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Le Puy en Velay et son histoire jusqu'en 1850
Esplanade du For de la cathédrale du Puy en Velay,
comme un symbole... la Foi tel un arbre élagué et décharné ?
Le Puy en Velay - 2019 - Num 50mpx - 5dsr_10376 - © Norbert Pousseur
Lors d'une traversée de la France en voiture, j'ai fait un arrêt d'une nuit et une matinée dans la ville du Puy en Velay. En voici quelques images, complétée par des documents d'archives.
Cette courte visite est présentée en 2 pages :
Cette page avec quelques vues générales et des textes sur l'Histoire du Puy en Velay, provenant de diverses sources, ainsi que des gravures de 1830 à 1860, le tout provenant de mon fonds bibliographique.
Deuxième page sur le Puy et ses monuments religieux, là aussi à partir de photographies prises sur place et de documents d'archives personnelles.
Pour agrandir les gravures, voir en bas de page
Voir aussi, sur ce site, dans l'Atlas de Vuillemin de 1883, l'extrait de la carte de la Haute Loire
Un esprit chagrin pourrait y voir la Foi attaquée par Mamon (l'Or)
et les distractions artificielles (Croisières).
Un autre regard pourrait se demander ce que fait encore ici
ce symbole de la Foi (la Croix illuminée) au milieu de la cité d'une France laïque.
Mais il est vrai que cette ville se trouve sur le chemin de Saint-Jacques-de-Compostelle
et que les pèlerins s'attendent à rencontrer des signes religieux
en dehors des monuments ecclésiastiques.
Le Puy en Velay - 2019 - Num 50mpx - 5dsr_10250 - © Norbert Pousseur
Et les monuments style 1900 du Puy en Velay
se font d'autant plus remarquer avec les éclairages de nuit,
tel la rotonde de l'Hôtel Regina.
Le Puy en Velay - 2019 - Num 50mpx - 5dsr_10206 - © Norbert Pousseur
Fronton de l'ancien lycée impérial du Puy en Velay
Le Puy en Velay - 2019 - Num 50mpx - 5dsr_10303 - © Norbert Pousseur
Sur la rue de l'entrée du lycée impérial (au fond, en haut)
une entrée de porte de cave (?) assez monumentale,
dont la partie la plus haute est juste à hauteur d'homme
Le Puy en Velay - 2019 - Num 50mpx - 5dsr_10309/05 - © Norbert Pousseur
Une des rues montant vers la cathédrale, anciennement entièrement pavées
Le Puy en Velay - 2019 - Num 50mpx - 5dsr_10310 - © Norbert Pousseur
Une des façades du Puy à l'architecture typique, en pierres de lave
Le Puy en Velay - 2019 - Num 50mpx - 5dsr_10440 - © Norbert Pousseur
Une des rues montant vers le rocher Corneille
Le Puy en Velay - 2019 - Num 50mpx - -5dsr_10386 - © Norbert Pousseur
Façades en pierre de lave et cheminée centrale en clocheton du Puy
Le Puy en Velay - 2019 - Num 50mpx - 5dsr_10394 - © Norbert Pousseur
Une des rues étroites de la vieille ville du Puy
Le Puy en Velay - 2019 - Num 50mpx - 5dsr_10462 - © Norbert Pousseur
Façade du centre de la dentelle du Puy
Le Puy en Velay - 2019 - Num 50mpx - 5dsr_10458 - © Norbert Pousseur
Dans les environs immédiats de la ville du Puy, à 5mn en voiture,
la campagne et ses bories caractéristiques de la région
Le Puy en Velay - 2019 - Num 50mpx - -5dsr_10474 - © Norbert Pousseur
Cette borie se fond dans le talus
Le Puy en Velay - 2019 - Num 50mpx - -5dsr_10482 - © Norbert Pousseur
Façade de borie avec ses quatre pierres monumentales pour sa porte
Le Puy en Velay - 2019 - Num 50mpx - 5dsr_10465 - © Norbert Pousseur
Intérieur de borie, sa porte et sa fenêtre
Le Puy en Velay - 2019 - Num 50mpx - 5dsr_10089 - © Norbert Pousseur
Agencement des pierres fermant le faite d'une borie
Le Puy en Velay - 2019 - Num 50mpx - 5dsr_10089 - © Norbert Pousseur
Texte extrait de l'Histoire des villes de France, d'Aristide Guilbert, édition de 1859
Le Puy en Velay.
à la fin du VIe siècle, du temps de Grégoire de Tours, le premier historien qui en fasse mention, la ville du Puy, ou mieux d’Anis (Anicium), n’existait pas encore. Cette dénomination s’appliquait à une montagne où domina ensuite la ville d’Anis, appelée aujourd’hui Le Puy, mot dérivé, comme il a déjà été dit dans le cours de cet ouvrage, de l’aquitain puich ou puech, signifiant hauteur, éminence. Dès son origine, nous voyons la ville du Puy ou d’Anis, située dans le Velay, se montrer à nous sous la dépendance de ses évêques, parmi lesquels nous comptons onze saints. L’époque précise de la fondation de ce siège épiscopal est fort douteuse, et c’est à peine si nous connaissons les noms des évêques du Velay qui l’ont occupé antérieurement au VIe siècle.
Le Puy en Velay avant 1859, sans la statue de la Vierge, gravure des frères Rouargues
in l'Histoire des villes de France, d'Aristide Guilbert, édition de 1859
Le Puy en Velay - repro 2019 - Num 50mpx - 5dsr_11525 - © Norbert Pousseur
(Pour agrandir cette gravure, voir en bas de page)Les deux historiens de cette église, Gissey et Théodore, rapportent, à la vérité, plusieurs circonstances de leurs vies; mais ils ne se fondent que sur des bréviaires ou des légendes d’une autorité trop moderne, et par cela môme très contestable.
