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Les villes à travers les documents anciens

Page de garde de L'Univers de Jules Janin

Le pont et le château Saint Ange à Rome vers 1840

 

Château St Ange à Rome - gravure reproduite et restaurée numériquement par © Norbert Pousseur
Rome et le château St Ange et son pont sur le Tibre, par Bernhard Metzeroth vers 1840

 

Texte et gravure
extraits de l'ouvrage "L'Univers - collection des vues les plus pittoresques du globe" de Jules Janin - édition ~1840

Le pont Saint-Ange est un des monuments de la vieille Rome. Sous ses arches hardies, roule encore le Tibre, non plus limpide comme aux jours de sa gloire, mais chargé de boues et de sables. C’est l'empereur Adrien qui a jeté ces cinq arches au-dessus du fleuve auquel il avait donné son nom. Il y a quatre siècles déjà que le pont de l'empereur Adrien s’écroula, non sans entraîner un grand nombre de victimes dans sa chute. Pie V, cet intelligent souverain pontife, releva ces arches écroulées ; plus tard, Clément IX chargea le pont d’Adrien de belles statues qui représentaient des muses et d’élégantes balustrades. Ce fut alors que le pont de l’empereur Adrien s’appela le pont Saint-Ange.

Le pont Saint-Ange est, pour ainsi dire, au centre de cette vieille Rome qui fut elle-même le centre du monde. De cette hauteur monumentale, vous découvrez les grands monuments, les monuments détruits de la ville éternelle. Mais toute cette perspective imposante est facilement écrasée par le monument de l’empereur Adrien. Sous cette masse imposante avait d’abord reposé l’empereur. Ce n’était pas un tombeau, c’était une citadelle. Figurez-vous une immense rotonde qui reposerait sur de véritables rochers de granit de soixante pieds de haut sur deux cent-quatre-vingt pieds de large. La partie circulait du monument sur laquelle le temps a vainement marqué sa lente fureur, n’est pas de moins de six-cent-quarante pieds de circonférence. Le marbre, un marbre venu d’Orient, décorait cette rotonde funéraire en dedans et en dehors, si bien que vous auriez pu dire: — C'est une montagne de marbre, et ce marbre précieux était orné des plus riches sculptures grecques et romaines. Tout autour de l’édifice s’élevaient de hautes colonnes à la hauteur de quarante pieds et tout en marbre. Cette élégante colonnade supportait une terrasse brodée à jour par le ciseau des sculpteurs. Au sommet du monument se levait debout la statue en bronze doré de l’empereur ; au pied du monument était caché le cadavre impérial. Depuis les pyramides de l’égypte qui n’ont pas conservé le nom des cadavres qu’elles contenaient, nulle tombe humaine n’avait chargé la terre, égale à la tombe de l’empereur Adrien.

Mais cependant vinrent les barbares et les flammes, et le fer et le temps, et les révolutions de tout genre, et les Goths qui mirent le siège devant Rome en 537, et toutes ces fureurs de tous les siècles barbares, et à chaque siècle, le tombeau de l’empereur Adrien était en butte à toutes ces violences, et cependant ce tombeau a résisté plus que n’a résisté le Capitole. A peine les siècles et les barbares ont-ils fait une brèche à ce monument funèbre construit par un empereur, pour un empereur.
Ainsi donc le monument fut dégradé, la tombe de l’empereur descendit de sa base, le sarcophage fut violé, les cendres impériales furent jetées au vent, les sculptures furent brisées, le marbre fut séparé de la pierre; mais la pierre résista, la montagne de granit resta debout : voilà un tombeau qui jette le défi aux barbares et aux siècles conjurés !
Bien plus, Rome assiégée, vaincue, cernée de près et l’épée dans les reins, ne sachant plus à quel Dieu se vouer, Rome se reporta vers cette tombe immortelle; le tombeau de l’empereur Adrien devint une citadelle, et aussitôt les Romains réfugiés dans cette tombe et ne sachant comment se défendre, détachent les colonnes de marbre qui ornaient leur citadelle improvisée, et sous ses marbres ils écrasent les barbares qui les poursuivaient ; les statues, précipitées du haut des terrasses, retombent sur l’ennemi, comme eût pu faire une armée auxiliaire, mais une armée de marbre, ou tout au moins une armée de géants !
Mais qui pouvait arrêter les barbares ? Rome, pauvre cité anéantie, ne devant pas trouver de refuge même dans le tombeau de cet empereur. Arriva Théodoric, le roi des Ostrogoths, — Théodoric le maître de l’Italie ! Cela plut à ce barbare de se loger lui, vivant, dans le tombeau d’un César. Il fit donc préparer à son usage la tombe impériale ; il en fit un palais et celui de ses généraux. Et quand enfin les barbares donnèrent un peu de relâche à la pauvre Italie, le tombeau de l’empereur Adrien devint une forteresse redoutable du haut de laquelle le souverain pontife contint plus d’une fois, soit l’ennemi, soit ses propres sujets.

