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Les villes à travers les documents anciens

Lons-Le-Saulnier : histoire détaillée

Lons le Saulnier vvers 1840 - gravure reproduite et restaurée numériquement par © Norbert Pousseur
Lons le Saulnier - détail de gravure de la carte du Jura de Levasseur - 1847
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Extrait de l'Histoire des villes de France d'Aristide Guilbert -1859
Texte de Charles Toubin

 

Actuellement chef-lieu du département du Jura, Lons-le-Saulnier (Ledo Salnerîus ou Salinarius) n'était avant la Révolution qu'un des six sièges de justice du bailliage d'Aval. Les débris d’antiquités romaines qu'on a trouvés sur son territoire, parmi lesquels on a remarqué de belles mosaïques, des tombeaux et des tuiles marquées au nom de l'architecte Clarianus, ont fait conjecturer que les Romains y avaient fondé quelque grand établissement pour l'exploitation de ses salines ou de celles du bourg de Montmorot situé à peu de distance. Un passage de Strabon, applicable aussi bien à Lons-le-Saulnier qu’à Salins, dans lequel le géographe d’Amasée nous apprend que les Romains recherchaient fort les viandes salées de la Séquanaise, vient à l’appui de cette supposition qui ne repose, du reste, sur aucune donnée historique. Nous n’accordons, en effet, guère plus de valeur à la légende, suivant laquelle Lons-le-Saulnier aurait vu naître saint Désiré, l’un des premiers évêques de Besançon, qu’à la tradition qui désigne la tour de Montmorot comme ayant servi de prison à Clotilde, après le meurtre de son père par Gondebaud. Ces deux circonstances n’ont assurément rien d’impossible ; mais l’histoire discute les faits et non les possibilités. Nous inclinons cependant à croire que la fondation ou plutôt le rétablissement des salines de Lons-le-Saulnier est bien antérieur au IXe siècle, dans le cours duquel nous les trouvons mentionnées pour la première fois. Vers ce temps, et plusieurs années encore après, la ville était divisée en deux bourgs indépendants l’un de l’autre, qui tous deux furent affranchis vers la fin du xme siècle, le premier par les seigneurs de la maison de Chàlon, et le second par Henri de Vienne. Les chartes de commune d’Orgelet, de Bletterans, d’Arinthod et de Montmorot remontent à la même époque.

Jusqu’au règne d’Henri IV, l’histoire de Lons-le-Saulnier n’offre aucun intérêt ; il en est de même de celle des villes et bourgs des environs, sur lesquels nous n’avons, pendant la même période, que des renseignements insignifiants ou fort vagues. Le seul fait de leurs annales qui mérite d'échapper à l'oubli se rattache aux événements militaires du règne de Louis XI : le sire de Craon assiégea Arlay, et, après une longue résistance, prit cette place d’assaut. Il en passa tous les habitants au fil de l'épée, et fit décapiter sur la brèche même le commandant de la garnison bourguignonne, Aymar de Boujailles, dont la tête fut clouée par son ordre à la porte du château. En 1595, Arlay fut de nouveau saccagé par les Français ; Château-Châlon éprouva le même sort et fut de plus réduit en cendres.

Henri IV en personne était à la tête de ses troupes. Les Lédoniens, craignant de s'exposer aussi à la vengeance du roi, s'ils tentaient la moindre résistance, acceptèrent, sans discussion, toutes les conditions qu'il lui plut de leur imposer, et s'engagèrent à lui payer une somme de vingt-cinq mille écus, ainsi qu'à lui livrer le baron de Pimorin présent alors dans leurs murs. Henri IV était violemment irrité contre cet officier, qu'il accusait de s'être exprimé sur son compte en termes injurieux : à la nouvelle du péril auquel il se trouvait exposé, Primorin se crut perdu, et, sans plus attendre, il quitta la ville sous des habits de femme.