Ils donnent à cette église pour premier évêque Saint-Georges, qu'ils font disciple de saint Pierre, et dont l’église collégiale de son nom, dans la ville du Puy, conserve les reliques. On cite, après lui, saint Marcellin et saint Paulier, et l’on veut que le successeur de celui-ci, saint évode, vulgairement nommé Voissy, ait transféré, soit au IIIe, soit au VIe siècle (on est loin d’être d’accord à ce sujet), le siège épiscopal, placé alors à Russium ou Vallava, civilas Vellavorum, depuis Saint-Paulier, dans la ville d'Anicium. Selon une autre version, cette translation ne s’opéra qu’entre les années 877 et 919, par les soins de l’évêque Norbert, qui, à cette occasion, transféra de Vallava au Puy les reliques de saint Georges et de saint Marcellin.Quoi qu’il en soit, les commencements de la ville du Puy durent être difficiles, car il ne paraît point qu’elle se soit constituée dans un intervalle moins long que celui qui s’étend de la fin du Xe siècle aux premières années du XIIe. Anicium n’était encore qu’un bourg, dont le domaine appartenait aux ducs d’Aquitaine, comtes particuliers du Velay, lorsque le roi Raoul donna, le 8 avril 924, du consentement de l’un d’eux, Guillaume II ou III, son vassal, à l’évêque du Velay, Adalard, le bourg contigu à l’église de Notre-Dame du Puy, avec toutes ses dépendances, savoir : les droits de télouée ou de douane (teloneum), de marché, de ressort et de monnaie. L’évêque du Puy jouit donc, dès lors, des droits régaliens; on ne saurait affirmer pourtant qu’Adalard ait le premier battu monnaie; un fait incontestable, c’est que ses successeurs firent frapper des sous qu’on appela podienses. La charte de Raoul fut confirmée, en 955, par le roi Lothaire, en faveur de l’évêque Gotescalc qui s’était rendu auprès de lui, à Laon; et en 1134, par Louis le Gros, dont le diplôme, daté d’Orléans, confond pour la première fois Anis (Anicium) avec Le Puy et le qualifie de cité.
Louis le Gros, dans cette charte, donna en outre le château de Corneille à l’évêque Humbert; mais il n’y mentionna, pas plus que ne l’avaient fait les rois Lothaire et Raoul, le comté même de Velay, ce qui prouve que les évêques du Puy ne l’unirent pas de si tôt à leur domaine. S’il faut en croire quelques auteurs, ils ne relevaient que du Saint-Siège, depuis 998, par privilège accordé à l’évêque Théotard; ce n’était que plus tard, en 1051, que le pape Léon IX avait joint à cette prérogative celle de porter le pallium.L’église de Notre-Dame du Puy possédait déjà un grand renom de sainteté, et les fidèles y accouraient de toute part. Le très pieux roi Robert la visita en revenant de Brioude (1169). L’évêque Aymar de Monteil força le vicomte de Polignac à se désister de ses prétentions sur elle (1087) ; de manière que le pouvoir des prélats s’accrut successivement d’une infinité de donations, émanées de la dévotion superstitieuse de l'époque, et des concessions de plusieurs places fortes du Velay (1169). Louis le Jeune fut le premier roi de France, de la troisième race, qui leva un subside dans la cité du Puy, où il était venu deux fois (1138-1146). Cette ville avait reçu dans ses murs les papes Urbain II (1095), Gélase II, et Calixte II, son successeur (1118), Alexandre II (1162) et Alexandre III (1165).
Il s’y était tenu un concile (1130), dans lequel Innocent II fut unanimement reconnu pape, et Anaclet, son compétiteur, excommunié; et quand l’hérésie des Albigeois devint inquiétante, un légat du pape Alexandre III y en réunit un nouveau (1381), pour la combattre. Il serait trop long d’énumérer tous les rois, princes ou seigneurs, toutes les reines et toutes les grandes dames, tous les pèlerins et autres de toutes conditions, de tout sexe, de tout âge, que la réputation de la sainte Vierge du Puy y amenait en foule; nous nous contenterons de dire qu’il y eut, en 1406, le jour de l’Annonciation, à cause de la simultanéité de cette fête avec le Vendredi-Saint et de l’indulgence particulière qui y était attachée, un tel concours de pèlerins à Notre-Dame du Puy, qu’on ne compta pas moins de deux cents personnes étouffées dans cette prodigieuse affluence.Avant d’entreprendre le voyage de la Terre-Sainte, le roi Philippe-Auguste s’avança jusqu’au Puy pour invoquer le secours de la Vierge et la rendre favorable à son entreprise (1188). Quelques années après commencèrent, entre l’évêque du Puy, Robert de Mehun, et les habitants de cette ville, des démêlés dans lesquels le roi intervint au profit de l’évêque, qui périt bientôt assassiné, à Saint-Germain, par un certain Bertrand de Cares, qu’il avait excommunié. Plus tard, les habitants cherchèrent de nouveau à se soustraire à la puissance temporelle de leur prélat ; mais celui-ci, étayé de l’autorité royale, finit toujours par les mettre à la raison (1219-1236).
Saint Louis eut une entrevue au Puy avec Jacques, roi d’Aragon, et y séjourna trois jours à son retour de la Palestine ; il reçut le droit de gîte de la part des bourgeois, de l’évêque et du chapitre (1243-1254). Cependant une déplorable sédition agita Le Puy, au sujet de quelques soldats qui avaient pillé la campagne des environs. Deux officiers de justice périrent victimes de l’exaspération populaire, et, à cette occasion, la commune resta privée pendant longtemps de son consulat et de ses franchises (1277). Philippe le Hardi et Philippe le Bel s’arrêtèrent aussi au Puy, l’un, en 1283, l’autre, en 1285. L’évêque, Jean de Cuménis, figura au nombre des prélats qui soutinrent ce dernier prince contre le pape Boniface VIII, et en appelèrent au prochain concile des entreprises du Saint-Siège (1283-1285-1313).Pendant la captivité du roi Jean, les habitants du Puy prirent les armes et arrêtèrent les courses des Anglais près de Clermont (1359). Charles VI, dans l’espoir d’obtenir quelque adoucissement à ses accès de démence, entreprit deux pèlerinages au Puy, où il toucha les écrouelles. Le même roi fixa à six le nombre des consuls de la ville, et ne trouvant pas sans doute que la couleur de leurs robes, manteaux et chaperons fût de bon goût, il ordonna que désormais, au lieu d’être faits de drap bleu, pers, ils le seraient d’écarlate (1389-1394). Au commencement du siècle suivant, les seigneurs du Velay eurent à lutter à la fois contre les Anglais et contre le duc de Bourgogne. Ils s’enfermèrent dans la ville du Puy que le duc avait essayé de surprendre, espérant que sa soumission entraînerait celle du Vivarais et du Gévaudan. Leur résistance découragea les assaillants, commandés par le prince d’Orange (1419). Peu de temps après, le dauphin, depuis Charles VII, ayant fait son entrée au Puy, après avoir soumis le Languedoc, créa chevaliers tous ceux qui s’étaient distingués contre les Bourguignons ; il était au château d’Espaly, près du Puy, quand il apprit la mort de son père, et c’est là qu’il fut salué roi de France (1420-1422).
