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Les villes à travers les documents anciens

 

Histoire détaillée de Draguignan dans le Var


Draguignan vers 1880 - gravure reproduite et restaurée par © Norbert Pousseur
Draguignan vers 1880
gravure extraite de La France illustrée - VA Malte-Brun - 1881
Collection personnelle

 

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Texte de MM. Aristide Guilbert et Henri Fienne, extrait de l'Histoire des villes de France d 'Aristide Guilbert - 1859
Collection personnelle

DRAGUIGNAN, histoire détaillée.
Au fond du bassin de Draguignan, sur le penchant de la montagne de Cygue, d’où l’on découvre toute la vallée qu’arrose la Nartubie avant de se réunir à la rivière d’Argens, existait, antérieurement à l’ère chrétienne, une ville nommée Antea ou Anteis, capitale des Suelteri, voisins des peuples Celto-Lygiens, qui occupaient le territoire enclavé entre la source de l’Ar et l’embouchure du Var. La position admirable de cette ville, abritée contre les vents du nord par un immense rocher, fixa l’attention des Romains, dès la première entrée de leurs légions dans la Celto-Lygie. Quelques-uns d’entre eux s’y établirent avec leurs familles, et bientôt au milieu des huttes des indigènes on vit s’élever des habitations en rapport avec le rang et la fortune des nouveaux colons. La haine que les Suelteri et leurs alliés conservaient contre les oppresseurs de leur indépendance, leurs efforts pour reconquérir la liberté qu’ils avaient perdue, attirèrent dans le pays une nouvelle invasion des Romains. Défaits non sans résistance dans plusieurs combats, ceux des indigènes qui survécurent, cachés avec leurs femmes et leurs enfants au fond des épaisses forêts de Dalbos et du Malmont (mauvais bois, mauvais mont), purent apercevoir, de ces sombres retraites, l’ennemi dévaster la campagne et détruire jusqu’aux fondements, par la flamme et le fer, la ville d'Anlea, dont le nom se retrouve encore dans celui de l’Antier, hameau bâti sur ses ruines à cinq kilomètres de Draguignan, au-dessous même du rocher, qu’on nomme en provençal Castéou-dé-Liégé (Castellum Legis), et d’où le chef des Suelteri dictait ses lois. Réfugié sur une hauteur du Malmont, le peuple vaincu y construisit une nouvelle ville à laquelle il donna le nom de Guignan dont on fit en latin Griminum ou Guinium.

La lumière de l’Évangile fut apportée aux Suelteri, vers le milieu du Ve siècle, par Hermentaire, premier évêque d’Antibes. Le saint prélat joignait à l'onction de la parole une force de corps extraordinaire ; il alla seul, armé d’une lance et d’une épée, combattre un énorme serpent qui répandait la désolation dans tout le pays, et que la peur représentait comme un animal ailé, moitié quadrupède, moitié reptile, vomi par les divinités de l’Enfer. Hermentaire tua le monstre : cette mort parut un prodige et lui valut la confiance du peuple, qui renversa aussitôt les images de ses idoles, pour leur substituer le signe révéré des chrétiens.
Descendant alors des hauteurs du Malmont, les habitants de Griminum construisirent au pied de la montagne, près d’un sol marécageux qu’ils desséchèrent, une ville à laquelle ils donnèrent le nom de Dracoguignan ou Draconiam, en mémoire de la demeure qu’ils quittaient et de l’événement qui avait précédé son abandon. Tel est, suivant la tradition adoptée par les anciens auteurs, l’origine de Draguignan, dont le nom, latinisé dans les vieux titres, est écrit, tantôt Dracenum, tantôt Draguinianum. La ville naissante fut entourée de fortes murailles, flanquées plus tard de tourelles, protégées elles-mêmes par des fossés larges et profonds. La défense fut complétée par une haute et vaste tour bâtie sur un roc escarpé. La place put ainsi résister aux Sarrasins, lorsqu'ils détruisirent, au IXe siècle, tout ce qui restait encore debout du vieux Griminum. Du reste, sous la domination des comtes de Provence, de la première et de la seconde race, Draguignan acquit assez d’importance pour devenir le siège d’une cour d’appeaux, dont la juridiction s’étendit sur les vigueries de Castellane, Grasse, Lorgnes, Aups, Brignolles, Hyères et Toulon.

En 1362, la Provence étant désolée par les bandes indisciplinées du comte de Transtamare, les Etats assemblés à Draguignan négocièrent et obtinrent leur retraite moyennant dix mille florins, dix mille setters de blé et deux mille brebis. Les Draguignanais se prononcèrent, plus tard, contre Charles de Duras, pour le comte-roi Louis II, de la seconde branche d’Anjou, dont la mère et tutrice, Marie de Blois, leur accorda en récompense l’exemption de tous les droits de péage dans les comtés de Provence et de Forcalquier (mars 1391).

