| Extrait de "La Suisse pittoresque" ouvrage édité vers 1830, d'Alexandre Martin,
 extrait d'un  des très rare exemplaire (hélas incomplet) illustré en couleur (aquatinte), dont sont tiréees les 4 illustrations accompagnant ce texte.
 Voir son article sur 
          'Une brève histoire de la Suisse', avec la liste des cantons publiés sur ce site.
  Autant que possible, les noms des villes ont été ré-écrits dans l'orthographe actuel.
    TOPOGRAPHIE.   Situation. — étendue.— Le canton de Zurich, l’un des plus grands, et le premier en  rang dans la confédération, est situé dans la partie orientale de la Suisse, et  bordé au nord par le grand-duché de Bade et par les cantons de Schaffhouse et  de Thurgovie ; à l’est, par la Thurgovie et les cantons de Saint-Gall et de Schwytz ; et à l’ouest, par ceux de Zug et d’Argovie.  Son territoire a 10 ou 12 lieues de long sur 8 ou 10 lieues de large, et  contient environ 45 milles géographiques carres. Montagnes. — Aucune hauteur  n’atteint la ligne des neiges. Trois chaînes principales de montagnes  traversent le canton. La première, sur la frontière de l’est, l'Allmann, de  laquelle le Hörnli est ordinairement considéré comme la  plus haute sommité, et qui comprend les pics du Schnebelhorn, de la Houlfreck et de la Scheidegg. La seconde, de la Lägern,  celle qui forme un embranchement du Jura, et qui entre dans le canton à  l’ouest. La troisième, celle de l’AIbis, à l’ouest du lac de Zürich,  parallèle à la direction de ce dernier, et se prolongeant vers le canton  d’Argovie. Dans la partie où l’Allmann commence à s’abaisser, on trouve au  nord-est la contrée la plus fertile de tout le pays. Les  riches plaines dont elle est composée s’étendent entre la Töss,  la Thur, la Murg et le  Rhin, jusqu’à  Schaffhouse ; à l’ouest de l’Allmann, se déploie une large vallée arrosée par la Glatt.  On y remarque les lacs de Pfeffikon et de Greifensee, de beaux villages  et de riantes campagnes. Elle s’étend jusqu’au bord du Rhin, dans la partie où  l’une des dernières ramifications du Jura vient également aboutir. Elle est  séparée par une chaîne élevée du bassin du lac de Zürich  et de la Limmat. A l'opposite de cette chaîne, s’étend celle de l’AIbis ;  l’espace contenu entre celte double rangée de montagnes forme la délicieuse  vallée qui renferme le lac de Zurich, ses bords enchantés et la capitale du  canton. C’est aussi dans celle vallée que coule l’impétueuse Sihl et la Limmat.
   ANTIQUITéS.  Le village d’Oberwinterthur, situé sur le grand chemin de  Frauenfeld, est le Vitodurum des Romains. On y voit encore des restes de murs antiques et les  débris d’une voie romaine qui conduisait à Frauenfeld. Dans le voisinage, on a  trouvé, en creusant la terre, de vastes caveaux et d’anciens thermes, où l’on a découvert des  médailles, des statues, des monnaies romaines que l’on conserve dans la  bibliothèque de Winterthur. De Vitodurum, une grande route se dirigeait, par  Kloten et Busch, à Baden et à Vindonissa ; de là, en traversant le Vocetius (Bötzberg), à Augusta Rauracorum  (Augst près de  Bâle) ; de l’autre côté, on allait par Pfyn à Stein, à Constance, à Arbon et à  Bregenz, sur le lac de Constance.Non loin d’Ottenbach s'élève une colline  nommée l'Isenberg  ou montagne d’Isis, dénomination qui ferait croire que les ruines d’un bâtiment  de 85 pieds de long et de 55 de large, situé sur cette croupe, appartenaient à  un ancien temple d’Isis. Le culte de cette divinité égyptienne, introduit dans  l’Helvétie par les Romains, y était en grand honneur. Quelques localités du  canton de Zurich portent un nom où celui d’Isis entre comme racine. La belle  inscription conservée à Wettingen témoigne suffisamment des honneurs qu’on  rendait à cette déesse.
 A Lunnern, sur la Reuss, on découvrit, au XVIIIe siècle, les restes d’un temple, les vestiges de  bains et de tombeaux, et l’atelier d’un potier qui avait exploité les carrières  d’argile des environs.
