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Les villes à travers les documents anciens

Le commerce français au Canada dans les années 1720

 

Indiens du  Québec vers 1830 - gravure reproduite puis retouchée par  © Norbert Pousseur
Indiens des environs de Québec,
gravure non signée sous la direction de Lemaitre, extraite de l'Univers pittoresque - 1830

 

Texte extrait du Dictionnaire universel de Commerce,
de Jacques et Philémon Savary des Bruslons,édition 1723

J'ai conservé, dans cette transcription du vieux françois en français actuel, le terme Mont-réal, tel qu'écrit dans ce dictionnaire, et n'ai pas voulu le moderniser en Montréal.


CANADA, ou NOUVELLE FRANCE.
On parle si amplement, à l’article des Compagnies de Commerce, de la découverte du Canada par les Français, & des premières Habitations qu’ils y ont eues, qu’on croit pouvoir se dispenser d’en rien dire ici, & de se contenter d’y traiter du Commerce qui s’y fait sur le pied qu’il est présentement ; après néanmoins qu’on aura donné comme un plan général de cette vaste partie de l'Amérique Septentrionale, des lieux qu’y occupent les Français, & des Nations sauvages avec lesquelles ils entretiennent quelque négoce : détail préliminaire, sans lequel il ferait difficile de bien comprendre ce qu’on aura à dire dans la suite.
Le Canada, que quelques-uns estiment aussi grand que la moitié de l’Europe, s’étend depuis le 39e degré, jusqu'au 65 ; c'est-à-dire, du lac Erié, jusqu'au Nord de la baie de Hudson ; & en longitude, depuis 284 degrés, jusqu'à 336 ; savoir du fleuve Mississippi, jusqu'au Cap de Rase en l’Ile de Terre-neuve.
Le grand fleuve de S.Laurent, qui a plus de 22 lieues à son embouchure, & dont la source est encore inconnue, quoique les Coureurs de bois Français l’ayent remonté plus de 800 lieues, traverse presque entièrement le Canada, formant dans son cours jusqu'à 5 ou 6 grands lacs, donc il y en a d’une telle étendue, qu’ils mériteraient le nom de Mer autant que plusieurs amas d’eaux à qui on a coutume de le donner.
Ces lacs si commodes pour le Commerce que les Français vont porter aux diverses Nations qui en habitent les bords, ou qui servent à ces Nations à les venir visiter jusqu'à Québec capitale de la nouvelle France, sont le lac de Frontenac, celui d’Erié, ou de Conti ; le lac des Hurons, le lac Supérieur, & le lac de Lenemipigon.
Les Sauvages assurent qu’il y a encore au-delà le lac d’Assinipouals, plus grand qu’aucun de ceux-ci ; & ils prétendent que c’est de ce lac que le grand fleuve de S.Laurent prend sa source : mais les Français n’ont point encore pénétré jusque-là, & les Sauvages sont trop peu sûrs dans leurs relations, pour qu’on s'y fie entièrement.
C’est des eaux du lac de Frontenac, qui est le dernier en descendant vers la mer, qu’est proprement formé le cours régulier du fleuve de S.Laurent, qui dure près de 200 lieues ; & qui après avoir passé à Mont-real, & à Québec, les deux principales Colonies des Français, se jette dans l’Océan, à plus de 100 lieues de cette dernière.
Sans l’incommodité des sauts, ou chutes d’eau, qui entrecoupent le cours de ce fleuve, & celui de quantité de grosses rivières qui s’y jettent, ce qui oblige à faire souvent le portage des canots & des marchandises, il n’y aurait point de Commerce plus commode que le Commerce du Canada, & il serait facile de passer de Québec, au golfe du Mexique, par les lacs & les rivières qui joignent le fleuve de S.Laurent à celui du Mississippi, qui va se jeter dans ce golfe.

A l’entrée de l’embouchure du fleuve de S.Laurent, est l’île d’Anticostie, où il y a un Habitation de Français, qui font Commerce de peaux de loups marins & de quelques autres pelleteries, avec les Montagnais, & les Papinachais, à qui ils donnent en échange, des armes & des munitions.

