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Toulouse vers 1870, publié par Malte-Brun
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Situation de Toulouse vers 1830 : (lat. 43° 36' 46", long. 0° 52' 30" O.). — Toulouse, Tolosa Volcorum, Palladia Tectosagum, grande, belle, riche et ancienne ville, située sur la rive droite de la Garonne, à 692 kilomètres au sud de Paris et 262 kilomètres au sud-est de Bordeaux. Aujourd’hui chef-lieu du département du 2e arrondissement communal et de 4 cantons, avec cour impériale, tribunaux de quatrième instance et de commerce, chambre et bourse de commerce, chef-lieu de la 12e division militaire, hôtel des monnaies, importante académie universitaire, académie des jeux floraux, société des beaux-arts, école d’artillerie, etc. Autrefois capitale du Languedoc, archevêché, siège d’un parlement, d’une intendance et d’une recette ; présidial, sénéchaussée, viguerie et justice royale, gouvernement particulier, chapitre, université, couvents, etc., etc., etc, Population, 93,379 habitants.
Histoire de Toulouse : Au XVe siècle, on attribuait la fondation de Toulouse à Limosis, fils de Japhet. L’archéologie de ce temps recourait fréquemment, pour expliquer l’origine de nos villes, à la double et commode ressource de l’émigration des premiers descendants de Noé et de la dispersion des troyens fugitifs. On a dit aussi que Toulouse était la plus ancienne ville de la Gaule et peut-être de l’Europe. C’est possible, mais difficile à prouver. Il y avait en Espagne, dès l’antiquité, des villes du nom de Tolosa. En doit-on conclure que ce sont les Ibères qui vinrent fonder la Tolosa gauloise, ou que ce sont les Celtes qui, dans leur invasion en Espagne, y portèrent le nom de Tolosa ? M. le chevalier du Mège adopte la seconde opinion et la corrobore d’une étymologie celtique : Dol, Tol, table, lieu uni, Aoz, lit ou canal de rivière, Tolosa signifierait donc : plateau au bord d’une rivière. Or, c’est exactement la situation du petit village qui porte encore aujourd’hui le nom de Vieil-Toulouse, à peu de distance et au sud de la ville actuelle, sur la rive droite de la Garonne, en remontant son cours, près du confluent de l’Ariège. Le grand nombre d’urnes cinéraires découvertes en ce lieu, et qui, brisant le soc des charrues, faisaient le désespoir des laboureurs, fit penser à quelques auteurs qu’il n’y avait là qu’un faubourg ou une dépendance de l’autre Toulouse, une espèce de cimetière. Mais les fouilles ont mis au jour, outre ces urnes, des statuettes, des ustensiles de toutes sortes, des débris d’édifices, une large rue pavée, surtout un nombre infini de médailles: médailles phéniciennes, celtibériennes et gauloises, grecques, romaines, consulaires et impériales. Les médailles de Marseille et les consulaires dominaient. A quelle époque Toulouse se déplaça et descendit dans la belle et vaste plaine qu’elle occupe aujourd’hui, ce serait difficile à dire, et cela se fit peut-être insensiblement. Ce qu’il y a de certain, c’est que la nouvelle Toulouse n’offre que fort peu d’antiquités païennes. Le capitoul Lafaille parle seulement d’un amphithéâtre dont on voyait les restes près du château Saint-Michel, qu’il suppose avoir été construit entre César et Galba. L’enceinte romaine, en cailloux revêtus de briques, était de forme circulaire et traversée par la Garonne. Onze voies romaines en partaient dans des directions diverses : de la porte du Bélier (porta Arietis), trois divergentes conduisaient à Cahors, Albi, Agen ; cinq autres rayonnaient, du point le plus occidental de l’enceinte, sur la rive gauche du fleuve, vers Lectoure, Auch, Aquis, Lugdunum Convenarum (Saint-Bertrand-de-Comminges) et la vallée de l’Ariège ; du même point partait l’aqueduc romain ; au sud, deux voies sortaient par la porte du Château-Narbonnais, l’une sur la Vieille-Toulouse, l’autre sur Narbonne ; un peu plus à l’est, enfin, une