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Les villes de France décrites
par Aristide Guilbert en 1859
Eglise Notre-Dame au Havre, par Rouargue frères vers 1850
in l'Histoire des villes de France - Aristide Guilbert - 1859.
Voir et lire aussi :
- Le Havre vers 1860 par William Duckett
Le département
de la Seine Maritime (ex Inférieure) en 1883
Texte d'Auguste Billiard sur l'histoire du Havre, extrait de l'Histoire des villes de France d'Aristide Guilbert, LE HAVRE.
Ce fut le 8 octobre 1517, après longue et mûre délibération de son conseil, que François Ier, sur la proposition de l’amiral Bonnivet, donna l’ordre à Guyon-le- Roy, sieur de Chillou, vice-amiral et commandant d'Honfleur, de se rendre au Hâvre-de-Grâce, afin, disait le prince en son ordonnance, d'y percer et construire un port, propre et convenable pour recueillir, loger et maréer les grands navires tant de nostre royaume que aultres de nos alliés. Le sieur de Chillou était en outre chargé de protéger ce port par une enceinte de murs et de bastions, capable de contenir une population considérable. Les savants avaient proposé de donner à la nouvelle ville le nom Franciscopolis, qu’elle ne porta jamais. Le roi voulut qu’elle s’appelât Françoise de Grâce. Ce nom, qu’on retrouve dans les actes officiels jusqu’au temps de Louis XV, ne prévalut pas davantage sur celui qu’elle avait reçu des anciens habitants. « Ce n’est pas la première fois, dit l’auteur d’une Histoire du Havre, qu’on a remarqué qu’il était plus facile de conquérir les villes que de leur imposer de nouveaux noms. » Les privilèges accordés au Havre et les avantages de son port y firent, en peu de temps, affluer une population considérable. Un grand nombre d’habitations s’élevaient déjà autour de la chapelle de Notre-Dame, lorsque, dans la nuit du 14 ou 15 janvier 1525, la tempête fit tout à coup monter la marée à une telle hauteur que la plupart des maisons furent ébranlées ou détruites et leurs habitants noyés ou écrasés. Ce désastre causa une terreur profonde. Plus tard, on le regarda comme le prélude des maux que la défaite de Pavie attira sur la France. Tous les ans, à pareille époque, un service funèbre était célébré pour le repos des âmes de ceux qui avaient péri dans cette nuit funeste. Jusqu’alors on ne s’était pas inquiété des marées, qui s’élevaient quelquefois à deux ou trois pieds au-dessus du quai : ces jours-là on allait à la messe à cheval ou en bateau, ou bien l'on montait sur les bancs et les chaises quand la mer entrait dans l’église. Les fondateurs du Havre, Louis XII et François Ier, avaient présagé les hautes destinées que lui promettaient son heureuse position à l’entrée d'un grand fleuve, le développement du commerce extérieur et la découverte d un monde vers lequel se tournaient tous les yeux. L’enceinte de la ville était immense : bien qu’elle réunît déjà une nombreuse population qui s’était groupée dans les quartiers de Notre-Dame et de Saint-François, il y avait encore un grand espace nommé Parc-en-Ville, ou, par corruption, Percanville, terrain réservé pour les établissements qui auraient successivement à se former. Sans s’inquiéter de l'avenir, et pour que la place fût d’ailleurs plus facile à défendre, Henri II la réduisit aux quartiers habités. Déjà employé aux fortifications du Havre, 1'Italien Hieronimo Bellarmato, qui passait pour un des plus habiles ingénieurs du temps, fut chargé des nouveaux travaux. Ils étaient terminés quand Henri II, accompagné de Catherine de Médicis et de sa cour, visita le Havre en 1550. La peste venait de désoler la ville, que sa position dans un marais rendait fort malsaine. Le roi en fit exhausser le sol ; il ordonna de paver les rues, et, au moyen de canaux et de fossés, il rendit l'écoulement des eaux plus facile. Après avoir confirmé les privilèges que son père avait accordés à la ville, il y établit un bailliage, à raison du temps que prenait aux bourgeois l’obligation de se rendre aux plaids