voit dans la mer, près de Bugie, un rocher immense percé naturellement, et qui offre une arche assez vaste pour que les navires levantins (sandales) puissent y passer à toutes voiles.
Belida, à 8 l. S. d’Alger, dans une contrée fertile et peuplée, quoique exposée aux tremblements de terre. Les Français, depuis 1830, y ont fait trois expéditions; mais cette ville n’est pas occupée.
Constantine, à 63 l. E. d’Alger et à 15 l. de la mer, ville ancienne et considérable, autrefois Cyrta. Rebâtie par une fille de Constantin, elle changea de nom. C’est la résidence d’un bey qui refuse de reconnaître l’autorité de la France. ( Pop. 20,000 h. ) — On voit à Constantine la source de l’Ouad-el-Kebir, l'Empsagas des anciens. Cette rivière forme en sortant de terre une superbe cascade.
Medeah, à 10 l. S.-E. d’Alger, entourée d’une muraille, ancienne résidence du bey de Tittery. Les Français ont occupé et ensuite abandonné cette ville.
Oran, à 50 l. O. d’Alger, au bord de la mer, sur un isthme. C’était autrefois la résidence du bey de l’Ouest; aujourd’hui c’est un des points que les Français occupent. (Pop. 10,000 h.) — Cette ville est bâtie, comme Alger, en amphithéâtre sur la pente d’une montagne élevée. Elle a pour défense une citadelle ou casbah et cinq châteaux. Un de ces châteaux protège une source qui fournit de l’eau à la ville.
A 1  l. O. d’Oran se trouve le Mers-el-Kebir, mouillage excellent, port vaste, qui abriterait facilement 50 vaisseaux de ligne.
Tlemcen, à 12 l. de la mer, ancienne capitale de la Mauritanie césarienne, capitale de la province de l’Ouest, ( pop. 8,000 h. ), ville considérable entourée de murailles flanquées de tours, avec cinq portes fermées par des ponts-levis, n’a pas encore reconnu la domination française. On n’y a fait aucune expédition.

Sidi Feruch vers 1830 - reproduction © Norbert Pousseur
Sidi Feruch vers 1830, dessin d'après une étude de Fidel Gudin

