Article extrait du Dictionnaire universel géographique et historique - Thomas Corneille - 1708
(collection personnelle).
collection personnelle
NANTES. Ville de France dans la haute Bretagne avec titre de Comté, en Latin Nanneta. Il est à vingt-deux lieues de Renne au Midi, et à pareille distance de Vannes, sur le bord de la Loire, et adossée de quelques collines, dont elle occupe une partie, que sépare une petite rivière qui la rend très forte, et qui lui sert ensuite à beaucoup de choses nécessaires à l’embellissement d’une grosse ville. Elle a été autrefois la demeure des Ducs de Bretagne, qui y firent bâtir un Château très fort. Il est élevé sur le bord de la rivière, et flanqué de grosses tours rondes du côté de sa porte dans la ville, et dé quelques demi-lunes du côté du faubourg S. Clément, où se fait une grande place, qui sert de promenade à l’ombrage de quelques allées d’arbres. Les Peres de l’Oratoire y ont un Collège. Le faubourg de saint Clément, où il y a plusieurs beaux Couvents, est fermé de murailles, et les remparts de la ville ont des fossés très profonds, avec quelques fortifications qui les défendent. Nantes a un Évêché. Il est suffragant de Tours, et l’église Épiscopale, ornée de deux hautes tours, et de quelques tombeaux anciens des Ducs de Bretagne, est dédiée à saint Pierre. Saint Clair en a été le premier Évêque, et après lui il ne s’en trouve aucun jusqu’à Eusèbe, qui tendit ce siège du temps du Pape Leon le Grand, Le Chapitre de cette Cathédrale est composé d'un Doyen, d’un grand Archidiacre, d’un Chantre, d’un Trésorier, d’un Archidiacre de Lamec, d’un Écolâtre, d’un Pénitencier et de vingt Chanoines. Ce Diocèse où l’on trouve huit Abbayes, renferme deux cens douze Paroisses, partagées entre les Archidiaconés de Nantes et de Lamec.
Il y a dans Nantes quantité de Maisons Religieuses. On voit dans l’église des Carmes le Tombeau de François IL dernier Duc de Bretagne, qui est très magnifique. Ce Duc, ses deux femmes, et quelques-uns de leurs enfants y sont enterrés. Ce superbe tombeau fut fait par Michel Colombe le plus habile Sculpteur de son temps. Il est de marbre, et quoiqu’il ne soit pas fort recommandable par sa grandeur, il l’est beaucoup par la beauté du travail qu'on ne se peut lasser d’admirer surtout celui de la levrette et du lion qui sont placez au pied du Duc et de la Duchesse, que l’on voit couchés ayant chacun la tête appuyée sur un coussin soutenu par de petits Anges. Autour du tombeau sont plusieurs petites statues d’un excellent travail, et d'une sculpture merveilleuse, les quatre coins sont ornés de quatre grandes statues qui représentent autant de vertus. L'église Canoniale de Notre-Dame est tout proche de saint Pierre. Là commencent trois ou quatre grandes rues qui traversent presque tout ce côté de la ville, en descendant vers le marché où il y a une fort belle fontaine. On voit plus avant la Maison de Ville. C’est un bâtiment tout neuf, qui regarde une grande cour, dont le milieu est orné d’une fontaine. La même rue renferme le grand Palais de la Chambre des Comptes qui est proche le bord de la petite rivière, où en faisant de grands marais, elle rend la ville imprenable de ce côté-là. Ce qu’il y a d’agréable à Nantes, ce sont ses ponts de pierres, qui traversant plusieurs Isles sont longs au moins d’un demi quart de lieue. Il fait beau s’y promener pour avoir la vue sur la Loire, d’un côté couverte des bateaux qui dépendent des villes qu’elle arrose, et de l’autre des navires et des barques qui viennent de toutes les parties du monde, chargées de diverses riches marchandises, Les faubourgs de cette ville se sont tellement accrus par la quantité du monde qui y vient de toutes parts, qu’ils la surpassent beaucoup en grandeur. Ceux du Marché et de la Fosse sont les plus considérables. Ce dernier est habité par de fort riches Marchands, à cause du voisinage du Port, et de son grand quai, le long duquel sont de très belles