Texte et gravure
extraits de l'ouvrage "L'Univers - collection des vues les plus pittoresques du globe" de Jules Janin - édition ~1840
La colonne d’Alexandre est un de ces hardis monuments qui ajoutent à la gloire d’un peuple. L’empereur Nicolas, ayant voulu consacrer à la mémoire de l’empereur Alexandre Ier un témoignage de son admiration impériale et de son dévouement fraternel, désigna pour l’emplacement de la colonne d’Alexandre, le centre de la place du palais d’Hiver. Pour modèle, l’empereur choisit la colonne Trajane. Le monument, depuis le piédestal jusqu’à la statue de l’empereur, devait avoir cent soixante-huit pieds de hauteur. Sur les quatre faces du piédestal, des trophées d’armes russes devaient s’entrelacer à des armes antiques. Voilà ce qui fut arrêté au mois de novembre 1829.
La colonne d’Alexandre devait se composer d’un seul morceau de pierre de quatre-vingt-quatre pieds de hauteur. Le poids de ce morceau de granit était de neuf millions cinq cent soixante-seize mille livres. Il avait été taillé dans le roc vif, et pendant deux ans, six cents ouvriers avaient suffi à peine à creuser cette montagne de pierre plus dure et plus brillante que le marbre. Cette fois, l’énorme roche qui sert de piédestal à la statue de Pierre-le-Grand, par Falconnet, est vaincue par la colonne alexandrine.
Quand cette colonne fut extraite de la carrière qui la renfermait, il fallut creuser un port, construire des vaisseaux, appeler à l’aide de ce monument tout d’une pièce la vieille armée de l’empereur Alexandre, à qui était réservé l’honneur de dresser la colonne sur sa base; enfin il fallait placer sur sa base cette haute et élégante montagne ; — entreprise aussi difficile que celle de l’architecte Fontana quand il éleva l’obélisque de Saint-Pierre.
Voici la mesure exacte de la colonne d’Alexandre :
Le trottoir, avec les gradins au bas du monument, quatre pieds neuf pouces ;
Le piédestal, avec sa base d’un seul morceau, en granit, vingt-six pieds;
Le bas de la colonne, deux pieds six pouces;
Le fut monolithe, quatre-vingt-quatre pieds;
Le chapiteau et le piédouche, seize pieds seize pouces ;
La statue, sans la croix, quatorze pieds, et avec la croix, vingt-un pieds ;
Hauteur totale du monument, depuis le sol de la place jusqu’à la partie supérieure de la croix, cent cinquante-quatre pieds neuf pouces.
Les détails de cette œuvre immense sont remplis d’intérêt à force de grandeur. L’architecte, M. de Montferrand, n’a pas voulu s’éloigner de la simplicité antique. Point de détails fastueux, point de victoires, de trophées d’armes, de bas-reliefs guerriers; seulement le piédestal est orné d’anciennes armures qui ont un nom et qui rappellent les héros de la Russie. Le Niémen, la Vistule, les deux grands fleuves de l’empire, la Paix et la Victoire, la Justice et la Clémence, la Sagesse et l’Abondance, figures colossales, paraissent soutenir cette immense colonne, au sommet de laquelle plane l’empereur Alexandre, qui tient une croix à la main.
Pour toute inscription on a tracé trois dates : 1812, 1813, 1814, trois dates bien fatales à la France,
La colonne d’Alexandre fut inaugurée le jour de la fête de l’empereur, aux acclamations de la Russie entière. L’empereur lui-même dit à l’architecte : Montferrand, vous voilà immortel !
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