Texte et gravure
extraits de l'ouvrage "La Bretagne de Jérôme Jean Potel - édition 1844
L’origine de la maison de Montauban est assez difficile à déterminer, les titres en ayant été brûlés, en 1487, lors de la prise du château de Montauban par les Français, ainsi que l’apprend une enquête lue au chartrier du château du Bois de la Roche par le P. Aug. Du Paz. L’écusson de gueules aux neuf macles d'or, brisé d'un lambel à quatre pendants d’argent, a fait croire que les Montauban sortaient d’un puisné de la maison de Rohan, mais le P. Du Paz n’a point osé nommer ce puisné, et le savant P. Anselme, en indiquant comme tige un Josselin de Rohan, seigneur de Montauban, et fils d’Alain III, vicomte de Rohan, et en faisant mourir ce dernier en 1251, paraît avoir confondu les époques, et n’apporte au surplus aucune preuve à l’appui de cette opinion.
Quoi qu’il en soit, la maison de Montauban, aujourd’hui éteinte, se perdait dans le XIIe siècle, et a reçu dans les suivants une grande illustration. Jean de Montauban, ainsi que presque tous les grands seigneurs de la Bretagne, embrassa la juste cause de Jeanne la boiteuse, femme de Charles de Blois, contre Jean de Montfort. Son frère Alain suivit le même parti. Cette branche aînée, dans les alliances de laquelle on remarque les noms de Montfort de Bretagne, de Malemains de Normandie, famille de la mère de Du Guesclin, d’Aubigné, de Loheac, de Kezanrais, finit dans la personne de Marie de Montauban, qui épousa, en 1443, Louis de Rohan, seigneur de Guémené-Guégan.
Jean de Montauban, fils de Guillaume I.er et de Bonne Visconti de Milan, fut maréchal de Bretagne du temps des ducs Pierre II et François II, et amiral de France sous Louis XI Son frère Arthur, entraîné, dit-on, par une rivalité d’amour, souilla le noble écusson de sa maison par la part principale qu’il prit à l’assassinat de l’infortuné Gilles de Bretagne.
Robert de Montauban, deuxième fils d’Olivier V, commença la branche des seigneurs du Bois de la Roche, vers la fin du XlVe siècle. Il portait :
écartelé au 1 et au 4 passé d'or et de gueules, cinq pièces de chacun.
Au 2 et 5 fascé d'or et de gueules et sur le tout Montauban ci-dessus.
Cette branche fournit aussi un zélé défenseur de la cause de Charles de Blois dans la personne de Renaud de Montauban, qui fut l’un des plus hardis chevaliers bretons. Il eut ses deux frères, Guillaume et Olivier, pour compagnons d’armes. Il mourut en 1386, sans laisser d’enfants de Jeanne de Montfort, sa femme. Son testament de la même année, est daté du château du Bois de la Roche qu’il habitait, et qui est situé dans la commune de Néant. Il voulut être inhumé dans l’église de cette paroisse.
Ce fut le fils de sa sœur Jeanne, Roland de la Planche, qui devint son héritier ; la seconde branche des Montauban s’éteignit ainsi ; mais Marie de la Planche, fille de Roland, en forma une troisième, en se mariant avec Robert de Montauban, son cousin au 4e degré, issu comme elle d’Olivier III et fils d’Olivier V. Robert fut lieutenant d’Arthur de Richemont, connétable de France. Il mourut vers la fin de 1440, et fut, comme Renaud, inhumé dans l’église de Néant.
Son petit-fils Guillaume de Montauban, marié vers 1452 avec Jeanne de Keradreux, fut père de Philippe, dont le dessin de M. Potel nous offre le tombeau ruiné.
« Philippes de Montauban fut sçavant ès bonnes lettres et principalement au droict civil et vaillant au fait des armes, » dit le P. Du Paz.
Chargé de défendre la ville de Rennes contre l’armée française, en 1487, le duc François II le nomma son lieutenant-général dans tout le pays Rennais, et bientôt après son chancelier, à la place de Jacques de la Ville-Eon, qui venait de mourir. Après la mort de ce prince, il acquit une grande confiance près de sa fille Anne de Bretagne, la soutint fortement dans son opposition au mariage que le maréchal de Rieux voulait lui faire contracter avec le sire d’Albret, et contribua d’une manière toute spéciale à son union avec Charles VIII. Il partagea avec les autres membres du conseil de la princesse l’accusation d’avoir été gagné par le Roi. Cependant il perdit, en 1494, sa place de chancelier, dont il ne conserva que le litre, avec les fonctions de gouverneur et garde-scel de la chancellerie, et chef d’une chambre de justice qui fut créée en Bretagne.