Vers la fin du siècle suivant, peu d’années après la réunion de la Provence à la couronne (1492), le ban et l’arrière-ban de la noblesse furent convoqués à Draguignan, afin d’avoir raison, au nom du roi, du seigneur de Sérénon, Loys de Villenesve, qui, enfermé dans son château-fort de Trans, avec une bande de gens armés, tâchait de s’ériger en baron indépendant. Les Draguignanais accueillirent ces gentilshommes comme des frères et signalèrent leur bravoure en marchant avec eux. La ville avait acquis, à cette époque, un degré remarquable de prospérité qui ne put être ébranlée, au XVIe siècle, par les deux invasions successives de Charles-Quint (1524-1536).
Un des six tribunaux subalternes ressortissant à la sénéchaussée d’Aix y fut établi par François Ier (1535). Bientôt les guerres de religion troublèrent sa tranquillité, comme celle de toutes les autres cités de la province. En 1559, Antoine et Paul de Richieu, seigneurs de Mauvans, anciens capitaines des vieilles troupes de François Ier, s’étant déclarés énergiquement pour la réforme, Antoine se rendit seul un jour à Draguignan, dans le but d’avoir une conférence avec les catholiques. Le peuple le reconnut, se jeta sur lui et le mit en pièces, malgré l’intervention des magistrats. Le fanatisme religieux avait tellement exaspéré les esprits, que la foule enivrée de ce meurtre, se livra aux plus sauvages emportements : elle traîna par les rues et jeta dans un cloaque les entrailles de la victime ; le cœur et le foie, après avoir été promenés en triomphe au bout d’une pique, furent donnés aux chiens ; mais ces animaux ayant repoussé cette affreuse pâture, le peuple, en fureur, les battit et les qualifia de luthériens.

Dès l’origine de la Ligue, protestants et ligueurs firent différentes tentatives pour soustraire la ville de Draguignan à l’obéissance du roi. Les magistrats se hâtèrent de cacher dans l’île Saint-Honorat les reliques de saint Hermentaire. Le baron d’Allemagne, élu général des églises protestantes, dirigea contre Draguignan un coup de main qui ne réussit point, malgré les intelligences qu’il s’y était ménagées parmi les Rezats. Peu de temps après, ce fut le tour des ligueurs ; mais les habitants, commandés par le seigneur de Saint-Martin, lieutenant du grand prieur Henri d’Angoulême, repoussèrent leurs assauts, les poursuivirent l’épée dans les reins, et achevèrent leur défaite en détruisant, auprès des villages du Muy et de Châteaudouble, les retranchements derrière lesquels ils s'étaient réfugiés (1585).
Les Ligueurs, après la mort de Henri III, ayant levé hardiment la tête en Provence, où l'hérésie du nouveau roi était en grande défaveur dans les rangs mêmes des Royalistes, le gouverneur La Valette alla se poster à Draguignan, afin d’attendre un renfort qui lui arrivait du Languedoc, et de protéger les villes voisines contre un coup de main, en interceptant toute communication entre les troupes de la Ligue et celles du duc de Savoie ; mais il échoua dans ce projet (1589). Trois années plus tard, La Vallette périt au siège du château de Roquelaure, dans la viguerie de Draguignan, qu'il avait attaqué afin de pouvoir s'emparer de Nice (1592). Son frère, le duc d'Épernon, allié en 1595 à une partie des Ligueurs de la Provence, par dépit contre Henri IV, dont le commissaire Lafin l'avait suspendu de ses fonctions de gouverneur, surprit le village de Calas, dans la même viguerie, et y fit mettre le feu par ses Gascons.

Sous la régence d’Anne d'Autriche, à l’époque de la guerre du Semestre, les parlementaires préservèrent Draguignan menacé par les troupes du parti opposé (1649). Bientôt éclata en Provence la querelle des Sabreurs et des Canivets, dont cette ville fut en quelque sorte le berceau. Le sang coulait presque toujours dans leurs rencontres. Les Sabreurs se saisirent de la grosse tour, qu'ils fortifièrent ; la cour, informée, envoya un régiment pour apaiser les désordres ; les Sabreurs évacuèrent leur position, et le parlement ordonna qu'on démolît la tour, arrêt qui reçut son exécution en 1660. Depuis l'abjuration de Henri IV, cependant, la municipalité draguignanaise avait profité de l'ère de paix intérieure inaugurée par le nouveau règne, pour rétablir les finances de la ville et pourvoir à la sécurité de ceux d'entre ses habitants que le défaut d'emplacement dans l'enceinte des murs avait contraints de construire des maisons au dehors. En 1615, on entoura la ville et les faubourgs d'un solide rempart, muni de distance en distance de tours à créneaux, et défendu par des bastions avancés et un large fossé. À l'issue des troubles de la Fronde, le siège de sénéchaussée, que la cour avait transféré de Draguignan à Lorgues, fut rendu à la première de ces deux villes. Louis XIII, en 1639, y avait créé un présidial malgré l'opposition du parlement. Louis XIV confirma les privilèges de Draguignan et y ajouta l'institution d'un tribunal de commerce, en assurant les manufactures du pays de toute sa protection. Lors de l'invasion du duc de Savoie, en 1707, les habitants ne s'aperçurent de l'entrée et de la sortie de ses troupes que par la fourniture de vivres qu'ils durent faire à l'armée française, campée dans la plaine pour empêcher le duc de s'écarter de l’itinéraire qui lui avait été tracé, dans sa retraite, après la honteuse levée du siège de Toulon.