Pendant la guerre du Bien public, le Velay, malgré les efforts du comte de Polignac et de l’évêque du Puy, resta fidèle au roi; les mesures habiles du gouverneur de la province empêchèrent la ville de se prononcer (1460). La reine de France, Charlotte de Savoie, visita le Puy, en 1470, et Louis XI, six ans après, y vint lui-même en pèlerinage pour faire une neuvaine. En 1482, Le Puy fut affligé d’une fièvre pestilentielle, précédée d’une horrible tempête, qui détruisit la récolte et engendra la famine. Le fléau moissonna dix-sept mille personnes, qu’on inhuma pêle-mêle au Clusel, sur la place du Martouret, à l’endroit même où s’élève maintenant l’hôtel de ville. La peste sévit de nouveau au Puy, en 1521, et y exerça encore ses ravages, en 1547. Les habitants épouvantés cherchèrent un refuge dans la campagne; les consuls eux-mêmes s’éloignèrent de la ville, où l’herbe ne tarda pas à croître dans les rues. Dans un intervalle de sécurité, la dévotion avait attiré au Puy trois illustres visiteurs : Charles VIII et François Ier, roi de France (1495-1516), et Jean Stuart, régent d'écosse (1533). Henri II, en 1548, convoqua dans cette ville la tenue des Grands Jours, avec commission d'extirper la malheureuse secte luthérienne. Quelques hérétiques y furent condamnés au feu.
La majorité de la population du Puy était catholique quand éclatèrent les guerres de religion. Le baron des Adrets ne pouvant s’y rendre en personne pour réduire la ville, détacha Blacons, son lieutenant, qu’il mit à la tête de sept à huit mille hommes (1562). Celui-ci arrive, à la pointe du jour, devant la place, défendue par l’élite de la noblesse du Velay. Repoussé vigoureusement, il pille le petit bourg d’Aiguilhe, les Cordeliers, les Jacobins, et va s’emparer d’Espaly, château de l’évêque du Puy, Sénectère ; il en détruit les fortifications et les murs, puis il revient contre la ville, mais toutes ses attaques échouent et il est forcé de lever le siège avec perte. Pour parer à de nouvelles agressions de la part des protestants, qui, par bonheur, ne les renouvelèrent pas, Antoine de la Tour de Saint-Vidal, gouverneur du Velay et du haut Vivarais, fit fortifier le Puy, et convoqua le ban et l’arrière-ban de la noblesse. Plus tard, de nouvelles fortifications furent ajoutées au Puy. Les protestants complotèrent de livrer la place ; mais le sénéchal de Rochebonne découvrit et déjoua la conspiration (1568). A l’époque de la Saint-Barthélemy, l’évêque Sénectère refusa d’exécuter les ordres sanguinaires de la cour. Il réunit les protestants dans son palais, leur fit part des lettres du roi, et sut les toucher si bien par sa magnanimité, qu’ils abjurèrent sur-le-champ (1572). La ville adhéra bientôt à la Ligue, et François de Coligny essaya vainement de la surprendre (1585). La Tour de Saint-Vidal partisan très ardent des Guise, fit jurer ensuite aux habitants la Sainte-Union contre Henri III. Une députation de la ville de Toulouse acheva de les entraîner : l’évêque donna l’exemple. Le roi, mécontent, nomma François de Chaste gouverneur du Velay; mais les habitants du Puy persistèrent à ne reconnaître celte qualité qu’au baron de Saint-Vidal. En son absence ils choisirent vingt-quatre d'entre eux, auxquels ils confièrent la principale autorité, en imitation du conseil des Seize de Paris et de celui des Dix-huit de Toulouse. A la mort de Henri III, Chaste et l’évêque reconnurent Henri IV, tandis que les habitants du Puy, dirigés par Saint-Vidal, faisaient des préparatifs de défense.
Vieille dentellière au chapeau rond, près d'une jeune fille à la coiffe de verdure,
gravure extraite du Tour du Monde d’édouard Charton, année 1866
dessin d’émile Bayard d'après une photographie de ...?