On compte que les Français sont à présent au nombre de plus de 200000 Habitants dans le Canada, tous riches, ou au moins tous à leur aise.
Ils ont peu de Villes, & ils ne donnent guères ce nom qu’à Québec la capitale du Pays, qui pourrait le disputer en beauté & en richesses, à plusieurs Villes considérables de l’ancienne France ; & à Mont-real, & aux Trois-Rivières, deux bicoques, dont pourtant les Habitants ne font pas moins de Commerce, & n'amassent pas moins de biens que ceux de Québec, si même ils ne les surpassent en cela, aussi bien qu’en la magnificence des bâtiments.

Le fort de la Colonie Française consiste dans le grand nombre d’Habitations qui sont situées des deux cotés du fleuve, depuis Québec jusqu'à Montréal, & qui n’étant éloignées les unes des autres que d’une portée de mousquet, composent comme deux espèces de grands Villages de plus de 50 lieues de longueur.
Ces Habitations, dont quelques-unes sont comme de petits villages, n’en ont pourtant pas le nom, mais s’appellent des Côtes ; & l'on ne nomme pas non plus Paysans ceux qui y demeurent, ou qui cultivent la terre, mais Habitants.
Les moins accommodés de ces Habitants font 4 arpents de terre de front, sur 30 ou 40 de profondeur ; mais pour les grandes concessions, qui sont proprement les Seigneuries du Pays, d’où dépendent les simples Habitations, elles ont souvent jusqu'à trois, quatre, & cinq lieues de front, sur une profondeur à discrétion ; dont pourtant celui à qui on l’accorde, ne retient qu’une partie, comme pour en faire le chef-lieu, donnant le reste à trois livres par arpent de cens seigneurial, à des Habitants particuliers.
Il y a aussi des Habitations dans quelques îles du fleuve, dont celles de l'île d’Orléans, à une lieue & demie de Québec, ne sont pas les moins en réputation ; cette île, qui a environ 7 lieues de long, & 3 de large, étant très fertile, surtout en froment.

Une partie du Commerce du Canada, consiste dans les grains, & les légumes de toutes espèces qui se recueillent dans les terres de toutes ces Habitations, & dans les planches, & les bois de charpente qu’on y débite dans les lieux nouvellement essartés ; dont, outre la consommation du Pays, il se charge tous les ans quantité de vaisseaux pour les îles Françaises, d’où ils rapportent en échange, des sucres, des tabacs, & autres semblables marchandises, desquelles les Habitants ont besoin, & qu’ils ne cultivent point chez eux.
Ce sont néanmoins les pelleteries, particulièrement le castor, qui sont le principal objet du négoce de ces Colonies ; Commerce qui passe entièrement par les mains des Sauvages, de qui on en tire tous les ans pour plusieurs millions, en troc de marchandises d’Europe, sur lesquelles on fait des profits immenses, bien que beaucoup moindres qu’ils n'étaient, avant que la jalousie de Commerce entre les Français & les Anglais, eût excité ces deux Nations d’aller, pour ainsi dire, sur le marché l’une de l’autre, dans la traite qu’ils font avec ces Barbares.

Indiens Mandans du Canada vers 1830 - gravure reproduite puis retouchée par  © Norbert Pousseur
Indiens Mandans,
gravure non signée sous la direction de Lemaitre, extraite de l'Univers pittoresque - 1830


Ces Sauvages, premiers Habitants du Canada, sont au nombre de plus de 40 Nations différentes, presque toujours en guerre les unes contre les autres ; mais toutes également jalouses de leur liberté, & qui ne voient qu’à regret les Etrangers établis parmi elles.
Les Iroquois, qui ne composent que 5 petites Nations, sont les plus farouches, & les plus braves de tous ; également redoutés des Européens, & des Naturels. Ils paraissent amis des Anglais, qui savent mieux les ménager que les Français ; & c’est à eux aussi qu’ils portent presque toutes leurs pelleteries, dont ils font payer à meilleur prix qu’à Mont-real, & aux Trois-Rivières, lorsqu'ils y défendent quelquefois pour y traiter avec les Français.
Cependant lorsqu'on n’est point en guerre avec eux, ils font quelque négoce au Fort de Frontenac, où il leur est plus commode de conduire leurs pelleteries sur le lac, en canot, que de les transporter par terre à la nouvelle York.
On a aussi d’eux, pour l’entretien de la Garnison de ce Fort, toutes sortes de viandes de cerfs, & de chevreuils ; de poulets d’Indes, & de poissons, pour lesquels on leur donne en troc, des aiguilles, des couteaux, de la poudre,& des balles.