onzième voie partait de la ville et joignait vers Baziéges la voie narbonnaise Nous parlerons ailleurs de l’origine romaine du célèbre Château-Narbonnais. Il n’est pas douteux que Toulouse n’ait alors bâti aussi des temples, car elle avait une dévotion particulière à Apollon, Jupiter et Minerve. On la surnommait Palladia, la ville de Pallas, hommage rendu à sa prospérité, à son industrie, au génie littéraire de ses habitants. Ausone l’a chantée dans des vers dont voici le sens : Nous avons omis de rappeler la prise de Toulouse par le proconsul Servilius Cépion et le pillage si fameux de ses trésors. Les Tolosates avaient, dit-on, par l’ordre de leurs prêtres, enfoui dans des lacs consacrés aux dieux les richesses dérobées au temple de Delphes. Cépion s’en empara et s’en réserva la meilleure part, ce qui le fit mettre en jugement et condamner à Rome. Comme il fut battu par les Cimbres et que, bientôt après, ses deux filles moururent déshonorées, le peuple de Rome, frappé de cette série de malheurs accumulés sur la tête de cet homme, les attribua à la vengeance des dieux. De là ce dicton : Habet aururn tolosanum (il a de l’or de Toulouse), que l’on appliquait aux gens poursuivis par l’infortune. C’est saint Saturnin, par abréviation, saint Sernin, et point saint Martial, qui apporta le christianisme à Toulouse. Il en fut le premier évêque, vers 252, et y fut martyrisé. Les Romains avaient bâti dans la ville, mais non pas à l’emplacement du Capitole actuel, un Capitole où leurs prêtres offraient de l’encens aux dieux et interrogeaient les immortels par le moyen des oracles. Saint Sernin passe un jour devant le temple païen, aussitôt les oracles se taisent. « C’est le chrétien qui en est cause, » s’écrient les pontifes de Jupiter, et saint Sernin, saisi sur- le-champ, est sommé de sacrifier à Jupiter ; il refuse, on l’attache à la queue d’un taureau qu’on allait immoler, et qui l’entraîne et le brise sur les degrés du Capitole. Deux femmes pieuses recueillirent son cadavre et l’ensevelirent ; on les fête aujourd’hui à Toulouse, le 17 octobre, sous le nom des Saintes Puelles. L’église du Taur ou Taureau s’éleva au lieu où le corps du saint, la corde s’étant rompue, avait été séparé de la bête furieuse instrument de son supplice. Au IVe siècle, Sylvius, cinquième évêque de Toulouse, fit construire l’église de Saint-Sernin, à l’endroit où le martyr fut enseveli. Un des évêques les plus célèbres des premiers temps de l’église toulousaine est Exupère, tant vanté par saint Jérôme et qui, au dire de ce Père de l’église, arrêta par sa seule présence les Vandales, comme saint Léon, Attila. A la même époque Sulpice Sévère composait à Toulouse plusieurs de ses écrits. Devenue la capitale des Visigoths, Toulouse fut témoin de plus d’une scène dramatique de l’histoire de ce peuple qui passa par tant de révoltions. En 422, elle insulte à Littorius, lieutenant d’Aédus, vaincu sous ses murs par Théodoric, et promené dans ses rues sur un âne, avant d’être décapité. Vingt ans plus tard, elle entend dans l’horreur de la nuit les cris étouffés du malheureux Thorismond, fils de Théodoric, surpris et égorgé par ses deux frères. Enfin, lorsque Euric eut persécuté les catholiques, elle vit, raconte naïvement Grégoire de Tours, elle vit une source de sang jaillir dans ses rues, deux soleils luire au ciel et les fers des lances des soldats Visigoths briller de couleurs étranges et fantastiques, bleues, noires, vertes, jaunes, roses ; autant de présages de la ruine prochaine du monarque persécuteur. Après la bataille de Vouillé, Toulouse n’eut plus de rois dans son sein, mais des ducs francs. Son évêché devint suffragant de Bourges ; l’ayant été jusque-là de Narbonne, l’archevêque de Narbonne ne voulut jamais admettre la légalité de ce changement et continua de réclamer jusqu’au moment où le siège de Toulouse devint lui-même archiépiscopal, au XIVe siècle. Toulouse