Le Puy en Velay - repro 2019 - Num 50mpx - 5dsr_11521 - © Norbert Pousseur
(Pour agrandir cette gravure, voir en bas de page)Les ligueurs de cette ville y publièrent un arrêté du parlement de Toulouse, prononçant la confiscation des biens des politiques, pour en affecter le produit aux frais de la guerre. Ils se mirent ensuite en campagne, prirent d’assaut le château de Polignac dont ils rasèrent les fortifications, et tentèrent un coup de main sur les châteaux de Ceyssac et d’Espaly (1589-1590). Plus heureux, Saint-Vidal était revenu, avec le titre de gouverneur du Gévaudan, à la tête de cinq à six mille hommes ; il occupa, par capitulation, Espaly, dont il fit sauter les fortifications. Mais dans une entrevue d’accommodement, s’étant pris de querelle avec Chaste, il se battit en duel avec lui et fut tué. Les ligueurs du Puy lui firent de magnifiques funérailles, et renouvelèrent le serment de ne reconnaître ni Henri de Bourbon ni personne de son parti : l’effigie du Béarnais fut même brûlée publiquement. Les royalistes voulurent alors surprendre le Puy, pendant la nuit ; mais leur projet fut éventé, et ils perdirent beaucoup de monde. Leurs principaux chefs, entre autres le sénéchal Chaste, périrent dans cette échauffourée. Plusieurs habitants soupçonnés de connivence furent emprisonnés, et les plus notables pendus sur la place du Martouret. Enfin, abandonnés de tous leurs alliés, obligés de monter la garde toutes les deux nuits, de terrasser pendant le jour, de payer les contributions par anticipation, ayant de plus à craindre l’irruption des Croquants, les habitants du Puy renoncèrent à guerroyer, et signèrent la paix avec Henri IV, qui leur accorda l’exemption de la taxe pendant cinq ans (1591-1596). Depuis cette époque, I’histoire du Puy ne présente plus que quelques événements secondaires. Le seul qui nous semble mériter une mention est l’entreprise audacieuse du fameux voleur Mandrin, qui, entré au Puy malgré la vigilance des employés, pilla la maison du capitaine général des fermes, força les prisons d’où il enleva plusieurs détenus, et se retira tranquillement pour exercer ailleurs ses brigandages ( 1754 ).
Femme du Mézenc (environs du Puy en Velay) à la coiffe de verdure,
gravure extraite du Tour du Monde d’édouard Charton, année 1866
dessin d’émile Bayard d'après une photographie de ...?
Le Puy en Velay - repro 2019 - Num 50mpx - 5dsr_11521 - © Norbert PousseurLe Puy, capitale de l’ancien Velay, et siège des états particuliers de ce pays, était autrefois une place de guerre très forte, et passait pour la sixième ville du Languedoc. Ses armoiries, qu’elle fut autorisée à reprendre sous la Restauration, par une ordonnance royale, sont semées de France à l'aigle d'argent au vol abaissé, brochant sur le tout; l'écu accolé de deux palmes de sinople liées d'azur. Ces armes lui furent accordées sous Hugues Capet, vers l’an 992, à la sollicitation de Guy Foulques, évêque du Velay. Le Puy a aujourd’hui une société d’agriculture, sciences et arts, un musée de tableaux, de statues et d’antiquités, une bibliothèque, un collège, un tribunal de première instance et un tribunal de commerce. Cette ville est toujours le siège d’un évêché : on y compte plus de 15,000 âmes; le département de la Haute-Loire dont elle est le chef-lieu, renferme près de 299,000 habitants, et l’arrondissement 132,500. Espaly, dans le canton même du Puy, en a 1,200 environ. Outre les personnages célèbres que nous avons eu occasion de nommer dans le cours de cette notice, le Puy a vu naître le pape Clément IV, élu dans le XIIIe siècle ; le littérateur Irait ; le peintre Boyer ; les Guy, père et fils, peintres tous les deux, l’un surnommé le Grand, l’autre l’illustre, le premier connu en Italie sous le nom de Guido Francisco, le second, à Paris, où il acquit une réputation en partie justifiée par un de ses tableaux conservé dans l’église de Notre-Dame du Puy. Nous citerons ensuite le baron de Latour-Maubourg, maréchal de France ; et le cardinal Melchior de Polignac, membre de l’Académie française, dont le nom appartient à notre histoire politique et littéraire ; en effet, le négociateur de la paix d’Utrecht, l’auteur de l’Anti-Lucrèce, occupe une place importante au milieu des grands hommes du siècle de Louis XIV.
Le commerce du Puy consiste principalement en dentelles, en graines et, en légumes que cette ville expédie dans les départements méridionaux ; les cuirs préparés et cousus en outres, commodes au transport des vins, faisaient anciennement une des branches de son industrie, qui a beaucoup diminué. Malgré sa déchéance commerciale, le Puy possède encore des fabriques de blondes blanches et noires, de dentelles, d’outres ou sacs à vin, de couvertures et d’étoffes de laine commune, une filature et une teinturerie de laine, une clouterie, des fonderies de pots, marmites, cloches, sonnettes, grelots, objets dont les muletiers du centre et du midi de la France s’approvisionnent depuis plus d’un siècle; des tanneries de peaux de chèvres, une papeterie et des fours à chaux. La ville, qui se développe en amphithéâtre sur la pente du Mont-Corneille, près des petites rivières de la Borne et de Dolaison, à une lieue de la Loire où elles se jettent, offre un aspect très pittoresque ; mais si elle est jolie en perspective, elle ne gagne pas à être examinée intérieurement : ses rues mal percées, étroites, malpropres, d’une pente inaccessible aux voitures dans une partie de la haute ville, pavées avec les débris de la roche volcanique de Corneille, rendues plus ou moins glissantes par les pluies, la glace ou la sécheresse, font courir des dangers à l’étranger qui n’a pas l’habitude de les parcourir. On distingue pourtant dans cette ville la promenade du Breuil. Quant à ses monuments, ce sont la cathédrale de Notre-Dame, dont on remarque la hardiesse, la construction bizarre, et la magnifique façade; l’église de Saint-Laurent, que le souvenir de Du Guesclin, dont les entrailles y sont déposées, recommande à la vénération de tous les Français; celle de Saint-Michel, qui n’aurait rien de particulier que son ancienneté gothique, si elle n’acquérait un véritable prix à cause du roc pyramidal que couronne son clocher en aiguille, véritable obélisque se confondant dans l’éloignement avec la singularité du cône représenté par le roc ; enfin un bâtiment de forme ronde appelé le Temple de Diane, et parmi les constructions modernes, l’hôtel de la préfecture, l’hôtel de ville, l’hôtel-Dieu, l’hôpital général, le séminaire, et les casernes de cavalerie, situées dans le faubourg Saint-Laurent, près le pont d’Estrouilhas.
Références bibliographiques :
Histoire générale de Languedoc. — Moreri, Dictionnaire historique. — Arnaud, Histoire du Velay. — étienne de Médicis, Mémoires. — Mandet, Histoire des guerres civiles, politiques et religieuses du Velay. — Deribier de Chaissac, Description statistique du département de la Haute-Loire.
