Texte extrait du Dictionnaire de toutes les communes de France - éd. 1851 - Augustin Girault de Saint Fargeau
(collection personnelle).
CARCASSONNE, Carcasse, Carcasumo, grande et très ancienne ville, chef-lieu du département de l'Aude (Languedoc), chef-lieu du 2e arrondissement et de 2 cantons. Tribunal de 1ère instance et de commerce. Chambre et bourse de commerce. Conseil de prud’hommes. Syndicat maritime. Évêché. Petit et grand séminaire. 2 cures. Collège communal. Gîte d’étape. Bureau de Poste. Relais de Poste. Population 19,324 habitants. Terrain tertiaire moyen..
L’arrondissement de Carcassonne est composé de 12 cantons : Alzonne, Capendu, Carcassonne Est, Carcassonne Ouest, Conques, Lagrasse, le Mas-Cabardès, Montréal, Monthoumet, Peyriac-Minervois, Saissac, Tuchan.
À 93 km de Toulouse, 121 km de Perpignan, 781 km de Paris. Latitude 43° 12' 54" Nord, longitude orientale 0° 0' 46"
Autrefois évêché, parlement et généralité de Toulouse, intendance de Languedoc, chef-lieu d’une recette, présidial, sénéchaussée, chapitre, séminaire, abbaye de St-Benoît, couvent de dominicains. — L’évêché de Carcassonne fut fondé vers 300. Ses évêques ont été élus par le clergé et le peuple du diocèse, jusqu’au concordat passé entre François Ier et Léon X.
Carcassonne, vers 1830, gravure de Cureton (?)
extraite de La France pittoresque - Abel Hugo - 1835
(collection personnelle).
Histoire
L’origine de Carcassonne est inconnue. On sait seulement que les Volcœ Tectosages furent ses premiers habitants. Du temps de Jules César, elle était déjà considérable et occupait un rang distingué parmi les villes de la Narbonnaise ; de la domination romaine, elle passa sous celle des Visigoths, qui la fortifièrent et bâtirent les tours et le château encore existants. En 724, les Sarrasins, venus d’Espagne, l’enlevèrent aux Visigoths, et en furent chassés à leur tour par Charles Martel, puis celui-ci par Pépin le Bref, qui soumit toute la Septimanie et la réunit à la couronne. Sous Louis le Débonnaire, Carcassonne fut séparée de la Septimanie pour être jointe au marquisat de Toulouse, qui dépendait du royaume d’Aquitaine ; toutefois cette ville fut gouvernée par un comte particulier.
En 1209, l’armée des croisés, commandée par le légat du pape et par d’autres prêtres ou moines, après avoir massacré, sans exception, tous les habitants de Béziers, au nombre de 60,000, après avoir pillé et incendié la ville, vint mettre le siège devant Carcassonne, dans l’intention de faire éprouver le même sort à cette ville et à ses habitants ; c’était alors une des plus fortes places du Languedoc, qui ne consistait que dans la partie élevée qu’on nomme la Cité. La garnison était très nombreuse, et le vicomte Raymond-Roger s’y était rendu pour la défendre. Les croisés assiégèrent le premier faubourg ; et, malgré la défense vigoureuse de Raymond-Roger, qui fit en cette occasion des prodiges de valeur, ce faubourg fut pris et brûlé ; le second faubourg fut pris ensuite, mais avec beaucoup plus de difficultés et de temps.
