Texte extrait de la France pittoresque d'Abel Hugo - 1835
Besançon, sur le Doubs, chef-lieu de département, à 99 lieues Sud-Est de Paris. Population 29,167 habitants.
Cette cité célèbre de l'ancienne Gaule, fut fondée 400 ans avant l'ère chrétienne, et acquit bientôt une grande importance. 56 ans avant J.-C, César y entra, non en conquérant, mais appelé par les chefs de la cité, pour repousser les barbares qui menaçaient la Séquanie d'un envahissement total. — Vesuntio, ainsi se nommait alors Besançon, était déjà la métropole de la province Séquanaise.
César en fit sa place d’armes. — Depuis son origine, cette ville est restée la capitale de la contrée dont elle fait partie. — Son époque de plus grande splendeur fut sous Aurélien. — Sous le règne de Julien, la ville fut saccagée par les Germains. — Les hordes d'Attila lui furent plus fatales encore ; ce dernier désastre renversa presque tous ses édifices romains. — Les Bourguignons, qui s’en emparèrent ensuite, la reconstruisirent. — L'histoire a consigné plusieurs époques glorieuses pour Besançon. — En 406, sa résistance contre les Vandales ; en 413, contre les Germains ; en 451, contre les Huns ; en 1288, contre les Allemands ; en 1385, contre les Bourguignons ; en 1362 et 1364, contre les Anglais ; en 1375, contre l’armée protestante, etc., etc. En 1814, Besançon résista aux troupes alliées qui l'assiégèrent vainement. Longtemps ville libre et impériale, Besançon tomba au pouvoir de l'Espagne, mais continua de se gouverner en république. — Louis XIV s'étant emparé de la Franche-Comté en 1674, abolit cette forme de gouvernement.
Besançon sur les bords du Doubs, vers 1835
Gravure de Rauch, extraite du 'Guide pittoresque du voyageur en France' - 1838
Collection personnelle
Les fortifications de Besançon étaient déjà considérables, elles furent alors augmentées, et l'ont été encore depuis. La situation de cette ville est forte autant que pittoresque. Le cours sinueux du Doubs enclot une presqu'île, qui présente la forme d'une fiole ; la ville couvre cet espace et s’étend au-delà de la courbe de la rivière ; cette dernière partie est le faubourg d’Arène, couvert par de gros bastions, et s’élevant sur une pente douce ; la ville proprement dite est en plaine. Le col de la presqu’ile est un roc élevé de 130 mètres au-dessus de la rivière qui baigne ses escarpements latéraux : très rapide du côté de la ville, il est séparé de la colline contiguë par un profond ravin ; ce roc porte la citadelle.
Sa position rend cette forteresse inabordable à l’ennemi : l’art a néanmoins puissamment contribué à sa défense ; elle est ceinte de murs énormes et de tranchées excavées dans le roc ; on n’y entre que par des ponts-levis ; elle renferme plusieurs cours, divers bâtiments, et des voûtes profondes qui servent de cachots. L’aspect en est plein de sévérité : il inspire une sorte de terreur.
Les travaux qu'on y fit sous Louis XIY furent si dispendieux, que ce roi demandait si les murs de la citadelle de Besançon étaient d’or. Elle est dominée par des hauteurs, mais celles-ci sont également fortifiées ; les deux plus voisines portent deux forts capables d’une longue résistance ; l’un de ces forts est considérable : il est à peine terminé et achève de rendre Besançon inexpugnable. L’enceinte bastionnée qui entoure la ville est forte ; elle est bordée par la rivière et par de profonds fossés.
Besançon; vue de la ville entourée par le Doubs, vers 1880
Gravure extraite de La France illustrée en 2 volumes de V.A. Malte-Brun - 1881
Collection personnelle
Besançon est très peuplée pour son étendue, elle offre peu de rues larges, peu de places spacieuses ; c’est moins une ville de luxe qu’une place-forte. Elle est néanmoins bien bâtie et généralement bien percée ; mais la plupart de ses rues sont tristes, et ses constructions ont une sévérité, une uniformité de style qui leur donne une grande monotonie. La ville et le quartier d’Arènes communiquent ensemble par un pont de fondation romaine, mais dont la construction primitive a été fort altérée ; il est haut, étroit, fort laid et bâti de pierres grossières. Le quartier d'Arènes est très populeux et presque entièrement habité par des vignerons.