    HISTOIRE.  Zurich, en latin Turicum, existait déjà du temps des Romains, Au VIIe siècle, elle  embrassa le christianisme. La position de Zurich sur le grand chemin par où  passait les marchandises qu’expédiait l’Allemagne à l’Italie et à la Bourgogne,  était éminemment avantageuse. La ville en profita pour s’agrandir et  s’enrichir. En 1218, elle fut déclarée ville libre et impériale. En 1251, elle  contracta alliance avec les trois Waldstätten, Uri, Schwytz et Unterwald, afin  d’assurer le maintien de ses droits et privilèges. A peu près à cette époque,  on la voit conquérir et détruire les châteaux des seigneurs du voisinage, ses  ennemis irréconciliables, affecter une grande liberté de pensée, braver les  foudres du Vatican, et chasser de ses murs les moines qui voulaient exécuter  quelques mesures de rigueur prescrites par le pape, et          bientôt se révolter  contre les nobles qui  s’étaient jusqu’alors arrogées le droit de gouverner la ville et secouer leur  joug sous la conduite de Rodolph Brun. Cet événement assura la liberté du  peuple et posa les fondements de la forme démocratique que prit dès-lors la  constitution de l’état ; mais il dut entraîner Zürich dans une guerre sanglante  contre la noblesse expulsée. Les ducs d’Autriche épousèrent la querelle des  nobles. Zurich fut donc obligée de chercher des alliés. Uri, Schwytz, Unterwald  et Lucerne la reçurent dans leur confédération ; le traité fut conclu en 1351.  L’Autriche irritée forma le dessein d’anéantir cette ligue dont les progrès lui  faisaient ombrage. Zurich ne perdit point de temps, et Glaris, Zug et Berne  vinrent accroître ses forces de leur accession. Chaque jour ainsi le peuple  zurichois grandissait au milieu des dangers ; son nom devenait la terreur de ses  ennemis. Toutes les possessions de la ville, à cette époque, consistaient en  une forêt située au bord de la Sihl et en quelques domaines sur les rives du  lac. Son territoire s’agrandit depuis 1384 jusqu’à la fin du XVe siècle, soit  par des acquisitions à prix d’argent, soit par des conquêtes.Zürich fut la première ville de la Suisse  et l’une des premières de l’Europe qui embrassa la réforme. Au commencement du  XVIe siècle, Ulrich Zwingle y joua un rôle  important. Zwingle réunissait aux profondes connaissances d’un savant, les  lumières et la prudence d’un homme d’état. Zürich servit de tous ses moyens les  efforts du réformateur, qui paya, comme on sait, de sa vie, à Capel, le projet qu’il avait formé de changer  la religion de l’état. (Voir Capel,)
 A la fin du XVIIIe siècle, Zürich fut  exposé aux plus grands dangers. Il est peu de contrée, en Suisse, qui ait été  comme ce canton le centre de positions d’armées ennemies, le théâtre de  batailles sanglantes. Les Français entrèrent en Suisse au commencement de mars  1798, et occupèrent Zürich le 27 avril suivant. Le 8 septembre, les Russes et  les Français en vinrent pour la première fois aux mains près de Wollishofen. Le  général Souvarov, qui avait traversé à marches forcées le St.-Gothard, arrivait  avec des forces nombreuses. Telle était la confiance de l’ambassadeur d’Angleterre,  des officiers russes, qu’aucune famille ne quitta la ville. On disposa même un  festin magnifique pour le 25 septembre, chez l’ambassadeur anglais, afin de  célébrer l’arrivée du célèbre général. Cependant, le jour même, dès le matin,  Masséna pensait attaquer l’avant-garde russe, tandis que la division du général  Lorge passait la Limmat entre Dietikon et Schlieren, et la division Soult la  Linth, près de Bilten. A Dietikon, le général avait formé un pont de bateaux,  la rivière n’étant guéable que sur ce point. Les
 français vinrent occuper les hauteurs de la rive gauche entre Hong et  Affoltern, près le Käferberg ; aussi la ligne des Russes se trouva-t-elle  coupée, et l’aile droite séparée du centre. On se battit toute la journée du  26. Les Français pénétrèrent en vainqueurs dans la ville, chassant devant eux  l’ennemi. Les Russes, battus complètement, se retirèrent en désordre, les uns  par Eglisau, les autres par Winterthur. Cette journée coûta la vie à deux  grands citoyens : à Lavater et au tribun Irminger. Le premier accourait au  secours d’un de ses compatriotes, menacé par des soldats, lorsqu’il reçut dans  la poitrine un coup de feu ; il mourut le 2 janvier 1801 des suites de cette  blessure ; Irminger fut massacré dans son jardin par des Russes, qui le prirent,  à son habit bleu, pour un Français.
 En 1802, la ville fut assiégée par les troupes du  gouvernement helvétique, auquel elle refusait de se soumettre. Attaquée par une  armée nombreuse, elle souffrit peu, mais, travaillée intérieurement par un  parti puissant de mécontents, elle fut contrainte de reconnaître le nouveau  pacte. Une proclamation de Bonaparte termina la guerre civile.
    Intérieur d'un chalet du canton de Zurich, gravure non signée, vers 1830
  MœURS. — CARACTèRES. — COUTUMES.  II est aisé de distinguer le caractère zurichois de celui des  habitants des autres cantons de la Suisse.Ce qui domine  en lui, c’est l’amour du travail, le goût des sciences, l’ambition de se  distinguer parmi ses rivaux, une originalité piquante dans les idées, un goût  vif pour les exercices gymnastiques, une détermination prompte et soudaine et  une affabilité peu commune envers les étrangers. Dans aucune autre ville  suisse, vous ne trouverez une aussi grande simplicité de mœurs, plus de  vénération, plus de respect pour la mémoire  des ancêtres, autant de ces vieilles coutumes qui s’effacent de jour en jour  dans les cités. Quand un  enfant vient  au monde, une jeune fille en habits de fête, un bouquet au côté, un autre à la  main, va de porte en porte annoncer aux parents et aux amis de l’accouchée  cette heureuse naissance.
 Le 21 mai, équinoxe du printemps, il y a de grands repas dans  toutes les tribunes, et au moment ou la cloche du soir annonce la fin de  l’hiver, le chef de la famille se lève de table, adresse aux conviés un petit  discours analogue à la circonstance, et les invite à profiter du retour de la  belle saison pour hâter les travaux des champs.
 Le jour de l’Ascension, les jeunes garçons et les jeunes  filles des campagnes zurichoises gravissent par bandes nombreuses l'Uetliberg, situé à une  demi-lieue de Zürich. De son côté, la jeunesse de la ville ne manque pas de s’y  rendre, et du haut
 de ce plateau élevé, de ce belvédère où l'œil jouit de  la vue de la terre natale, tous entonnent des hymnes eu l’honneur de la  Providence et de la  patrie.