GOUVERNEMENT ANCIEN.
Le gouvernement appartenait aux soldats de la milice turque, qui avaient le titre de janissaires ou kolouglis, et dont le dey n’était que le chef suprême. — Ce souverain électif était le maître absolu du pays; il récompensait et punissait, disposait à son gré des emplois, décidait la paix ou la guerre, et ne devait compte de sa conduite à personne. Il était visible à toute heure, et rendait lui- même la justice. — La seconde dignité (honorifique du moins) était celle d'aga de la milice ou général des troupes. Cette charge appartenait de droit au plus ancien soldat, mais ses fonctions ne duraient que deux lunes, c’est-à-dire d’une paie à l’autre, et celui qui l’avait occupé une fois ne pouvait prétendre à aucune charge publique. Il devenait mezoul ou vétéran. Cette place servait ainsi sans violence à débarrasser le dey de ses rivaux futurs. — Les prérogatives attachées à la qualité de kolouglis étaient extrêmement étendues. On leur donnait le titre d'effendi ou seigneur. L’avancement parmi eux était toujours accordé à l’ancienneté, et lorsqu’un officier était arrivé au grade correspondant à celui de colonel, il devenait de droit membre du divan. Les grades élevés étaient toujours donnés aux Turcs, parmi lesquels le corps se recrutait de préférence. Les kolouglis étaient exempts de taxe et d’impôts, et jouissaient du privilège de ne pas être punis en public. En cas de crime de haute trahison, on les étranglait secrètement dans la maison du premier aga. Fiers et même insolents avec les Maures ou les Arabes, ils conservaient toujours beaucoup de respect et de soumission pour le dey; mais il fallait que leur solde fût payée avec exactitude, car le moindre retard à ce sujet exciterait parmi eux une révolte. — La paye n’était pas égale pour tous; fixée d’abord à 8 saïmes (1 f. 44 c.) pour deux lunes, elle s'accroissait ensuite d’un saïme chaque année, jusqu’au maximum de 80 saïmes (14 f. 4o c.). Tous les vieux soldats, les officiers et le dey lui-même, ne touchaient que cette haute-paye. Ils devaient se fournir d’habits, d’armes et de munitions ; mais, outre cette solde uniforme, chaque emploi avait des droits sur l’entrée, la sortie des marchandises, l’ancrage des bâtiments, la vente et le rachat des esclaves, etc. L’aga de la milice seul touchait pour ses deux mois de dignité 2,000 pataques-chiques de solde (1,670 f.).
Le pays était partagé en quatre divisions politiques ; la province de Constantine, à l’est; la province d’Oran, à l’ouest, gouvernées chacune par un bey, d’où venait le nom de beylik, donné à chacune de ces divisions. Les beys étaient des espèces de gouverneurs-généraux, ayant sous leurs ordres des sous-gouverneurs. Le centre formait deux provinces, savoir : celle de Tittery, placée aussi sous le gouvernement d’un bey, et celle d’Alger, gouvernée immédiatement en chef par les officiers de la régence. Le gouvernement algérien avait compris qu’il ne devait point faire un gouvernement militaire du territoire environnant sa capitale ; les dangers attachés à ces gouvernements étant en raison directe du degré d’absolutisme qui régit l’Etat. — Chaque province, celle d’Alger comme les autres, était subdivisée, pour l’administration et le gouvernement, en districts nommés otans, et confiés à des fonctionnaires nommés kaïds. — Dans chaque district, les tribus qui le composaient avaient à leur tête des cheiks, commissionnés par le dey, sur la présentation faite au kaïd par les notables habitants, et par le kaïd au dey. Les cheiks, les kaïds et les beys étaient révocables; mais un bey remplacé était communément étranglé. On craignait que, s’étant fait dans son gouvernement des partisans et des créatures, il n’y retournât et n’y suscitât des révoltes contre son successeur. — Le beylik de Tittery avait quatorze kaïds. Ou en comptait neuf dans la province d’Alger, dont cinq dans la montagne, et quatre dans la plaine. La grande province de Constantine en avait de trente à quarante. Celle d’Oran à peu près autant.

ADMINISTRATION ACTUELLE.
Le général commandant en chef le corps d’occupation est le chef supérieur des administrations civiles et militaires d’Alger.
Toutes les affaires importantes sont soumises à un conseil d’administration, composé :
Du général en chef, président,
Du général commandant en second, vice-président,
Du général commandant la place d’Alger,
Du commandant de la station navale,
De l’intendant civil,
De l’intendant militaire,
Du magistrat le plus élevé dans l’ordre judiciaire,
Et de l’inspecteur général des finances.
Les autres chefs des divers services administratifs peuvent y être appelés par le commandant en chef, mais ils n’ont que voix consultative.

Militaire. — Le général commandant en chef réside à Alger.
Il  y a à Oran et à Bone un général commandant. — L’intendant militaire, le directeur d’artillerie et le directeur des fortifications habitent Alger. — Outre Alger, Bone et Oran, cinq forts ou points fortifiés ont des chefs particuliers; ce sont : fort de l’Empereur, fort Bab-Azoun, Casbah, fort des Vingt-Quatre, et Pointe-Pescade. — Le grand prévôt de l’armée, le bey de Tittery et l'aga des Arabes résident à Alger.
Armée d'occupation. — Elle était (en 1831) de 749 officiers et 17,190 sous-officiers et soldats : total,  17,939  hommes et 1,413 chevaux. — Les bouches à feu qui arment les batteries d’Alger et des forts, s’élèvent à environ 600 pièces en bronze et eu fer.

Maritime. — Il y a à Alger un capitaine de vaisseau commandant la station navale, et un directeur du port. — A Oran, un capitaine du port.
Station navale. — Elle a été composée, en 1831, de 10 bâtiments de la marine royale : 1 corvette, 5 bricks, 1 bombarde, corvettes de charge, 1 gabare. — Dans la même année, 29 bâtiments ont reçu des destinations temporaires pour Alger; savoir : 3 vaisseaux, 9 frégates, 6 bricks, 4 corvettes-avisos, 1 bombarde, 3 bateaux à vapeur, 2 gabares et un transport.