maisons et de fort grands magasins. Les Espagnols y apportent du vin, des laines fines, du fer, de la sole, des huiles, des oranges et des citrons, et emportent des toiles, de petites étoffes, de la quincaillerie et du blé. Les Hollandais y envolent leurs poissons salés avec des épiceries de toutes sortes et font remporter du vin d’Orléans, du brandevin de Blois, et d’autres marchandises de France ; les Suédois leurs cuivres, les Anglois leur plomb, leur étain et leur charbon de terre, et tout cela se distribue dans les Provinces voisines. Il serait cependant à souhaiter que les gros vaisseaux qui pour la quantité de sable que traîne cette rivière, et qui bouche son lit ; ne montent qu’au Port Launay, qui est à cinq lieues de Nantes, pussent aborder tout charger le long de ses quais, où la marée croît de plus de quatre pieds, jusqu’au-delà des ponts, dont une partie qui est du côté de la ville est chargée de maisons et d’un grand marché. Le grand Hôpital est dans une Isle au milieu de tous ces ponts, à la fin desquels est le faubourg de Pilemil, l’un des quatre que l’on compte à Nantes. Celui du Marché a ses portes et ses murailles comme une ville, avec des places, de grands Palais, des rues toutes entières remplies de maisons de riches Marchands et de belles églises, entre lesquelles celle des Jésuites se distingue. Quelques-uns veulent que Nantez, issù de la race de Noë ait donné son nom à Nantes. D’autres disent que cette ville a été l’ouvrage de Namnes, Roy des Gaules qui régnait l’an du monde 2715. Elle est appelée Condivincum par Ptolémée. Les Ducs de Bretagne l’érigèrent en Comté, et ce Comté fut réuni à la Bretagne par Noël II après la mort de Conan II. Ce fut Alain, dit Barbe torte, qui fit bâtir son Château.
C’est par le faubourg de la Fosse que l’on va à l’Hermitage situé sur un endroit élevé d’où l’on découvre la ville, ses faubourgs, les ponts et une fort grande étendue de pays le long de la rivière, ce qui fait une des plus belles vues qu’on puisse souhaiter, Il n’y avoir autrefois qu’un Hermite, mais la beauté du lieu et son agréable situation y en ont attiré plusieurs autres, qui en creusant dans le roc y ont fait des travaux admirables comme des jardins et des allées fort propres. Ces Hermites sont logés commodément et leur église est fort jolie. Près de l’Hermitage est la Pierre Nantoise dont on fait tant de bruit, et qui n’est autre chose qu’une portion du même rocher, sur lequel quoique fort en pente, et fort poli, de petits en- fans dansent avec beaucoup de facilité, quand on veut leur donner quelque argent. Outre une Chambre des Comptes, il y a dans Nantes Présidial, Élection, Généralité et Université. Son Évêque est Conseiller, né du Parlement de Rennes. Ce fut en cette ville que le Roy Henry IV donna en Avril 1598 le fameux Édit appelé de Nantes, par lequel il permettait aux Prétendus Reformés de France, l’exercice libre et public de leur Religion. Cet Édit fut révoqué par Louis le Grand en 1685. * Jouvin de Rochefort, Voyage de France, Audiffret, Géographie ancienne et moderne. tome 2. Rouvière le fils, Voyage fait en Bretagne en 1704.
Extraits du "Dictionnaire universel de Commerce ..." des Sieurs Savary édition 1723,
collection personnelle
Commerce de Bretagne. (ne sont présentés ici que les rubriques concernant Nantes)
Le Commerce de cette Province est de deux sortes : celui des marchandises du cru du Pays, ou qui s'y fabriquent: & celui des marchandises qui y font apportées par les vaisseaux Bretons.
De la première espèce font:
2°. Les beurres, qui se font dans l'Evêché de Nantes qui s'envoyent à Paris, & en Anjou.
3°. Les vins, surtout ceux de la rivière de Nantes. Ceux-ci ne se vendent guère que brûlés, & réduits en eau-de-vie, dont il se débite aux Hollandois & Hambourgeois, &c. environ sept mille pipes par an. Les autres vins, que les Nantais vendent aux Nations du Nord, sans les brûler, sont tirés d'Anjou, de Vauvray, & du Pays Blezois.