 Chaque année, une foule de Zurichois, de 15 à 18 ans, partent  à pied sous la conduite d’un homme instruit, pour faire une longue course dans  toute la Suisse, gravir quelques-uns de ses monts les plus célèbres, visiter  les champs de bataille inscrits dans l’histoire, ou la tombe de savants, de  capitaines illustres, d’hommes renommés pour leur bienfaisance, s’instruisant  ainsi sur les lieux mêmes où la patrie tient école des grands exemples.
 Dans toutes les réunions de Zurich, le tabac, le vin, le  fromage, remplissent une bonne partie des lacunes de la conversation. « A  l’exception de celles où l’on joue, dit un écrivain zurichois distingué, M.  Meister, il est rare de voir les hommes assis ; et l’on calcule que c’est assez  de trois à quatre sièges pour 12 à 15 personnes, qui, deux à deux, la pipe à la  bouche, ne cessent d’arpenter la chambre, de long en large, ou de se former en  petits groupes, lorsqu’il s’agit de raconter quelque nouvelle d’un intérêt  général. Mais c’est au défaut d’esprit de société et du genre de culture qu’il  procure, qu’il faut attribuer un grand nombre de bonnes qualités qui  distinguent les Zurichois : une application plus soutenue aux divers objets  d’arts et d’industrie, des goûts plus simples et plus constants, des affections  plus vives et plus profondes, et une manière de voir et de sentir plus variée, plus singulière, plus franche et plus vraie.
 « Chaque esprit, chaque caractère a tellement une allure à  soi, qu’il ne peut guère cheminer avec les autres, ni même se rencontrer avec  eux, sans une sorte de gène et d’embarras, que l’on enveloppe ordinairement de  formes très cérémonieuses, mais qui s’échappe quelquefois par des traits d’une  bonhomie peu commune, et quelquefois aussi, s’il faut tout dire, par des  naïvetés passablement étranges. Au concert, à l’église, dans tous les  rassemblements un peu nombreux, mais surtout au spectacle, qui, pour n’être  permis chez nous que rarement, n’en est que plus suivi, il est impossible qu’un  œil observateur ne remarque avec surprise la prodigieuse diversité des  physionomies qu’offrent les têtes de tout âge, et surtout celles des jeunes  personnes, l'extrême mobilité de leurs traits, l’ingénuité comme la vivacité de  leur expression.
 « De tous les arts cultivés, et souvent avec succès, celui  dont le goût paraît le plus généralement répandu, c’est la musique. Il est peu  d’étrangers qui n’en aient été frappés. Cette faculté des habitants de Zürich  est d’autant plus
 remarquable, qu’elle contraste singulièrement avec leur langage habituel, le  moins musical, le moins mélodieux que je connaisse. Aussi chacun semble-t-il faire  la grimace en s’écoutant parler... En exceptant la Hollande, je doute qu’il y  ait ailleurs aucune ville où l’on cultive autant de fleurs rares, indigènes ou  exotiques. Comment ne pas voir dans ce genre de luxe une douce analogie avec  l’innocence et la simplicité de nos goûts, avec la couleur poétique et  pastorale de nos habitudes et de nos usages... »
 Les paysannes zurichoises ne peuvent être  comparées, ni pour la beauté du sang, ni pour les grâces, ni la fraîcheur, aux  jeunes filles des cantons de Berne, de Fribourg et de Soleure. Rarement on en  trouve de jolies. D’ailleurs leur costume n’est rien moins que favorable au  beau sexe. Leur coiffure est formée par un petit bonnet autour duquel courent  deux minces tresses de cheveux excessivement serrés. Dans le bailliage de  Knonau, les jeunes filles laissent pendre sur leurs épaules leurs longs cheveux  tressés et noués avec des rubans de soie rouge. Leur corset, qui marque assez  bien la taille, est orné d’un ruban de couleur tranchante qui dessine la forme  d’un grand V.
 La législation zurichoise est encore très imparfaite, et son  code criminel déparé par de nombreuses traces de barbarie, dignes de siècles  moins éclairés. Veut-on arracher à un accusé l’aveu d’un délit qu’il s’obstine  à taire, le juge le fait comparaître et on lui applique un certain nombre de  coups de nerf de bœuf. Il n’y a pas encore longtemps qu’on le fouettait jusqu’à  ce qu’il convînt de sa culpabilité. Les verges ont été supprimées et le nombre  de coups de nerf de bœuf est maintenant limité.