Civile. — Il y a à Alger : un intendant civil, un commissaire du roi près la municipalité, un commissaire de police générale, un inspecteur général des finances et un sous-inspecteur, un directeur des domaines et des droits-réunis, un inspecteur des douanes, et un ingénieur des ponts et chaussées. — A Oran : un sous-intendant civil, un commissaire royal près la municipalité, un ingénieur civil, et des agents de l’administration des domaines et des douanes. — A Bone : l’administration est établie sur le même pied. Il y a de plus un agent consulaire pour la pêche du corail à Biserte.

Judiciaire. — La justice entre Européens est administrée à Alger par une cour de justice, un tribunal de police correctionnelle, et une justice de paix. — La cour de justice juge en dernier ressort toutes les causes en matière civile et commerciale qui ne dépassent pas la somme de 12,000 francs en principal. Pour celles qui dépassent cette somme, la cour royale d’Aix (Bouches- du-Rhône ) est tribunal d’appel. — Les affaires criminelles entre Français sont instruites par la cour de justice, mais les prévenus sont renvoyés en France pour y être jugés. — Les crimes commis par les naturels du pays, sur les personnes et propriétés françaises, sont justiciables des conseils de guerre. — Il y a à Bone et à Oran un juge royal.
Tribunaux musulmans.— Ces tribunaux continuent à juger d’après le Koran les procès des Maures et des Arabes entre eux. — Le mufti et le cadi des malekia, réunis au mufti et au cadi des hanefia, forment ce qu’on appelle le medjelès, ou cour d’appel des Musulmans. — On porte devant ce tribunal les appels des jugements rendus par les cadis. Le mufti maleki préside l’assemblée.
Les maleki et hanefi sont deux sectes musulmanes qui existent à Alger. Les Turcs et leurs descendants sont hanefi, et les Maures maleki. — Les cadis jugent en première instance les affaires entre Musulmans, tant au civil qu’au criminel. — Les causes entre les Musulmans et les Juifs sont portées par-devant le cadi maure, à charge d’appel par-devant la cour de justice. — « On sait, dit M. Pichón, comment se rend la justice musulmane ; elle est toute orale. Les demandes et les exceptions se prouvent par titres et par témoins ; les citations comme les comparutions sont instantanées et personnelles. Les jugements sont prononcés et écrits sur des registres tenus par des kodjas (scribes) du cadi, qui juge assisté d’assesseurs instruits dans la loi et la jurisprudence. J’ai emporté le regret de n’avoir assisté qu’à une audience, où j’ai vu régner beaucoup d’ordre et de décence. »
Tribunal Israélite. — Il connaît, en dernier ressort, des causes entre Juifs, tant au civil qu’au criminel; il est composé de quatre membres.