fut, en 584, le quartier général des rebelles, qui reconnurent alors pour chef Gondovald, ce prétendu fils de Clotaire. Le duc Didier gouvernait alors la ville pour Chilpéric et Frédégonde. En apprenant la mort de Chilpéric, il avait arrêté dans ses murs Rigonthe, fille de ce prince, laquelle se rendait en Espagne pour épouser Recarède ; il lui avait enlevé ses trésors et lui eût enlevé aussi l’honneur si elle n’eût trouvé dans l’église du Taur un asile inviolable. Didier devait redouter la colère de Frédégonde ; c’est ce qui le jeta dans la révolte. Il appela Gondovald. L’évêque Magnulfe, qui voulait protester, fut chassé et souffleté par le fameux Mummol, devenu l’un des rebelles. Gondovald eût dû s’attendre à être trahi par des hommes qui trahissaient leurs souverains. C’est ce qui lui arriva. Ils le livrèrent, et Didier obtint à ce prix son pardon. Nous ne voyons rien dans l’histoire de Toulouse qui mérité d’être rapporté jusqu’à l’établissement des comtes héréditaires, si ce n’est la défaite des Sarrasins sous ses murs, en 721, et l’asile qu’y trouvèrent la plupart des ennemis des Carlovingiens, entre autres Griffon, frère de Pépin, qui vint demander du secours à Waïfre et se fit chasser par lui après avoir séduit sa femme. Les comtes héréditaires commencent, en 849, avec Frédelon, comme nous l’avons dit plus haut. Au-dessous de ces comtes, qui devinrent en peu de temps de puissants seigneurs, nous trouvons, dès 875, des vicomtes, chargés sans doute plus spécialement de l’administration de la cité. Les Comtes de Toulouse
C’est au moyen âge que Toulouse doit les principales institutions qui ont fait sa gloire sous le gouvernement royal. Nous parlons de son université, de son académie des jeux floraux et de son parlement. On ne peut pas faire remonter l’origine du parlement de Toulouse comme institution judiciaire au-delà du XIIIe siècle. Si quelques assemblées tenues auparavant dans celte ville sont désignées par les historiens du temps sous le nom de parliamentum, il ne faut pas oublier que ce nom est appliqué par eux à toutes les réunions quelconques convoquées par les souverains. On pense qu’Alphonse, comte de Poitiers, frère de Saint Louis, l’institua le premier à l’imitation du parlement de Paris. Il y eut alors un parlement pour la langue d’oc comme il y en avait un pour la langue d’oïl. Il est mentionné en 1264, 1266, 1268. Tous les états dont le comte de Toulouse avait été dépouillé en faveur d’Alphonse ressortissaient à ce parlement, tandis que les sénéchaussées de Beaucaire et de Carcassonne, étant réunies au domaine royal, dépendaient du parlement de Paris. Supprimé ensuite, le parlement de Toulouse fut rétabli, en 1287, par Philippe le Bel, qui passe même pour en être le véritable fondateur. Ce n’était point encore une cour fixe, mais seulement une commission qui venait tenir le parlement du roi. Ce n’est qu’en 1420 que le parlement de Toulouse apparaît réellement et définitivement fondé par une ordonnance de Charles VII : « Considérant la grande distance qu’il y a jusqu’au dit lieu de Poitiers (où le parlement de Paris avait été transporté par lui de ce pays de Languedoc...), et qu’à cause du peu de sûreté des chemins par la multitude des gens d’armes qui sont en divers endroits du royaume, les subjects du pays ne peuvent aller poursuivre leurs procès à Poitiers... ; et attendu, d’ailleurs, la grande et loyale obéissance qu’ils ont tenue envers mondit seigneur le roi et envers nous. » En conséquence il institue « un parlement et cour capitale et souveraine pour ledit pays de Languedoc et duché de Guyenne, deçà la Dordogne. » Ce parlement siégera à Toulouse et sera composé de douze personnes, « savoir : un prélat et onze autres notables personnes des pays de langue d’oïl et de langue d’oc, tant clercs que lays, conseillers de mondit seigneur et nostres, et deux greffiers. » La fidélité des Toulousains récompensés par