    Chalet des environs de Zurich, gravure non signée, vers 1830
    VILLES. — BOURGS, ETC.   Zurich est située sur la Limmat, qui la divise en deux parties  inégales au moyen de trois ponts. Rien de plus ravissant que sa situation.  Placée à l’extrémité septentrionale d’un lac délicieux, elle est entourée à  l’est d’une enceinte de coteaux fertiles, couverts de vignes et couronnés de  forêts. A l’ouest s’élèvent d’autres collines ornées de prairies, de vergers,  au-dessus desquelles on aperçoit l'Uetliberg, qui forme la plus haute sommité de l’Albis. Au nord-ouest  s’étend une plaine cultivée. Les Romains avaient un établissement à Zürich.  L’enceinte qu’occupait, à une époque assez reculée, cette cité, située alors  sur la rive droite de la Limmat, était indiquée par diverses tours. La  cathédrale était hors des murs et au milieu de champs de vignes. Sur la rive  gauche s’élevait l’abbaye du Fraumünster et le Lindenhof, place où l’on rendait  la justice. Une petite chapelle, consacrée à saint Pierre, avait été construite  dans le  voisinage. C’est autour de ces édifices que se forma la partie de Zurich qu’on  appelle la petite ville. Sur l’autre rive, la cathédrale, les vastes faubourgs  de l’Oberdorf et du Niederdorf furent réunis à la vieille cité, qu’on entoura  de murs. Telles furent les limites de Zurich jusqu’au milieu du XVIIe siècle.Zurich lutta longtemps, sous la conduite de Rodolphe de  Habsbourg, contre les comtes et les chevaliers des villes voisines. Entrée dans  la confédération, elle fut chargée des intérêts communs. (Voir Histoire). L’aspect de Zurich  est riant et animé. Elle a de beaux édifices, quelques rues larges, beaucoup  d’étroites et de mal pavées, presque toutes en pentes. Le Gross-Münster, ou la  cathédrale, autrefois consacrée aux martyrs Félix et Régula, est située sur un  monticule. On croit que Charlemagne en fut le fondateur ; d’autres en attribuent  l’origine à l’empereur Othon-le-Grand. Cette église n’a véritablement de  remarquable qu’un vaisseau d’une grande hardiesse ; quelques-uns de ses  gothiques ornements sont travaillés avec goût. L'hôtel de ville, bâti à la fin  du XVIIe siècle, est un des beaux édifices de cette  cité ; la porte d’entrée est en marbre noir, tiré de la montagne Richterschwyl.  L'intérieur n’offre, comme digne de curiosité, qu’une magnifique carte du  canton et des tableaux de fleurs peints par Asper. L’Hôtel des Orphelins,  construit en 1765, sur une vaste terrasse qui borde la Limmat, est un édifice  qui ne manque ni de grandeur, ni de majesté. La bibliothèque, renfermée dans la  Wasserkirche et  le Helmhaus,  renferme 60,000 volumes environ. Elle est riche en classiques grecs et latins,  en ouvrages de théologie et d’histoire ancienne. Elle possède une collection  presque entière des livres et des ouvrages composés par des Zurichois, et  imprimés à Zurich. Parmi les manuscrits, on cite la collection de Simmler  relative à l’histoire de la réformation en Suisse, des lettres autographes de  Jeanne Gray, un Quintilien. La bibliothèque Caroline, qui appartient au  chapitre des chanoines, possède plusieurs lettres originales des Réformateurs  suisses, et une foule d’ouvrages rares, imprimés dans le XVe siècle. La bibliothèque de la Société de  Physique est riche en ouvrages relatifs à l’économie et à l’histoire naturelle.  Le jardin botanique est parfaitement entretenu, et contient quelques plantes  exotiques. Peu de villes renferment un plus grand nombre d’établissements  utiles et de Sociétés savantes. L’Académie, ou Gymnase, où quatorze professeurs  enseignent la théologie, la physique, la philosophie, etc. ; le Collège des  belles-lettres, où les étudiants se forment, sous la direction de cinq  professeurs, à des études préparatoires avant d’être admis à l’Académie ;  l’Institut politique, où trois professeurs donnent des leçons de droit,  d’économie, de statistique et d’histoire aux jeunes citoyens qui se destinent  aux emplois publics ; l’Institut de médecine et de chirurgie, desservi par  dix-sept professeurs, dont l’enseignement embrasse toutes les sciences  médicales ; l’Institut technique, fondé, en 1826, par une Société particulière,  et qui est fréquenté par les jeunes gens qui se destinent au commerce ; l’école  des jeunes filles, sous la direction de trois institutrices ; l’Institut des  sourds-muets et des aveugles ; l’école des pauvres ; la Société de secours,  fondée en 1799 ; la Société suisse d’utilité publique ; et les Sociétés de  musique et de chant.
 Nulle part on ne trouve  des promenades aussi variées. Dans la ville, le Lindenhof, vaste terrasse  élevée de 125 pieds au-dessus de la Limmat ; la terrasse de l’Hôtel des  Orphelins, les deux grands ponts, etc. Hors de la ville, le Platz, formé par la  langue de terre qui s’étend entre la Limmat et la Sihl jusqu’au point de leur  réunion, est orné de superbes allées d’arbres et d’un bosquet délicieux au  milieu duquel on a érigé un monument à Gessner. C’est le rendez - vous de la bonne  compagnie en été, surtout les dimanches soirs.
  Winterthur. — C’est l’une des plus jolies villes de la Suisse. Elle est  située sur l’Eulach, dans une vallée fertile, à quatre lieues de Zurich et sur  la grande route de Constance à Saint-Gall. Winterthur est formé de deux grandes  rues parallèles, bâties dans la direction de l’est à l’ouest, et coupées par  six rues latérales. Cette cité doit son origine aux établissements formés par  les écuyers des comtes de Winterthur et de Kyburg. Enrichie de divers privilèges  par Rodolphe de Habsbourg, elle fut élevée au rang des villes impériales  lorsque le duc Frédéric d’Autriche fut mis au ban de l’empire. Jusqu’en 1437  elle jouit d’une indépendance absolue. A cette époque, elle se replaça  spontanément sous la protection de l’Autriche. Le siège qu’elle soutint, en  1460, contre les Zurichois est un de ses beaux faits d’armes. Sept ans après,  elle se soumit à la domination de Zurich. Depuis, Winterthur et la capitale du  canton n’ont cessé de lutter dans la carrière des sciences, des arts et du  commerce. Il est peu de petites villes dont l’industrie soit plus active qu’à  Winterthur : elle a des manufactures de mousselines, de grandes et belles  imprimeries en toiles peintes, des ateliers de peinture, des filatures. L’église,  qui a deux clochers et de bonnes orgues, l’hôtel de  ville et l’hôpital, sont ses principaux édifices publics. La  bibliothèque possède une très-belle collection de médailles romaines et de  pierres gravées, qui toutes ont été trouvées dans les environs de la ville et  du village d’Oberwinterthur. De tout temps cette cité a possédé de  nombreux établissements d'utilité publique ; tels sont : le collège ou gymnase,  où l’on enseigne les langues anciennes, les mathématiques, l’histoire et la  géographie ; les écoles gratuites pour l’éducation des jeunes filles et des  jeunes garçons pauvres ; l’hospice des orphelins, la caisse d’épargnes, etc.Il règne dans les sociétés de Winterthur un ton plein de  cordialité et de politesse. On y aime et on y cultive la musique. En hiver, il  y a des concerts d’amateurs et des réunions de danse tous les quinze jours.