Les assiégeants, impatients de ces retards, s’approchèrent bientôt de la ville, tentèrent de combler les fossés et d’escalader les murailles ; alors les assiégés se défendirent et les repoussèrent vivement. Les croisés commençaient à désespérer de prendre cette place ; mais la saison combattit pour eux : les chaleurs devinrent excessives ; tous les puits de Carcassonne étaient taris ; les habitants, désolés par la soif, demandèrent à capituler. Un historien dit qu’on leur permit d’évacuer la ville, à condition qu’ils n’emporteraient avec eux que la chemise et les braies (culottes) qu’ils avaient sur le corps. Un autre dit qu’ils sortirent sans chemise, l’un après l’autre, et que la vicomtesse, jeune et belle personne, ne fut pas exempte de cette condamnation rigoureuse et humiliante. Un troisième historien rapporte que ces malheureux, faibles, décharnés, et à demi morts de misère, déclarèrent qu’ils voulaient embrasser la foi catholique, et que, de quatre cent cinquante d’entre eux qui ne voulurent pas changer de religion, quatre cents furent brûlés vifs, et cinquante pendus. Enfin, un auteur, qui a écrit l’histoire de la croisade, dit que les habitants de Carcassonne, ayant appris la trahison dont le légat avait usé envers leur vicomte, sortirent tous de la ville, pendant la nuit, par un souterrain qui communiquait aux tours de Cabardez, à 12 km de Carcassonne ; et le lendemain, les croisés, voulant escalader les murailles, furent fort surpris de ne trouver aucun obstacle, et de voir la ville dépeuplée.
En 1262, les habitants de Carcassonne se révoltèrent contre le roi ; ils furent sévèrement punis de cet acte de rébellion. Les principaux citoyens furent chassés de la ville ; ils obtinrent cependant plus tard la permission de bâtir des maisons à quelque distance du pont. Ce fut là l’origine de la ville basse. En 1347, les habitants de Carcassonne obtinrent du roi la permission de fortifier leur ville, afin de pourvoir à leur sûreté, compromise par les cruels événements de la guerre survenue entre la France et l’Angleterre, sous le règne de Philippe de Valois. Le prince de Galles, dans l’irruption qu’il fit dans le Languedoc, en 1355, s’empara de la ville basse, y mit le feu, et emmena avec lui les principaux habitants. La vigoureuse résistance que firent ceux de la cité les préserva du même sort, et força le prince de Galles d’abandonner le siège. Quelque temps après, le comte d’Armagnac, lieutenant du roi dans la province du Languedoc, fit rebâtir la ville basse, la fit fortifier et entourer de remparts.
Carcassonne embrassa le parti de la Ligue, qu’elle abandonna bientôt après. Le parlement de Toulouse, ayant été cassé, y fut établi en 1589. Les ligueurs la prirent en 1591 ; elle se soumit à Henri IV et le reconnut pour roi en 1596.
Les armes de Carcassonne (ville haute) sont : d'azur à un portail de ville accompagne de deux tours crénelées d'argent et surmonté d’un écusson d'azur à trois fleurs de lis d'or 2 et 1.
Celles de la ville basse sont : d'azur semé de lis d’or sans nombre, au besant d'or mis en cœur chargé d'un tourteau de gueules surchargé d'un agneau pascal d’argent supportant une croix d'or avec un guidon d’argent chargé d’une croix de sable, avec cette légende écrite en argent : Hic oves bene natæ agnum comitantur.
D’Hozier les a figurées : d'azur semé de fleurs de lis d'or à un grand mur de meme maçonné de sable, derrière trois tours rondes pavillonnées, celle du milieu plus grosse que les autres, ayant une porte en arcade sur laquelle est un agneau pascal d'argent.
Carcassonne, la basse ville vers 1880,
gravure extraite de La France illustrée - V.A. Malte-Brun - 1885
(collection personnelle).
Situation
Carcassonne est dans une très belle position au milieu d’un pays riche et fertile, arrosé par l’Aude, par plusieurs autres rivières, et traversé par le canal du Midi. La ville basse, entièrement circonscrite par une muraille assez élevée, est très régulièrement bâtie ; les rues sont larges, bien alignées, d’une propreté extrême, rafraîchies par une quantité d’eau courante, ornées de nombreuses fontaines, exécutées en général avec beaucoup de goût. Toutes les rues se croisent à angle droit, de telle sorte que, dans quelque point de la ville que l’on se trouve, on aperçoit toujours les boulevards extérieurs. Les maisons sont en général élégantes, commodes et bien bâties ; on y remarque plusieurs magasins de fort bon goût, et des hôtels construits et décorés avec luxe. La place publique est plantée de deux allées de beaux arbres ; elle est vaste, et forme un carré long : une très jolie fontaine en marbre blanc représentant Neptune sur son char, traîné par quatre chevaux marins, contribue beaucoup à l’embellir. Aux quatre angles sont des bornes-fontaines, dont la simplicité contraste avec l’élégance de la fontaine principale.