Les toiles de Quintin, qui sont toutes de lin, & dont il y en a d'aussi fines que les batistes de Picardie, se font à Quintin, d'où elles ont pris leur nom, à Condiac, & à Moncontour. Les fines s'emploient en rabats, & en manchettes pour hommes, & en coiffures de tête pour femmes; & les plus fortes, en chemises & en mouchoirs. Les unes & les autres, outre le débit qui s'en fait à Paris, & dans plusieurs Provinces du Royaume, s'envoient en Espagne, & dans les îles Françaises de l'Amérique.
C'est aussi à Quintin, & aux environs, que se font ces toiles de lin bleuâtres, qu'on appelle Toiles à tamis.
Les toiles de Pontivy, & les toiles Nantaises, sont beaucoup plus grosses que celles de Quintin; elles ont néanmoins la même destination, & servent à faire des assortiments pour les mêmes lieux.
Des marchandises, que les vaisseaux Bretons rapportent; du dehors, la morue, soit la verte, soit la sèche, n'est pas la moins considérable. La pêche s'en fait par les Nantais, & par les Malouins; ceux-là envoyant ordinairement depuis trente jusqu'à quarante bâtiments en Terre-neuve, & ceux-ci jusqu'à soixante & soixante-cinq.
La morue verte, que rapportent les Nantais, se destine pour Paris, l'Auvergne, le Lyonnais, & quelques autres Provinces: leur morue sèche est pour Bordeaux, la Provence, & Marseille. Les Marchands de cette dernière Ville l'embarquent ensuite pour le Levant, l'Italie, l'Espagne, & le Portugal.
Nantes & S. Malo étant les deux Villes de Bretagne, du plus grand Commerce, on va entrer dans un détail plus circonstancié de celui qu'elles sont, tant au dedans, qu'au dehors du Royaume.
Commerce de Nantes.
Il n'y a guère de Ville de France plus heureusement située pour le Commerce, que la Ville de Nantes. La mer lui ouvre une communication avec toutes les Nations du Monde; & la Loire lui fait pénétrer dans les plus riches Provinces du Royaume, & même jusqu'à Paris, par les canaux qui la joignent à la Seine.
Il est vrai que Nantes n'est pas proprement situé sur la mer; mais la rade de Pimbeuf, qui n'en est éloignée que de huit lieues, où les plus grands vaisseaux sont en sûreté; & la facilité de faire monter jusqu'à la fosse par la rivière, des barques de cinquante ou soixante tonneaux, & les gabares qui servent à décharger les marchandises des vaisseaux, lui donnent la commodité des Villes, qui sont entièrement maritimes.
Le Département de Nantes comprend Pimbeuf, Bourneuf, Pornic, le Croisic & le Pouligen & c'est dans tous ces Ports que les Marchands Nantais font leurs armements, soit qu'ils les fassent en leur propre nom, soit qu'ils soient intéressés avec les Bourgeois de ces cinq petites Villes.
On emploie par an environ cinquante navires dans ce Département, depuis cinquante jusqu'à trois cent tonneaux, pour le Commerce des Colonies de l'Amérique: savoir, vingt cinq ou trente pour la Martinique: huit ou dix pour la Guadeloupe: un ou deux pour la pêche de la tortue, qui passent ensuite dans ces deux îles: autant pour Cayenne: & huit ou dix pour la Côte de S. Domingue.
La cargaison d'un vaisseau de cent vingt tonneaux peut revenir à près de quinze mille livres, sans y comprendre les marchandises qui passent à fret, & qui vont souvent au double.
Cette cargaison doit consister en cent cinquante barils de bœuf d'Irlande, trente quarts de lard, dix quarts d'eau-de-vie, cinquante quarts de farine, dix tonneaux de vin, deux mille aunes de grosse toile pour habiller les Nègres, cinq cent aunes de toile Nantaise pour le ménage, mille livres d'huile à brûler, autant à manger: en cuivre & ferrerie pour les moulins à sucre, pour six cent livres: mille livres de chandelle, quinze cent livres de beurre, vingt barriques de sel: du tusseau, des briques, & des ardoises, pour bâtir, en tout pour trois cens cinquante livres: des pots & fourmes pour terrer & blanchir le sucre, pour deux cent livres: deux cent paires de souliers de toutes sortes: quatre ou cinq douzaines de chapeaux fins & communs: nippes, hardes, & étoffes de soie, ou laine, pour mille livres: vaisselle d'étain, & autres ustensiles de ménage, pour six cent livres: six fusils de Boucaniers, deux cent livres de poudre fine; cinq cent livres de plomb, en plaques, balles & dragées: quatre cent barriques en bottes, avec les cercles & l'osier pour les monter: & une barque en fagot de huit à dix tonneaux.
