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Les villes à travers les documents anciens

Angoulême au 19ème siècle

 

Vue générale d'Angoulême vers 1830 - gravure reproduite puis retouchée par  © Norbert Pousseur
Vue générale d'Angoulême vers 1830
Gravure d'un dessin de Charles Rauch, publiée dans le 'Guide pittoresque du voyageur en France' - 1838

Voir aussi la carte de la Charente de 1883

 

Description extraite du 'Guide pittoresque du voyageur en France' - 1838


ANGOUGLèME. Grande et très ancienne ville, chef-lieu du département. Tribunaux de première instance et de commerce. Chambre consultative des manufactures. Société d’agriculture, arts et commerce. Collège communal. évêché. Bureau de poste. Relais postal. Population 15,186 habitants.

Le marché d'Angoulême vers 1840 - gravure reproduite puis retouchée par  © Norbert Pousseur
Le marché d'Angoulême vers 1840
gravure de Thomas Allom, extraite de La France au XIX siècle, éd. 1841

Une opinion vulgaire et évidemment erronée attribue la fondation de cette ville à Angelinus Marrus, capitaine romain, qui vivait 531 ans avant l’ère chrétienne. Des médailles qu’on y a déterrées sont les seuls témoignages de son existence du temps des Romains. Il paraît toutefois qu’elle était la capitale des peuples connus sous le nom d’Agésinates, qui occupaient l’Angoumois. Ausone, qui vivait au IVe siècle, est le premier qui parle de cette capitale des Agésinates, sous le nom d'Iculisma, et il en parle comme d’un lieu solitaire et écarté.
La notice des provinces de la Gaule classe cette ville parmi celles de la deuxième Aquitaine, sous le nom de civitas Ecotismensium.
De la domination des Romains, Angoulême passa sous celle des Visigoths, qui la conservèrent jusqu’en 507, époque où Clovis s’en rendit maître après la bataille de Vouillé. Cette ville passa ensuite sous la domination des petits souverains qui, pendant la féodalité, exercèrent tous les abus, et prirent le nom de comtes d’Angoulême : elle a eu jusqu’à dix-neuf de ces suzerains, dont quatorze étaient issus de la race chevaleresque des Taillefer, et cinq de celle des Lusignan. Le comte Turpion est le premier qui, sous Louis-le-Débonnaire, commença cette série de tyranneaux qui formaient, avec leurs voisins, la vaste chaîne féodale sous laquelle gémissait la France entière.

La ville d’Angoulême, après avoir été réunie à la couronne, fut cédée aux Anglais après la bataille de Poitiers ; mais ses habitants, indignes de passer sous le joug de l’étranger, chassèrent les soldats de leurs murs. Une telle conduite fui appréciée par Charles V, qui en fit l’apanage des fils de France.
Angoulême souffrit, pendant les dissensions religieuses qui armèrent les Français contre les Français, toute l’horreur des guerres civiles. Les calvinistes la surprirent dans le XVIe siècle. Le seigneur de Sansac la reprit en 1562 ; mais elle se rendit, peu de temps après, à l’amiral de Coligny, qui eut à se reprocher d’avoir laissé, à la suite de la prise de cette ville, ses soldats s’y livrer impunément aux plus sanglants abus de la victoire : les églises furent pillées et saccagées, la cathédrale fut détruite, et n’a été rebâtie que dans le siècle dernier.

Si les situations élevées des villes sont loin d’être propices, comme celles de plaines, aux rapports faciles et commodes des habitants, il faut convenir que leur aspect flatte et intéresse le voyageur, qui trouve toujours une grande variété de tableaux dans un sol accidenté, dans ses anfractuosités et ses mouvements. Tel est le site d’Angoulême, bâtie sur une montagne hérissée de rochers, qui domine au loin toute la contrée, et au bas de laquelle coule la Charente.
Cette ville n’est pas seulement agréablement située, elle est en général bien construite. Ses rues sont propres, ses maisons sont bien bâties. La promenade en terrasse qui occupe l’emplacement des anciens remparts, offre un horizon des plus vastes par son étendue, et l’un des plus magiques par le tableau qu’il présente de campagnes aussi riantes qu’elles sont fertiles, aussi belles qu’elles sont bien cultivées. Du haut de ces murs, élevés d’environ deux cents pieds au-dessus du niveau de la plaine, l’œil se repose avec plaisir sur le riant bassin de la Charente et sur celui de la petite rivière d'Anguienne, dont les eaux serpentent au milieu de vastes prairies ombragées de touffes d’arbres, et dominées par des coteaux couverts des plus riches vignobles. On voit, d’un autre côté, des rochers agrestes et escarpés, des chemins creux, des forêts immenses ; d’un autre, la vue s’égare sur de vastes plaines traversées par les grandes routes de Paris et de Bordeaux. Des coteaux d’un aspect agréable, qui semblent se perdre dans le lointain, servent de cadre à ce magnifique tableau, dont la perspective est d’un effet admirable.

