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Les villes à travers les documents anciens

Page de garde de La Bretagne de JJ Potel - gravure reproduite et restaurée numériquement par © Norbert Pousseur

Quimperlé et l'église Saint-Colomban, vers 1840

 

La rue du château à Quimperlé - gravure reproduite et restaurée numériquement par © Norbert Pousseur
La rue du Château à Quimperlé et les ruines de l'église Saint-Colomban, gravure vers 1840 de Jérôme Jean Potel

 

Texte et gravure
extraits de l'ouvrage "La Bretagne de Jérôme Jean Potel - édition 1844

Depuis que la Bretagne est à la mode, les bords de l'Erdre et de la Sèvre et la petite ville de Clisson, près Nantes, reçoivent de nombreux visiteurs, désireux d’admirer les sites délicieux du pays. Cependant, nous préférons et les bords de la Rance et les environs de Quimperlé.

« Avant la Révolution, dit Cambry dans son ouvrage sur le Finistère, la ville de Quimperlé était une des plus tranquilles, des plus heureuses de la France. Après une vie bruyante, agitée; après de longs voyages en Chine, au Bengale, aux Manilles ; quand les nerfs étaient desséchés par les chaleurs de l’Indostan, de l’Amérique ou de l’Afrique ; que de navigateurs se retiraient à Quimperlé ! Le sang s’y purifiait au milieu des bois, des forêts, des bosquets qui l’entourent ; les chagrins étaient dissipés par une société douce, aimable; un médiocre revenu y faisait vivre dans l’aisance. La chasse, la pêche, la chère la plus délicate et le repos le plus parfait, faisaient passer des jours heureux à l’homme assez sage pour préférer à l’éclat, au mouvement des grandes villes, le calme d’une vie paisible, l’air pur des bois et des rivières, et les plaisirs de la nature. On s’y réfugiait enfin comme en Touraine. C’était un port paisible et sûr à la suite des tempêtes et des naufrages de la jeunesse.»

Aujourd’hui, comme à l’époque à laquelle écrivait Cambry, Quimperlé est l’une des villes les plus intéressantes de la Bretagne. Ses environs, si délicieux déjà, s’embellissent encore des progrès de l’agriculture. De belles fabriques, dans lesquelles on s’occupe de tannerie, d’engrais, de mouture de blé, de scierie, de papeterie, donnent au paysage de l’animation ; et de vieux monuments, qui se rattachent à l’histoire locale, racontent quelques-uns de ses faits les plus importants. C’est sur les bords de l’Ellé que s’arrêtèrent les Francs, lorsqu’ils envahirent la Bretagne, sous prétexte de la soumettre à l’unité catholique, mais en réalité pour la conquérir. Charlemagne campait encore près de cette rivière, quand il y fut salué dans son camp par l’abbé de Landevenec.

L’abbaye de Sainte-Croix fut fondée en 1029, par Alain Caignard, sur l’emplacement de l’ermitage de Saint-Guithiern, l’un de ces pieux personnages qui défrichèrent et civilisèrent le pays, dans le VIe, le VIIe et le VIIIe siècle. Sa chapelle, longtemps respectée, existait encore au XVIIIe siècle.
Nous donnons, dans notre dessin, une vue de la rue du Château :
« Elle est, dit Cambry, large, grande, bien percée ; ses principaux édifices sont la prison, le tribunal, l’église de Saint-Colomban (dont il ne reste plus que les ruines), un des portails de l’abbaye qui la termine à l’orient ; une partie des maisons qui la forment sont grandes, belles, bien bâties; beaucoup d’entre elles sont un mélange de bois, de mortier et de pierres brisées, à la manière antique : elles nuisent à la régularité qu’on désire dans une si belle rue, mais elles détruisent une uniformité toujours ennuyeuse. On ne connaît l’agrément de ces habitations qu’en y pénétrant : toutes donnent sur la rivière, d’un côté sur l’Ellé, de l’autre sur l’isole. — De jolis jardins fermés de murs et soutenus par des terrasses, les collines qui bornent la vue du Combout, les rochers, les landes sauvages qui les surmontent, les hautes prairies du Cosquer, des eaux, des bois et des landes dorées, décorés de quelques villages, sont les différents points que diverses positions vous présentent. On peut se reposer au frais dans des tonnelles de laurier, de filaria, de jasmin ; prendre des bains d’une eau limpide et pure ; jouir des plaisirs de la pêche, et, sans sortir de son jardin et de sa basse-cour, garnir sa table de saumons, de limites, d’excellentes lamproies, de belles anguilles, de colverts; de toute espèce de volailles ; de fleurs, de fruits et de légumes.»

Depuis que les moines du couvent de Sainte-Croix ont quitté Quimperlé, leur église remplace, comme paroisse, celle de Saint-Colomban qui a été détruite.
L’église de Sainte-Croix, qui rappelle beaucoup, sous certains rapports, l’ancienne cathédrale de Nantes (celle dont il ne reste plus aujourd’hui que le chœur et quelques vestiges des transepts), possède, sous l’abside, une chapelle souterraine, dans laquelle on voit deux tombeaux gothiques, dont les statues sont fort mutilées. La partie supérieure de l’église, restaurée depuis sa construction en dehors de son style primitif, formait, comme l’ancienne cathédrale de Nantes, une croix bien différente de celles qui ont servi depuis au tracé de nos cathédrales gothiques. Le chœur, tout à fait circulaire, appuyé sur quatre massifs de piliers, se trouvait entouré, par les bas côtés et des prolongements en sens divers : à l’orient l’abside plus élevée que le chœur, à l’occident une sorte de bras de croix terminé carrément comme au nord, au sud une chapelle semi-circulaire. Les ornements des colonnes sont sculptés comme dans l’enfance de l’art ; rien ne ressort, tout a été taillé dans une pierre primitivement aplanie. De nombreuses réparations ont sans doute, à diverses reprises, modifié celle église, dans laquelle, comme à Nantes, les différences considérables de niveau des diverses parties ne permettaient qu’à très-peu de fidèles de participer, par la vue, à la célébration du saint mystère.
Alain Caignard avait été inhumé dans l’église de Sainte-Croix, mais sa statue fut brisée pendant la Révolution.

L’église des Jacobins, ou Dominicains, se recommande par un portail sur lequel on voit encore quelques jolis détails. Leur abbaye avait été fondée, en 1255, par Blanche de Champagne, et possédait les restes du comte de Montfort.
Nous aimons à rappeler, en terminant cet article, que Louis d’Espagne, débarqué à Quimperlé, en 1342, avec 6000 hommes de troupes, y fut vaincu par des Bretons commandés par Gautier du Mauny, Amaury de Clisson, Yves de Kerriguidi, Landreman de Cadoudal, qui n’avaient cependant que 3000 hommes sous leurs ordres. Leur victoire fut complète, et les vaisseaux ennemis restèrent en leur pouvoir.
Pendant les guerres de la Ligue, Quimperlé, que François Duchatel commandait au nom du duc de Mercœur, fut enlevé de vive force par les troupes du roi, qui, ayant fait sauter les portes avec des pétards, pillèrent la ville et même l’abbaye de Sainte-Croix qui avait été fortifiée.


En complément, lire les deux autre articles sur Quimperlé - partie 1 et partie 3

Pour voir les détails de la rue du Château à Quimperlé vers 1840 avec son échoppe
'Leibecht peintre - Doreur Vernisseur colle les papiers de tenture décore les églises'
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