et assises de Montivilliers. L’ordonnance ajoutait que « le chemin du Hâvre-de-Grâce à Montivilliers était en bois et dangereux, qu’il s’y commettait meurtres, larcins et autres crimes » (I551). Henri II établit aussi un corps de ville dont les membres étaient électifs ; ce corps se composait de quatre échevins et d’un procureur syndic. Dans les cérémonies publiques ils portaient un manteau de fine serge de Florence avec parements et chaperon en velours violet. On les disait fort jaloux de leurs prérogatives. Ce fut sous Henri II que l'on construisit, en grande partie du moins, l’église actuelle de Notre-Dame, joli monument de la renaissance. Elle occupe la place de l’ancienne chapelle qui était couverte en chaume. La tour contiguë à l’église est de 1536. Sa plate-forme était autrefois armée de plusieurs pièces de canon. Cet édifice et la grosse tour de François 1er sont aujourd’hui les seules constructions du Havre qui remontent à l’époque de sa fondation. Plusieurs rues de la ville nous la montrent encore telle qu’elle était sous Henri II et sous les derniers Valois, avec ses maisons en colombages ou entièrement revêtues en ardoises qui en rendent l’aspect triste et sombre. Nous sommes arrivés aux guerres de religion. établis à Sanvic, paroisse voisine du Havre, les protestants s’emparèrent de cette ville en 1562 ; une trahison leur en ouvrit les portes. Maîtres du Havre, et dans la crainte de ne pouvoir s’y maintenir, ils eurent la coupable pensée d’appeler les Anglais à leur aide. élisabeth s’empressa de leur envoyer une armée de six mille hommes, sous les ordres du comte de Warwick. La première chose que fit ce dernier fut d’expulser de la ville les misérables qui la lui avaient livrée ; il ne tarda pas à en chasser les autres habitants. Henri IV vint au Havre en 1603. Les habitants voulaient lui donner une fête, mais il eut le bon esprit de répondre à leurs députés : « Employez mieux votre argent, en le donnant à ceux qui ont souffert de la guerre ; ils y trouveront leur compte et moi le mien. » Du reste, Henri IV ne fit rien pour le Havre : jamais marine ne fut plus négligée que la sienne. Sous la régence de Marie de Médicis, les fortifications de la ville prirent un aspect plus moderne. Elles se métamorphosèrent entièrement quand Richelieu parut. A la fois premier ministre, surintendant de la navigation et gouverneur du Havre, il arriva dans cette ville, accompagné d'ingénieurs, d’architectes, de charpentiers de navires, d’hommes experts dans les opérations du négoce et de la mer. Une nuée d'ouvriers s’empara des fortifications et du port. Comme par enchantement, on vit s’élever une vaste citadelle, ouvrage du chevalier de Ville, et que l’on regarda longtemps comme le plus beau monument de ce genre ; elle pouvait contenir trois mille hommes de garnison. Le port fut de nouveau creusé et élargi ; revêtu en pierre, le bassin royal s’entoura d'ateliers et de magasins ; des bâtiments de guerre et de commerce étaient mis en même temps sur les chantiers. D'Infreville, le bras droit de Richelieu, pour tout ce qui regardait la mer, dirigeait ces divers travaux, aidé du jeune Duquesne, qui se faisait déjà connaître. Il fut décidé que le Havre serait un des trois chefs-lieux de la marine de Ponant (1626-1631). Peu de temps après, des compagnies se formèrent au Havre sous les auspices du cardinal ; si leurs premiers essais ne furent pas heureux, on leur doit du moins d’avoir ouvert au commerce français la route des Indes orientales et occidentales, vers lesquelles se dirigèrent bientôt des expéditions plus considérables. Bien que reconnaissants des faveurs dont ils étaient l’objet, les Havrais ne furent pas toutefois sans inquiétude, en voyant surgir cette citadelle dont le canon battait à la fois la mer, la campagne et leurs propres habitations. Louis XIII s’empressa de les rassurer. Parmi les monuments dus à la main de Richelieu, ils admiraient surtout et montraient avec orgueil aux étrangers