Texte extrait de la France pittoresque d'Abel Hugo, édition de 1835
Vue générale du Puy en Velay, dessiné par Dussault, gravure extraite de La France Pittoresque d'Abel Hugo, 1835
Le Puy en Velay - repro 2019 - Num 50mpx - 5dsr_11536 - © Norbert Pousseur
(Pour agrandir cette gravure, voir en bas de page)Le Puy, sur la rive droite de la Borne, chef-lieu. de département, à 101 lieues S.-S-E. de Paris. Population 14,930 habitants
— Ville fort ancienne, mais dont l'origine est peu connue ; elle s’augmenta des ruines de Reussium, ancienne capitale des Vélauniens.
— Son premier nom fut Revessio ; elle prit ensuite celui de ville d’Anis, du nom de la montagne qui la porte ; son nom moderne du Puy a la même origine, Puy, jadis Puich, ou Puech, signifiant montagne.
— De bonne heure la ville embrassa le christianisme, et eut une cathédrale, l’une des plus anciennes des Gaules.
— Son premier évêque fut saint Grégoire, qui vivait au milieu du IIe siècle ; il était seigneur de la ville, et se qualifiait de comte du Velay.
— Cinq conciles se tinrent au Puy : en 290, 294, 1025, 1130 et 1222.
— En 1254, saint Louis, revenant de son expédition en égypte, s’arrêta au Puy. et fit présent à la cathédrale d’une petite statue de la Vierge, qu’il avait apportée d’égypte. Cette statue eut bientôt une grande réputation, une foule de miracles lui furent attribués, et la ville s’accrut rapidement par le concours du peuple qu’elle y attira.— La ville devint la sixième de celles qui députaient aux états de la province ; elle y envoyait deux députés, dont l’un, son maire, prenait le titre de consul, l’autre, celui d'ex-consul.
— Outre sa cathédrale et plusieurs autres églises, elle possédait des couvents, une grande abbaye de filles et un séminaire.— Elle souffrit beaucoup pendant nos guerres civiles et religieuses, et languit ensuite pendant longtemps.
— Depuis quelques années son commerce s’est revivifié et la ville s’est livrée à toutes sortes d'améliorations.
— Le site, d’une singularité presque unique, fait du Puy une des villes les plus pittoresques qu’on puisse voir.
— A la jonction de trois belles vallées qu’arrosent la Loire, la Borne et la Dolesson, au centre d’un bassin formé de collines d’élévation variée, d’aspects divers, s’élève un mamelon conique, couronné d’un roc basaltique, de la forme la plus fantastique.
— La ville se déploie eu amphithéâtre, sur les pentes sud et ouest du mamelon, et depuis sa base à celle du rocher. La hauteur absolue de celui-ci est de 757 mètres, et son élévation au-dessus de sa base est de 140 mètres.
— Sur cette pente rapide, la ville présente différents étages de maisons à façades blanchies, à toits de tuiles rouges et courbes ; sa vénérable cathédrale la couronne, et les crêtes déchirées du roc dominent le tout.
— Près de ce roc, s’élève un autre pic plus extraordinaire encore, et qui jadis faisait sans doute partie du premier. C’est une haute aiguille, dont la Borne baigne le pied, et qui porte, sur sa pointe effilée, une église en apparence inaccessible, surmontée d’une flèche fort aiguë : ce pic volcanique a 90 mètres de hauteur, et seulement 57 mètres de diamètre à sa base ; tout cet ensemble se détachant sur un fond de collines et de monts, dont les feux volcaniques ont découpé les sommets de mille manières, offre un coup d’œil vraiment extraordinaire.
— En général, la ville est moins intéressante, la plupart de ses rues, outre leur pente rapide, sont étroites, tortueuses, peu propres, assez mal pavées. Dans la partie basse, les rues sont plus spacieuses, et surtout mieux entretenues ; toutes sont pavées en dalles de lave, ce qui contribue à rendre les rues hautes impraticables aux voitures.— La Cathédrale se présente majestueusement, et attire d'abord l’attention ; elle le doit surtout à sa situation, car l’église n’est ni vaste ni magnifique. Elle est adossée au roc, et en partie supportée sur des voûtes. Sa façade gothique, rubanée d’assises de pierre et de lave, se déploie sur un grand perron, où l’on monte par 120 degrés. Le maître-autel, en marbres de diverses couleurs, l’orgue et la chaire, chargés de sculptures, sont fort beaux ; les trois nefs, basses et lourdes, sont divisées par de gros piliers : un haut-clocher domine l’édifice ; la célèbre image de la Vierge, donnée par saint Louis, est une petite statue en ébène, et revêtue de brocart d’or, ainsi que l’enfant posé sur ses genoux. Elle est placée sur le maître-autel.
— Le Séminaire, beau et grand bâtiment, est situé sur un autre versant du mamelon, au pied du roc et dans l’exposition la plus saine.
— L'église du Collège a une jolie façade, de style italien, mais fort sale, car l’église est abandonnée ; à côté est 1a Bibliothèque publique, presque aussi délaissée, et qui offre 5,000 volumes à la curiosité et à l’instruction de son très petit nombre d’amateurs.
— Dans la basse ville, l’église de Saint-Laurent, édifice assez vaste et rendu intéressant par les cendres du grand connétable Du Guesclin, qui y furent transportées il y a peu d’années. On remarque, avec un sentiment plus vif qu’un simple étonnement, que ce grand capitaine n’y a point encore de monument ; bientôt, sans doute, la ville en accordera un au héros qui la délivra, ainsi que toute la province, de la fureur des Anglais et des dévastations des bandes noires. — La Préfecture est un bâtiment neuf, propre, isolé et de fort bon style ; il décore, ainsi qu’une fontaine assez jolie, la place du Breuil, carrée, spacieuse, la plus grande et la plus belle de la ville.
