Bordeaux autour des années 1770
Bordeaux, Burdigalae, ville bâtie en demi-cercle sur la rive gauche de la Garonne, à environ dix-sept lieues de son embouchure dans l'Océan. Elle est le siège d’un lieutenant-général, d’un maire perpétuel, d’un archevêché, d’un parlement, établi en 1451, destitué peu de temps après, et rassemblé en 1462 ; d’une cour des aides, d’une généralité, d’une intendance, d’une amirauté, d’une sénéchaussée, d’un présidial, d’une justice consulaire, d’un hôtel des monnaies, d’une table de marbre, et d’une élection.
Port de Bordeaux vers 1750,
Gravure de Johann Friedrich Leizelt, d'après
une peinture de Joseph Vernet,
estampe conservée à la © BNF qui l'a numérisée, correction des défauts par © Norbert Pousseur
Titre de l'estampe : Seconde Partie de la Ville et du Port de Bordeaux
prise du Chateau Trompette :
gravé d'après le tableau original appartenant au Roy,
et faisant partie de la collection des Ports de France,
ordonnée par Mr le Marquis de Marigny...
Elle a une université, fondée en 1441 ; deux Collèges, trois beaux séminaires, une académie royale des sciences et belles-lettres, établie en 1712, et qui a une bibliothèque peu nombreuse, mais bien choisie, et placée dans une belle salle ; une église collégiale, une abbaye de Bénédictins de la congrégation de S. Maur, une riche commanderie de Marthe, une chartreuse magnifique, qui renferme dans son église le tombeau du cardinal de Sourdis, qui la fonda, et un autel couvert de grandes glaces et de rares cristaux ; plusieurs couverts dont le plus beau est celui des Dominicains ; un bel hôpital, où l'on travaille à diverses manufactures ; plusieurs places publiques entre lesquelles on remarque la place royale, voisine du port, ornée de bâtiments superbes, et de la statue équestre de Louis XV ; un Hôtel-de-ville, dont les appartements sont distribués avec intelligence, et décorés avec goût, et douze portes d’entrée.
Elle, renferme 130,000 âmes. Busching y compte 7810 feux, et à-peu-près autant de maisons : Lenglet n’en compte qu’environ 5000 ; mais il est probable qu’il se trompe.
On y voit encore diverses antiquités Romaines : telle est la Porte-basse qu’on croit avoir été construite par Auguste, et qui est entière encore, quoiqu’elle soit carrée, et sans voûte, ni cintre, surchargée de maisons, et que nulle chaux, ni ciment ne lient les énormes pierres qui la composent. Tels sont encore les restes d’un amphithéâtre et du palais de Gallien. Louis XlV y fit abattre le palais de Tutel, pour étendre l’esplanade du Château-Trompette : c’était un temple somptueux consacré autrefois aux dieux tutélaires. La fontaine d'Ouges, ou d'Audège est aussi un ouvrage des Romains, et elle forme encore un ruisseau sur le bord duquel sont diverses tanneries.
Les rues de Bordeaux sont presque toutes étroites : de vieux murs flanqués de tours l’environnent. Son. port, un des plus beaux de la France, est formé par un coude qu’y fait la Garonne, et les plus gros vaisseaux marchands viennent y jeter l’ancre : souvent on y voit rassemblés quatre ou cinq cents vaisseaux de diverses nations, qui apportent des étoffes de laine, de l’étain, du cuivre, du charbon-de-terre, des harengs des cuirs, du bœuf salé, du suif, des drogues pour la teinture, des planches, des mâts de navire, du chanvre, du goudron ; et s’y chargent de vins, d’eaux-de-vie, de vinaigre, de fruits de résine, de papier, de miel, de liège, etc. La pêche de la baleine et de la morue est encore un de ses plus grands objets de commerce. Les vaisseaux Français y apportent de la Martinique de Saint-Domingue du sucre, du coton, de l’indigo, du cacao autres marchandises. Tous les ans il s’y tient deux foires franches, de quinze jours chacune : dans ce temps on voit quelquefois 1200 vaisseaux remonter, ou descendre la rivière. Tel est son commerce, que le droit de comptablie seul rapporte au roi, de 3,5oo,ooo.livres à 4,ooo,ooo chaque année. C’est en considération de ce commerce, qu’on y tolère cent familles de Juifs Portugais ; mais ils n’y ont point de synagogue : les Anglais seuls y peuvent avoir un chapelain en habit séculier : les autres nations se bornent à lire des livres de dévotion dans le sein de leurs familles.
L’archevêque de Bordeaux prend, comme celui de Bourges, le titre de primat des Aquitaines : ses suffragants sont les évêques d'Agen, d'Angoulême, de Condom, de Luçon, de Périgueux, de Poitiers, de la Rochelle, de Saintes et de Sarlat. Son diocèse s’étend sur 450 paroisses, 50 annexes, 12 abbayes et 4 chapitres. Il est seigneur propriétaire des terres de Montravel, de Belvez, de Bigaroque, et autres, dans le Périgord : il jouit de 60,000 livres de rente, exemptes de toutes charges, et paie à Rome 4000 florins pour l’expédition de ses bulles. Sa cathédrale est gothique, très vaste, mais sombre et vide. Bordeaux a trois faubourgs, Chapeau-Rouge, Saint-Surin et Chartrons : ce dernier s’étend circulairement le long de la rive gauche du fleuve, dans un espace de trois quarts de lieue. Là est le port, et les maisons qui le bordent, sont toutes belles et bien bâties : elles appartiennent à des marchands. La ville et le port sont défendus, par trois forts : le plus considérable est le Château-Trompette, construit en pierres de taille, placé à l’entrée du quai, composé de six bastions, et réparé par Vauban. Ses remparts sont des voûtes massives : il renferme un arsenal, où 6000 hommes peuvent s’armer, et une maison pour le, gouverneur, commode, agréable, et où l’on jouit d’un prospect charmant. Le château Haa fut bâti en 1454, dans le même temps que le Château-Trompette, dans le quartier de Bordeaux le plus éloigné de la rivière : c’est un carré long flanqué de quatre tours antiques, et de trois autres tours, dont l’une conduit à la ville. Le fort S. Louis, ou.de Ste Croix, élevé en 1676 sur la rivière, est opposé au Château-Trompette : ce n’est qu’une espèce de petit réduit, formé de deux bastions et de quelques ouvrages extérieurs.
Géographie de Bushing (Anton Friedrich) - Abrégé dans les objets les moins intéressants, augmentée dans ceux qui ont paru l'être, retouchée partout et ornée d'un précis de l'histoire de chaque état par Mr Bérenger (Jean-Pierre) A Lausanne, chez la société Typographique, 1776
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