Carcassonne est sans contredit une des plus jolies villes de France ; elle continue à s’embellir tous les jours par les nombreuses réparations que l’on ne cesse d’y faire, et par les monuments que l’on y élève. Les fossés qui régnaient autrefois au-dessous des murs ont été comblés et convertis en belles promenades, par les soins d’Armand de Bezuns, qui fut évêque de Carcassonne depuis 1731 jusqu’en 1778. Ces promenades, qui entourent la ville et forment les boulevards extérieurs, sont d’autant plus agréables que leur situation permet aux habitants d’en jouir tous les jours, sans avoir l’inconvénient d’y ressentir les vents furieux qui désolent le pays. On change de promenade selon le vent régnant ; et, comme elles se prolongent dans tout le pourtour de la ville, une portion est toujours abritée.
Les nouvelles allées que l’on a plantées sur les bords du canal, et au milieu desquelles s’élève une belle colonne de marbre rouge, érigée en l’honneur de Biquet, créateur du canal des Deux-Mers, forment une promenade magnifique. A une petite distance de ces allées est le beau pont-aqueduc de Fresquel, remarquable autant par sa gracieuse et majestueuse architecture que par sa largeur considérable. Le Fresquel traverse sous ce pont le canal des Deux-Mers, qui passe sur ses voûtes, ainsi que le chemin de halage et la grande route. Le grand pont sur l’Aude, qui joint la ville basse avec les faubourgs et la cité, mérite aussi d’être remarqué.
La beauté de la ville basse dont nous venons de donner une faible idée, contraste singulièrement avec la ville haute, qui est l’ancienne cité, et avec les deux faubourgs connus sous les noms de Barbe-Canne et de Trivalle. La cité, bâtie sur une petite élévation, n’offre plus maintenant que de vieilles murailles et quelques édifices à demi ruinés ; on y trouve une caserne et plusieurs maisons appartenant à des familles pauvres. Il est impossible de voir ces vieux remparts et ces vieilles tours, sans songer à la vertu guerrière des habitants de cette ancienne cité. C’est là que se trouve l’ancienne cathédrale St-Nazaire, qui serait depuis longtemps oubliée, si elle ne renfermait la tombe de Simon de Montfort « Il est là, dit l’auteur des voyages dans les départements, sans honneur, sans marbre, sans mausolée : ses complices ne l’ont pas osé. »
Ce qui reste des fortifications de la cité remonte au règne d’Alaric ; c’est un des monuments d’architecture militaire de celte époque les mieux conservés. Ces fortifications ont été pendant longtemps entretenues avec beaucoup de soin, et le château qu’elles renferment a servi souvent de prison. Le plan des constructions est extrêmement curieux, et la disposition des fortifications offre un modèle admirable des anciens systèmes de défense.
Carcassonne, la ville haute vers 1855,
gravure extraite de La France illustrée - V.A. Malte-Brun - 1855
(collection personnelle).
Les principaux édifices et établissements publics de Carcassonne sont :
La bibliothèque, composée d’environ 6,000 volumes, provenant principalement des collections qui se trouvaient dans les anciens couvents.
La maison d’arrêt, située sur une des promenades de la ville, est une construction nouvelle, qui ne laisse rien à désirer sous le rapport de la sûreté et de la salubrité.
Monuments religieux. Les principaux sont : la cathédrale, sous l’invocation de St-Michel, et l’église de St-Vincent, dont la tour élevée a souvent servi à des mesures trigonométriques : ces deux monuments sont peu dignes d’être visités.
L’église St-Nazaire, classée par le ministre de l’intérieur au nombre des monuments historiques, est fort curieuse en ce qu’elle est composée de deux parties bien distinctes appartenant à des genres d’architecture différents : la nef, qui date de la fin du XIe siècle, offre un modèle élégant de l’architecture romane ; le chœur présente les formes gracieuses et légères de l’architecture gothique au temps de sa plus grande splendeur. Cette église est décorée de vitraux assez bien conservés, dont quelques-uns sont fort remarquables.