  Capel, qui possédait autrefois une abbaye de Cîteaux, fut, en 1551, le théâtre d'une action sanglante entre les catholiques et les réformés,  parmi lesquels se trouvait Zwingle, alors prédicateur à Zurich, qui fut  renversé à coups de pierres et achevé par l'épée d’un catholique. Parmi les  blessés, les vainqueurs reconnurent un épicier de Zurich. — « Mais c’est André  Gessner, l’épicier, s’écrièrent-ils, et ils lui firent grâce de la vie. Aussi  le malheureux André, mourant, disait-il à Dieu dans ces dernières prières : «  Comment ne trouverais-je pas grâce à tes yeux, ô mon Dieu ! moi que les  bourreaux ont épargné. » Ce Gessner était aïeul du célèbre poète latin, et  oncle de Conrad Gessner, le naturaliste, dont le père fut tué à cette même  bataille de Capel. Huttensgrab (tombeau de Hutten). — La petite île d’Ufenau, qui a une demi-lieue de tour,  renferme des champs, des vignes, des pâturages, quelques habitations et deux chapelles.  Dans l’une d'elles on voyait autrefois le tombeau du chevalier Ulrich de  Hutten, qui, tour à tour guerrier, poète, courtisan et ermite, couvert des  lauriers du Parnasse, et payant chèrement les égarements de sa jeunesse, mena  une vie si agitée. Il contribua beaucoup à la renaissance des lettres par ses  écrits, qui furent long-temps très recherchés. Lié d’abord avec Erasme, puis  brouillé avec ce savant, il avait quelque chose de son sel, de sa plaisanterie,  de sa causticité  mordante. Toutes ses  poésies sont marquées au coin du bon goût et de la belle latinité.
 Les Lettres  des Hommes obscurs, auxquelles il eut la  principale part, portèrent un coup mortel à la Scholastique et à la manie des  controverses. Las du monde et de ses tempêtes, il se retira dans l'île  d'Ufenau, comme Rousseau dans l’île de Saint-Pierre ; mais plus heureux et  moins inquiet que le philosophe de Genève, rien ne vint troubler le calme de sa  douce solitude que la visite de quelques savants. Il y trouva le repos du sage,  qu’il avait vainement cherché sur la scène des cours et des villes, et il y  mourut en 1523.
  Le lac de  Zurich. — Ce lac a 10 lieues de long,  depuis la ville jusqu’à Schmerling, et une lieue et demie de large entre Stäfa  et Richterschwyl. Sa profondeur est de cent toises aux environs de la  presqu’île nommée Die Au. Pendant les mois les plus chauds de l’année, ainsi que tous  ceux qui sont situés au nord de la chaîne des Alpes, le lac de Zurich éprouve  un accroissement considérable, qui en élève le niveau, et l’étend au-delà de  ses limites ordinaires. Les montagnes de neiges, les glaciers énormes qui  courent le long de cette chaîne expliquent suffisamment ce phénomène. La fonte  extraordinaire que l’été occasionne   dans ces régions glacées, jette une si grande quantité d’eau dans ces  lacs, qu'ils s'élèvent quelquefois jusqu'à 15 pieds au-dessus de leurs niveaux  divers. Celui de Zurich nourrit un grand nombre de poissons, que Melchior  Füssli a représentés sur deux grands tableaux qui ornent un des vestibules de  l'hôtel de ville de Zurich.Une promenade jusqu'à Stäfa offre une  foule de points de vue enchanteurs. Derrière soi Zurich fuit avec ses ponts,  ses tours ; à la droite, se prolonge les croupes de l'Albis, couronnées de  forêts de sapins ; des coteaux couverts de vignes s’étendent à gauche ; peu à  peu les montagnes escarpées de Glaris élèvent leurs têtes neigeuses dans le  fond du tableau. Les deux rives du lac ressemblent à une grande rue traversée  par un large canal, tant les habitations y sont multipliées. Des vergers et des  bosquets sont le cadre des mille compartiments de ce beau jardin naturel. Ici  l’humble toit du paysan contraste avec la maison de l'opulent citadin ; là, la  couche du rivage cache derrière un cap, ou au fond d’un golfe, un hameau qu’on  découvre insensiblement. Plus loin, des paysans moissonnent des champs  fertiles, chaque coup de rames varie le paysage, et les milliers de barques qui  se croisent en tous sens animent et vivifient ce beau bassin. Les eaux sont si  tranquilles, que le sillage reste longtemps sans s'effacer.