Murs d'enceinte d'Angoulême vers 1830 - gravure reproduite puis retouchée par  © Norbert Pousseur
Murs d'enceinte d'Angoulême
Gravure d'un dessin de Charles Rauch, publiée dans le 'Guide pittoresque du voyageur en France' - 1838

On parvient à la ville par quatre rampes, deux à l’Houmeau et deux à Saint-Pierre. Les deux rampes de l’Houmeau, dont une descend de la porte Chandos dans le faubourg, et l’autre de la porte du Palet au pont de Saint-Cybard, ont été commencées en 1740. Elles sont encore très roides néanmoins, mais traitées avec plus d’intelligence que l’ancienne rampe de Saint-Pierre, construite postérieurement, et presque impraticable pour les voitures, qui ne pouvaient passer, il y a quelques années, que par la porte Chandos en faisant un long circuit pour arriver en ville. Aujourd’hui, un superbe chemin de 850 mètres (436 toises) de longueur, planté d’arbres, et qui n’a que 8 centimètres (2 pouces 11 lignes) de pente sur 195 centimètres (6 pieds), descend de la porte de Saint-Pierre, et va jusqu’en bas du faubourg de ce nom se joindre à la route de Paris à Bordeaux. Il se replie sur lui-même, après avoir, dans un premier circuit, embrassé près de la moitié de la circonférence de la montagne sur laquelle la ville est élevée. Cette première partie du chemin se joint à la seconde en formant une belle rotonde plantée d’arbres, environnée de bancs de pierre, et au milieu de laquelle s’élève une colonne d’ordre ionique, de 47 pieds de hauteur, surmontée d’un globe ; monument érigé, en septembre 1816, par les soins de M. Creuzé de Lesser, préfet, et de M. de Lambert, maire.

La promenade la plus belle et aussi la plus fréquentée de la ville, est la place d’Artois, commencée en 1776, et finie en 1787. Plantée d’arbres d’espèces diverses, divisés en trois allées, une grande et deux latérales, elle est séparée des belles maisons qui la bordent de chaque côté par un garde-fou et une rue ; l’Hôtel-de-ville et la salle de spectacle la terminent à son extrémité au nord, et elle se joint à l’autre bout au rempart Desaix, qui longe avantageusement la ville jusqu’à la porte du Secours.
Les principales portes d’Angoulême sont celles de Saint-Pierre, du Secours, de Saint-Martial, de Chandos et du Palet. Ces portes n’offrent aujourd’hui rien de remarquable. Elles étaient autrefois flanquées de tours qui faisaient partie des fortifications de la ville ; mais les tours ont presque toutes été démolies, et à peine reste-t-il quelques vestiges des fortifications.

Un inconvénient attaché à la situation d’Angoulême, et auquel il est très difficile d’obvier, c’est le défaut d’eau. Les fontaines sont abondantes au bas du coteau ; mais leur éloignement fait qu’on est obligé de transporter l’eau dans des barils, à dos de bêtes de somme, pour la vendre aux habitants : car, quoiqu’il y ait beaucoup de puits dans la ville, la plupart ne fournissent qu’une eau de mauvaise qualité, et tous sont si profonds qu’ils n’offriraient que peu de ressources eu cas d’incendie.

La grande route de poste ne passe pas dans la ville ; elle traverse le faubourg de l’Houmeau, qui est au pied de la montagne, et qui renferme à peu près un quart de la population. C’est dans ce faubourg et dans les environs que sont les fameuses papeteries d’Angoulême ; c’est aussi là que se fait le principal commerce de cette ville, favorisé par un beau port sur la Charente, le long duquel règnent un quai et une promenade agréable.

Château d'Angoulême vers 1830 - gravure reproduite puis retouchée par  © Norbert Pousseur
Château d'Angoulême
Gravure d'un dessin de Charles Rauch, publiée dans le 'Guide pittoresque du voyageur en France' - 1838

Si l’on pénètre dans l’intérieur d’Angoulême, on y trouve peu d’objets remarquables. Les principaux sont : la cathédrale, surmontée d’un clocher gothique et décorée d’un antique portail ; la salle de spectacle, dont le frontispice fait face à la promenade du Cours ; la bibliothèque publique, renfermant 16,000 volumes et des manuscrits précieux ; le cabinet d’histoire naturelle, de physique et de chimie ; le Cours ; l’Obélisque ; les hôpitaux, etc.

Château d'Angoulême vers 1820 - gravure reproduite puis retouchée par  © Norbert Pousseur
Château d'Angoulême
Gravure de Fieffé, publiée dans le 'Nouveau voyage pittoresque de la France' - Ostervald 1827

Le Collège royal de la Marine mérite aussi de fixer l’attention. Créé en exécution d’une ordonnance royale du 3i janvier 1816, ce collège a été ouvert, le ier janvier 1818, dans un superbe bâtiment qui avait été primitivement destiné à recevoir un dépôt de mendicité, et dont la construction, commencée en 1811, était à peine achevée. Il est situé au pied de la ville, dans le faubourg de l’Houmeau, près de la route de Limoges. L’instruction que l’on y donne aux enfants, qui n’y peuvent entrer que de treize à quinze ans inclusivement, est purement théorique, et comprend les belles-lettres, l’histoire, la langue française, la langue anglaise, les mathématiques, l’hydrographie, le dessin et la géographie. Les élèves, en sortant de cette école, sont dirigés sur Rochefort, où, avec le titre d’élèves de la marine de deuxième classe, ils reçoivent, sur les bâtiments, l’instruction pratique qu’ils doivent acquérir.