L’église Cathédrale, dédiée à Saint-Jean, est un grand vaisseau de fondation fort ancienne, reconstruit dans le XIe siècle, par l’archevêque Hugues Ier, et de style qui participe du gothique et du sarrasin. à chaque extrémité de la nef, est un beau chœur et de riches autels. En face du siège de l’archevêque, on voit le buste en marbre blanc de Pie VI ; une belle Résurrection de Charle Vanloo se fait remarquer dans la chapelle du Saint-Suaire, parmi d’autres bons tableaux. Une chapelle voisine offre un saint Sébastien, l’un des chefs-d’œuvre de fra Bartolomeo. La Mort d’Ananie et de Saphire, par il Piombino, orne une autre chapelle ; ces chapelles sont petites, sur un seul côté de la nef, mais fort jolies et toutes de styles différents : deux beaux anges en marbre blanc décorent le maître-autel, construit en marbres italiens rares, et que couvre un superbe baldaquin. L’église a trois nefs,divisées par des colonnes ovales, bizarres mais élégantes ; les vitraux sont peints ; les fenêtres, fort petites, ne laissent pénétrer dans l’église qu’un jour mystérieux, qui ajoute à la majesté de l’édifice.
La ville possède trois autres églises remarquables.
L’hôpital Saint-Jacques est un superbe établissement bons, sous tous les apports, Besançon peut se glorifier. Un serrurier de Besançon en a ciselé la grille d'entrée, qui est très belle. Cet hôpital est vaste, propre, sain et bien administré ; il contient 500 lits, distribués dans des salles qu'orne une multitude de vases remplis de fleurs. Un jardin d’un côté, de l’autre, un parc et un potager entourent l’hôpital.
Un Hôtel de la Préfecture occupe le bâtiment de l’ancienne intendance, édifice remarquable par ses grandes dimensions, comme par la noblesse de son style.
— Collège royal, élevé par la ville, en 1697, est un bel édifice bien approprié à son usage ; il peut recevoir 200 élèves. — Le Palais de justice, où siégeait jadis le parlement, offre une façade remarquable par son architecture.
— L’ancien Hôtel Granvelle fut construit dans le XIVe siècle, par le cardinal de ce nom : c'est un édifice spacieux et imposant, dont la façade à trois ordres d'architecture ; il est contigu à un préau semblable à ceux des cloîtres.
— Le Théâtre est un bâtiment isolé et de belle apparence, son frontispice est formé de six colonnes doriques ; l’intérieur de la salle est spacieux, bien décoré, d’une forme circulaire, mais la construction en est vicieuse, et les règles de l’acoustique y sont mal observées.
— L’Arsenal est considérable et digne d’attention.
— L’Hôtel-de-Ville, est un ancien et grand édifice, mais noir, sale et fort laid ; sa façade forme, sans la décorer, un des côtés de la place Saint-Pierre, ainsi nommée à cause d'une église qu’il fait face à l’hôtel-de-ville. Cette place est carrée, propre et jolie, mais petite.
— La grande Caserne se compose de plusieurs corps de bâtiments fort propres, formant les trois côtés d'une vaste cour.
— La Bibliothèque publique renferme 50,000 volumes et nombre de manuscrits précieux. Le bâtiment est moderne et de bon style. Il contient aussi le Musée-Pâris, ainsi appelé, du nom d’un architecte qui en a fait présent à sa ville natale. Ce musée se compose d’objets antiques, de tableaux, de livres et d’objets rares.
— Le Musée d’Histoire naturelle est encore peu nombreux ; mais il s’accroît rapidement.
— Le Musée d’antiquités offre une grande quantité d'objets romains et du moyen âge, dont la plupart proviennent de fouilles qui ont été faites dans la ville, à différentes époques.
La maison de de naissance de Victor Hugo à Besançon
Gravure extraite de La France illustrée en 2 volumes de V.A. Malte-Brun - 1881
Collection personnelle
De tant de monuments romains qui ornèrent l’antique Vesuntio, il existe plus qu’un, appelé Porte-Noire, et est situé au pied de la cathédrale à laquelle il sert comme de portique. Ce fut un arc-de-triomphe de grandes dimensions et de beau style ; ou ignore à qui il était dédié : on croit cependant que ce fut à un des bienfaiteurs de la ville, Aurélien, ou Crispus, fils de Constantin, qui affectionna Besançon, y passa une partie de sa jeunesse et n’en partit que pour triompher des Germains. Après la mort de ce héros, victime de la passion dédaignée d’une belle-mère, Besançon prit son nom, et se nomma pendant quelque temps Crispopolis. L’arc-de-triomphe, bien qu’enclavé et très ruiné, conserve encore un air de majesté digne du peuple-roi.