Parmi les autres Sauvages, il y a plusieurs Nations qui sont amies des Français, & quelques- unes même qui ont embrassé le Christianisme, & fixé leurs demeures au milieu des Colonies Françaises : de ces dernières, sont les Hurons, & les Abenakis ; ceux-là établis à Lorette, & ceux-ci qui demeurent à Sillery, & au Sault de la Chaudière, villages qui ne sont pas bien éloignés de Québec.
Il y a aussi deux Villages d’Iroquois Chrétiens auprès de Mont-real ; mais ces derniers ne sont guère que des enfants enlevés à ces Sauvages pendant les guerres qu’ils ont eues avec les Français.
C’est avec ces Nations moins inquiètes, & moins soupçonneuses que les Iroquois, que les Français font le Commerce des pelleteries : ce qui se pratique en deux manières ; l’une que l’on peut appeler en quelque sorte un négoce sédentaire, & l’autre à qui l’on pourrait donner le nom de négoce ambulant.

Le négoce sédentaire est celui qui se fait avec les Nations sauvages, qui viennent tous les ans apporter leurs castors, & autres pelleteries ; jusque dans les Villes, & les Habitations des Français.
Le négoce ambulant est au contraire celui qui se fait par ceux des Français qui s’appellent Coureurs de bois, qui vont porter les marchandises d’Europe chez toutes les Nations sauvages de ce continent.
Mont-Real est le lieu où se fait le plus de l’un & l’autre de ces Commerces ; n’y ayant point d’année qu’on n’y voie arriver 30 ou 40 canots conduits chacun par trois de ces Coureurs de bois, qui reviennent chargés de castors qu’ils ont été échanger avec les Sauvages, jusque dans leurs Villages: & plusieurs autres Sauvages y descendant aussi presque tous les ans, des grands lacs, aux environs desquels ils habitent, avec une quantité prodigieuse de riches pelleteries, qu’ils troquent pour des armes, des chaudières, des haches, des couteaux, & mille autres marchandises, sur lesquelles il y a pour l’ordinaire 200 pour 100 à gagner. On a parlé ailleurs (dans ce dictionnaire) du Commerce des Coureurs de bois.
A l’égard de celui des Sauvages, voici comme il se passe. Lorsque leurs canots sont déchargés, leurs tentes dressées, & leurs marchandises mises en ordre, ils font demander audience au Gouverneur Général, s’il s’y trouve ; ou au Gouverneur particulier de la Place où ils arrivent, en l’absence de l’autre.
Le Gouverneur l’ayant accordée, la leur donne le même jour au milieu de la Place publique ; lui dans un fauteuil, & chaque Nation formant son cercle particulier, assiste autour de lui la pipe à la bouche.
Tous étant placés, & le silence imposé, l’Orateur de l’une des Nations dit en forme de harangue, en adressant la parole au Gouverneur :

Que ses Frères sont venus pour le visiter, & renouveler en même temps avec lui leur ancienne amitié : Que le principal motif de leur voyage est de procurer de l’utilité aux Français, dont plusieurs ne pourraient manier de castors, s’ils ne venaient eux-mêmes leur en apporter jusque dans les Colonies : Qu’ils savent combien les Castors sont estimés en France, & de combien peu de valeur sont les marchandises qu’on doit leur donner en échange : Que cependant l’amitié qu’ils ont pour les Français, leur fait faire ce troc, & que pour être en état de leur apporter une autre année davantage de ces pelleteries qu’ils aiment tant, ils viennent prendre en échange des fusils, de la poudre, & des balles, pour s’en servir à faire des chasses plus abondantes, ou pour tourmenter davantage les Iroquois, en cas qu’ils se mettent en état d’attaquer les Habitations de leurs amis les Français : & qu’enfin pour assurer leur parole, ils jettent un collier de porcelaine, avec une quantité de castors pour le Kichiokima ( ils nomment ainsi le Gouverneur Général ) dont ils demandent la protection, en cas qu'on les vole, ou qu’on les maltraite dans la Ville.