Le roi apprenant son évasion, qu'il soupçonnait les bourgeois d'avoir favorisée, éclata en menaces et fit immédiatement sonner le boute-selle (sonnerie de trompette), pour marcher sur la ville. En ce moment arrivaient au quartier général les députés de la bourgeoisie, apportant la contribution convenue. Étonné de voir, au lieu des quarante Suisses, qui devaient seuls entrer dans la place, l'armée s’ébranler tout entière, l’un d’eux, Després, se hasarda à demander au roi, dans les termes les plus respectueux, baguette blanche, c’est-à-dire vie sauve pour la garnison et ses habitants ; mais il n’obtint d’autre réponse que la menace de le faire brancher à un arbre, s'il ne se taisait aussitôt. Henri IV entra ensuite dans la ville, où son armée commit toute sorte de désordres, et en partit le même jour pour Lyon, où l'attendait Gabrielle d'Estrées.
D’Aussonville, auquel il en laissa le commandement, traita les bourgeois avec une excessive dureté, et n'évacua la place, à l'approche du connétable de Castille, qu'après avoir réduit en cendres le faubourg et l'église de Saint-Désiré, ainsi que le couvent de Sainte-Claire. Pendant que ces événements se passaient à Lons-le-Saulnier, un détachement de l'armée française prenait, la nuit, Sellières par escalade, tandis que d'autres troupes du roi enlevaient, après une longue résistance, et détruisaient de fond en comble le château d'Oliferne, près d’Arinthod (1595).

Dans la guerre gallo-suédoise, Lons fut plus maltraité encore par l'ennemi. La peste de 1629 venait à peine d'y cesser ses ravages, quand le duc de Longueville prit d'assaut la ville et l'incendia. Bletterans, bourg considérable des environs, protégé par sa position au milieu de marais impraticables, tint longtemps et finit par succomber ; Saint-Amour fit une défense héroïque. L'ennemi, y ayant pénétré de vive force, se vit contraint de livrer un combat dans chaque rue et d'enlever chaque maison l'une après l'autre. Encouragées par l'exemple de leur jeune comtesse, les femmes des bourgeois apportaient jusqu'au milieu de la mêlée des balles aux combattants, et plus d’une reçut ainsi des blessures glorieuses. La garnison du château de Montaigu, lequel domine Lons-le-Saulnier et a été construit, au XIIIe siècle, pour la protection de ses salines, ne demanda à capituler que lorsqu’un ravelin entier eut été emporté par l’artillerie du comte de Guébriand ; elle obtint des conditions honorables. Quant au fort lui-même, le général français ne jugeant pas à propos d'y placer des troupes, ordonna qu'on n’y laissât pas pierre sur pierre (1637). Le baron d'Arnans le releva à la hâte, en 1670, et en confia le commandement au capitaine Prost, surnommé Lacuson, qui le défendit à deux reprises avec autant de succès que d'intrépidité contre un corps de troupes françaises, commandé par le vicomte de Courval. On nous permettra, ici, un mot sur Lacuson : nulle part il ne sied mieux d’en parler que dans une histoire de Lons-le-Saulnier. Méconnu de tout son siècle, sauf peut-être de Louis XIV, qui lui offrit le grand cordon, s'il voulait déposer les armes, cet homme fameux a été placé par l'histoire au rang de ces héros dont l'âme, si grande qu'elle fût, n’a pu contenir d'autre sentiment que leur patriotisme, et qui se sont élevés par leurs actions, comme d'autres par leur génie, au-dessus de l'humanité. Lacuson appartient, en effet, à la famille des Witikind, des Scanderbeg, des Sampierro d'Ornano. Partout présent et partout invisible, toujours en fuite, quoique toujours vainqueur, tour à tour lion et renard, prenant d'escalade les plus hautes forteresses ou se glissant, la nuit, comme un serpent, à travers les crevasses de leurs murailles, respecté des balles et se jouant avec le péril quel qu'il fût, comme avec un être inoffensif, il tint en échec pendant dix ans Richelieu et Weimar, et dans un moment où les armées du roi d'Espagne se blottissaient derrière les murs des villes, semblant n'avoir d'autre souci que de ne pas attirer l'attention du vainqueur, il fut leur seule armée qui ne cessa de tenir la campagne, et que ni Longueville, ni Guébriant, ni Grancey, ne purent vaincre.

Depuis la fin de la guerre de dix ans jusqu'à la Révolution, rien de mémorable ne s'est passé à Lons-le-Saulnier. En 1789, les paysans de la banlieue brûlèrent plusieurs châteaux des environs de la ville. L'année suivante vit s'organiser la Société populaire des Amis de la Constitution. A la fin de l'année 1792, le district de Lons-le-Saulnier, dont la population mâle ne dépassait pas le chiffre de 4,783 citoyens, en comptait 2,350 dans nos armées. Durant le procès de Louis XVI, la société des Amis de la Constitution demanda à la Convention que le roi fût condamné à mort et exécuté dans les vingt-quatre heures (1793).

