Description de Caen extraite de La France pittoresque d'Abel Hugo, 1835
Caen, au confluent de l’Orne et de l’Odon, chef-lieu de préfecture, à 66 1ieues à l'Ouest de Paris, distance légale. — On paie 27 postes 1/2 par évreux et Lisieux; 31 postes 1/4 par Honfleur. Population 39,140 habitants
Caen n’est pas une ville fort ancienne, et cependant on ne peut fixer avec certitude l’époque de sa fondation. On croit qu’elle a remplacé une cité dont les débris se retrouvent au village de Vieux, que les Romains avaient décoré de nombreux édifices, et qu’ils la nommaient Civitas Viducassium. C’était la capitale du pays. Elle fut entièrement détruite par les Saxons, dans les invasions des IIIe et IVe siècles ; plus tard la nouvelle ville se forma des débris de l’ancienne, et occupa d’abord remplacement du château actuel.
Son premier nom fut Cathem ou Cahom (en Saxon, demeure de guerre).
En 912, lors de la cession de la Neustrie aux Normands, par Charles-le-Simple, Caen était déjà une cité grande et importante. Sous les ducs normands, et surtout sous Guillaume-le-Conquérant, son accroissement fut rapide ; ce dernier prince et Mathilde, son épouse, contribuèrent à l’embellir. Ils y élevèrent les deux plus beaux édifices de la ville, l’abbaye de Saint-étienne, dite l'Abbaye-aux-Hommes, et celle de la Trinité, dite l’Abbaye-aux-Dames.
Guillaume commença la construction du château, Henry 1er, d’Angleterre, le termina ; Louis XII et François Ier, le réparèrent et l’agrandirent. Caen était devenu la capitale de la Basse-Normandie, honneur qui lui attira plus d’une fois les malheurs de la guerre.
En 1346, édouard III, d’Angleterre, l’assiégea; les habitants, commandés par Raoul, comte d’Eu, et par Jean de Melun, firent une sortie et furent battus ; ils rendirent la ville par capitulation, mais quand les Anglais y furent entrés, le combat recommença dans les rues. édouard, furieux, livra la ville au pillage, massacra une partie de la population et enleva un butin immense.
En 1417, les Anglais prirent Caen une seconde fois et s’y maintinrent jusqu’en 1450.
Alors le brave Dunois leur enleva la ville d’assaut et força à capituler le duc de Somerset, qui s’était retiré dans le château avec 4,000 Anglais.
Plan de Caen en 1855
extrait de La Géographie de la France par Malte-Brun, A. H. Dufour, géographe
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La ville était ceinte d’énormes murailles que flanquaient vingt-et-une tours, les unes rondes, les autres carrées. Ces fortifications, depuis longtemps devenues inutiles, ont été négligées et ont enfin disparu presque entièrement par la réunion de la ville à ses faubourgs. Le château était très vaste et très fort, il fut en partie démoli à la Révolution ; ce qui en reste sert de prison, et est encore susceptible de défense, à cause de sa position sur un mamelon qu’isolent de profonds et larges fossés.
Caen vers 1850, par Llerjet (?)
extrait de La France illustrée de Malte-Brun - 1855
à noter les 3 hautes-cheminées aux fumées noires
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Caen est situé à 3 lieues de la mer, dans un beau vallon , entre deux vastes prairies bordées de collines où se trouvent les carrières de ces belles pierres dont la ville est bâtie, et qui ont aussi été employées à la construction de Westminster et de divers autres édifices de Londres.
La ville décrit un demi-cercle qui embrasse une prairie arrosée par les bras nombreux de l’Odon. Au milieu de la courbe extérieure s’élève le château.
On est frappé de la régularité des rues de Caen, de la belle construction de ses maisons et de ses monuments, ainsi que de la propreté générale de la ville. Les deux plus grandes rues sont celles de Saint-Jean et de Saint-Pierre ; elles forment un angle droit et traversent la presque totalité de la ville où passe aussi un canal qui vient de l’Odon et qui active de nombreuses usines.
Le port de Caen par Baugean
extrait du Nouveau voyage pittoresque de la France - Ostervald -1827
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Caen, vue prise de la rue des Quais, par Skelton
extrait de La Normandie de Jules Janin - 1862
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Caen vue de la rue des Quais, dessin de Darvin
extrait de La France pittoresque d'Abel Hugo - 1835
Sur ces 2 vues qui se ressemblent, mais dont les personnages diffèrent,
on a en premier plan la Tour du port de la vue en tête de page.