la porte d’Ingouville, à laquelle, en effet, nulle autre entrée de place forte ne pouvait se comparer. De cette grande œuvre, la Fronde ne laissa subsister que ce qui pouvait échapper aux ravages du temps. La citadelle du Havre ne fut pas du moins inutile ; elle servit de prison à quelques-uns de ces princes turbulents, qui ne voyaient pas les maux dont ils affligeaient la France. Condé, Longueville et Conti y demeurèrent enfermés pendant un an (1050). Le cardinal de Mazarin ouvrit lui-même les portes de la citadelle à ses illustres prisonniers, qui ne répondirent à ses avances que par des marques de mépris. Rendu à la liberté, Condé ne tarda pas à relever le drapeau de la révolte. Un sergent et quelques malheureux soldats fuient roués ou pendus pour avoir tenté de remettre le Havre au duc de Richelieu, qui était partisan de ce prince. Les procès-verbaux rédigés par l’ordre de Colbert, nous apprennent dans quel état se trouvait le Havre a l’époque où Louis XIV résolut de gouverner par lui-même. L’avant-port et les bassins s’étaient remplis de vase et de galets ; les écluses du bassin royal étaient en ruines ; ils n'y avait ni ouvriers dans les ateliers, ni approvisionnements dans les magasins. Quant à de l’administration, il n’en existait pas plus pour les affaires de terre que pour celles de mer. Le duc de Saint-Aignan, auquel, par suite d’une intrigue de cour, le maréchal de Noailles avait été forcé de vendre sa charge de gouverneur du lièvre, seconda merveilleusement Colbert dans tout ce qu’il voulut entreprendre. Il est bon d’ajouter que le duc paya sa charge cent mille écus. Sa longue administration ne fut pour le Havre qu’une suite de bienfaits ; il avait pour cette ville la sollicitude d’un père. Plusieurs de ses lettres en font foi. Il fut remplacé par son fils qui ne se lit pas moins aimer des Havrais. Les Saint-Aignan ont eu pendant un siècle le gouvernement du Havre. Il n’y avait point d'oisifs dans la ville. Le duc de Saint-Aignan rapporte dans sa correspondance qu’en 1672, vingt-deux mille femmes y travaillaient à la dentelle. Il comprend sans doute dans ce nombre les femmes des environs. En 1753, dix mille femmes de la ville même se livraient encore à ce genre d’industrie. La prospérité du Havre, dont les vaisseaux parcouraient toutes les mers du globe, excitait depuis longtemps la jalousie des Anglais. Après avoir brûlé Dieppe, ils avaient résolu de détruire également le Havre, devant lequel ils se présentèrent, le 26 juillet 1694, avec une flotte de quarante vaisseaux et douze bombardes. Grâce aux vigoureuses dispositions du maréchal de Choiseul, le bombardement ne causa pas de grands ravages. Les Havrais avaient porté hors de la ville et sur les places publiques les pailles et tous les objets qui pouvaient trop facilement s’embraser. Ils y mirent eux-mêmes le feu, ce qui fit croire aux ennemis que leurs projectiles avaient incendié la ville. Le vent les força d’ailleurs de s’éloigner. Plusieurs dépêches écrites pendant le siège nous apprennent avec quelle ardeur les citoyens concoururent à la défense de la place. L’une d’elles dit que la poudre des Anglais était de beaucoup supérieure à la nôtre. Les Havrais avaient une milice fort bien organisée, dont ils nommaient les officiers ; au nombre de ses privilèges, la ville comptait l’honneur de se garder elle-même ; elle n’y renonçait pas lors même qu’elle avait une garnison considérable. Au reste, trop longtemps et trop souvent abandonnée à ses propres forces, la commune était écrasée par les dépenses de toute nature qu’elle avait à faire. Des documents inédits nous apprennent que, sous l’administration de Colbert, ses dettes ne s’élevaient pas à moins de trois cent mille livres, somme énorme pour le temps. Elle n’avait que son octroi et quelques taxes pour faire honneur à ses dépenses. Elle ne cessa pas d’être fort obérée jusqu’à l’époque où l’état fut obligé de prendre à sa charge les engagements des communes ( 1793).