— La promenade Chamars, le Champ-de-Mars romain, était fort agréable ; mais elle a été détruite en partie, depuis quelques années, pour faire place à de nouvelles fortifications.
Besançon manque de promenades intérieures, mais ses environs sont beaux et pittoresques ; les campagnes sont riantes et fécondes. La vallée du Doubs offre des points de vue enchanteurs.
Ouvriers armuriers à leur établi, à Besançon
Gravure extraite de La France illustrée en 2 volumes de V.A. Malte-Brun - 1860
Collection personnelle
La Porte noire, ou Arc de triomphe
La porte, Arc de Triomphe, à Besançon, vers 1855
Gravure de Rouargues frères, extraite du 'L'l'Histoire des villes de France' d'Aristide Guilbert - 1859
Représentation ici après sa restauration du 19ème
Collection personnelle
Texte extrait du Magasin pittoresque - 1849
LA PORTE NOIRE A BESANçON
Ce monument qui, avant d’avoir été noirci par le temps, était connu sous le nom de porte de Mars, est un arc de triomphe romain d’un style dégénéré. Sous quel empereur a-t-il été élevé ? Les savants ne sont point d’accord sur cette question : ils se sont partagés entre Aurélien, Julien, Virginius Rufus, Crispus et Marc-Aurèle. Au moyen-âge, il avait été rétréci par des constructions dans lesquelles on avait incrusté les figures des quatre évangélistes : sa partie supérieure était surmontée d’un bâtiment qui servait de grenier à blé aux chanoines de Saint-Jean, et de logement aux élèves du chapitre. C’est seulement en 1820 que l’on a débarrassé le monument antique de ces masures. A cette occasion la partie gauche en a été restaurée. Voici une description de l’are empruntée aux Recherches archéologiques sur ses monuments de Besançon, par M. Delacroix, et à la description historique de ces mêmes monuments, par M. Alexandre Guénard.
L'arc de triomphe - porte noire à Besançon
Gravure extraite de La France illustrée en 2 volumes de V.A. Malte-Brun - 1860
La vue ci-dessous est presque la même, mais l'enseigne sur la gauche est différente
Collection personnelle
L’arc de triomphe se compose d’une seule arcade de 5 m60 de longueur, haute d’environ 10 mètres, et ouverte du sud-est au nord-ouest. Les flancs sont engagés, l’’un dans une partie peu importante du palais archiépiscopal, l’autre dans une maison particulière.
Le soubassement est à moitié enseveli par suite des exhaussements du sol.
Chaque façade est ornée de huit colonnes formant deux étages. Chaque colonne est entièrement couverte, les unes de rinceaux, les autres de figures représentant des jeux et des fêtes.
L’archivolte n'est qu'un long enroulement de dieux marins. Cette partie, fort bien traitée, semble appartenir au même ciseau que les sculptures de la colonne Trajane.
Les Renommées portent d’une main des palmes, de l’autre des guirlandes suspendues à la console de l’arc, Ces figures sont élégantes. Leurs extrémités ont beaucoup de finesse.
Entre les deux colonnes de l'étage inférieur sont des images de dieux groupés avec une rare magnificence.
Une partie, récemment découverte et moins endommagée que les autres, présente un piédestal dont le dé est orné d’un bas-relief où l’on voit une Ville assise. Sur le piédestal est une Hébé avec un aigle. Les draperies de la déesse, soulevées par le vent, se développent au-dessus de sa tête, de manière à cacher et en même temps à décorer la partie inférieure d’une espèce de corne d’abondance placée debout, et qui sert de console pour porter un dieu d’un ordre plus important, peut-être un Jupiter, Cette dernière figure est encore noyée dans la maçonnerie de la maison voisine ; mais l’explication est donnée par le groupe du revers de la même pile. Celui-ci est entièrement découvert, mais il est usé. Le piédestal a été brisé. La déesse qui fait pendant à l’Hébé est entièrement drapée ; les attributs sont effacés. La console placée au-dessus de la tête porte un dieu dans une attitude pleine de mouvement, et couvert d’une large coquille disposée comme un dessus de niche.
Les groupes de l’autre pile sont ou détruits ou encore noyés dans la maçonnerie du palais archiépiscopal.
Entre les colonnes de l’étage supérieur on voit, au-dessus de chacun des groupes de dieux, un Hercule colossal appuyé d’une main sur une lance, tandis que l’autre main, posée sur la hanche, tient une massue et une étoffe froissée.