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Le port formé par le lit de l’Orne et par celui de l’Odon, sert au cabotage; il est peu important à cause des dangers que présentent l’entrée de l’Orne obstruée par de nombreux bancs de sable, et la presque impossibilité de remonter la rivière au-dessus de la ville ; cependant la haute mer y amène des bateaux de 150 à 200 tonneaux, et il rend de grands services aux débouchés des produits de la ville.
Ce port est renfermé dans de beaux quais qui ont été commencés en 1787, et qui viennent d’être terminés. Il est voisin du Grand-Cours, promenade délicieuse et bien ombragée. Sur la rive gauche de l’Orne, au-delà de la jonction de cette rivière avec l’Odon, s’étend, le long du nouveau lit de l’Orne, le cours Caffarelli. L’ancien lit était très sinueux et exposait lès terrains environnants à de fréquentes et dangereuses inondations.
Sur l’autre rive est le faubourg de Vaucelles, qui communique avec la ville par un beau pont de granit aussi de construction nouvelle.
Pont de Vaucelles
à Caen, Gravure de Baugean
extrait du Nouveau voyage pittoresque de la France - Ostervald -1827
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Caen est surtout remarquable par ses nombreuses et curieuses églises de styles gothiques, toutes nobles et imposantes. L’Abbaye-aux-Hommes est ornée de deux hauts clochers que surmontent des flèches aériennes. L’église est vaste et de style sévère, son plan est régulier ; elle renferme, entre autres monuments curieux, la tombe de Guillaume-le-Conquérant. L’Abbaye-aux-Hommes fut terminée vers 1077. On croit néanmoins que ses deux belles flèches et les bas-côtés de la nef sont plus modernes de deux siècles.
L'abbaye aux Hommes, à Caen, Gravure de Baugean
extrait du Nouveau voyage pittoresque de la France - Ostervald -1827
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L'Abbaye-aux-Femmes est située dans la partie élevée de la ville. Elle menaçait ruine et a été restaurée depuis peu d’années ; on y voit la tombe de la reine Mathilde, monument simple comme celui de son époux. Entourée de jardins et de plantations spacieuses, cette église sert à l’Hôpital-de-la-Trinité.
L'abbaye aux Dames, à Caen, Gravure de Pleury (?)
extrait de La France pittoresque - Abel Hugo - 1835
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Entrée de l'abbaye aux Dames, à Caen, Gravure de Beaugean
extrait du Nouveau voyage pittoresque de la France - Ostervald -1827
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L'église Saint-Pierre est située au pied du château, au centre de la ville et sur la place du même nom, qui sert de marché aux légumes. C’est un admirable assemblage de divers styles gothiques , les plus riches et les plus élégants ; ces styles y sont confondus sans disparates, et leur ensemble a un caractère extraordinaire de variété et de luxe. Le rond-point de l’église est surtout superbe ; il fut élevé, ainsi que les voûtes de l’église, en 1521, par l’architecte Soyer. La flèche de Saint-Pierre est la plus gracieuse et la plus légère de toutes celles de la Normandie.
église St Pierre
à Caen, Gravure de Charles Rauch
extrait du Guide du voyageur en France - 1837
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Intérieur de l'église St Pierre
à Caen, Gravure de Thomas Allom
extrait de La France au XIX siècle - 1841
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L'église St Pierre
à Caen, Gravure de Llerjet (?)
extrait de La Géographie illustrée de la France de Jules Verne -1876
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L'église Saint-Jean est un ouvrage du XVe siècle ; ses tours égalent presque en hauteur celles de l’Abbaye-aux-Hommes, mais elles manquent de flèches. Les églises de Vaucelles, de Saint-Gilles, de Notre-Dame, etc., méritent aussi quelque attention.
église St étienne
à Caen vers 1860, Gravure de Ludwig Robock
extrait de La Normandie de William Duckett - 1866
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L’Hôtel de la Préfecture est un bel et grand édifice de style italien ; sa façade est ornée de six colonnes ; l’hôtel est environné de jardins et avoisine le petit cours Cafarelli, promenade fort agréable.