Religieuse. — Culte catholique. — Un vicaire apostolique doit être chargé de diriger à Alger toutes les affaires religieuses, mais il n’y est pas encore installé. Depuis l’occupation, on a ouvert à Alger une église catholique.
Culte Israélite. — Les Juifs ont 17 synagogues à Alger.
CuIte musulman. — On compte encore à Alger, défalcation faite de celles qui ont été prises pour le service de l’armée, 57 mosquées, qui se divisent en grandes et petites. Les grandes, qui ont des minarets pour appeler à la prière, sont consacrées au culte public. Elles sont au nombre de sept. Les petites mosquées sont des oratoires privés.
Le pavé des mosquées est recouvert de nattes où s’asseyent les Maures. Au milieu des grandes mosquées se trouve une chaire élevée de quelques marches et entourée d’une balustrade, où, les vendredis, montent les muftis et les imams pour exhorter le peuple à la piété et aux bonnes mœurs. Les Musulmans, lorsqu’il font leurs prières, ont toujours le visage tourné du côté de la mosquée qui regarde la Mecque, et qui s’appelle Kiblah. A la partie opposée sont les minarets, du haut desquels les crieurs annoncent au peuple les heures de la prière.
Instruction publique. — Ecoles françaises. — Il y a à Alger deux écoles françaises et un pensionnat de jeunes demoiselles.
Ecoles musulmanes. — On trouve dans tous les quartiers des écoles pour les enfants musulmans dont les maîtres se nomment hodjia ou écrivains, et où les élèves ne reçoivent d’autre instruction que la connaissance de divers passages du Koran, et de l’usage des caractères arabes. La méthode qui y est suivie se rapproche beaucoup de l’enseignement mutuel. Chaque enfant est pourvu d’une planchette sur laquelle il écrit avec de la craie. Un verset du Koran est transcrit par l’un d’eux sur sa planchette en très grands caractères, et les écoliers copient cette leçon en s’aidant mutuellement à connaître et à former les lettres du texte; le verset est ensuite récité à haute voix au maître, qui, assis dans un coin de la salle d’étude, tient en ses mains une longue baguette avec laquelle il maintient l’ordre et l’attention parmi ses écoliers. Les enfants, comme on le voit, apprennent ainsi à lire et à écrire simultanément. Il y a de semblables écoles pour les filles, dirigées par des femmes.
Sociétés savantes et autres. — Il y a à Alger une Société coloniale formée dans le but de s’occuper des intérêts agricoles, industriels et commerciaux du pays. Cette société, qui répond parfaitement au motif de son institution, a publié, en 1832, un Annuaire de l’Etat d’Alger, où nous avons trouvé de précieux renseignements. Il est à désirer qu’elle donne suite à cet utile travail. Une autre société, la Société philharmonique, paraît destinée à répandre dans le pays le goût de la bonne musique. Fondée vers la fin de 1830, elle se compose d’une quarantaine de jeunes gens appartenant pour la plupart aux administrations civiles et militaires, qui, tous les mois, donnent un concert auquel chaque membre a droit d’inviter quatre personnes, et où sont exécutés à grand orchestre, avec beaucoup d’ensemble et de précision, les morceaux les plus remarquables de la musique européenne. Grâce a cette société, les chefs-d’œuvre de Mozart, Rossini, Boïeldieu, Hérold, Auber, etc., trouvent maintenant à Alger des admirateurs.

POPULATION.
Le Journal des: Sciences militaires évalue et répartit ainsi la population de la régence d’Alger.
Maures et Arabes (cultivateurs et ouvriers). 1,200,000
Arabes indépendants. ........ 400,000
Berbères ou Kabyles .......... 200,000
Juifs ...................................... 30,000
Turcs et renégats ................. 20,000
Kolouglis ............................... 20,000

Total ................................. 1,870,000

Shaler donne une évaluation qui ne dépasse pas un million d'habitants; — Boutin en présente une encore plus faible; d’après lui, la population des lieux habités ne s'élève pas 173,000. — M. Pichon,qui a été à portée par ses fonctions de bien apprécier la question, offre un total supérieur à celui du Journal des Sciences militaires, puisque, malgré l’émigration, suite de la conquête, il évalue la population à 2,000,000, dans lesquels les Européens, en excluant l’armée et l’administration, ne doivent figurer que pour 4,021. La population européenne, au Ier juin 1832, se divisait comme il suit : 1,927 Français; 421 Anglais (presque tous Maltais) ; 1,052 Espagnols ; 281 Sardes ; 234 Allemands ; 70 Toscans ; 36 Napolitains.

GARDE NATIONALE.
On a créé à Alger, en 1831, lors de l’expédition de Blida, un bataillon de garde nationale, habillée, armée et équipée comme la garde nationale française. Ce corps, composé d’Européens domiciliés à Alger, est fort d’environ 500 hommes, et commandé par un négociant français, ancien officier de la grande armée.

RECETTES ET DEPENSES.
Le trésor public a reçu de l’état d’Alger, en 1831,
Domaines ................................................................ 273,434  fr.37 c.
Douanes et octroi ..................................................... 439,084 fr. 82 c.
Droits affermés : Introduction des blé.......................... 16,733 fr. 30 c.
Monopole des cuirs .................................................... 25,933 fr. 34 c.
Vente de blés (réserve de la ville) .............................. 49,102 fr. 77 c.
Produits divers, patentes, amendes, etc. .....................11,388 fr. 59 c.
Total des revenus locaux d’Alger .............................. 815,677 fr.19 c.