La porte noire de Besançon vers 1825, par Goblain
extraite du 'Nouveau voyage pittoresque de la France' - Ostervald 1827
L'Arc de triophe porte ici encore son bastion d'origine
Collection personnelle
Les six bas-reliefs placés sous l’arcade représentent :
à gauche, en regardant la ville :
Bas-relief supérieur. Un soldat bat en retraite en se défendant vigoureusement ; il porte un casque romain et un bouclier dont la forme est un hexagone allonge. Les jambes sont nues, Celles du groupe ennemi, dont tout le reste est effacé, sont vêtues de pantalons. Aux pieds du soldat, qui paraît être un légionnaire, est un blessé vêtu comme les peuples barbares da nord de l’Europe.
Bas-relief du milieu. Sous la porte d’une ville un soldat armé d’une lance se retourne comme pour défier l’ennemi. Que ses cheveux soient chassés par le vent, ou liés derrière la tête, la coiffure rappelle un peu celle des femmes.
En dedans des murs, on voit un homme enveloppé d’un manteau et dont l’altitude semble respirer une extrême confiance.
Bas-relief inférieur. Au centre un personnage entièrement drapé, à l’exception des jambes, porte sur la tête une couronne, ou les attributs d’une ville ; cet ornement, fort effacé, est d’un diamètre égal à peu près au tiers de la tête. Le personnage, vu de face, est debout, les bras pendants. à sa droite est un groupe dont on voit encore un homme également debout, nu, les mains derrière le dos. La figure du milieu semble intercéder pour les captifs auprès d’un personnage qui devait occuper la gauche du bas-relief.
à droite en regardant la ville :
Bas-relief supérieur. Il représente un combat de fantassins. Un des groupes est plus élevé que l’autre, dont le seul personnage conservé, qui est tout à fait sur le premier plan, et vu de dos, a les jambes entièrement cachées par le cadre. Ce guerrier est nu, à l’exception des épaules, qui sont légèrement drapées. Il a un bouclier ovale.
Bas-relief du milieu. Ou y reconnaît un combat de cavalerie.
Bas-relief inférieur. Chaque angle de ce bas-relief est occupé par un captif assis les mains derrière le dos, et gardé par un légionnaire debout, vêtu d’une cotte d’armes. Le captif de droite, presque couché à terre, pourrait être une femme ; l’autre est un homme aux formes athlétiques. Le milieu du tableau manque.
Chacun de ces bas-reliefs est séparé des autres par un bandeau évidé, orné intérieurement d’armures. On y voit des boucliers hexagones, ronds et ovales assez bien conservés. Au centre d’un bandeau sont même des boucliers sacrés, des haches, des glaives, des cottes d’armes. Sur d’autres frises on voit encore des boucliers et d’autres attributs guerriers.
La porte noire de Besançon, vers 1845
Gravure extraite du 'Magasin pittoresque' - 1849
L'Arc de triomphe avant toute restauration
Collection personnelle
La Porte taillée, ou percée
La porte percée de Besançon depuis le Doubs vers 1825, par B. Mavy
extraite du 'Nouveau voyage pittoresque de la France' - Ostervald 1827
Collection personnelle
Texte extrait du Magasin pittoresque - 1834
LA PORTE TAILLéE, à Besançon.
Dès longtemps avant la conquête des Gaules par les Romains, Besançon dut jouer un rôle important dans l’Histoire e ce pays ; mais les monuments historiques manquent complètement jusqu'à cette époque. Peut-être seulement le nom de Chrysopolis, ville d’or, que lui avaient donné les Grecs de la colonie de Marseille, suffit-il pour prouver que de ce temps-là on exploitait dans celle ville la pèche des parcelles d’or que le Doubs roule dans ses eaux, et que l’on aperçoit encore, çà et là, sur ses rives, briller au soleil à travers le sable.
Quand on observe que l’or était assez commun dans les Gaules pour que le plus grand nombre des guerriers portassent des bracelets et des colliers de ce métal, on ne peut pas douter qu’il n’existât dans ce pays assez d’or pour fournir à une partie de la consommation. D’ailleurs, il existe des litres qui prouvent que l’exploitation de l’or des sables du Doubs fut affermée dans le moyen âge, et qu’elle était encore productive. Il est probable qu’elle avait été abandonnée du temps de César, comme elle l’a été depuis, après avoir été reprise et continuée avec succès pendant plusieurs siècles ; car les Commentaires, qui ; dans une description fort détaillée de cette ville, nous la montrent comme une place de guerre très importante, située dans un pays riche et fertile, ne disent rien de ses richesses sous ce rapport ; ils ne disent rien non plus du percement de rocher dont nous allons nous occuper.