L'abbaye de Beaulieu à Angoulême vers 1820 - gravure reproduite puis retouchée par  © Norbert Pousseur
L'abbaye de Beaulieu à Angoulême
Gravure de De Veize, publiée dans le 'Nouveau voyage pittoresque de la France' - Ostervald 1827

On doit visiter, aux environs d’Angoulême, la source de la Touvre, la plus belle de France après celle de Vaucluse ; la fonderie et la forge de Ruelle, affectées au service de la marine.

Angoulême possède un grand nombre de maisons d’éducation renommées, très fréquentées surtout par les demoiselles de Bordeaux et de Limoges, qui y perdent bientôt l’accent du midi, dont on n’aperçoit aucune nuance à Angoulême. On y parle même très purement le français ; et c’est une chose remarquable que, placée à 120 lieues de Paris, et seulement à 30 lieues de Bordeaux, elle n’éprouve aucune influence de ce voisinage, et qu’on n’ait pas plus d’accent à Angoulême qu’à Paris. On trouve chez les habitants le bon ton des sociétés choisies, joint à une grande affabilité ; les femmes surtout se distinguent par la beauté de leurs traits, par une grande fraîcheur de teint, par une jolie tournure et par l’enjouement de leurs manières.

Angoulême est le lieu de naissance de Marguerite de Valois, sœur de François Ier, princesse la plus accomplie de son siècle, et l’ornement de la cour de France par sa beauté, sa douceur, son esprit éclairé et l’élégance de ses manières. François Ier la chérissait tendrement, et l’appelait sa mignonne et la marguerite des marguerites. C’est à tort qu’on a soupçonné ses mœurs de ne pas être très pures, parce que l’on trouve dans ses contes, le plus connu de ses écrits, une liberté qui approche souvent de la licence. Mais il faut se rappeler que c’était là le bon ton de la cour et le langage des honnêtes gens, et que son style est encore plus décent que celui de quelques sermons du temps. On a de cette femme aimable et spirituelle : l’Heptaméron, ou les Nouvelles de la reine de Navarre ; le Miroir de l’âme pécheresse, et la Marguerite des Marguerites. Le portrait de cette princesse, qui accompagne ce texte, est tiré d’un manuscrit inédit de la Bibliothèque du roi.

Marguerite de Valois - gravure reproduite puis retouchée par  © Norbert Pousseur
Marguerite de Valois
Gravure de Hopwood, publiée dans le 'Guide pittoresque du voyageur en France' - 1838


Parmi les personnages remarquables qui ont vu le jour à Angoulême, on distingue encore saint Gelais, Balzac, l’ingénieur Montalembert, et Ravaillac, fanatique assassin de Henri IV.

Fabriques de serges, siamoises. Nombreuses et belles papeteries, dont les produits jouissent d’une réputation très étendue et justement méritée ; nombreuses distilleries d’eau-de-vie. Blanchisseries de cire, belles faïenceries, tuileries, chamoiseries, maroquinerie. Raffineries de sucre. Manufacture d’armes. — Aux environs, forges et fonderie de canons.

La place du marché d'Angoulême vers 1855 - gravure reproduite puis retouchée par  © Norbert Pousseur
La place du marché d'Angoulême vers 1855
gravure de Rourague frères publiée dans l'Histoire des villes de France, d'Aristide Guilbert - 1859


Commerce de grains, vins, eau-de-vie, esprits, chanvre, lin, truffes, châtaignes, safran, épicerie, savon, bois merrain, bouchons de liège, liège en planches, fer, cuivre, etc.

Entrepôt de sel. Entrepôt de toutes les denrées transportées par la Charente pour Rochefort et les départements voisins. Entrepôt du commerce de Bordeaux et de la majeure partie des départements méridionaux.

A 31 lieues de Poitiers, 24 lieues de Limoges, 118 lieues de Paris.

Hôtels de la Poste, du Grand-Cerf, de la Table-Royale, du Che­val-Blanc, de la Croix-d’Or.






Vue générale d'Angoulême vers 1830 - gravure reproduite puis retouchée par  © Norbert Pousseur Le marché d'Angoulême vers 1840 - gravure reproduite puis retouchée par  © Norbert Pousseur  La place du marché d'Angoulême vers 1855 - gravure reproduite puis retouchée par  © Norbert Pousseur Le marché d'Angoulême vers 1840 - gravure reproduite puis retouchée par  © Norbert Pousseur

Château d'Angoulême vers 1830 - gravure reproduite puis retouchée par  © Norbert Pousseur Le marché d'Angoulême vers 1840 - gravure reproduite puis retouchée par  © Norbert Pousseur L'abbaye de Beaulieu à Angoulême vers 1820 - gravure reproduite puis retouchée par  © Norbert Pousseur

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