— La Salle de spectacle, petite et rarement ouverte, a de curieux d’avoir été, à ce qu’on présume, un temple de Diane ; quoi qu’il en soit, l’édifice est bien conservé. — Le Puy offre plusieurs débris de constructions romaines ; de nombreux fragments, provenant de fouilles faites dans la ville, ont servi à former un petit musée d'antiquités, auquel ou a joint une collection de tableaux. On donne le nom de roc de Corneille à celui qui couronne la ville ; son sommet porte quelques débris de forts gothiques.
Texte extrait du Dictionnaire général de géographie universelle de Ennery et Hirt, édition de 1839
Le Puy, vue d'Espailly, gravure des frères Rouargues, extraite de La Loire de Touchard-Lafosse, 1861
Le Puy en Velay - repro 2019 - Num 50mpx - 5dsr_11556 - © Norbert Pousseur
(Pour agrandir cette gravure, voir en bas de page)PUY (le), Revessio, ville de France, chef-lieu du département de la Haute-Loire, à 129 lieues S.-S.-E. de Paris, siège de tribunaux de première instance et de commerce, d’un évêché suffragant de l’archevêché de Bourges, directions des domaines, des contributions directes et indirectes, conservation des hypothèques, résidence d’un ingénieur en chef des ponts-et-chaussées, chambre consultative des manufactures, etc.
Cette ville est bâtie dans un site très pittoresque, sur les pentes de la montagne d’Anis, baignée par la petite rivière de Borne, non loin de la rive gauche de la Loire et à la jonction de trois belles vallées qu’arrose ce fleuve. Elle s’élève en amphithéâtre et présente différents étages de maisons blanches couvertes de tuiles rouges, que dominent une cathédrale vénérable et la crête déchirée du roc de Corneille, dont le sommet est couronné par les débris d’un vieux château fort. Plus loin on voit le rocher de l’Aiguille qui porte une chapelle dédiée à St. Michel, et à laquelle on parvient par un escalier de 160 marches taillées dans le roc ; à peu de distance de là se trouvent le rocher de Polignac et celui, auquel la disposition remarquable de ses prismes basaltiques a fait donner le nom d’orgues d’Espailly. L’intérieur de la ville est loin d’offrir un aspect aussi agréable.Les rues y sont étroites, très escarpées et mal pavées en lave. La cathédrale à façade gothique, plus remarquable par son antiquité, la magnificence de ses ornements et la célébrité de sa statuette de Notre-Dame, que par son architecture ; l’église St.-Laurent, qui renferme les restes du grand Du Guesclin, l’église du collège, la préfecture, construction moderne de fort bon goût et la place du Breuil, ornée d’une jolie fontaine, sont les principales curiosités du Puy.
La ville possède un collège royal, un séminaire, une école normale primaire, un cours de géométrie et de mécanique appliquées aux arts, une société d’agriculture, sciences, arts et commerce, un musée de tableaux, d’antiquités et d’objets d’histoire naturelle, une petite salle de spectacle, que l’on présume avoir été un temple de Diane, et une petite bibliothèque publique de 5000 volumes.
Les principaux articles de l’industrie locale sont : les dentelles, les blondes communes et les grelots, que depuis plus d’un siècle cette ville fournit aux routiers et aux muletiers du Midi et du centre de la France. On y trouve aussi des brasseries, des tanneries, des fonderies de cloches, de pots et de marmites, des teintureries, des chapelleries, une filature de coton, des fabriques d’étoffes de laine, des clouteries, etc.
Foires : les 7 janvier, 3 février, aux Rogations, 26 mars, jeudi-saint, 12 juillet, 16 août, 30 septembre, 2 novembre et 21 décembre ; 15,000 hab.Le Puy n’était encore au commencement du onzième siècle qu’un village, célèbre par une statue miraculeuse de la Vierge, que des pèlerins avaient rapportée de l’Orient et que l’on venait adorer dans l’église du Puy. La grande réputation de celte statue attira la foule et la ville s’accrut d’autant plus rapidement que Ruissium, situé dans le voisinage, ayant été détruit, le Puy devint le siège de l’évêché de cette dernière ville. Les guerres civiles et religieuses du seizième siècle causèrent de grands désastres au Puy, qui languit ensuite pendant fort longtemps. Ce n’est que depuis quelques années que son commerce a repris de l’activité et de l’extension.
Texte extrait du Magasin pittoresque, année 1846
Vue du Puy avant 1845, par Ch. M. Dp. Aligny
gravure extraite du Magasin pittoresque, année 1846.
On a l'impression qu'il ne s'agit que d'une petite bourgade affublée d'une imposante cathédrale !
Le Puy en Velay - repro 2019 - Num 50mpx - 5dsr_11517 - © Norbert Pousseur
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Les fêtes du Puy : Cette ville, qui se fait remarquer aujourd’hui par l’industrie de ses fabriques de dentelles, a été autrefois célèbre par l’immense concours de pèlerins que la religion et la poésie y attiraient des contrées les plus éloignées. Au pied du rocher de Corneille, qui la domine, on voit, dans notre gravure, les hautes fabriques de sa cathédrale, l’une des plus anciennes et des plus curieuses de la France. Dans ce lieu, on apporta d’Orient, au huitième siècle, une petite statue en bois de cèdre, sculptée à l’image de la Vierge par les chrétiens du mont Liban. Cette image, visitée au moyen-âge par la foule alors errante des fidèles, par plusieurs papes et par neuf rois de France, avait fait donner à la ville le nom du Puy-Sainte-Marie, qui lui a été longtemps conservé. Vers le onzième siècle, on rebâtit l’église actuelle, qui est chez nous une des imitations les plus frappantes du style byzantin, et que rend encore singulièrement pittoresque le haut escalier jeté sur la pente où elle s’élève.