Le tribunal révolutionnaire, installé à Lons-le-Saulnier, signala son entrée en fonctions en faisant arrêter en un seul jour soixante-treize personnes, tant nobles que prêtres et fonctionnaires ; mais le sang d'aucune d'elles ne coula sur l'échafaud. Cette conduite ferme et modérée à la fois fut approuvée par la Convention, qui décréta que le département du Jura avait bien mérité de la patrie. Cependant, quelque pure de tout excès qu'eût été jusqu'alors la Révolution à Lons-le-Saulnier, une violente réaction s'y préparait contre elle : cette cité allait devenir un des principaux foyers de la ligue fédéraliste. En juin, les administrateurs du Jura, auxquels la Convention reprochait d'être trop feuillantisés, déclarent ne plus la reconnaître, dissolvent par la force la Société populaire, dont les principaux membres sont jetés en prison, décrètent l'achat de six mille fusils et de quatre-vingt mille boulets, et annoncent l'intention de marcher sur Paris pour briser le gouvernement central. Cette révolte, sans conséquences graves, ne tarda pas à être comprimée. Dès les premiers jours de septembre, les représentants du peuple Bassal et Bernard de Saintes firent pacifiquement leur entrée dans la ville ; ils destituèrent l’administration, dont les chefs furent arrêtés, et rétablirent la Société populaire (1793). Ainsi replacé sous l'autorité de la Convention, Lons-le-Saulnier prit le nom de Franciade, qu'il conserva jusqu'au neuf thermidor. Après la chute du parti jacobin, le club des Amis de la Constitution fut de nouveau dissous ; ses membres les plus influents se virent arrêtés et traînés de tribunaux en tribunaux : pendant qu’on les transférait d’une prison à une autre, ils périrent assassinés presque tous par les Compagnons de Jéhu et du Soleil (1794).

En 1815, les habitants de Lons-le-Saulnier furent spectateurs du premier acte d’un drame dont le dénouement devait être sanglant et lugubre. Chargé par Louis XVIII d’arrêter Napoléon dans sa marche rapide à travers les populations du midi, le maréchal Ney arriva à Lons-le-Saulnier, pour y prendre le commandement des troupes mises sous ses ordres, au moment où l’empereur entrait à Lyon. Le 13 mars au matin, c’est-à-dire la veille du jour où il signa, en quelque sorte de sa propre main, son arrêt de mort, il était résolu encore, sinon à amener au roi, dans une cage de fer, l’ambitieux usurpateur, du moins à rester fidèle à ses nouveaux engagements. Dans la nuit du 13 au 14, son âme, susceptible d’erreur, mais incapable de déloyauté et de trahison, fut en proie à une cruelle anxiété. Vers deux heures du matin, un émissaire de Bertrand lui apporta des dépêches de l’empereur. Ney les lut et n’hésita plus. Quelques heures plus tard, quatre régiments de ligne assemblés sur la place de Lons-le-Saulnier attendaient l’arrivée du maréchal qui devait les passer en revue. Comme à l’approche d’un événement qu’on ne fait que pressentir, l’inquiétude se peignait sur tous les visages. Ney s’avança au milieu des troupes, entouré d’un brillant état-major, dont faisaient partie les généraux Bourmont et Lecourbe, et lut sa fameuse proclamation qui commençait par ces mots : « La cause des Bourbons est à jamais perdue. » Tel fut l’enthousiasme qu’excita ce manifeste dans les rangs des soldats, qu’on s’aperçut à peine que le maréchal de camp de Grivel, inspecteur des gardes nationales du Jura, venait, en guise de protestation, de briser son épée. On connaît le reste de cette histoire : l’entrevue de l’empereur et du Brave des Braves, Waterloo, la Chambre des Pairs, et ces autres fossés de Vincennes creusés aussi par un génie ennemi de la gloire de la France.

Lons-le-Saulnier portait, coupé en chef et parti, à droite, de gueules à la bande d'or, et à gauche, d'or au cornet lié de gueules. Cette ville, régulièrement bâtie, ne possède aucun édifice remarquable, si l’on en excepte l’église de Saint-Désiré, à raison de sa crypte, fort ancienne. Quant à l’église des Cordeliers, qui renfermait les sépultures des seigneurs de la maison de Châlon, au-dessus desquelles l’un d’eux, Philibert, suspendit le grand étendard de Rome, divers incendies l’ont entièrement détruite. La population actuelle de la ville est de 9,000 habitants ; l'arrondissement en compte 109,231, et le département 316,884.