C’est là que fut enterré Simon de Montfort, dont les restes ont été recouverts par une simple dalle en marbre rouge.
On remarque encore à Carcassonne le Palais de justice, le Palais épiscopal.
L’Hôtel de la préfecture offre de beaux appartements d’où l’on jouit d’une vue magnifique, et un jardin assez bien tenu. On remarque dans le jardin une colonne antique élevée à Numérien, fils de l’empereur Carus, et né à Narbonne.
Les remparts de Carcassonne vers 1875
gravure extraite de la Géographie générale - physqiue, politique et économique - Louis Grégoire - 1877
(collection personnelle).
Industrie
Outre les édifices que nous venons de signaler, il en est d’autres qui n’ont pas moins de droits à fixer l’attention ; ce sont les nombreuses manufactures de draps et les filatures de laine. Ces ateliers occupent une grande partie de la population de Carcassonne, et répandent l’aisance dans tous les rangs de la société. Les principaux sont : l’ancienne manufacture de la Trivale, située à l’extrémité du pont, près la rivière d’Aude ; la filature de laine, construite il y a peu d’années par une réunion de fabricants de draps et de capitalistes. Ce grand édifice, de forme carrée, est situé au centre d’une petite île formée par l’Aude dans une position fort agréable, d’où l’on jouit d’une vue délicieuse. Le troisième établissement, destiné à la filature des laines, est à Maquens.
Manufactures importantes de draps, dont les produits s’expédient pour le Levant et les Indes. — Fabriques de couvertures de laine, molletons, bas, toiles, savons. Teintureries ; superbe établissement hydraulique de filature de laine. Distilleries d’eaux-de-vie. Tanneries. Papeteries. Clouteries. — Commerce considérable de vins, grains, farines, fruits, épiceries, cuirs, fer, quincaillerie, draps, etc.
Foires les 6 et 7 mars, 6 et 7 août, 25, 26 et 27 novembre, mardi, mercredi et jeudi de la Pentecôte.
Plan de Carcassonne au 19ème siècle
Coin de la carte du département de l'Aude - Malte-Brun - Atlas - 1880 (?)
(collection personnelle). .
Biographie.
Carcassonne est le lieu de naissance de :
- Pascal de la Court, historien.
- Ramel de Nogaret, député aux états généraux, membre de la Convention nationale et du Conseil des cinq cents, ministre des finances en 1798, membre de la chambre des représentants pendant les cent jours.
- Marragon, membre de la convention et du conseil des cinq cents.
- Fabre de l’Aude, membre du sénat conservateur, et pair de France.
- J.-F. Dougados, plus connu sous le nom de père Venance, mort sur l’échafaud révolutionnaire en 1793.
- Sacombe, médecin accoucheur, auteur de plusieurs ouvrages sur les accouchements.
- Alphonse Mahul, littérateur et publiciste.
- Mme Pradher, actrice distinguée de l’Opéra-Comique.
- Des généraux Aussenac, Chartrand, Arnaud, Gros, etc., etc.
Quelques auteurs font naître à Carcassonne Fabre d’Églantine, qui est né à Limoux.
Bibliographie.
Canal de Carcassonne. Ce canal est un embranchement du canal du Midi ; il a sa prise d’eau en amont des écluses de Foucaud, longe les murs de Carcassonne, et se réunit au canal du Midi, en amont de l’écluse de Fresquel, après un développement de 7,064 m. Il a pour objet, non seulement de procurer au commerce de Carcassonne des moyens faciles de transport, mais encore de préserver le canal du Midi des ensablements que causaient les crues de la rivière de Fresque!, et qui interrompaient souvent la navigation. Cette nouvelle branche du canal du Midi est divisée en deux parties, à peu près égales, par le bassin et l’écluse de Carcassonne. Ce bassin a une longueur de 142 m 96 cm et une largeur de 46 m 76 cm ; il a la forme d’un parallélogramme arrondi par les angles, et peut contenir de 36 à 40 barques, déduction faite de la surface nécessaire au passage de celles qui doivent continuer leur marche.
|