Quoique située près des bords de la Loire, et dans la partie du plateau central de la France dont les eaux s’écoulent vers le nord, la ville du Puy appartenait, dans ces siècles reculés, aux comtes de Toulouse, qui étaient partis du pied de l’autre versant des montagnes pour aller, avec les eaux du Rouergue, leur première patrie, étendre leur domination sur les plaines du Haut-Languedoc. Est-ce de Toulouse que le culte de la poésie provençale fut apporté au Puy ? ou bien fleurit-il naturellement dans cette ville qui parlait la langue commune aux provinces méridionales de la France ? C’est ce qu’il est difficile de décider. Il faut croire que le pèlerinage renommé de Sainte-Marie fut de bonne heure accompagné de fêtes poétiques, qui bientôt devinrent célèbres au loin. Au douzième siècle, et durant une partie du treizième, les barons grands et petits, les chevaliers, les troubadours, les jongleurs provençaux affluaient au Puy, en sorte que toute la belle et courtoise société du midi se trouvait là, quelques jours, réunie comme en une seule cour. Outre les défis guerriers des tournois, il y avait des défis littéraires, des tour
tournois de troubadours ; et des prix étaient décernés aux vainqueurs , dans ceux-ci comme dans les autres. De pareilles fêtes entraînaient toujours d’énormes frais, et fournissaient par là aux seigneurs des occasions de faire parade de la libéralité fastueuse, alors réputée l’une des plus hautes vertus de la chevalerie. Entre ces seigneurs, il s’en trouvait toujours quelqu’un qui bravait le risque de se ruiner, en se chargeant de toutes les dépenses de la fête, et il y avait un cérémonial convenu pour déclarer sa résolution à cet égard. Au milieu d'une vaste salle où s’étaient réunis les barons venus à la fête, était assis un personnage isolé, tenant un épervier sur le poing. Celui des barons qui voulait signaler sa libéralité venait droit à l’épervier et le prenait sur le poing : il annonçait ainsi qu’il s’engageait à faire les frais de la fête. Tenir et présenter l’épervier au jour de la cérémonie , était une fonction publique. Celui qui en était revêtu s’appelait le seigneur de la cour du Puy. Un troubadour du treizième siècle, le moine de Montandon , célèbre par les aventures de sa vie et par l’âpreté de ses satires, fut investi de cette charge.
De véritables concours s’ouvraient dans ces fêtes du Puy, devant une académie temporaire, dont la formation se reproduisait de la même manière dans beaucoup de villes du midi. La ville du Puy se distingue de toutes les autres, en ce qu’elle servit de modèle à celles qui furent peu après organisées dans le nord de la France, surtout en Normandie, et même en Angleterre. Dans ces derniers pays, tout concours fut nommé d’une manière absolue, le Puy, le Puy d’amour, du nom de la ville qui en avait donné les plus fameux exemples.
Texte de Ferdinand de Lanoye - 1864, extrait du Tour du Monde d’édouard Charton, année 1866
Le dyke d'Aiguilhe ou rocher de St Michel à l'église du même nom,
gravure de Thérond d'après une photographie de ... ?,
extraite du Tour du Monde d’édouard Charton, année 1866
Le Puy en Velay - repro 2019 - Num 50mpx - 5dsr_11532 - © Norbert Pousseur
(Pour agrandir cette gravure, voir en bas de page)La légende du dyke d'Aiguilhe : Pendant que j'errais sur le Mont-Denise, notre voiturin, forcé de rentrer à heure fixe chez son patron, m’avait devancé avec mon fils dans la ville du Puy. Je rejoignis Henri à l’hôtel des Ambassadeurs, où il n’avait pas perdu son temps ; après avoir retenu le meilleur appartement vacant, commandé le dîner, secoué la poussière de la route, envoyé un télégramme à Vienne (Isère), où des amis, des parents attendaient notre arrivée, il s’était dirigé vers le rocher de Saint-Michel dont l'aspect étrange l’avait profondément frappé à son entrée en ville. Chemin faisant, il avait salué, dans l’église Saint-Laurent, un tombeau gothique qui jadis renferma, dit-on, quelques parcelles de la cendre de Du Guesclin, le bon connétable. Puis, arrivé au hameau d’Aiguilhe, au pied de l'obélisque de lave, il avait bravement gravi les 223 marches qui, à l’aide de paliers nombreux et fortement inclinés, conduisent au sommet de ce jet de flamme pétrifiée que le zèle monacal du dixième siècle a couronné d’une chapelle dont la flèche s’élance à un niveau dépassant de dix mètres celui qu’atteint au-dessus du sol de Paris la croix des Invalides et qui laisserait de plus de 25 mètres au-dessous d’elle la croix du Panthéon, bien que ces deux monuments aient l’un et l’autre une base plus large que celle du dyke.
Si la chapelle de Saint-Michel fut fondée réellement en 965, comme le veut la tradition, elle renferme cependant des parties qui se rapportent évidemment à la fin du dixième siècle. Le portail, contemporain de la nef, est un charmant spécimen de l’art byzantin et de son habileté à tirer parti des ressources qu'il avait sous la main ; car il y a ici une combinaison savamment étudiée de mosaïques, de moulures et de bas-reliefs d’un travail trop fin pour n'être pas les dépouilles de monuments plus anciens. Ce petit édifice religieux, qui fut pendant bien des siècles un but de pèlerinage, mais où on ne dit plus la messe qu’une fois l’an, à la fête de l'archange, est bordé d’une sorte de balcon taillé dans le roc vif, et très prudemment revêtu d'un garde-fou à hauteur d’appui. Le guide qui accompagnait mon fils lui affirma qu’avant la Révolution (la grande) on distinguait encore sur cette corniche l’empreinte de deux pieds de femme. C’était la trace qu’avait imprimée dans le roc une jeune fille du Puy, laquelle, se trouvant en butte aux médisances de ses voisins, s’élança de cet endroit dans la plaine pour prouver, avec la protection du bienheureux Saint Michel, la fausseté des méchants bruits dont elle était victime. Elle arriva en bas sans le moindre mal. Un saut de trois cent pieds, fait impunément ! quelle plus grande preuve de sagesse ? Tout chacun se tint convaincu et satisfait du miracle, hors celle qui en était favorisée. Affolée d’orgueil par le diable qui garde une vieille rancune à Saint Michel, la jeune fille voulut recommencer deux fois l’épreuve. A la troisième, l’archange, voyant son antique adversaire se mêler de l’affaire, détourna ses yeux de sa protégée et elle se tua.