Charles VII s’était montrée dès le temps de la guerre des Anglais. C’est dans leur ville que le comte d’Armagnac tint les états de 1356 ; et dix ans plus tard, quand le prince Noir s’en approcha, il la trouva défendue par 49,000 combattants. Le fanatisme religieux ébranla cette fidélité dans les guerres de religion. Les calvinistes de Toulouse avaient appelé, en 1562, ceux du dehors ; l’incendie d’une centaine de maisons avait commencé une lutte de quatre jours, que l’arrivée de Montluc termina par la victoire des catholiques et le supplice des protestants qui ne purent s’enfuir : entre autres le viguier et un capitoul. Encouragés par cette victoire, les cardinaux d’Armagnac et de Strozzi formèrent, dès 1563, une association de catholiques dont Charles IX approuva les statuts à son passage dans la ville l’année suivante. Cette association exalta le fanatisme des catholiques, et lors de la Saint-Barthélemy, trois cents protestants furent égorgés dans les prisons par les étudiants. Ce fut un élément tout prêt pour la Ligue qui s’en empara, et dès ce moment la population toulousaine se mit en lutte avec le roi. Le nouveau voyage.de ce prince en 1579 ne la calma point. Quand le duc de Guise eut été assassiné, elle s’insurgea, et poursuivit dans les rues le président du parlement, le célèbre Duranti, qui n’eut que le temps de se réfugier dans le Capitole ; Duranti était un de ces grands magistrats modérés qui voulait que la religion ne fût pas un prétexte de révoltes et de guerres atroces ; il avait longtemps contenu la Ligue. On le fit passer dans le couvent des dominicains ; mais le peuple catholique hurlait aux portes et demandait sa tête. Il se revêtit de ses insignes, embrassa sa femme, compagne de sa captivité, et parut devant cette foule essayant de la calmer ; un coup d’arquebuse le jeta par terre, son corps fut traîné par la ville et pendu avec le portrait du roi au pilori de la place Saint-Georges (1589). Les mêmes hommes fêtèrent bientôt après Jacques Clément comme un saint. Le parlement, très catholique en majorité, ne reconnut Henri IV que sur la menace qu’il fit de se rendre à Toulouse avec une armée (1596). Trente-six ans plus tard cette ville reçut une terrible leçon d’obéissance en voyant tomber, dans la cour du Capitole, la tête de ce duc de Montmorency dont elle n’avait pu obtenir la grâce et dont elle pleura le triste sort. Singulière contradiction dans la conduite des magistrats toulousains au XVIIIe siècle ! Ce sont eux qui, rendant hommage au génie de Bayle, ordonnent l’exécution de son testament, en dépit des ordonnances qui avaient suivi la révocation de l’édit de Nantes, et qui privaient les protestants du droit de tester. Et ce sont eux qui un peu plus tard condamnent le malheureux Calas. Jean Calas, négociant estimé, septuagénaire, était protestant. Il avait laissé un de ses fils se convertir au catholicisme ; une servante catholique était depuis trente ans dans sa maison : ce n’était donc point un fanatique. Or, un jour, le vieillard trouve son fils aîné pendu à la porte de son magasin. Marc-Antoine (c’était le nom de ce malheureux) était d’un caractère sombre, qui suffisait à expliquer sa fin. Mais la population toulousaine, fidèle à sa haine contre les hérétiques, prétendit qu’un meurtre et non un suicide avait mis fin aux jours de Marc-Antoine. Elle accusa le père. Il avait voulu, prétendait-elle, empêcher la conversion de son fils. Le capitoul Baudrigue, encourageant ces bruits assassins, le fait emprisonner ainsi qu’un jeune homme nommé Lavaise, arrivé la veille de Bordeaux, et qui avait soupé chez lui. L’archevêque lance un monitoire ; le clergé, les pénitents blancs vont en grande cérémonie chercher le cadavre de Marc-Antoine et le traitent comme celui d’un martyr. Il y eut des miracles. Sur treize juges désignés par le parlement pour juger cette affaire, cinq seulement osent résister au fanatisme public ; les huit autres condamnent le vieillard à être roué, et il est roué le 9 mars 1762, en protestant de son innocence et demandant à Dieu le pardon de ses bourreaux. Son troisième fils, ses filles sont enfermées dans des couvents. Heureusement sa femme presque mourante est mise en liberté. Elle court à Paris. Les avocates Loiseau, Mariette et de Beaumont prennent sa défense. Donat Calas, le dernier des fils du vieillard, se réfugie en Suisse, et Voltaire l’appelle à Ferney. Une fois dans les mains de l’homme qui conduisait la pensée de son siècle, les arrêts du fanatisme furent ébranlés. Ce grand prêtre de la tolérance et de l’humanité écrivit, s’agita, et, plus éloquent que jamais, émut l’Europe entière. Enfin, après trois ans d’efforts, le 9 mars 1765, jour anniversaire du supplice, cinquante maîtres des requêtes de Paris proclamèrent l’innocence de Calas, et le roi témoigna son approbation en donnant à la famille Calas une somme de 36,000 francs. C’est là, il faut l’avouer, un pesant souvenir sur la mémoire du parlement de Toulouse. Il en est cependant un autre plus ancien et non moins terrible que nous ne saurions omettre, celui du grand et malheureux Vanini, à qui les plus rigoureux reconnaissent un vaste esprit, une science considérable, un style merveilleux, enfin une humeur tranquille, qui eût dû le mettre à l’abri de la persécution. Elle l’alla chercher dans son isolement ; il eut la langue coupée et fut brûlé vif comme panthéiste (1618). On ne peut douter que le supplice de Calas en soulevant profondément l’indignation publique n’ait beaucoup contribué à attirer pendant la révolution sur le parlement de Toulouse un châtiment terrible : cinquante-trois de ses membres montèrent sur l’échafaud en 1794. Ceux qui survécurent furent plus tard admis par Napoléon dans la cour impériale de Toulouse. Sauf un mouvement royaliste en 1799, l’histoire de Toulouse offre peu de chose jusqu’en 1814. Alors se livra sous les murs de cette ville la bataille qui porte son nom, une des dernières de l’empire et des plus glorieuses pour le courage français. Chassé d’Espagne, Soult battait en retraite devant Wellington : il s’arrêta à Toulouse, résolu d’y tenir tête à cent mille ennemis avec les vingt mille hommes qui lui restaient. En quelques jours les soldats, aidés par les citoyens de Toulouse et les étudiants en droit, entourèrent la ville d’ouvrages de défense. Tout était fini le 6 avril quand parut l’ennemi. Wellington tenta une attaque sur le faubourg Saint-Michel, le seul qui ne fût pas défendu par l’art ; mais, comme l’avait prévu Soult, le débordement de l’Ariège le rendit inaccessible. Alors l’immense armée anglo-hispano-portugaise se développa en face des lignes françaises, partout elle rencontra une résistance énergique. Les événements décisifs se passèrent sur la droite de notre armée. Wellington espérant nous tourner par ce côté y envoya le général Beresford. Soult y avait pourvu : le général anglais rencontra une résistance terrible ; pourtant la redoute de la Pujade lui resta après avoir été deux fois reprise par les Français. Après ce succès il s’engagea dans le défilé que nos redoutes formaient avec la rivière de Lers. Ravi de cette imprudence, Soult lança la division Taupin pour le couper du reste de l’armée anglaise. L’ardeur de Taupin, qui ne sut pas attendre que Beresford se fût suffisamment engagé, fit échouer cette belle manœuvre. Sa division fut écrasée après douze heures de lutte. Ce revers décida le sort de la bataille ; mais l’ennemi avait perdu 18,000 hommes. Soult abandonna Toulouse dans la nuit du 11 au 12 avril, et Wellington y entra. Nous avons dit les excès des verdets ou royalistes dans cette ville, qu’ils ensanglantèrent par l’assassinat du général Ramel, le 15 août 1815. C’est une des plus tristes pages de l’histoire de Toulouse, qui, heureusement, a su depuis l’effacer par quarante ans d’une sage tranquillité.
