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Les villes à travers les documents anciens

Page de garde de L'Univers de Jules Janin

Bonn vers 1840

 

Le débarcadère devant Bonn vers 1840 - gravure reproduite et restaurée numériquement par © Norbert Pousseur
Bonn depuis l'autre côté du Rhin, gravure non signée.

 

Texte et gravure
extraits de l'ouvrage "L'Univers
collection des vues les plus pittoresques du globe" de Jules Janin - édition ~1840

Parmi les anciennes villes majestueusement assises sur les bords du Rhin, ce noble fleuve, Bonn occupe une place importante. Les Romains, on le voit, ont passé par ces murs. La ville s’appelait d’abord Ara Ubiorum, elle était consacrée au dieu Mercure. Elle s’appela ensuite Verona, puis Bonna, c’est-à-dire Bonnensia castra, comme parlent Pline et Florus. Ainsi l’avait nommée la seizième légion romaine qui avait campé sous ses murs.
Drusus Germanicus, le héros du règne d’Auguste-César, dans les guerres de la Germanie et de la Gaule, avait chargé le Rhin de cinquante châteaux-forts ; Bonn eut son château-fort, et au devant du château un pont fut jeté sur le fleuve avec une hardiesse toute romaine. Sur ce même pont saint Maternus fut converti à la religion chrétienne par les premiers apôtres de cette religion naissante.

Dans cette admirable situation Bonn devint peu à peu une ville importante. Julien-l’Apostat l’entoura de hautes murailles complétées par Constantin. La mère de l’empereur, la princesse Hélène, jeta les fondements de la cathédrale, consacrée au martyr Florus. Deux fois les Romains saccagèrent cette ville qu’ils avaient agrandie ; ils la mirent à feu et à sang sous Charles-le-Gros. En 1240, la ville fut rebâtie par Conrad de Hochstedten, qui lui accorda plusieurs privilèges. Deux ans plus tard, elle fut admise dans la confédération hanséatique. Au treizième siècle, Engelbert, électeur de Cologne, chassé de la ville par les bourgeois, fixa sa résidence à Bonn, et la ville devint ainsi le séjour des électeurs de Cologne, qui se plurent à l'embellir, si bien que Bonn a été le sujet de plus d’un poème.

Bonna solum felix — celebris locus, inclyta tellus
Florida martyrio, terra sacrata Deo,
Principibus requies, asylum et non triste fuisti.
Semper et externi te reperere suam.

Heureuse terre, — rempli de souvenirs, — arrosée du sang des martyrs, — asile des princes persécutés, etc. — On aime à retrouver dans les siècles les titres d’honneur îles grandes cités.

En 1583, Charles IV fut sacré empereur à Bonn, par l’électeur. La même année et dans la même ville, l’archevêque Gebhard épousa la belle comtesse de Mansfeld ; ce mariage fut le signal d’une guerre aussi longue que le siège de Troie. A la guerre se mêla l’incendie : la ville fut renversée et brûlée; quatre ans plus tard, elle était rebâtie pour la seconde fois, et elle se rendait aux armées alliées de la Hollande, de l’Espagne et de l’Autriche. En 1689, le roi de Prusse Frédéric III, qui n’était alors que l’électeur de Brandebourg, s’emparait de la ville de Bonn. Malgré les plus terribles préparatifs de défense, la ville était prise en trois heures par le général hollandais Cohorn, ce qui fut le sujet de plusieurs épigrammes allemandes. Mais où diable l’épigramme va-t-elle se nicher ? — Il s’agissait de Jéricho prise en sept jours par une trompette et de Bonn prise en trois heures par un cornet ( Kutshorn ).
La même année, le duc de Marlborough s’empara de la ville sans coup férir. En 1717, l’électeur Clément fit démolir les fortifications du côté de l’est, et sur cet emplacement il jeta les fondations d’un vaste palais achevé à grands frais par son successeur, Clément-Auguste. Bonn appartint à la France vingt-neuf ans, jusqu’en 1814; c’était pour la France une place importante ; de ce poste elle dominait le Rhin, elle conservait ses conquêtes ; — mais il fallut céder cet autre côté du Rhin si glorieusement conquis, et Bonn fut réunie aux provinces Rhénanes de la Prusse en 1818.

La ville compte douze mille habitants. Malgré son antiquité, elle est nette, élégante et propre, comme serait une ville bâtie d’hier. La cathédrale, plusieurs fois renversée depuis sa première fondatrice, la princesse Hélène, appartient au plus beau style du douzième siècle. Non loin de la cathédrale, on voit encore les ruines respectables de la vieille église de Saint-Martin, le plus antique monument de cette ville romaine, allemande et française tour à tour.
Le palais de l’électeur est aussi grand qu’une ville; il est maintenant occupé par l’Université des provinces du Rhin et de la Westphalie. La position en est admirable. La façade est moins une façade qu’un amphithéâtre immense du haut duquel le regard peut embrasser à la fois le vaste fleuve et les sept montagnes, et le château de Poppelsdorf sur la chaîne pittoresque des collines de Godesberg et de Kreuzberg; une immense avenue de vieux châtaigniers vous conduit du château électoral au village et au château de Poppelsdorf.
Le collège de Bonn, aujourd’hui célèbre, a été fondé sous les auspices de la bataille de Leipsick. «J’ai la conviction profonde, écrivait le roi de Prusse au prince Hardenberg, que l’Université se maintiendra dans l’esprit qui présida à son origine, en propageant la vraie piété, le bon sens et les bonnes moeurs. J’espère que mes fidèles sujets apprendront par là avec quelle affection patriotique j’envisage l’instruction égale, impartiale et utile de tous, et combien je considère l’éducation comme un moyen d’empêcher ces efforts turbulents et inutiles, si contraires au bien des nations !»

Parmi les professeurs du collège de Bonn, la science s’enorgueillit de Schlegel et de Niebuhr, celui qui a refait l’histoire romaine avec tant de génie, de science et de sagacité.
Dans ce vaste palais, qu’on dirait disposé tout exprès pour la science, toutes les parties de la science sont réunies, la chirurgie, les lettres, la médecine. Le musée, le cabinet d’histoire naturelle, les salles de lecture, les appartements pour les professeurs, le jardin de botanique qui est admirable, sont réunis dans le château de Poppelsdorf ; l’Académie de musique compte parmi ses disciples le grand Beethoven.
La ville contient encore un hôtel-de-ville, vaste édifice gothique du plus bel effet, de belles places ornées de statues, de fontaines, de pyramides; une élégante maison, près de la porte Coblentz, du plus beau style romain, et encore plusieurs palais somptueux entre lesquels on distingue le palais du prince de Metternich.

De l’autre côté du Rhin, et comme un charmant point de vue, est située la petite ville de Beuil ; un pont volant réunit Beuil à Bonn : ce pont ressemble au pont de Cologne. Sur l’Euilchberg, près de Beuil, l’œil se perd des montagnes du Rhin jusqu’à Cologne, et des sept montagnes du Godesberg, du Kreuzberg et de Bonn.

 

Voir aussi les autres pages consacrées au Rhin
et le reportage sur Bonn réalisé en 2007 par l'auteur de ce site

Pour voir les détails du débarcadère devant Bonn,
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