Lons-le-Saulnier a vu naître, entre autres personnages remarquables, le littérateur Roux de Rochelle, auquel on doit le poème des Trois âges ; Madame Franque, morte à vingt-deux ans en laissant un nom dans la poésie et dans la peinture ; Rouget de L’Isle, auteur de la Marseillaise, et l'illustre général Lecourbe. L'arrondissement revendique le célèbre théologien Guillaume de Saint-Amour, mort en 1271 ; Gui Baubet, évêque de Langres, chancelier de France sous Charles le Bel ; Philibert de la Baume, ambassadeur de Charles-Quint auprès de Henri VIII ; Mathieu Vaulchier, roi d'armes de Charles-Quint et traducteur de plusieurs ouvrages de l'antiquité ; Ferri-Guyon et Denis Delacroix, qui tous deux, l'un au XVIe et l'autre au XVIIe siècle, s’élevèrent d'une condition obscure, au grade de lieutenant général des armées d'Espagne ; Laurent François, auteur de la Géographie dite de Crozat ; l'orientaliste Jault, mort en 1757 ; l'abbé Régnault Outhier, physicien distingué ; frère Jacques Baulot ou Baulieu, habile lithotomiste ; le fameux comte de Saint-Germain, ministre de la guerre sous Louis XVI ; l'érudit Bourdon de Sigrais ; l'illustre anatomiste et médecin Bichat, à qui les Lédoniens ont récemment élevé une statue dans leur ville, et le comte de Lezay-Marnésia, connu comme administrateur et comme écrivain.

Une foule de lieux importants dans l'histoire de la Franche-Comté se groupent autour de Lons-le-Saulnier. Les principaux sont Orgelet, Andelot, Saint-Amour, Arlay et Baume-les-Messieurs. Orgelet était autrefois chef-lieu d'une terre fort riche dont dépendaient la Tour-du-Meix, où le cardinal de la Baume reçut le connétable de Bourbon, après sa fuite de France, et le château de Cressia, que Bussy-Rabutin a longtemps habité. À en juger par la physionomie celtique ou latine de la plupart des lieux avoisinant Orgelet, tels que Ceseria, Montjouvent, le Mont-Orgier avec ses deux plateaux des grandes et petites danses, etc., ce bourg doit remonter à une haute antiquité. Le château d'Andelot, dans le canton de Saint-Julien, est le berceau de l'illustre famille de Coligny. D’après une légende, dont la valeur historique nous paraît fort contestable, Saint-Amour doit sa fondation au roi de Bourgogne Gontran. Arlay est plus ancien et se trouve mentionné déjà, au commencement du VIe siècle, dans une charte de saint Sigismond, qui en fit donation au monastère d'Agaune. Orgelet et Saint-Amour, tous deux chefs-lieux de canton, renferment, l'un 2,631 habitants, l'autre 2,284 ; Arlay en a près de 1,800.

A Baume-les-Messieurs était un des principaux monastères de la province. On ne s'accorde ni sur la date de la fondation ni sur le nom du fondateur de cette maison célèbre, qui a compté parmi ses abbés saint Bernon, et le fameux Jean de Watteville, sorte de Bonneval et de Retz, mêlé de César Borgia, n'embrassant une profession que pour la quitter, et sortant de chaque profession par une issue sanglante, ambitieux de toutes les dignités, apostat de toutes les religions et traître à toutes ses patries. Un dicton populaire peint mieux le caractère de cet homme que toutes les phrases de Pélisson, qui nous en a laissé le portrait. « Les cendres de Watteville, disent les villageois des environs de Baume, ne se sont jamais refroidies et remuent une fois l'an.1 »

Bibliographie

  • Édouard Clerc.
  • Gollut, Mémoires.
  • Dunod, Histoire du comté de Bourgogne ; Histoire de l'église de Besançon
  • Gilbert Cousin, Brevis descript. Burgund. super.
  • Chevalier, Histoire de Poligng.
  • Girardot de Beauchemin.
  • Mémoires de Laubépin.
  • Aug. Nicolas, Conquête de la Franche-Comté en 1668.
  • Documents inédits sur l’histoire de Franche-Comté.
  • Recueils de l'Académie de Besançon.
  • Désiré Monnier, Jurassiens recommandables.
  • Annuaires du Jura.
  • Moniteur Universel.Édouard Clerc, Essai sur l'histoire de Franche-Comté
  • Duvernoy, Éphémérides de Montbéliard : Documents inédits sur l'histoire de Franche-Comté.
  • Recueils de l'académie de Besançon.
  • Revue Franc-Comtoise.
  • Annuaires de la Haute-Saône.

Lons le Saulnier au 19ème siécle

 

 

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