Subside du bey de Tripoli........... ............................... 260,000 fr.
Droits sur la pêche du corail. ....................................... 50,000 fr.
Total des recettes faites à Alger. ............................ 1,125,677 fr. 19 c.

L’occupation d’Alger a coûté à la France, en 1831,
Dépenses militaires .............................................. 14,759,365 fr. 37 c.
Dépenses civiles ....................................................... 692,059 fr. 29 c.
Dépenses de la marine ( par approximation) ......... 8,000,000 fr.
Total ..................................................................... 23,451,424 fr. 66 c.

BUDGETS TURCS ET FRANçAIS.
En 1822, le budget du gouvernement du dey présentait :
En dépenses, un total de 859,000 piastres fortes : ....... 4,295,000 fr.
En recettes, un total de.... 434,800 piastres fortes : ...... 2,174,000 fr.
Le déficit annuel, -sous la régence, était donc de . ....... 2,121,000 fr.
D’après M. Pichon, le budget de recettes de la régence pour Boue, Oran et Alger, pour 1832, s’élève à 1,402,848 fr.
Et les dépensés civiles (seulement)à ..............................1,298,848 fr.

INDUSTRIE AGRICOLE.
Les méthodes de culture des Maures ne sont pas aussi mauvaises qu’il a plu à l’administration française et aux écrivains partisans de la colonisation de le supposer. On oublie que ces peuples se composent en partie des descendants des Maures d’Espagne, qui avaient porté l'agriculture des royaumes de Grenade et de Murcie à un degré de prospérité auquel les Espagnols modernes n’ont pas encore pu atteindre. Il est certain que les instruments de labourage et de culture usités dans la régence d’Alger sont mal établis, insuffisants, misérables, et que tout s’y fait à force de bras; mais ce qui donnera encore longtemps à La culture par les indigènes un grand aventage sur celle par les Européens, c’est qu’un colon allemand ou français a besoin d’un salaire journalier de 2 fr., tandis qu’un cultivateur maure se contente de 25 cent.
On a la certitude que toutes les productions de la France pourraient être tirées du territoire d’Alger, et qu’il serait même possible, dans certaines parties, d’y naturaliser les productions tropicales, pour lesquelles la France est tributaire de ses colonies ou de l’étranger, telles que le sucre, le café, le coton, l’indigo, le thé, le poivre, etc.
Tous les essais de colonisation tentés jusqu’à ce jour n’ont en aucun résultat favorable. Les événements militaires, le climat, le manque de bras en sont sans doute la. principale cause; il y avait aussi folie à appeler, sur un territoire découvert et insalubre comme la Metidja, des colons, avant de leur avoir assuré des abris et des moyens de défense; aussi a-t-on été obligé d'évacuer la ferme modèle et la maison carrée.
Ce qui a nui aussi beaucoup aux projets des colonisateurs, c’est l’erreur où la plupart sont tombés, d’après l’exagération des évaluations du domaine, que le territoire algérien pouvait appartenir au premier occupant. Depuis la révolution, on a l’habitude en France de considérer les biens du clergé comme propriétés nationales ; et la plus grande partie des terres de la régence appartenant aux mosquées et aux corporations religieuses, on avait pensé qu’elles étaient de droit la propriété du domaine, et que le gouvernement pouvait en disposer en faveur des colons qu’il lui plairait de favoriser. Les terres à Alger comme en Turquie ont bien l’air d’appartenir aux mosquées ou aux fondations charitables, mais ce sont réellement des propriétés particulières, de véritables substitutions, qu’on appelle vacoufs en turc, et habous en arabe. Un propriétaire maure, afin de mettre ses biens à l’abri des confiscations, si communes sous les gouvernements despotiques, léguait ses biens au clergé, à charge de substitution à ses enfants nés ou à naître, ces biens ne devaient appartenir irrévocablement au légataire que dans le cas d’extinction de la lignée masculine. Les biens ainsi substitués forment la majeure partie de ceux que le domaine a séquestrés, et qu’il sera forcé de rendre aux légitimés propriétaires aussitôt que l’esprit de justice aura repris ses droits.
Les Maures et les Arabes s’entendent parfaitement à arrosement des terres ; leurs travaux pour la conduite des eaux auraient mérité d’être entretenus, mais l’incurie naturelle au soldat les frappe de dégradation journalière, et si l’administration supérieure d’Alger n’y porte remède, avant peu d’immenses et fertiles plaines qui environnent la capitale de la régence, deviendront arides et infécondes par la destruction des canaux d’irrigation.
En 1832, on a été obligé d’importer du dehors le blé nécessaire à la nourriture des hommes, et le foin destiné à celle des chevaux. Ce fait peut donner une idée du misérable état agricole de la régence d’Alger.