Quiconque douterait de l’authenticité de cette histoire sera tenu de lire les mémoires de la Société archéologique du midi, où elle est relatée tout au long (tome I, page 239), ainsi que la relation manuscrite d’un pieux Italien du nom de Médicis qui, voyageant dans le Velay, il y a quelque trois cents ans, a parlé de la chose à peu près en ces termes :
« Un homme de bien du lieu d’Aiguilhe me rapporta que plusieurs pèlerins, connaissant l’histoire de la Piocella et la croyant être vraie, alloient au jardin où elle étoit tombée pour regarder en haut, puis montoient en haut pour regarder en bas. Si y furent tant de gens pour voir ce jardin, que plusieurs en emportèrent par singularité beaucoup de terre, de manière à faire craindre au maître de l’endroit que sa propriété ne s’appauvrît ; j’ose à peine ajouter qu’il fit mettre un bassin en ce lieu pour récolter les pécennes des bons pèlerins. »Pendant le récit de mon fils touchant le roc étonnant de Sain-Michel-en-Velay, qu’à l’invitation de l’auteur anonyme d’un vieux traité intitulé de Mundi mirabilibus, il ne me semblait pas éloigné de regarder comme la dixième merveille du monde, je me souvins à temps que je m’étais promis de voir coucher le soleil du haut du rocher Corneille, J’avais encore une heure devant moi : c’était assez. Laissant donc Henri prendre, sur la place du Breuil, en face de la belle fontaine Croizatier, un repos dont il avait grand besoin, je me lançai vers le but marqué, à travers les rues escarpées de la vieille ville, qui montent en échelles, ou tournent en spirales autour de la haute cathédrale.
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Texte extrait de La Loire de Touchard-Lafosse, 1861
Fontaine de la place des Tables du Puy en Velay
gravure de Gauthier-Jourdain extraite de La Loire de Touchard-Lafosse, 1861
Le Puy en Velay - repro 2019 - Num 50mpx - 5dsr_11539 - © Norbert PousseurLa légende de la fontaine de Farges : La fontaine de Farges ne se recommande pas au même titre que celle de la place des Tables : ce n’est plus qu’une restauration imparfaite de l’ancienne fontaine du même nom, à laquelle se rattache une tradition curieuse, que nous devons rapporter.
Vers les fêtes de Noël de l’an 1320, un jeune enfant de chœur, en traversant une rue habitée par des Juifs, chantait un cantique en l’honneur de la nativité du Sauveur. Outré de ce chant chrétien, certain Israélite fit entrer chez lui l’enfant, sous un prétexte spécieux, et le sacrifia, dit l’historien Théodore, « au ressentiment qu’il avait de l’entendre chanter l’incarnation du Fils de Dieu dans le sein de Marie. » Il l’enterra ensuite secrètement, et se flatta sans doute que son crime resterait impuni, parce qu’il serait ignoré. En effet, les parents du jeune martyr, croyant qu’il avait en fuyant obéi à quelque inspiration de débauche, ne firent aucune recherche après sa disparition, et cet événement allait tomber dans l’oubli, lorsque, le dimanche des Rameaux, une procession passant à la fontaine de Farges, près de laquelle l’enfant avait été enterré, on le vit tout-à-coup se mêler au clergé, et « entonner, ajoute Théodore, l’antienne où l’église applaudit la Reine du ciel du triomphe qu’elle a remporté sur toutes les erreurs du monde. »
La voix angélique que le choriste rendu à la vie faisait entendre, remplit d’admiration la multitude ; et l’on peut juger de quelles merveilleuses sensations elle fut saisie, lorsque cette victime du juif eut raconté ce qui lui était arrivé. A peine l’enfant avait-il achevé son récit, que le peuple se jeta dans la maison du meurtrier, et le massacra. Peu de temps après, tous les Juifs furent chassés de la contrée.L’historien légendaire ne dit pas si les seigneurs du Velay leur rendirent scrupuleusement l’argent que, dans toute la chrétienté, la noblesse devait sans cesse à ces mécréants, toujours ruinés et toujours riches. Quoiqu’il en soit, Charles-le-Bel, à qui l’on avait parlé de la résurrection miraculeuse du jeune clerc, décida, en 1325, que lorsqu’un Juif se montrerait dans la ville du Puy, il serait justiciable des enfants de chœur. Nous voudrions, pour l’honneur de ce prince, pouvoir douter d’un tel écart de sagesse royale ; mais les annales du pays constatent qu’en 1373, un israélite ayant reparu au Puy, l’aréopage juvénil se prévalut de ce singulier privilège, et le condamna à trois cents livres d’amende. Le chapitre de Notre-Dame fit dresser une croix à la fontaine de Farges, sur laquelle on sculpta la figure de l’enfant ressuscité ; et le jour des Rameaux, on ne manque jamais de chanter le verset qu’il fit entendre en sortant de sa tombe. Cet événement miraculeux était rappelé par quelques vers latins qu’on lisait autrefois dans un cartouche de la cathédrale, les voici :
Cantatur per Clericumn
Gabrielem archangelum
Honum tulisse nuntiumJudæus necat parvulum,
Suscitat hunc Beata.
Digna fuit expulsio
Judæorum à Podio,
Non intrent quia captio,
Clericulis est data.Un enfant de chœur, plein de zèle,
Chantait que l’ange Gabriel
Apporta l’heureuse nouvelle
Qu’un Sauveur nous venait du ciel
Un Juif alors, poussé d’envie
De l’innocent tranche les jours ;
Mais la Vierge, par son secours,
Le fait retourner à la vie.C’est donc avec grande justice
Que les Juifs, remplis de malice,
Sont pour jamais bannis du Puy.
Nul d’eux n’en approche aujourd’hui,
Car, après une telle offense,
S’ils osaient encore y venir,
Les petits clercs ont la puissance
De les prendre et de les punir.
Traduction du Frère Théodore
Note du transcripteur : on peut voir là l'obscurantisme de la religion catholique vis à vis des juifs durant tout le Moyen Age (et au-delà, hélas), rendant responsable tout juif de la mort du Christ... prémisses de tous les pogroms qu'ils ont subis tout au long de l'Histoire.
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