Outre cette cargaison, on fait quelquefois passer les vaisseaux aux îles de Fayal & de Madère, pour y prendre des vins, qui sont propres pour les îles; parce qu'étant très-forts, ils se conservent mieux que les autres.
Les navires que l'on fait passer à la pêche de la tortue, n'emportent pas de cargaison si considérables: on n'y met que de légères emplettes, ! mais beaucoup de sel pour saler la tortue, qu'on porte ensuite à l'Amérique, où les habitants l'achètent pour la subsistance de leurs Nègres.
Le temps propre pour partir vers l'Amérique, sont les mois de Novembre & de Décembre; & la traversée est ordinairement de quarante-cinq ou cinquante-cinq jours.
On peut voir à l'article de la Rochelle, les droits d'entrée & de sortie que payent en France les marchandises qu'on envoie aux Colonies Françaises, & celles qu'on en rapporte; on remarquera seulement ici, que les droits qui se payent à Nantes, joints ensemble, montent environ a six pour cent de leur valeur. Voici le total auquel on estime, que toutes les marchandises des Colonies, qui entrent dans le Royaume sur les vaisseaux Nantais, peuvent aller, année commune, par estimation, & par espèces.
Les sucres bruts, ou moscouade, à six millions de livres pesant.
Les sirops de sucre, environ quatre cens milliers.
Les sucres blancs & terrés, depuis trois jusqu'à cinq cent milliers.
Le cacao, deux cens milliers.
Le gingembre, environ cent milliers.
Le coton en laine, cent cinquante milliers.
L'indigo, cent cinquante milliers, ou environ.
Le rocou de Cayenne, dix milliers. Le caret, ou écaille de tortue, cinq à six milliers.
La casse, cinquante milliers. On apporte aussi des cuirs de bœuf & de vache, de S. Domingue, qu'on acheté sur le lieu six livres, & qu'on revend à Nantes neuf livres. A l'égard des bois vert & de gayac, il ne coûte qu'à couper; & l'on n'en prend que pour servir de chantiers sous le chargement des navires;
Il y a à Nantes huit raffineries à sucre, pour fondre les moscouades, & les réduire en sucres blancs, en pain, ou en poudre, qui sont ensuite envoyés à Orléans, & à Paris.
Le reste des sucres bruts, qui ne peuvent être convertis dans les raffineries de Nantes, passent ordinairement à celles de Saumur, d'Angers, & d'Orléans; n'étant pas permis de les transporter hors du Royaume.
A l'égard des autres marchandises, comme le gingembre, l'indigo, le rocou, le cacao, & quelques autres, les Hollandais, & les autres Nations du Nord, les viennent enlever, à la réserve d'une assez petite partie, qui reste pour la consommation de la Bretagne, & d'une assez bonne quantité de cacao, qui passe en Espagne.
La pêche de la morue occupe plus de trente navires Nantais, ou du Département du Port, depuis soixante-dix jusqu'à trois cent tonneaux. Quinze de ces vaisseaux se destinent pour la morue verte; le reste pour la morue sèche
Les premiers font jusqu'à deux voyages par an; n'employant ordinairement à leur voyage que trois ou quatre mois au plus. Ils partent indifféremment dans les mois de Juillet, Août, Décembre & Janvier.
Un vaisseau de cent vingt tonneaux n'emporte pour cette pêche, que trente charges de sel, & des victuailles; & quand la morue donne, & qu'il fait bonne pêche, ou, comme ils disent, bonne chère, il rapporte vingt à vingt-cinq milliers de morue en compte, à raison de douze cent quarante morues le millier.
Outre la consommation de Nantes, il s'envoie quantité de cette morue à Orléans, à Paris, en Auvergne, & jusqu'à Lyon; ce Commerce étant encore augmenté par les morues des Olonnois, & des Rochellois, qui viennent décharger dans la rivière de Nantes, une partie de celles de leur pêche.
Les navires pour la morue sèche, font leurs cargaisons différemment, suivant les différents desseins qu'ils ont en partant pour cette pêche. Les uns vont uniquement avec du sel, & des victuailles; les autres vont partie en pêche, & partie en faque, c'est-à-dire, en troque, & d'autres encore seulement en troque; c'est-à-dire, pour échanger des marchandises contre du poisson sec, avec les habitants des Colonies du nord de l'Amérique, qui font ce Commerce.