 Comme le lac forme une espèce de croissant  dans la direction de l’ouest à l'est, on ne découvre juste de Zurich et de ses  environs qu'un bassin de plusieurs lieues d'étendue. Mais quand on a fait deux  ou trois lieues sur sa surface, le bassin s'agrandit et les regards se  promènent sur une nappe d'eau immense. C’est entre les villages de Thalwyl et  de Herrliberg, et entre Oberrieden et Meilen, que le lac se déploie dans toute  sa beauté. C’est là qu’apparaissent dans toutes leurs richesses ses rives  délicieuses, les collines, les montagnes, les Alpes qui en forment le cadre. Plus on s’éloigne de la ville, et  plus le paysage grandit. Le second bassin, qui s'étend entre Stäfa,  Richterschwyl et Rapperswyl, et forme la partie la plus large du lac, est  d’une inexprimable magnificence. Les sommités neigeuses du Glärnisch, qui  s’élèvent au-dessus des montagnes boisées, y produisent un effet  extraordinaire. Tout à coup le lac se trouve resserré entre deux langues de  terre. Sur l’une, s’élève Rapperswyl ; sur l’autre, le joli hameau de Hurden.  La largeur du lac n’est ici que de 1,800 pas, et les deux langues de terre sont  jointes par un pont, le plus grand qui existe en Suisse. Plus loin, le lac  forme un nouveau bassin de deux à trois lieues de largeur. C’est le lac  supérieur, qui change de parure et revêt un caractère simple et champêtre qui  ne manque pas de majesté. Au sud, vous voyez briller le village de Lachen ; à  l’est, celui de Schmerikon, L’intervalle est occupé par d’épaisses forêts, qui  couvrent le mont Buchberg ; au sud-ouest, s’élève le mont Etzel, dont le pied  est garni de villages. La rive du sud-ouest du lac supérieur fait partie du  canton de Schwytz, depuis Richterschwyl   jusqu’au château de Grinau, non loin de Schmerikon, et la rive opposée  appartient au canton de Saint-Gall, depuis Schmerikon jusqu’à Rapperswyl.
    Costume masculin et de Marraine (?) du canton de Zurich, gravure gravure non signée, vers 1830
    HISTOIRE NATURELLE.   Géologie. — Le canton de  Zürich est situé, en entier, dans la formation horizontale de grès et de marne,  à l’exception de la partie la plus avancée au nord-ouest, où l’on trouve le  Lagerherg, montagne composée de couches calcaires, ainsi que le reste du mont  Jura. On distingue des poudingues sur les bords du lac, dans les environs de  Stäfa, entre Greifensee et Pfeffikon, et dans la vallée de Bauma. Cette espèce  de pierre recouvre aussi les plus hautes sommités de montagnes de grès, entre  autres celles de Hörnli et de l’Uetliberg. La cime escarpée et déchirée  qu’offre de toutes parts cette dernière, est composée alternativement de  couches de grès et de bancs d’un sable très pur. D’énormes débris de brèche,  tombés du haut de cette cime, sont épars au sud-ouest le long du grand chemin.Il est probable que le Rhin coulait autrefois dans le bassin  du lac de Zurich et de la Sihl. A cette époque, lorsque cet immense bassin ne  formait qu’un seul lac jusqu’au Lagerherg, le Lindenhof et les autres collines  du Petit-Zurich,  s’élevaient, sans doute, comme des îles au-dessus de la surface des eaux.
 Les environs d’Eglisau sont très exposés aux tremblements de  terre. Ebel pense qu’il faut attribuer les fréquentes secousses qui s'y font  sentir au voisinage de la chaîne des montagnes du Jura.
 Régné végétal. — Les environs  de Zurich sont riches en plantes ; on distingue surtout les espèces suivantes :  le panicum dactylon, le bromus tigurinus, le carex tomentosa, l'alopecurus agrestis, le juncus maximus,  le juncus bulbosus, l'helleborus viridis, 1e ribes nigrum, le carex pilosa, le cyperus fuscus, l'eriophorum vaginatum, l'arundo calamagrostis, l'agrostis hybrida, le pseudocyperus lasioscarpos, le  satyrium repens, l'andromeda polifolia, la drosera rotundifolia, l'orphys arachnite, la scilla bifolia, l'agrostis montana, le carex foliosa, et le lilium martagón.
    BIOGRAPHIE.   Dès le moyen âge, Zurich se distinguait par son goût éclairé  pour les lettres. Elle méritait, a cette époque, le surnom de savante. Au milieu du Xe  siècle, florissaient le prêtre Rudolph, connu par un grand ouvrage sur les  psaumes ; Conrad de Mure, fabuliste latin, auquel on doit un poème sur l’art  héraldique, des traités sur la littérature grecque, une chronique rimée de  Charlemagne, un éloge de Rodolphe de Habsbourg. Le fabuliste Boner et le poète Hadloud vivaient au XIVe siècle. Malléolus, né à Zurich en 1389, chantre et  chanoine, écrivit avec force et talent contre les abus et les vices du clergé  de son temps. La meilleure chronique de la Suisse est celle de Bullinger,  historien zurichois. Conrad Gessner fut un grand naturaliste et l’un des hommes  les plus remarquables de son temps. On doit à Jacques Ruef plusieurs ouvrages  dramatiques estimés. Breitinger fut un des plus célèbres orientalistes du XVIIe  siècle. Mais c’est de nos jours surtout que Zurich a brillé du plus vif éclat  dans le monde savant. On connaît le bel ouvrage sur la Solitude de Zimmermann,  qui fut à la fois grand écrivain et médecin distingué. Lavater, qui, longtemps  avant Gall, essaya de lire sur les traits de la figure les caractères et les  mouvements intérieurs de l’âme. L’auteur de la Mort  d’Abel, du Premier  Navigateur, des Idylles, Gessner, auquel ses concitoyens ont élevé un monument au  centre de la promenade la plus belle et la plus fréquentée de Zurich. Meister,  dont la philosophie est si douce, et qui, dans son Voyage de Zurich à Zurich,  rappelle quelquefois toute la bonhomie et le naturel de Sterne. Pestalozzi,  l’un des hommes qui ont fait le plus d’honneur à la Suisse, et qui inventa la Méthode élémentaire à laquelle  il a donné son nom.Zurich a brillé également dans les arts. Dans les XVIe et  XVIIe siècles, elle cite avec orgueil une foule de peintres et de sculpteurs.  Le plus célèbre de  ces artistes fut Balthazar Keller, qui fondit   d'un seul jet la statue de Louis XIV. Cette statue en bronze, coulée sur  un modèle de Girardon, pesait 80 quintaux et avait 21 pieds de hauteur. Les jardins  de Versailles, des Tuileries sont pleins des chefs-d’œuvre de cet artiste, qui  mourut à Paris en 1702. Henri Füssli est un des peintres qui ont étudié avec le  plus de bonheur Michel-Ange. Cet artiste se rendit à Rome en 1770 et y passa  huit ans à méditer  sur son art. On voit à Londres un grand nombre d’estampes gravées d’après ses  dessins  ; quelques esquisses en ont été  publiées à Zurich. Usteri se distingua comme dessinateur et comme poète. La Tendresse maternelle, la Piété filiale, le Miroir des artistes sont  des tableaux frappants de vérité, où le peintre a su reproduire d’une manière  délicieuse les plus doux sentiments du cœur.