INDUSTRIE COMMERCIALE.
L’industrie commerciale est nulle; les exportations, en 1831,se sont composées de débris de métaux, vieux cuivre, vieux fer, de quelques futailles d’huile (900 environ), de cuirs, de laines en petite quantité, et de cire. — La pèche du corail a fourni un faible aliment au commerce, elle a été peu productive. Quant aux importations, Alger a dû tirer d’Europe tout ce qui était nécessaire à sa consommation. — II y a maintenant à Alger une imprimerie arabe dont l’établissement est dû aux soins de M. Pichon; une lithographie établie par un peintre italien, et deux librairies ou cabinets de lecture français. Il s’imprime à Alger, en arabe et en français, un journal hebdomadaire intitulé le Moniteur algérien.

BIBLIOGRAPHIE.
La prise d’Alger a donné lieu à une foule de publications sur la régence. Les brochures et livres publiés depuis 1830, sans compter les ouvrages poétiques, dépassent le nombre de 110. Ils peuvent se diviser comme il suit : géographie et statistique, 24 ; histoire, 13 ; guerre, 24 ; objets divers, reflexions, etc., 49 ; Nous nous contenterons de citer quelques-uns de ceux qui renferment des renseignements statistiques et géographiques.
Voyage de Shaler, in-S. Paris, 1830.
Aperçu, etc., sur l’Etat d’Alger (publication du ministère de la guerre), in-12. Paris, 1830.
Notice sur Alger ( Ann. des Voyages), in-8. Paris, 1830,
Cotes maritimes d’Alger (Ann. des V.), in-8. Paris, 1830.
Voyage à Alger, etc. — Observations sur les plantes d’Alger, par Desfontaines  (Ann. des V.), in-8. Paris, 1830.
Nécessité de la colonisation d’Alger, etc., in-8. Paris, 1832.
Annuaire de l'Etat d’Alger, in-18. Marseille, 1832.
Voyage dans la régence d’Alger, par Rozet; in-8. Paris, 1833.
Alger sous la domin.franc., par le baron Pichon ; in-8. Paris, 1833.
Descr. du Panorama d’Alger, par A. Jal ; in-8. Paris, 1833.

 

Maures et mauresque d'Alger en 1850 de L Demoraine - reproduction ©  Norbert Pousseur
A gauche, deux riches maures d'Alger - à droite leur femme, en habit d'intérieur et en public.
Gravure de Louis Pierre René Demoraine, édition de 1858 de l'Histoire de tous les peuples.

Mauresque d'Alger en 1850 de L Demoraine - reproduction ©  Norbert Pousseur
Détail de la gravure ci-dessus, ou comment cacher à la convoitise d'autres hommes
des dames avenantes, comme cela se fait encore et de nouveau en ces années 2020.

Maures et arabes d'Alger en 1850 de L Demoraine - reproduction ©  Norbert Pousseur
Sur la gauche, un couple d'arabes, lui en burnous, et elle en simple robe, le visage découvert,
revenant du puits ou des champs.
Sur la droite un couple de maures moins riches que celui de la gravure précédente,
l'épouse étant elle aussi complètement voilée.

 

 

 

Nota : les propos ci-dessus reflètent les idées de l'époque sur les colonies et leurs habitants. Il s'agit bien de notices historiques à replacer dans leur contexte. Ces textes ne correspondent en aucun cas à la position de l'auteur de ce site,
qui a, par ailleurs, un grand respect pour la nation algérienne et son peuple

 

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