Les cargaisons de ces derniers consistent en biscuit, farine, vin, sel, eau-de-vie, lard, bœuf, huile, sirop, toiles, étoffes, & autres assortiments pour la subsistance de ces Colonies.
Les retours de ces cargaisons se font non-seulement à Nantes, mais encore à Bordeaux, en Espagne, & en Portugal.
On vend quelquefois cette morue aux Espagnols, & aux Portugais, depuis dix-huit jusqu'à vingt-quatre livres le quintal; mais les droits du Roy vont au quart de sa valeur, outre dix pour cent de commission, ou de frais; en sorte que le poisson ne s'y vend guère plus qu'en France:
mais les recours récompensent assez d'un gain si modique, & sont d'un très-bon débit.
Les marchandises de ces retours, si c'est à Lisbonne, ou à Porto, sont, des sucres & des tabacs de Brésil, des soumaces, & des huiles d'olive; & si c'est à Bilbao, S. Sébastien, Cadix, Séville, ou quelques Ports de Catalogne & de Galice, outre les espèces d'or & d'argent, qu'on en rapporte, on peut encore employer son fonds en fer, en laine, en huile, en coton, & en cochenille.
Les morues sèches, qui se déchargent à Nantes, se consomment non-seulement dans la Province, mais encore dans les armements de mer, qui s'y font, tant pour le Roy, que pour les Particuliers, outre tout ce qui s'en envoie dans les Pays voisins de la rivière de Loire, l'Auvergne, & le Lyonnais. A l'égard de Paris, il y va peu de cette forte de morue, & l'on n'y connaît guère que la morue fraîche salée.
Les morues des deux espèces payent à Nantes à l'entrée, pour tous droits, trois pour cent de leur valeur.
L'huile du foie de morue est aussi à Nantes d'un assez bon débit. Un navire qui aura pêcher deux mille cinq cent quintaux de poisson, peut presser trente barriques d'huile, qui s'achète trente livres la barrique, & peut se revendre en France, depuis cinquante jusqu'à soixante-dix livres.
Les Nantais font aussi quelque pêche de saumon, & de hareng; mais c'est peu de chose. Ils ont encore envoyé quelques vaisseaux à la pêche de la baleine, mais il y a longtemps qu'ils y ont renoncé.
Les Marchands de Nantes, outre leurs navires de morue, envoient quelquefois à Bilbao, S. Sebastien, la Corogne, & autres Ports de la Côte de Galice, des barques chargées de papier, toileries, étoffes de soie, dentelles d'or & d'argent, sucres, mercerie, quincaillerie; & des grains & légumes, quand le Commerce en est permis. La cargaison de ces barques va depuis cinq à six mille francs jusqu'à vingt. Il s'y transporte aussi des sels du Croisic & de Pouligneut; & environ cinquante barques font occupées à ce dernier négoce.
De l'or, de l'argent, du fer, des laines, des sardines, des peaux de mouton, des oranges, & des citrons, sont les marchandises qu'on en rapporte, dont la consommation se fait en Poitou, en Anjou, & le long de la Loire.
Le Commerce que les Nantais ont avec le Portugal, particulièrement avec Lisbonne & Porto, se fait presque entièrement par les tartanes & les fehitiez Provençales; les Marchands de Nantes y envoient peu ou point de vaisseaux. Les marchandises que les Provençaux prennent à Nantes pour ces deux Ports Portugais, sont des étoffes de soie & de laine, des toiles de Quintin, du papier, du fer en verge, des eaux-de-vie, des dentelles d'or Se d'argent, des rubans, de la quincaillerie, & de la mercerie; mais la plupart sont pour le compte des Marchands de Paris, de Lyon, de Tours, & de Marseille.
Les retours de Lisbonne, & de Porto, sont des sucres, des tabacs, des cuirs tannés & à poil, du bois de Brésil, des soumaces, des huiles d'olive, des oranges douces, des citrons, & des figues.
Il faut remarquer, qu'à l'égard des fruits qui viennent de Portugal, les vaisseaux qui en apportent, sont obligés à leur arrivée d'en tenir planche pendant trois jours, c'est-à-dire, d'en détailler au public à un prix, qui est fixé par les Officiers de Police.