 Parmi les grands  capitaines dont Zurich fut le berceau, citons Roger Manès, qui commandait les  Zurichois en 1322, et qui gagna la bataille de Tatwyl Félix Keller, Rodolphe  Stussi et Landenberg ; Ulrich Stapfed, Conrad Engelhard, le bourgmestre Marc  Röust et Waldmann surtout, un des plus grands hommes du XVe siècle, qui, dans un temps où la noblesse  voulait opprimer le peuple, eut le courage d’attaquer ses privilèges. Il osa  bannir les patriciens turbulents. Malheureusement il s’aliéna par son  inflexible dureté le peuple, qui, irrité, se porta à l'hôtel de ville et  demanda sa tête. Ses ennemis, profitant de cet instant d’exaspération,  répandirent le bruit que les Autrichiens s’avançaient pour le délivrer. Accusé  de trahison, Waldmann fut condamné à perdre la tête, et décapité hors de la  ville.
    LA  SOCIETE DES BOUCS.   Les dissensions civiles qui, de 1436 à  1447, désolèrent la Suisse et faillirent rompre les nœuds de la confédération  helvétique, donnèrent naissance, dans la ville de Zurich, à une société  militaire connue sous le nom de Société des  Boucs,        soit parce que chaque membre avait fait  sculpter sur sa maison la tête d’un bouc, soit parce qu’ils employaient avec  succès une machine de ce nom, semblable au bélier des anciens, pour faire  brèche  aux places qu’ils assiégeaient.  Ce ne fut pas seulement par sa rare valeur dans les combats que cette troupe de  héros, liée comme autrefois le bataillon sacré des Thébains, se rendit utile à  la patrie, mais encore par les dons volontaires qu’elle fit  à Zurich, car elle comptait parmi ses  membres une   foule de jeunes gens  possesseurs de vastes et fertiles    domaines. Elle se fit encore connaître par une gaîté piquante, un esprit  caustique, une originalité moqueuse qui la rendit aussi redoutable à ses  ennemis que son intrépidité dans les combats. Elle ne savait pas seulement  manier avec succès la grande épée, la pique et la hache d’armes, mais elle  désolait ses adversaires par des satires, des chansons et des épigrammes. On  croit que Rodolphe Stussi fut le fondateur de cette société. L’histoire  helvétique cite peu d’hommes plus vaillants que ce Stussi, qui, avec  quelques-uns de ses plus braves amis, l’élite de la Société des boucs, se  chargea de défendre le pont de la Sihl, le 22 juillet 1448, contre les troupes  de Schwytz et de Glaris. Seul, sur ce sanglant théâtre, entouré des cadavres des siens, Stussi arrête  l’ennemi ; il frappe de sa hallebarde ou assomme de sa hache d’armes tous ceux  qui essaient de forcer le passage ; mais, blessé, couvert de sueur et de sang,  il n’a point aperçu deux soldats lucernois qui se sont glissés sous les arches  du pont, en soulèvent les planches et le percent de leurs piques. Stussi tomba  expirant dans le fleuve. Son cadavre, devenu le jouet de quelques soldats  furieux, fut coupé en morceaux et jeté dans la Sihl, après avoir été  indignement outragé ; mais son souvenir est toujours en honneur à Zurich, et l’on  montre encore sur une fontaine, près de la maison qu’il habitait, une statue  que sa patrie reconnaissante lui éleva peu d’années après sa mort.Les Boucs se chargeaient des expéditions les plus  périlleuses. Pendant l’un des sièges de Zurich, ils brûlèrent les machines de  guerre des ennemis, dispersèrent leurs travailleurs, et détruisirent leurs  grands béliers. Toujours les premiers à attaquer l’ennemi, les derniers à faire  retraite, ils couvraient toutes les sorties, et presque toujours revenaient  vainqueurs.
 Toujours les mêmes, ils chantaient sous la tente comme dans  les fêtes ; ils plaisantaient sur les champs de bataille comme dans un bal, et  se vengeaient de leurs revers par des railleries piquantes sur le compte de  leurs vainqueurs.
 Telle était la terreur qu’inspiraient les Boucs, que, lorsque  Zurich signa la paix avec ses ennemis, Schwytz et Glaris exigèrent, comme une  condition, que cette société serait dissoute et ses membres exilés. Zurich y consentit honteusement.  Presque tous les Boucs se retirèrent en Souabe.
