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Texte et gravure Au fond de la vieille Bretagne, la noble terre poétique, dans ce pêle-mêle pittoresque de rivières, d’étangs, de marais, de landes et de bruyères incultes, s’élève un formidable et poétique rocher, sur lequel, dans les temps barbares du onzième siècle, se réfugièrent plus d’une fois, les sauvages habitants de ces contrées, comme dans une forteresse inaccessible. Quand venaient les pirates de la pleine mer chercher du butin et des femmes, aussitôt le rocher sauveur se couvrait de tous les hommes de ces contrées, et là ils attendaient l’ennemi de pied ferme et sans terreur, car même aujourd'hui la position de Saint-Malo est d’un accès difficile. Saint-Malo, c’est le nom de l’évêque charitable et guerrier qui le premier songea à se défendre contre les pirates. Ce rocher, qui domine la mer et qu’on prendrait de loin pour une contrefaçon de Gibraltar, ne tient à la terre ferme que par une chaussée ; des récifs sans nombre en défendent l’approche du côté de la mer. Une espèce de port, mais un port plein de dangers, s’avance aux pieds de cette masse redoutable; ce port a été creusé au fond d’un golfe étroit; et là se brise impétueusement cette mer indomptée de la Bretagne. Une fois que le regard s’est arrêté sur cet écueil, il se reporte lentement sur la ville à laquelle le vaste rocher sert de base. La ville s’élève en amphithéâtre, et elle est encore dominée par les ruines du château de la duchesse Anne de Bretagne. Le château est devenu citadelle. Du haut de ces remparts où se promène le voyageur, vous découvrez cet admirable paysage. Cette pittoresque cité est habitée par une population active, intelligente, laborieuse ; sa marine marchande se retrouve sur tous les points du globe. Elle fournit à elle seule plus du tiers des navires employés à la pêche de la morue; rien ne vaut, pour animer, agrandir et compléter le paysage, cette activité de tous les jours.
Mais, comme pour faire oublier l’abbé Trublet, et même le médecin Lamétrie, Saint-Malo se rappelle avec orgueil l’enfance et la jeunesse de M. de Chateaubriand. Cette petite ville occupe en effet une grande place dans les souvenirs de l’illustre poète. Il la décrite, et à plusieurs reprises, comme le premier théâtre de ses jeux, de ses rêves, de ses inspirations poétiques. Le château de Combourg, où il est venu au monde, cet homme inspiré, n’est pas loin de Saint-Malo ; c’est la même terre, c’est la même poésie, c’est la même mélancolie tendre et rêveuse dont s’est empreint l’auteur d'Atala et des Martyrs. Dans cette mer bruyante, à l’abri de ce rocher immobile, notre jeune homme venait rêver, mollement bercé entre l’eau et le ciel. Sur le sable de ce rivage, il avait à peine dix-sept ans, quand il apprenait l’exercice aux paysans nouvellement enrôlés ; enfin, quand il fallut quitter la France, ce fut encore à Saint-Malo qu’il s’embarqua pour cette Amérique lointaine où l’attendaient René, Atala, les Natchez, tous ses rêves poétiques : de ce rivage il s’écria comme Biron : Adieu donc, ma patrie !
Ainsi il pensait, en quittant les rives de la Bretagne, au rocher de Saint-Malo que son regard découvrait encore en pleine mer ; et quand il fut de retour, quand, parti pour un voyage en Amérique, revenu pour être soldat en Europe, son génie arracha à sa main le bâton et l’épée pour y mettre la plume, c’est encore cette Bretagne bien-aimée qu’il salue du regard et du cœur ; et il lui promettait sa tombe comme un phare qui s’élèvera encore plus haut dans le ciel que le rocher de Saint-Malo. Voir aussi, sur ce site la listes des pages consacrées à la Bretagne
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