Toulouse était avant la révolution une ville de couvents. Elle en comptait plus de-quarante de l’un et de l’autre sexe. Les bénédictins s’y étaient établis en 1067 ; les dominicains ou jacobins en 1215 ; les bernardins, les carmes, les franciscains, les grands augustins en 1228, 1264, 1287, 1310 ; au XVIe siècle, les chartreux, les théatins, les minimes, les jésuites, les Cordeliers, les capucins, les doctrinaires ; au XVIIe siècle, les récollets, les feuillants, etc. Les couvents de femmes étaient ceux des dames de Saint-Pantaléon et de Sainte-Claire, les feuillantines, bénédictines, carmélites, maltaises, visitandines, etc. Enfin, quatre confréries de pénitents : noirs, bleus, blancs, gris. Cela suffit pour expliquer l’esprit très religieux des toulousains, et aussi le peu de développement qu’avait pris leur industrie, bornée à peu près à quelques draperies où se travaillaient les laines d’Espagne. Son principal commerce était celui des blés, auxquels elle servait d’entrepôt ; le canal du Midi, qui la traverse, en facilitait le transport. Aujourd’hui l’industrie s’y est fort développée ; le commerce des huiles, des savons, de l’épicerie, y fait circuler beaucoup d’argent. On y trouve de nombreux banquiers : il n’y en avait qu’un avant la révolution. Enfin, la population, qui n’était en 1817 que de 48,170 habitants, dépasse aujourd’hui 93,379.
Toulouse est aujourd’hui une grande et assez belle ville, fort agréablement située sur la rive droite de la Garonne, que l’on y passe sur un beau pont en pierres de taille qui communique au grand faubourg de Saint-Cyprien, traversé par une belle et large rue. Au nord du faubourg, des jardins, des promenades et de belles habitations le séparent du canal du Midi, qui s’y joint au canal de Brienne et au canal latéral de la Garonne ; cette jonction est une des plus belles choses qu’offre Toulouse aux étrangers. La ville se présente agréablement du côté de la Garonne par les beaux quais qui bordent le fleuve ; du côté de la campagne, elle est entourée des larges boulevards de l’Arsenal, de Las Croses, d'Arcole, Napoléon, de Sainl-Aubin, et par l'allée Saint-Michel, au-delà desquels s’étendent de jour en jour vers la campagne et jusqu’au canal du Midi, qui paraît destiné à être un jour la limite naturelle de la ville, les faubourgs de Saint-Pierre, d’ Arnaud-Bernard, de Matabiau, de Saint-Aubin, de Saint-Etienne et de Saint-Michel.
Toulouse est la patrie d’un grand nombre de personnages distingués parmi lesquels nous citerons Clémence Isaure, Pibrac, Duranti, Cujas, Maynard, Catel, Palaprat, la Faille, Campistron, Riquet, Deville, les généraux Dupuy, Roguet et Verdier, Baour-Lormian, Esquirol, Montbel, etc., etc., etc.
Pour qui s'intéresse au passé de Toulouse, voir la Bibliotheca tholosana, qui est un site d'édition scientifique de textes numérisés, issus des fonds patrimoniaux 'toulousains' des XVIe, XVIIe et XVIIIe siècles, latins, français et occitans, présentant simultanément un texte original – imprimé ou manuscrit.