 Le landammann Friees, d’Uri, magistrat qui jouissait d’un  grand crédit à Zurich, imagina de leur fournir un prétexte de rentrer dans leur  patrie, car ils s’ennuyaient dans cet exil : c’était d’enlever quelque homme  notable de la ville qu’ils garderaient comme rançon jusqu’à ce que Zurich leur  eût ouvert ses portes. Les Boucs trouvèrent l’expédient excellent. Quelques-uns  d’entre eux s’embarquèrent donc secrètement sur le lac, entrèrent de nuit dans  la ville, et saisirent au lit le landammann Friees lui-même, qu’ils  conduisirent au château de Hohen-Krayen, là les proscrits lui procurèrent toutes les marques de  considération dus à sa dignité et à ses vertus, et se répandirent en excuses respectueuses ; bref,  ils lui rendirent la captivité si agréable, ils lui donnèrent de si beaux  festins, de si belles fêtes, que Friees écrivit à la diète assemblée à Lucerne,  et qu’il plaida si éloquemment la cause des Boucs, que les cantons se  décidèrent à les rappeler. Ce fut le dernier triomphe de cette société, qui  cessa de jouer un rôle actif dans les affaires de Zurich, mais dont le souvenir  vécut longtemps, et entretint parmi la jeunesse zurichoise le patriotisme,  l’esprit militaire et l’amour des grandes actions.
    CULTES.   Le canton professe la religion réformée, à l’exception de la  paroisse de Dietikon et de la petite ville de Rheinau. Le clergé réformé se  divise en dix chapitres, savoir : ceux de Zurich, du lac du même nom, de  Knonau, de Stein, de Winterthur, d’Elgg, de Vezikon, de Kiburg, de Regensberg  et d’Eglisau.Tous les ans, le clergé s’assemble en automne pour former un  synode. Chaque chapitre a un doyen qui a inspection sur les pasteurs. Le doyen  du chapitre de Zurich porte le titre de Antistes. Il est le chef du clergé cantonnal.
 Les ecclésiastiques qui  ne sont ni ministres ni pasteurs, voyagent pour s’instruire, se vouent à  l’éducation de la jeunesse ou obtiennent des suffragances. Il en est qui  s’exercent à la prédication ; ces derniers sont sous la direction d’un doyen  particulier.
    INSTRUCTION  PUBLIQUE.   Le pays est divisé en 15 cercles, chacun renfermant 3 ou 4  tributs. Zurich ne forme qu’un cercle. A chaque cercle est attaché un  inspecteur qui est ordinairement un ecclésiastique. En 1817, on comptait dans  le canton 378 écoles élémentaires, que fréquentaient 35,000 enfants de 6 à 15  ans, ce qui donne une moyenne de 80 enfants par école.On sait que Zurich  reçut dans le moyen âge le surnom de savante, et de nos jours celui d'Athènes  de la Suisse allemande. Nous avons parlé des  établissements pour l’avancement des études, des sciences et des arts, que  renferme celte cité. Winterthur en possède aussi un grand nombre. Chaque bourg,  chaque village a une école entretenue aux frais de la commune.
    INDUSTRIE. — COMMERCE.  C’est à l’époque de la réformation surtout que s’accrut l’activité commerciale  de Zurich. Les arts, les métiers, l’agriculture prirent une face nouvelle. Dès  le XIIIe siècle, cette cité comptait  des fabriques de laine et de soie, de toile et de cuir ; mais ce ne fut que  dans le XVIe siècle que ses diverses manufactures prirent un tel accroissement,  que leurs produits se répandirent jusque dans les contrées les plus éloignées.  Vers le milieu du même siècle, Tours et Lyon virent s’élever dans leur sein des  fabriques de soie qui n’eurent bientôt plus de rivales. Zurich, alors, chercha  dans une nouvelle industrie, celle des cotons, un dédommagement à la perte que  la fabrication française lui faisait éprouver ;  mais, en 1790, cette branche de commerce atteignit un certain  degré de splendeur. De nos jours même, Zurich rivalise avec Lyon pour la  fabrication des étoffes de soie. La main-d’œuvre y étant moins élevée, la  matière n’étant sujette à aucun droit d’entrée, permettent de fabriquer et de  livrer les étoffes à bien meilleur marché qu’à Lyon ; mais, ce que Zurich ne  saurait jamais imiter, c’est le goût, la pureté et la richesse des dessins :  sous ce rapport, les fabriques françaises resteront toujours sans rivales.     BIBLIOGRAPHIE. Histoire de Zurich, 1 vol.  in-12.—1746.
 Essai historique sur le commerce de la ville de Zürich, par H. Schingz, 1 vol. in-8. Zurich, 1763.
 Les Zurichois illustres, par  le professeur Muster—2 vol. in-8. Zurich 1782.
 Voyage de Zurich à  Zurich. 1 vol. in-12.
 Almanach helvétique ( année  1803 ).
 Recueil des statuts civils et des lois de police du canton de  Zurich,—6 vol. in 8.—Zurich—1753 — 1793.
 Mémoires de la Société de Physique de Zurich, 3 vol. in-8. — 1761-1766.
 Le Potage au Millet, tout chaud, porté de Zurich au jeu d' arquebuse, à Strasbourg. Légende du XVIe  siècle. Zurich — 1792.
 Carte de Zurich, par Conrad  Gyger. — 1677.
 Carte du canton de Zurich, par  M. Usteri. — 1801.
 Chaînes des Alpes, vue des environs de Zurich,  par H. Keller.
 Panorama de l'Uetliberg, près Zurich, par H. Keller.
 Vue  de l'Albis du  côté de Zurich, par H. Füssli.
 
 On SOUSCRIT CHEZ : HIPPOLYTE SOUVERAIN, édit. 3, rue des Beaux-Arts.
 
 ON  SOUSCRIT CHEZ HIPPOLYTE  SOUVERAIN, édit, 3, rue des Beaux-Arts. |