La destination des marchandises qui viennent à Nantes, de Portugal, est la même que celle des marchandises d'Espagne.
Les autres Commerces, que les Nantais font par la mer, font aux Canaries, à Fayal, & à Madère, où il faut de pareilles cargaisons, que pour le Portugal, & d'où on tire des vins, diverses confitures sèches, &c.
A Salé, & Sainte-Croix en Barbarie, où l'on porte des toiles de Bretagne, du fer, & des tabacs, & d'où l'on rapporte des laines, & de l'étain.
A l'égard du Commerce avec le Nord, la Hollande, l'Angleterre, l'Ecosse, & l'Irlande, qui est un des plus importants qui se fasse à Nantes, les Marchands Nantais ne le font guère pour leur propre compte; ces Nations, particulièrement la Hollandaise, y apportant elles-mêmes leurs marchandises, & y ayant des Commissionnaires qui les vendent, & qui préparent les cargaisons pour les retours.
Les marchandises que les Hollandais tirent de Nantes, sont des vins, des eaux-de-vie, des sirops de sucre, du miel, du tabac de S. Domingue, du gingembre, de la casse, de l'indigo, du papier, des prunes, & beaucoup de sel, qu'ils prennent au Bourneuf, & au Poligen. Celles qu'ils y apportent, sont, des poivres, des girofles, de la cannelle, de la muscade, de l'amidon, de la colle-forte, du plomb, de la céruse, de la mine de plomb, du cuivre, des pipes à fumer, du hareng, des raves, ou rogues de morue, des planches de sapin, des mats, du goudron, du bray gras, des cordages, des chanvres, des poudres, du fil de fer & de laiton, des suifs, des cuirs de roussy, des huiles & fanons de baleine, & beaucoup de mercerie & quincaillerie.
Les Anglais apportent du plomb, de l'étain, de la couperose, & du charbon de terre: leurs cargaisons de retour sont, des sels du Croisic, de Bourneuf, & de Poligen, de l'esprit de vin, des vins & eaux-de-vie, des sirops de sucre, du papier, des taffetas, & autres manufactures de Tours & de Lyon; de la Rubanerie, beaucoup de toiles, & du gingembre.
Les irlandais fournissent à Nantes, des beurres, des suifs, des chairs salées en barils, du hareng, du saumon, des cuirs tannés & verts; quelquefois des laines, quand ils osent risquer cette contrebande. Leurs retours sont à peu près semblables à ceux des Anglais; hors qu'ils y ajoutent quantité de chapeaux, & des galons & dentelles d'or & d'argent.
Le Commerce des Ecossais consiste en charbon de terre, en hareng, en plomb, en étain, en cuirs: & en suif. Ils se chargent à Nantes, des mêmes marchandises que les Irlandais.
Les Flamands, ou comme on les appelle à Nantes, les Flandrins, particulièrement ceux de Bruges, Ostende, Gand, & Nieuport, viennent à Nantes avec leurs navires vides, pour y chercher du fret, & des marchandises pour leur compte: celles qui leur conviennent, sont des sels, des vins, des eaux-de-vie, des sirops de sucre, avec quelques toiles à voiles.
Les marchandises qui composent les cargaisons des Hambourgeois à l'arrivée, sont, du plomb, du cuivre, de l'amidon, du mairain, des planches, de l'acier, du fer blanc & noir, & de toutes celles du Nord. Les marchandises du retour confident principalement en sels, vins, eaux-de-vie, indigo, gingembre & papier.
Les Danois, Suédois, & ceux de Dantzig, apportent des mâts, des planches de sapin, du cuivre, du plomb, des poudres, de l'acier, du fer blanc, du bray gras, des raves, des trefiches pour la pêche de la sardine, des cordages, des chanvres, des ftocfichs, du cabillaud salé, des suifs, & des laines. Leurs retours sont comme ceux des Hollandais.
Il vient aussi à Nantes quelques vaisseaux Espagnols & Portugais: on peut voir ci-dessus quelles marchandises ils peuvent fournir, & quelles font celles qui leur font propres.
A l'égard du Commerce, que la Ville de Nantes entretient avec plusieurs Villes & provinces du dedans du Royaume:
La Rochelle fournit quelque morue, & prend du mairain, du fer, du charbon de terre, & des toiles à voiles.