PRINCIPAUX éDIFICES DE TOULOUSE
1° Le Capitole, sur la place de ce nom, presque au centre de la ville. Son origine est fort ancienne, sa façade moderne. Commencée en 1759, sur les dessins de Campmas, elle n’a été achevée que dix ans après ; elle est exposée à l’ouest et a cent vingt mètres de longueur. Percée, au rez-de-chaussée, de seize fenêtres, au premier étage, de vingt et une, et de vingt au second ; elle a cinq portes, et se compose d’un arrière-corps et de trois avant-corps ; la grande entrée est dans le troisième ; celui du milieu est enrichi de huit colonnes en marbre rouge de Carrare, il est surmonté d’un fronton triangulaire, dans le tympan duquel est l’effigie de Napoléon, substituée à cette devise : liberté, ordre public, substituée elle-même à l’effigie de Louis XVIII. C’est sa façon d’adhérer aux révolutions et aux changements de dynastie. Au-dessous, on lit, gravé sur le marbre, ce mot : capitolium. Sur le haut du fronton sont deux faisceaux d’armes, deux statues représentant la Justice et la Force, et deux génies soutenant un écusson derrière lequel est la sonnerie de l’horloge. Aux deux extrémités de la façade sont deux frontons circulaires ; ils renferment dans leur tympan les armes de la ville. Au-dessus de l’un s’élèvent les statues de Clémence Isaure et de Minerve ; l’autre, qui couronne la salle de spectacle, est surmonté par les figures de Melpomène et de Thalie avec leurs attributs. C’est dans la première cour du Capitole que fut décapité, en 1632, sous le règne de Louis XIII, le duc de Montmorency. On y remarque, dans une niche, ornée de diverses sculptures, la statue de Henri IV en armure de guerre. On monte par le grand escalier dans la salle des Pas-Perdus et de là dans la galerie des Illustres, où sont les bustes des grands hommes auxquels la ville de Toulouse se glorifie d’avoir donné le jour. Cette galerie est destinée aux grandes solennités. A l’extrémité est la salle du Trône, de forme ronde et magnifiquement ornée. Sous Napoléon Ier on y voyait dans les panneaux les batailles de l’empire. A la rentrée des Bourbons on les remplaça par des allégories, représentant la Justice, le Commerce, la Guerre, la Poésie, la Victoire, la Force, l’Agriculture et Vulcain en compagnie de groupes d’anges, tenant des armes romaines. Il y a encore d’autres salles fort remarquables, notamment celle des Festins, où la ville recevait ses royaux convives ; celle des Jeux floraux, celle des Capitouls, et celle du Petit-Consistoire.
2° L’église de Saint-étienne ou la cathédrale. Ce monument n’a pas de caractère propre. Construit à diverses époques, il en porte l’empreinte sur ses parties ; mais sa plus ancienne est la nef, qui fut bâtie vers le commencement du XIIIe siècle aux frais et par les ordres de Raymond VI, comte de Toulouse, dont on voit encore les armes sculptées sur une des clefs de la nef. Cette partie de l’édifice est restée inachevée. Le clocher est de forme carrée et n’a rien de remarquable ; le grand portail, qui a été construit par Pierre Dumoulin, archevêque de Toulouse, est d’un style tout différent de celui de la nef. Au-dessus est une fort belle rosace dont le diamètre perpendiculaire n’est pas dans la même ligne que la pointe de l’ogive du portail. Cette église est divisée en deux parties : la nef est dans le style gothique ; le chœur, brûlé dans la nuit du 9 décembre 1609, a été reconstruit en 1612, ainsi que l’atteste l’inscription placée au-dessus de sa porte d’entrée. Il est clôturé. Dans l’intérieur sont les stalles destinées au chapitre et aux prêtres. « Il est aisé de voir, dit un archéologue, que ce chœur est le commencement d’une nouvelle église qui n’a pas été continuée, et dont on a changé l’emplacement de manière que l’axe du chœur ne répond plus à celui de la nef. » Dans un angle de cette nef s’élève le maître-autel, que l’on voit seulement à travers de grandes grilles en fer. On y remarque une magnifique sculpture représentant la lapidation de Saint-Etienne, patron de l’église. L’autel est d’ordre corinthien ; les colonnes, entre lesquelles s’élèvent les statues des quatre évangélistes, sont, ainsi que les frises et les panneaux, en marbre du Languedoc. Avant cet autel il en existait un autre qui fut consacré en 1386 et détruit en 1793. 