Arriva le pape Alexandre VI, un des souverains qui ont le plus fouillé la vieille Rome. Alexandre VI s’occupa beaucoup du château Saint-Ange ; il le dégagea de tous les décombres amoncelés également par les vaincus et par les vainqueurs ; la crête du tombeau était brisée, il la rétablit et la couronna de créneaux, en même temps au pied du monument et sur ces mêmes voûtes qui sont à l'épreuve de la bombe, il faisait établir les casernes, les magasins, les prisons qu’on y voit aujourd’hui. Plus tard Urbain VII ajouta à toute cette défense des bastions et des remparts. Dans tous ces agrandissements formidables, disparut le tombeau de l’empereur, et à cette même place où il avait cru reposer jusqu’à la fin du monde, il n'y eut plus, en effet, qu’une citadelle et une prison d’état.

Le château Saint-Ange ne s’élève pas seul au milieu de Rome. Au contraire, il s’appuie contre un monument imposant par sa masse et qui domine dans les autres ; ce palais est le Vatican, c’est la résidence du chef visible de l’église catholique. C’est de là que le pape donne sa bénédiction à la cité éternelle et au monde (urbi et orbi) ! Qui donc a jeté les fondations de cet édifice qui n’a que de la grandeur sans majesté ? Il faudrait remonter, pour le savoir, jusqu’au temps de Constantin. Charlemagne s’était fait bâtir un palais, non loin du Vatican, mais le Vatican a tout à fait absorbé le palais de Charlemagne. Ce vaste édifice, tel qu’il est, est l’œuvre patiente et laborieuse, politique et chrétienne, de soixante papes qui tous y ont laissé des souvenirs de leurs passages, — souvenirs de la paix ou de la guerre, ou des beaux-arts, cette noble passion des évêques de Rome. Le palais du Vatican ne contient pas moins de onze mille pièces, selon un architecte italien.
Mais le Vatican est bien plus que l’asile des souverains pontifes, il est le palais de Raphaël. C’est surtout dans ces murs que Raphaël vit, pense et règne. Le Vatican s’enorgueillit des loges de Raphaël tout autant que de ses soixante papes. La chapelle Sixtine au Vatican est couverte des chefs-d’œuvre de Michel-Ange. Tous les monuments de l’ancienne Rome, que la cendre des temps et cette poussière qui tombe de la main des âges ont permis de découvrir, le Vatican les renferme. Nobles débris, illustres débris, vieilles et saintes reliques du génie du plus grand peuple de l’univers.

Et non loin de là encore s’élève, resplendissant de l’éclat des marbres, un chef-d’œuvre qui n’a pas son égal parmi les merveilles du monde. — Saint-Pierre de Rome, cette forêt sacrée de marbre et de bronze, Saint-Pierre de Rome est bâtie sur le lieu même du cirque de Néron, à cette place vénérée où saint Pierre souffrit le martyre. — Ainsi placé entre ces merveilles qui lui prêtent quelque chose de leur grandeur, le moyen de ne pas distinguer le pont et le château Saint-Ange !

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