Pour sentir toute l’importance des travaux qu’a nécessités cette entreprise, il faut avoir une idée des lieux où elle a clé exécutée. Voici la description qu’en fit Pélisson par ordre de Louis XIV.
« Besançon est située au fond d’un très beau vallon qui représente presque un amphithéâtre qu’on aurait paré exprès de vignobles, de vergers et de bois, pour le seul plaisir des yeux. Jules-César l’a décrite en ses Commentaires comme l’une des plus fortes villes des Gaules, parce que le Doubs, grande rivière qui coulait sous ses remparts, l’environnait de tous côtés comme un fossé en forme de fer à cheval, ne laissant qu’un espace de six cents pas à l’ouverture, remparé d’une haute montagne dont le pied plongeait dans la rivière des deux côtés, et qui, étant en outre fermé d’un mur, servait de citadelle à la ville au seul endroit par où l’on en pouvait approcher. Depuis, la ville s’est accrue, et au-delà du Doubs on a vu s’élever comme une colonie et une autre ville, jointe à l’ancienne par un beau pont.
Du temps des Romains on ne pouvait pénétrer dans la ville que par le pont de bois que les Gaulois avaient établi sur la rivière, ou bien en traversant la citadelle, qui, étant le seul chemin pour communiquer avec l’Helvétie et toute la montagne, devait être exposée à un coup de main par l’affluence continuelle des marchands et des voyageurs. Il devait être bien plus à la convenance des vainqueurs de faire de la citadelle une forteresse inabordable, d’où ils pussent commander des routes passant à plus de cinq cent pieds perpendiculairement sous leurs remparts, que de la laisser ainsi ouverte à tout venant.
La porte taillée de Besançon, vers 1830
Gravure extraite du 'Magasin pittoresque' - 1834
à remarquer, par rapport à la gravure suivante plus tardive, que la porte n'est pas fermée,
ni entourée d'un porche, et qu'on apperçoit ici une statue sur la paroi rocheuse à gauche.
- Mais il se peut que nous nous trouvions ici, del'autre côté de la porte...
Collection personnelle
Tel a été, à ce qu'ou prétend, le motif qui a dû les déterminer à faire des chaussées aux pieds des rochers et à percer la roche même dans l’endroit où elle ne pouvait être que difficilement tournée ; mais cette explication n’est pas satisfaisante, car il est évident qu’avant l'élévation du niveau de l’eau par les écluses bâties pour le service des moulins à eau construis dans la ville, il restait un espace libre entre la rivière et le rocher, espace peu considérable, à la vérité, mais suffisant pour le passage des voitures, dont les ornières sont restées empreintes sur le roc, et qu’on aperçoit encore dans les eaux basses. Ainsi, l’ouverture taillée dans le roc n’a pu avoir d’autre but que de donner passage au canal ou aqueduc qui amenait les eaux d’Arcier à Besançon. D’ailleurs, elle était trop étroite et trop peu élevée dans l’origine pour qu’on puisse supposer qu’elle ait été destinée à donner passage à une grande route.
Beaucoup plus tard, lorsque l’aqueduc abandonné cessa d’amener l’eau dans la ville, il est probable qu’on déblaya la place qu’il avait occupée pour en faire un chemin, et que l’élévation du niveau de l’eau rendant l’ancienne route impraticable, on fut forcé d’élargir cette ouverture, qui ne fut longtemps qu’un passage couvert auquel le roc servait de voûte. Enfin, après la conquête par les Français, Vauban la fit mettre à ciel ouvert lorsqu'il traça les fortifications de la place. Il bâtit aussi la petite tourelle isolée qui la domine, que l’on confie à la garde d’une centaine de fusiliers lorsque la ville est assiégée.
La porte taillée de Besançon, vers 1835
Gravure de Rauch, extraite du 'Guide pittoresque du voyageur en France' - 1838
Collection personnelle
Les historiens sont unanimes sur ce point, que Besançon n’avait jamais été prise avant Louis XIV, et qu'alors même elle ne fut livrée, après vingt-huit jours de tranchée ouverte, que par la trahison et les intrigues de l’abbé de Vatteville, qui reçut en récompense des terres et des seigneuries. Mais ces faveurs profitèrent peu à la famille de l’abbé : la dernière héritière de son nom est morte à Besançon, sous l’empire, dans un état voisin de l’indigence.
Plan de Besançon vers 1860
Plan de Besançon, vers 1880, Extraite de l'Atlas géographique de Malte-Brun
Collection personnelle
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