3° L'église de Saint-Sernin. Cette église doit sa fondation à saint Sylve, évêque de Toulouse, qui la fit bâtir vers le Ve siècle. Elle dépendait de l’abbaye de Saint- Sernin ; mais, au commencement du XIe siècle, ayant été détruite pour la seconde fois, saint Raymond, de concert avec l’évêque Pierre Roger, se hâta de la faire rebâtir, et le pape Urbain II la consacra solennellement en 1095. C’est l’un des plus beaux monuments de Toulouse. Sa forme est celle d’une croix latine. Bâti dans le style roman, il est entouré de grilles en fer à l’alignement desquelles est une porte dont la sculpture appartient à Nicolas Bachelier. Son clocher à flèche est très élevé. Avant d’entrer dans l’église on remarque dans une petite salle les tombeaux des comtes de Toulouse, dont il reste à peine quelques fragments. Cette église est grande et vaste : elle compte cinq nefs dans sa partie longue, trois dans sa partie transversale ; la coupole, dont la voûte est ornée de peintures d’un très beau style, est formée par les quatre piliers qui supportent le clocher. Autour du chœur sont des chapelles et un grand nombre de reliquaires. Les marches, les dalles, les panneaux du chœur sont en marbre ; un élégant baldaquin, soutenu par des colonnes en marbre, surmonte le maître-autel, qui est très élevé, et sous lequel existent des caveaux où l’on descend par deux escaliers en pierre, et qui renferment des châsses fort anciennes, entre autres celle de saint Sernin, évêque de Toulouse et patron de cette église. C’est dans la basilique de Saint-Sernin que se fit la cérémonie de la bénédiction des bannières, en 1096, avant le départ des croisés pour la terre sainte. On y voit encore, dans l’une des chapelles, le christ et la croix qu’ils portèrent, dit-on, à Jérusalem.
4° L’église de la Daurade (des Jacobins), qui faisait partie du couvent des bénédictins. Bien que moderne et inachevée, elle est fort belle à l’intérieur. Cette église n’a fait que succéder à une plus ancienne, construite sur les ruines d’un temple dédié, selon les uns à Apollon, selon d’autres à Jupiter : la nef avait remplacé des ruines qui présentaient un décagone parfait ; le sanctuaire, plus élevé, était garni de trois rangs de niches pratiquées dans le mur. Tout le massif du mur était recouvert d’une mosaïque en verre très remarquable, et qu’on croit l’œuvre des Visigoths ; la couleur jaunâtre ou dorée, qui faisait le fond de cette mosaïque, avait fait donner à cette première église le nom de Deaurata ou Daurade, sous lequel est désignée l’église actuelle. Cette église, dédiée à la Vierge, renferme plusieurs monuments, entre autres le tombeau du poète Godolin. On croit généralement que Clémence Isaure fut inhumée dans l’église de la Daurade, et c’est pour cela, sans doute, qu’on y célèbre tous les ans la bénédiction des fleurs en or et en argent, destinées aux vainqueurs des Jeux floraux.
5° L’église Saint-Pierre, qui sous Raymond de Saint-Gilles, comte de Toulouse, servait de lieu d’assemblée et s’appelait Saint-Pierre des Cuisines : nom qu’elle devait au voisinage de fours banaux. Sa forme est celle d’une croix allongée ; le dôme est surmonté d’une statue en plomb d’une grande proportion ; l’autel est à deux faces et en marbre. C’est aux artistes toulousains qu’est due l’ornementation de cette église. 6° L’église du Taur, dont l’origine est fort ancienne. Bâtie sur l’emplacement où saint Saturnin, appelé dans le pays saint Sernin, apôtre des Gaules, fut martyrisé, cette église n’était au Ve siècle qu’un oratoire dont saint Exupère, alors évêque de Toulouse, fit une église dont le nom rappelle le martyre du patron de la ville de Toulouse. Cette église, dont la dernière construction appartient au XIVe ou au XVe siècle, est du genre gothique.
7° L’église de Notre-Dame de la Dalbade, qui possède les tombeaux des chevaliers Gérard, chevaliers de Malte. C’est dans cette église que la duchesse de Montmorency vint réclamer le corps de son époux à Louis XIII et à Richelieu, qui assistaient au service funèbre en l’honneur du duc. Presque en face de la Maison de Pierre, et attenant à l’église de la Dalbade, est l’Hôtel Saint-Jean, sur remplacement duquel s’élevait jadis le couvent des Templiers, qui, plus tard, fut occupé par les chevaliers de Malte. On y tient aujourd’hui les marchés aux draps.
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