Draguignan, dont la viguerie, au moyen âge, avait représenté dans la basse Provence l'antique cité de Fréjus, dépendait, sous l'ancienne monarchie, du diocèse de cette ville ; c'était le chef-lieu d'une viguerie, d’une recette, et le siège d'un lieutenant de sénéchal. On n'y comptait pas moins de dix communautés religieuses : sept couvents d'hommes, et trois de filles. Son église paroissiale de Notre-Dame et Saint-Michel-Archange avait le rang de collégiale. Le roi, comme comte de Provence, était le seul seigneur temporel de la ville qui jouissait du droit de députation aux États. L'Assemblée constituante érigea Draguignan en chef-lieu de district ; l’administration départementale y était installée, depuis la catastrophe de Toulon, quand fut promulguée la loi du 29 pluviôse an VIII. Draguignan devint alors le chef-lieu du département du Var. Sa population était déjà bien déchue de ce qu’elle était au XVe et même au XVIIe siècle : on trouve, en effet, dans un titre écrit en latin, du 26 novembre 1428, que la peste chassa de ses murs, cette année-là même, neuf mille habitants ; et en 1666, un arrêt du conseil d’État en matière d’élection cassa le règlement plus favorable de 1641, « attendu qu’en appelant à y prendre part tous les chefs de famille dans une ville de plus de douze mille âmes, cela donne trop souvent occasion à des émeutes. »

La population actuelle de Draguignan n’atteint pas 10,000 âmes ; l’arrondissement en renferme près de 85,000 ; et le département un peu plus de 328,000. Le chef-lieu du Var est le siège d’une cour d’assises, d’un tribunal de première instance et d’un tribunal de commerce ; il y a, en outre, dans ses murs, une chambre consultative des manufactures, une société d’agriculture et de commerce, un collège communal, une bibliothèque publique assez riche, avec cabinet des médailles et d’histoire naturelle, et un hospice civil où sont aussi reçus les militaires. Les habitants exploitent des fabriques de savon, de grosse draperie, de bas et de poterie commune, des filatures, de hauts moulinages pour la soie, des distilleries d’eau-de-vie, des teintureries et des tanneries. Leur commerce roule principalement sur les huiles d’olive.

Draguignan s’est singulièrement agrandi par la démolition journalière de ses vieilles fortifications qui tombaient depuis longtemps en ruines. Quelques-unes de ses rues sont assez jolies. On peut citer comme des monuments le palais de justice, la prison-modèle, l’hôtel de la préfecture, et surtout l’église, d’architecture ogivale, dans laquelle on admire un tableau de Vanloo, ainsi que la tour d’horloge quadrangulaire, à trois étages, bâtie sur le rocher qui servait de base à la tour détruite en 1660. On peut voir encore, au centre de la ville, une sombre et lourde porte de l’enceinte antérieure à 1615. La belle promenade d’Azémar et le délicieux jardin anglais, ou jardin des plantes, situé au-dessus de la ville, et dû aux soins du préfet, M. Armand Chevalier, méritent également une mention. Du reste, le bassin de Draguignan, que M. Chaptal nomme un grand jardin anglais, excite généralement l’enthousiasme des étrangers, attirés de tous côtés par le spectacle de montagnes que nulle saison ne dépouille de leur verdure, et que fécondent les eaux de la Nartubie, dont un canal de dérivation, bienfait de la reine Jeanne, à ce que l’on prétend, entretient la fraîcheur et la propreté dans les rues de la ville, concurremment avec les nombreuses fontaines qui l’alimentent.
Draguignan a donné le jour au comte Muraire, premier président de la cour de cassation sous l’Empire.

Bibliographie : Bouche, Histoire de Provence. — Rouchon, Résumé de l'Histoire de Provence. — Dictionnaire de Hesseln. — Statistique du Var, par MM. Fauchet et Noyon. — Notes particulières de l’auteur.

 

 

 

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