L’histoire de la ville du Havre est surtout celle de son commerce et de son port ; la mer est pour elle un ennemi plus redoutable que les Anglais. Le génie civil et militaire lui oppose une résistance continuelle pour l’empêcher de fermer la seule passe ouverte aux vaisseaux. Quant au commerce, subordonné aux chances de guerre et de paix, on le voit tour à tour décliner ou reprendre une force nouvelle. Les anciens négociants du Havre se faisaient remarquer par la sagesse de leurs opérations. Ils s’étaient en quelque sorte partagé le monde, pour n’avoir point à lutter les uns contre les autres sur les points où ils envoyaient leurs navires. Telles maisons avaient le commerce de l’Inde, telles autres celui des Antilles ou de Terre-Neuve ; celles-ci exploitaient la Méditerranée ou la Baltique, celles-là la Hollande ou le Portugal. Le Havre ne formait point, comme aujourd’hui, une colonie d’étrangers jaloux les uns des autres, mais une famille parmi les membres de laquelle chaque espèce d’industrie ou d’exploitation était héréditaire. Le commerce de cette place était renommé pour sa probité. Les Havrais faisaient quelquefois d’aussi bonnes affaires pendant la guerre que pendant la paix. Toutefois le bombardement de 1759 leur causa des dommages considérables. L’escadre anglaise se composait de vingt-quatre vaisseaux et quatorze frégates et de treize bombardes ou brûlots. L’ennemi lança huit cents bombes sur la ville. Une centaine de maisons furent plus ou moins endommagées. Dirigés par leurs échevins, les citoyens montrèrent encore plus de présence d’esprit et de courage qu’en 1694. Grâce à leurs bonnes dispositions, l’ennemi fut contraint de renoncer à son entreprise. « Il faut, dit l’amiral Rodney en se retirant, que la ville du Havre soit couverte en fer pour résister à tout le feu que j’y ai jeté. » L’imprévoyance de Henri II, et, nous oserons le dire, celle de Richelieu, empêchèrent longtemps la ville et le port de prendre l’extension que le développement des opérations commerciales rendait de plus en plus nécessaire. La marine de l’état gênait la marine marchande, forcée de se contenter de l’avant-port. Depuis Louis XIV, et même sous son règne, on ne cessait de former projet sur projet pour donner plus de place au commerce et aux habitants. On ne fit rien sous Louis XV qui, en 1749, vint promener son indifférence au Havre. Louis XIV n’y avait jamais mis le pied. En 1786, Louis XVI reconnut par ses propres yeux la nécessité d’agrandir le Havre, même aux dépens de la citadelle de Richelieu. Le plan proposé en 1787, par l’ingénieur Lamandé, fut adopté par le conseil des ministres, le 2 février 1788. A la petite paix de 1802, Bonaparte vint au Havre. Il fit au commerce des promesses qu’il ne fut pas en son pouvoir de réaliser. « Paris, Rouen, le Havre, disait-il, ne forment qu’une même ville, dont la Seine est la grande rue. » En 1804, l’ennemi fit de nouveau une vaine tentative sur le Havre. L’année suivante, cette place fut un des points où l’on arma le plus de bateaux pour la descente en Angleterre. L’Empereur avait de grandes vues sur le Havre : il voulait en faire un port de guerre de premier ordre, où l’on pût construire les plus grands vaisseaux. Dans ce but, ce fut lui qui, sur les plans de l'ingénieur Lapeyre, fit exécuter l’écluse de chasse, dite de la Floride, capable, par sa puissance, de creuser l’entrée du port, en empêchant l’invasion de la vase et des galets. En 1810, il revint au Havre pour juger par lui-même de l’effet des travaux qu’il avait ordonnés, et avec la préoccupation des desseins qu’il avait conçus. Quant aux fortifications, les développements qu’elles devaient également prendre, ne sont encore qu’en projet. On avait eu l’intention de construire quatre forts en mer pour défendre l’entrée de la rade. Le génie civil et le génie militaire s’étaient partagé ces travaux, dont on se voit forcé d’ajourner indéfiniment l’exécution. Elle n’eût pas coûté moins de quarante millions. Il en a été de la cité comme du port. La nouvelle enceinte n’a pu lui suffire ; une partie de la population s’est portée en dehors des remparts pour y fonder deux villes, celle d’Ingouville et celle de Graville, entre lesquelles il n’existe d’ailleurs aucune séparation. Plus grand à lui seul que l’ancienne ville, le nouveau quartier qui s’est élevé dans l’enceinte des murs se fait remarquer par l’élégance de ses constructions. Il forme un contraste frappant avec les rues noires de la ville des Valois Avec le temps, les vieilles maisons finiront par disparaître. La grande rue qui traverse l’ancienne et la nouvelle ville rappelle les rues les plus vivantes et les plus belles de Paris. En 1846, le musée et la bibliothèque se sont réunis dans un édifice bâti sur l’emplacement de l’hôtel des