Les sables d'Olonne font à Nantes presque tous leur retour de la pêche de la morue verte, à laquelle ils emploient près de cinquante bâtiments. Ils en tirent du fer, de la toile, des bordages pour la construction des navires; & le sur-plus du produit en argent.
Quand les Marseillais y envoient des vaisseaux, ce qui est rare, & ne passe jamais deux bâtiments, ils apportent des aluns, des savons, des huiles, des raisins secs, des amandes, du café, des câpres, du sucre, de la manne, du sené, de la scammonée, du jalap, & autres drogues du Levant; & vont ensuite charger dans quelqu'autre Port, des sardines, & du congre. Ordinairement le Commerce de Marseille à Nantes se fait par les vaisseaux Granvillois & Malouins.
Les Marchands de Lyon ont à Nantes, des magasins d'étoffes de laine & de soie, de rubans, de dorures, & de futaines, dont ils fournissent en gros les Détailleurs de la Ville. Il vient aussi de Lyon quantité de fromages de Griers. Les retours pour les Epiciers Lyonnais, sont des sucres blancs du Brésil, ou des îles, raffinés à Nantes, de l'indigo, des bois de teinture, des huiles de morue & de la baleine, de la morue sèche, du rocou, du gingembre, de la casse, & qu'ils font remonter chez eux par la rivière de Loire.
Le Forest envoie à Nantes des armes blanches, des armes à feu, & beaucoup de quincaillerie & mercerie.
Le Nivernois, du charbon de terre, des canons, des boulets, des ancres, & des faïences. Ces deux Provinces ne tirent de Nantes que quelques sucres, de la morue des deux sortes, & du plomb.
Les marchandises qui y viennent d'Auvergne, sont, des chanvres, des fromages, & du papier: celles qui y retournent, des sucres, des morues sèches & vertes, des huiles de baleine & de morue, des drogues pour la teinture, & peu d'autres.
Le Commerce de Nantes avec Paris est moins considérable par les marchandises qu'y envoie cette Capitale du Royaume, que par celles qu'elle en tire; celles-là ne consistant qu'en quelques étoffes de soierie & de lainerie, pour le détail des Marchands Boutiquiers; & celles-ci, dans tout ce qui est du cru de la Bretagne, ou qui lui vient du dehors.
De toutes les Villes du Royaume, Orléans est celle qui fait le plus grand Commerce avec Nantes; ayant coutume d'en tirer, non-seulement ce qui lui est nécessaire pour sa propre consommation, mais encore tout ce dont peuvent avoir besoin les Provinces voisines, avec lesquelles les Marchands d'Orléans entretiennent un Commerce réglé: aussi n'y a-t-il guère de marchandises à Nantes qu'elle ne fasse remonter chez elle par la Loire; ayant soin ensuite de les distribuer à leurs Correspondais des autres Villes.
Enfin, pour abréger le détail de tous les lieux de l'intérieur du Royaume, qui contribuent à soutenir le grand Commerce que la Ville de Nantes fait au dehors, on se contentera d'ajouter, que la Normandie, la Guienne, Dunkerque, le Berry, l'Anjou, le Blesois, la Touraine, le Bas Poitou, le Maine, & les principales Villes de la Bretagne même, lui fournirent la plupart des marchandises, ou qui croisent chez elles, ou qui se fabriquent dans leurs Manufactures; & qu'elles en reçoivent en échange ce qui leur convient de tant de marchandises, ou du Royaume, ou du dehors, dont les magasins de Nantes sont toujours remplis.
On n'a point parlé du Commerce, que les Marchands de S. Malo font à Nantes, parce qu'il fera partie de la section suivante.
Et pour compléter, un petit tableau du "Magasin pittoresque" de 1834
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Nantes, 1833 (Bassin de la loire) |
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ENTREES |
SORTIES |
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Navire |
Tonnage |
Equipage |
Navire |
Tonnage |
Equipage |
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Commerce Nav. français |
96 |
12990 |
858 |
44 |
7642 |
495 |
Commerce Nav. étrangers |
124 |
20396 |
991 |
56 |
7821 |
449 |
Colonies |
12 |
15835 |
945 |
57 |
14840 |
834 |
Pêche |
9 |
1039 |
174 |
17 |
2726 |
270 |
Cabotage |
2668 |
105465 |
9542 |
1985 |
84083 |
7796 |
|
2909 |
155725 |
12510 |
2159 |
117112 |
9844 |
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