Texte et gravure
extraits de l'ouvrage "La Bretagne de Jérôme Jean Potel - édition 1844
En 1008, Guchenoc, Vicomte de Porhoët, fonda le château de Josselin que les Anglais détruisirent et rasèrent en 1167. Rebâti au commencement du XIVe siècle, Marguerite de Rohan l’apporta en dot à Olivier de Clisson, qui l’augmenta et y ajouta un donjon qui passait pour imprenable. Après les guerres de la Ligue et la soumission de Mayenne, Henri IV ordonna la démolition des fortifications des principales places de la Bretagne, et ce qui reste aujourd’hui du château de Josselin fut seul conservé.
Nous empruntons à M. de Fréminville ce qu’il rapporte de ce lieu célèbre, dans ses Antiquités du Morbihan :
« Le principal corps de logis du château est bien entier, et l'on admire sa façade du côté de la grande cour. Toute la délicatesse, toute la richesse d’ornements dont est susceptible l'architecture golhique-arabe y sont déployés avec magnificence : cet édifice offre un bel ensemble et montre dans ses détails un exemple étonnant de la richesse et de la variété des ornements ; les balustrades des croisées, formées par de grandes lettres découpées à jour, composent sous mille formes la devise de la maison de Rohan : A plus, à plus.
Le côté extérieur de ce corps de logis, où l'on montre encore la chambre où mourut Clisson à l'âge de 73 ans, donne sur la rivière d’Oust. Il est flanqué de tours, et ses murs sont surmontés d’une galerie saillante à créneaux et mâchicoulis. »
Dans une des salles du rez-de-chaussée, on remarque la grande cheminée dont le manteau, richement sculpté, reproduit encore cette devise : on en doit un charmant dessin à M. le capitaine d’état-major Pinel.
Nous avons dit, dans la précédente notice, que le Connétable avait été inhumé dans l’église de Notre-Dame-du-Roncier. Voici l'épitaphe de son mausolée telle que l’a vue M. de Fréminville :
« Chi gist noble et puissant Seigneur Monseigneur Olivier de Clisson, jadis Connestable de France, Seigneur de Clisson, de Porhouet, de Belleville et de la Garnache, qui trespassa en Apvril, le jour Saint-Jorge, l'an MCCCC et VII. Priez Dieu pour son âme. Amen.»
M. Guépin, dans son Histoire de Nantes, que nous avons publiée, donne ainsi la description du tombeau de Clisson :
« Il était formé, suivant l’usage d'alors, d’un massif de maçonnerie d'environ 1m. 66c. de haut, long de 3m. et large de 1m. 43c., revêtu de marbre sur toutes ses surfaces. L'entablement se composait d'une seule pièce de marbre, sur laquelle le Connétable et son épouse étaient couchés de leur long; à leurs pieds se trouvaient un lion et un lévrier. Au-dessous de leurs têtes, que soutenaient des oreillers brodés, l'on remarquait deux dais sculptés à jour, œuvre élégante et fragile, aussi remarquable par ses ornements délicats fouillés avec un soin tout particulier, que par les difficultés qu'il avait fallu vaincre pour l’obtenir; deux colonnes sculptées dans le méme sentiment descendaient sur l'entablement jusqu’au-dessous des pieds où elles étaient réunies par une traverse ornée de croix. L'entablement était soutenu par neuf colonnes gothiques formant huit niches, destinées à recevoir huit statues, qui n’existaient pas au XVIIe siècle, et qui n’ont peut-être jamais été faites. Chacune de ces colonnes gothiques se composait de deux pilastres, renfermant chacun deux niches étroites et longues, l'une supérieure, l’autre inférieure ; chaque pilastre donnait naissance à l'une des branches de l'ogive qui était pointue, surbaissée et terminée par un gros bouquet de feuilles, d’où sortait un second bouquet plus mince et plus élevé. De simples niches, ornée de bouquets et de feuilles, servaient à réunir les ogives les unes aux autres, et formaient une dentelle moins large que celle du tombeau de Jean V, mais plus riche et d'un meilleur goût ; on eût dit une véritable draperie de marbre suspendue, ainsi que les colonnes, à l’entablement, que tous nos ornements supportent si péniblement dans les monuments modernes.»
Le Connétable avait la tête nue, ses gantelets n’avaient pas les doigts divisés, sa cuirasse était recouverte d’une cotte d’armes, ses brassards, ses cuissards et ses grèves avaient peu d’articulations. La tête de cette statue qui existe encore, a, quoique mutilée, tous les caractères de la race bretonne : elle est large, les pommettes sont très-saillantes, le nez est droit, le menton proémine, ce qui est si fréquent chez les peuples guerriers ; tout porte à penser que c’était un portrait exact. La gravure de D. Morice ne donne aucune idée de l’énergie et du caractère de la figure de Clisson, telle qu’on la devine, en étudiant la tête que nous avons vue à Rennes, dans l’atelier de M. Barré, sculpteur.
La statue de Marguerite de Rohan, qui était couchée sur le monument, à côté de celle de Clisson, a les plus grands rapports avec toutes les statues et les dessins que nous possédons des femmes du XIVe siècle. Ses cheveux tressés étaient retenus sur les côtés par un réseau orné de perles ; sa robe longue, comme celles des statues du tombeau de François II à Nantes, était recouverte d’un surcot d’hermines.
Marguerite et Marie de Bretagne étaient représentées dans le vitrail des Cordeliers, à Nantes, avec un costume semblable, à cela près qu’elles avaient des robes armoriées.
Des fouilles faites par ordre de M. de Chazelles, dans l’emplacement qu’occupait, dans le principe, le mausolée de Clisson, ont fait découvrir quelques ossements et des débris d’étoffe de soie verte, mêlée de broderies d’or, provenant des vêtements de Marguerite de Rohan.
Mais ce tombeau avait déjà été fouillé en 1793, et l’on y avait trouvé toutes les pièces de l’armure du Connétable, qui avait voulu être enterré revêtu de toutes ses armes. Ces intéressants objets d’antiquité ont été dispersés et perdus.
De nombreux travaux s’exécutent au château de Josselin, et M. le duc de Rohan, guidé par son goût éclairé pour les arts et par de grands souvenirs de famille, consacre chaque année une partie de ses revenus à la restauration, sur les anciens plans, de cette belle demeure, l’un des ornements de notre Bretagne.
C’est entre Josselin et Ploërmel, dans la lande de Mi-voie, qu’eut lieu, le 27 mars 1351, la célèbre rencontre connue sous le nom de Combat des Trente, entre trente Bretons, commandés par Robert de Beaumanoir, et autant d’Anglais, sous la conduite de Bembro. L’espace nous manque pour parler de ce beau fait d’armes, où Beaumanoir fut vainqueur, et à la mémoire duquel un obélisque est consacré sur le lieu même du combat.
En complément, lire, du même ouvrage, l'article Josselin et son église
Pour voir les détails du château de Josselin et de son triste jardin,
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