L'Hôtel-de-Ville est un grand édifice assez régulier, mais d’un style lourd ; il occupe, ainsi que les bâtiments de la Bibliothèque et du Musée, un des côtés de la Place Royale. Cette place est la plus belle des quatre grandes places de Caen ; elle est propre, bien entourée, bordée d’allées d’arbres, et décorée depuis quelques années d’une statue de Louis XIV en bronze, élevée sur un piédestal de marbre blanc.
Ancien Hôtel de ville de Caen, Gravure de Rauch
extrait du Guide du voyageur en France - 1837
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Le Palais-de-Justice, près de l’Abbaye aux Hommes, est décoré d’une belle colonnade et d’un noble péristyle ; mais l’intérieur de l’édifice est mesquin, exigu et mal distribué ; on y voit cependant une grande salle où se tiennent les audiences solennelles de la Cour royale et celles de la Cour d’assises. L’obélisque élevé à la mémoire du duc de Berry n’est remarquable que par la grosseur du seul bloc de granit qui le compose.
Le Lycée impérial de Caen vers 1860, par Ludwig Robock
extrait de La Normandie de William Duckett - 1866
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Le Jardin botanique contient plus de 8,000 espèces de plantes indigènes et exotiques.
Enfin Caen offre encore de remarquable la Bibliothèque publique, qui se compose de 47,000 volumes, les Musées de tableaux et d’histoire naturelle, le Chantier du commerce, la Salle de spectacle, l’Hôtel-Dieu, le Collège royal, la nouvelle Poissonnerie, l’Abattoir public, le Jardin du Lycée, le Parc aux Dames, les Casernes, la maison centrale de détention située au hameau de la Maladrerie, route de Bayeux, etc. Les environs de la ville, surtout le bord des deux rivières, sont fort agréables. Vus, ainsi que la ville entière, des hauteurs du moulin du Roi, ils offrent un aspect intéressant.
Cour de la Bourse à Caen vers 1860, par Thérond
extrait du Magasin pittoresque - 1861
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Cour de la Bourse, à Caen.
L’hôtel de Caen aujourd’hui désigné sous le nom de « Cour de la Bourse » est situé sur la place Saint-Pierre, vis-à-vis le côté méridional de l’église de ce nom. Il est composé de quatre corps de logis, dont trois seulement méritent quelque attention.
Le premier, qui forme presque à lui seul un des côtés de la place, est décoré d’ordres composés et d’une porte d’entrée voûtée, anciennement surmontée d’une fort belle statue équestre en ronde bosse, représentant le Fidèle et le Véritable de l’Apocalypse, mais qui a été détruite en 1793, ainsi que la plus grande partie des ornements des croisées et de la corniche.
Le second, parallèle à celui-ci, occupe le fond de la cour et est divisé en trois pavillons également ornés d’ordre corinthien. Le pavillon du milieu est surmonté d’un toit fort élevé et d’une fenêtre en lucarne richement décorée d’arcades, de colonnes et d’entablements dans le goût du temps. Des bas-reliefs représentant Apollon et Marsyas garnissent la lucarne.
A côté de ce pavillon, on trouve l’entrée principale, sous un péristyle ouvert, formé de deux arcades, conduisant à un escalier construit en spirale. Cet escalier est couronné à l’extérieur de deux lanternes à jour d’une grande élégance qui dominent l’édifice d’une manière très-pittoresque et rappellent, à quelques égards, les charmants détails du château de Chambord.
Enfin le troisième corps de logis, qui forme le côté droit de la cour et vient se réunir en retour d’équerre au premier bâtiment, est remarquable par la beauté des sculptures et des ornements qui enrichissent les trumeaux des fenêtres. La partie inférieure de ces trumeaux offre deux niches avec chambranle â colonnes, dans lesquelles sont placées deux statues d’un bon style et de forte proportion, qui représentent David tenant la tête de Goliath, et Judith tenant celle d’Holopherne. Dans la partie supérieure, des écussons armoriés sont soutenus par des nymphes et des génies, le tout enrichi de lucarnes pyramidales terminées par des vases. Enfin, on voit encore sur le reste des murs de jolis médaillons et des têtes en relief de personnages historiques ou fabuleux.
Ce riche édifice fut bâti, en 1538, pour Nicolas le Valois, seigneur d’écoville, par des architectes et des sculpteurs florentins. L’hôtel le Valois était vulgairement connu sous le nom d’Hôtel du Grand-Cheval. Ce nom lui venait de la statue équestre qui surmontait l’entrée et dont nous avons parlé, et non d’un bas-relief, comme quelques auteurs l’ont écrit.