anciens gouverneurs, et qui fait honneur à l'architecte de la ville, M. Ladvocat. Pans le nouveau quartier, la place Louis XVI ou de la République, fort belle par elle-même, s’embellit encore par la perspective du magnifique bassin du commerce, dont elle semble être la couronne. La pierre d’honneur du théâtre bâti sur celte place, fut posée par le duc d’Angoulême pendant son séjour au Havre, en 1817. L’extérieur de la salle de spectacle ne répond point à l’intérieur, œuvre pleine de goût qu’on doit à l’un de nos architectes les plus habiles, M. Théodore Charpentier. La plus grande beauté du Havre est dans son port. Il faut monter sur le coteau d’Ingouville, couvert lui-même de riantes habitations, pour jouir de la vue du port et de ses environs. A vos pieds, c’est une forêt de mâts dont les maisons de la ville bordent les allées ; à gauche, la Seine, glorieuse de ses beaux rivages, entre majestueusement dans l’Océan ; à droite, c’est le chef de Caux ou le cap verdoyant de la Hève ; devant vous l’Océan, calme ou terrible, sillonné par d’innombrables voiles qui apparaissent de tous les points de l’horizon. Comme le dit le poète du Havre, Casimir Delavigne : « Après Constantinople, il n’est rien de plus beau. »
Les diverses parties dont le port du Havre se compose, sous le double rapport de la topographie et du commerce, ont été décrites avec beaucoup de clarté par M. édouard Corbière. « La rade, dit-il, est fermée ou plutôt faiblement configurée par le cap de la Hève, au nord et au sud par le plateau sur lequel est bâti le Havre, à l’embouchure de la Seine. Le cap de la Hève, situé à trois quarts de lieue de la ville, s’élève de trois cent cinquante pieds environ au-dessus de la mer. Il est surmonté de deux phares ou tours à feu de cinquante pieds de hauteur chacune et qui peuvent s’apercevoir au large à la distance de sept à huit lieues
On ne compte que 28,000 âmes dans l’enceinte du Havre (elle en contiendrait cent mille si les bassins du port n’occupaient la plus grande partie de son territoire). Ingouville a maintenant 12,000 habitants, et Graville n’en a pas moins de 11,000. A l’exception de sa manufacture de tabacs, établie vers 1730, par la compagnie des Indes, le Havre n’a d’autre industrie que celle de la mer. Ingouville et Graville réunissent à cette industrie des filatures et des ateliers de tissage, des fabriques de produits chimiques, des raffineries et des fonderies de fer sur la plus vaste échelle où l’on fabrique des machines à vapeur. Graville se divise en deux parts, celle de la ville moderne, contiguë aux remparts du Havre, et celle de la campagne, dont l’église et l’ancien prieuré se posent d’une manière pittoresque sur la pente du coteau. Cette église, tout entière en style roman ou byzantin, est comprise au nombre des monuments historiques entretenus par l’état. Non loin de là, on retrouve l’emplacement d'un ancien château fort qui, en 1066, appartenait à Malet de Graville, un des compagnons les plus illustres de Guillaume le Conquérant. Les sires de Graville étaient les suzerains de tout le pays environnant. Alors Graville était un lieu important ; c’était un port plus ancien lui-même que celui d’Harfleur, tandis que le lieu où fleurit aujourd’hui le Havre n’était qu’un triste marais. C’est sur le territoire de Graville qu’aboutit le chemin de fer de Paris au Havre, ouvert le 20 mars 1847. On franchit maintenant en quelques heures les soixante lieues qui séparent ces deux villes, ou plutôt elles ne forment plus qu’une seule cité, dont les deux parties, celle de terre et celle de mer, sont à chaque instant du jour en rapport l’une avec l’autre. On lit dans une description du Havre, écrite en 1731, qu’alors il n’y avait point de messagerie allant de cette ville à Paris. Le carrosse du Havre n’allait que jusqu’à Rouen ; il ne faisait ce voyage qu’une fois par semaine, et mettait deux jours à le faire. Les pères de Saint-Lazare en avaient l’entreprise. Le Havre a donné le jour à plusieurs personnages illustres, parmi lesquels nous citerons mademoiselle de Scudéry et son frère Georges Scudéry, madame de La Fayette, auteur de Zaïde et de la Princesse de Clèves, Bernardin de Saint- Pierre, Casimir Delavigne et Ancelot. Cette ville est aussi la patrie du sculpteur Beauvallel, du peintre Bonvoisin, du savant naturaliste Dicquemarre, du voyageur et naturaliste Lesueur, et du navigateur Dabocage de Bléville, qui fit le tour du monde au commencement du XVIIIe siècle.
Bibliographie
Les commentaires de ce texte sur la traite des noirs et donc sur l'esclavagisme qui est considéré à l'époque comme un avantage pour Le Havre, ne reflète en aucun cas les opinions du concepteur de ce site, pour qui tous les hommes sont égaux.
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