Il fit ériger en vicomté la seigneurie du Bois de la Roche, et en baronnie celle de Saint- Brice et de la Chattière, qu’il avait achetées de François de Scepeaux en 1513, et y annexa la terre de Sens.
Philippe de Montauban fut marié deux fois : la première, avec Marguerite Leborgne, d’une très ancienne famille de Bretagne qui existe encore. Il en eut Marguerite de Montauban, qui épousa Jacques de Beaumanoir. la seconde, avec Anne du Chastelier, veuve de Gilles de Rieux, dont il eut Catherine de Montauban, mariée à René de Volvire, dans l’illustre maison duquel elle porta la seigneurie du Bois de la Roche, qui y est restée jusqu’en 1747, époque où mourut, sans alliance, Joseph de Volvire, comte du Bois de la Roche, après lequel cette seigneurie passa, par succession, dans la maison de Saint-Pern.
Les historiens bretons ne sont pas d’accord sur la date du décès de Philippe de Montauban. Le P. Du Paz le place au l.er juillet 1516, et Dom Morice en 1518. Mais l’épitaphe inscrite sur le tombeau dont nous allons parler tout à l'heure, porte le 1er juillet 1514, au moins dans la copie donnée par Ogée, dans son Dictionnaire de Bretagne, à l’article Néant. Ce qui ferait croire à l’exactitude de cette copie, c’est que le même auteur, probablement d’après des renseignements tirés des archives du Bois de la Roche, rapporte que Philippe de Montauban fit son testament à Rennes, le 27 juin 1514, et mourut le 1.er juillet suivant ; que son corps fut porté à Ploërmel et inhumé dans la chapelle de Notre-Dame, qu’il avait fondée lui-même dans l’église des Carmes de la même ville, et qu’on y voit son tombeau avec l’épitaphe suivante :
« Cy gist hault et puissant seigneur Philippe de Montauban, baron de Grenonville, de Bazoges et de Sens, vicomte du Bois de la Boche, chancelier de Bretaigne, fondateur de ceste chapelle, gui décéda à Rennes, le 1er jour de juillet 1514. Priez Dieu qu'il lui face pardon.»
Sa seconde femme, Anne du Chastelier, mourut quelque temps après lui, et fut placée dans le même tombeau.
Le dessin que nous avons sous les yeux, nous avertit suffisamment que l'église des Carmes de Ploërmel ne subsiste plus, et que le tombeau de Philippe de Montauban a subi, comme tant d'autres, les fureurs révolutionnaires. Ses fragments dispersés et mutilés gisent sur la terre, exposés à toutes les intempéries et à tous les accidents que peut amener l'ignorance insouciante et trop souvent destructive, et que semble autoriser un pareil délaissement.
Cependant, le fidèle crayon de M. Potel nous fait voir que ces deux statues, qui sont celles de Philippe de Montauban et d'Anne du Chastelier, sa seconde femme, auraient mérité de suivre dans l'église paroissiale de Ploërmel celles des ducs Jean II et Jean III, qui étaient aussi dans la chapelle des Carmes, et qui eussent pu être moins obscurément placées dans le nouvel asile que leur ont fait les bouleversements de notre malheureuse époque.
En effet, ces statues paraissent traitées avec soin, et sont peut-être dues à la même main qui éleva, peu d’années auparavant, l'admirable tombeau de François II, c'est-à-dire à cette famille de tailleurs d'ymaiges, dont Michel Coulombe était le chef.
La statue d’Anne du Chastelier, posée à côté de celle de son mari, pourrait donner à penser que le tombeau dont nous parlons ne fut construit qu'après la mort de cette dame ; mais ['épitaphe, qui ne parle que de Philippe de Montauban, semble prouver, au contraire, qu’il est l'œuvre de la veuve, qui a pu, en y faisant placer son effigie, vouloir indiquer qu'elle désirait être réunie un jour à celui auquel elle consacrait ce noble témoignage de ses regrets.
(Nous devons cette notice à M. Bizeul.)
En complément, lire, du même ouvrage, l'article sur Ploërmel
Pour voir les détails du tombeau de Philippe de Montauban et d'Anne du Chastelier à Ploërmel,
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