Il reste une curieuse description de cette statue par le médecin Jacques de Cahaignes, dans son éloge de Blaise Leprestre. était-ce, comme on est réduit à le supposer, l’œuvre de cet architecte, qui, dans ce cas, aurait été aussi un habile sculpteur ou tailleur d’images ? Il n’y a là rien d’impossible, car on sait qu’au Moyen âge ces deux professions se trouvaient réunies ; et à l’époque même où vivait Blaise Leprestre, Michel-Ange en offrait encore un illustre exemple. Cahaignes, il est vrai, n’est pas explicite à cet égard; mais il résulte très positivement de son texte que cette statue était l’œuvre d’un artiste de Caen.
De la famille de Nicolas le Valois, le manoir d’écoville passa en la possession d’un homme érudit, poète, et plein de zèle pour le progrès des sciences, Moisant de Brieux.
Il avait loué une partie de son hôtel à un libraire, dans la boutique duquel il rencontrait fréquemment le savant Huet, plus tard évêque d’Avranches, et d’autres littérateurs distingués. Comme ils se trouvaient à l’étroit et trop souvent dérangés dans cette boutique, Moisant de Brieux leur proposa de se réunir chez lui une fois par semaine. Telle fut l’origine de l’Académie de Caen, qui reçut des lettres patentes de Louis XIV, en 1705.
Cet hôtel devint plus tard la propriété de la municipalité, et servit de maison commune jusqu’en 1793.
Presque abandonné aujourd’hui, il est loué en partie à des particuliers. Une autre partie est affectée au Tribunal de commerce. On y trouve une grande pièce récemment restaurée qui sert de lieu de réunion aux négociants, et quelquefois de salle de concert.
Tour des Gens d'armes à Caen par Thérond
extrait du Magasin pittoresque - 1866
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L’Hôtel de Nollent, ou maison des Gens d’armes à Caen
à l'une des extrémités du chef-lieu du Calvados, au faubourg de Calix, sur le bord d’un chemin qui avoisine le canal de Caen à la mer, on voit une sorte de petit château-fort présentant deux tours à plate-forme reliées par mur crénelé. Mur et tours sont remarquables par de nombreux ornements de la fin du quinzième siècle ou du commencement du seizième. C’est, en effet, sous le règne de Louis XII que le castel fut bâti par un Gérard ou Girard de Nollent, à la place d’un vieux manoir dit manoir des Talbotières.
« Un mur crénelé, dit M. de Jolimont, et deux tours à plate-forme, avec des fenêtres grillées, qui figurent un petit castel fortifié, sont tout ce qui reste d’un ancien apanage sans doute plus considérable. L’architecte, en donnant à cet édifice l’aspect guerrier, n’en a point exclu les éléments. Outre le chambranle, décoré d’arabesques et des armoiries de Nollent, de la fenêtre de la grande tour, on remarque sur les murs un grand nombre de médaillons offrant en relief des figures d’empereurs et de divers personnages historiques avec des devises. Mais ce qui paraît plus extraordinaire, ce sont deux statues en pierre, pincées sur la plate-forme de cette tour, représentant des soldats ou gens d’armes dans une attitude menaçante. L’un est armé d’un arc, l’autre d’une hallebarde, et tous deux paraissent vouloir défendre l’approche du logis. Cette singularité a fait donner au manoir le nom de Maison des Gens d’armes, et est toujours indiquée aux étrangers comme un objet très curieux. »
Les médaillons ne représentent pas seulement des empereurs : une tête de femme est en regard d’une tête d’homme, ou une tête d’homme est entre deux têtes de femmes; une seule figure de femme n’a point de pendant, et sa légende dit en latin que l’amour est vaincu par la pudeur, pudicitia vincit amorem. Ces médaillons semblent allégoriques à l’un de nos antiquaires : nous le croyons volontiers sans rien affirmer, ou du moins sans hasarder une explication.
L’hôtel de Nollent, ou ce qui en reste, fait aujourd’hui l’annexe d’une ferme et sert de grange. Il est bien mutilé par le temps; mais, tel qu’il est, son utilité le conserve, et son humble destination l'assure contre les témérités des restaurateurs.
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