Le discours fini, & l’Orateur ayant repris sa place & sa pipe, le Gouverneur parle à son. tour,& fait aussi son présent ; après quoi la liberté du Commerce ayant été accordée, l’Assemblée se rompt ; les Sauvages retournant à leurs cabanes, pour se préparer à faire l’échange, qu’ils commencent dès le lendemain.
Tout ce négoce se fait par troc de marchandises à marchandises, l’or & l’argent n’y entrant jamais. Comme tout ce trafic est très libre, les Sauvages ne pouvant souffrir de contrainte, tous les Habitants deviennent alors Marchands, & aucune marchandise n’y est de contrebande, à la réserve du vin, & de l’eau-de-vie, qu’il est sévèrement défendu de leur donner, à cause des excès & des querelles où ces peuples sont sujets, quand ils se sont enivrés.
Leurs emplettes finies, & leurs peaux échangées, chaque Nation s’en retourne chez soi, après avoir pris congé des Gouverneurs.

Chefs Indiens Assiniboins vers 1830 - gravure reproduite puis retouchée par  © Norbert Pousseur
Chefs Indiens Assiniboins,
gravure non signée sous la direction de Lemaitre, extraite de l'Univers pittoresque - 1830

 

Québec, Mont-real, les Trois-Rivières, Tadousas, Richelieu, & Chambli, sont les principaux lieux où les Sauvages viennent faire la traite des pelleteries.
Chambli avait autrefois beaucoup de réputation, & c’était là principalement que se rendaient les Soccokis, les Mahingans, & les Openangos ; mais la crainte des Iroquois les a obligés de ne faire plus de Commerce qu’avec les Anglais.
Il y a néanmoins quelques Nations qui y descendent, & les Français y ont même un petit Fort ; mais moins pour y maintenir ce Commerce, que pour empêcher le négoce de contrebande que les Français font assez souvent par là avec les Anglais de la nouvelle York, à qui les Coureurs de bois trouvent mieux leur compte de porter leurs castors, qu’aux Bureaux de la Compagnie du Canada.

Présentement, comme on l’a dit, Mont-real est le lieu des Habitations Françaises où il se fait les plus grandes traites des pelleteries.
Les plus précieuses de ces pelleteries, & qui sont le principal objet du Commerce avec les Sauvages, sont les castors, dont on distingue de diverses espèces, qui font une grande différence pour le prix.
Ces espèces sont les castors d’hiver, qu’on appelle aussi Castors de Moscovie, parce qu’ils sont propres pour Archangel ; les castors gras, les castors veules, les castors secs, & les castors d’été.
Il y a aussi des castors blancs ; mais ceux-ci, pour leur rareté, sont comme une espèce à part.
On parle ailleurs amplement de toutes ces sortes de castors, de leur prix, de leur usage, & de leur Commerce.
Les autres fourrures qui proviennent de la traite des Sauvages, sont :
- Des renards ordinaires, des noirs, & des argentés.
- Des martres communes, & de celles qu’on appelle Martres zibelines.
- Des loutres rousses & rases, d’autres brunes, qu’on nomme Loutres d’hiver.
- Des ours noirs ou blancs.
- Des peskans, ou chats sauvages, à qui on donne aussi le nom d’Enfants du Diable.
- Des foutereaux, des fouines, & des belettes.
- Enfin des loups, des écureuils, & des rats musqués, avec leurs testicules.

On tire aussi des Sauvages, quantité de peaux de divers animaux ; les unes en verd, c'est-à-dire, sans apprêt ; les autres en blanc, ou passés à la mode du Pays.
Ces peaux sont des peaux d’élans, qu’on nomme aussi Orignaux ; de loups marins, de cerfs, de chevreuils, & de caribous.
Il faut remarquer que lorsque dans la traite on parle simplement de peaux, sans ajouter le nom de l’animal, pour les spécifier ; on entend toujours les peaux d’orignaux, qui sont les plus chères de toutes celles du Canada.

Les Français de Québec envoient aussi durant l’été des barques faire le troc des peaux de loups marins avec les Esquimaux, Peuples farouches, & les plus barbares de tous ceux du continent.
Ceux-ci habitent la grande terre de Labrador, au delà du fleuve de S.Laurent.
Ces Sauvages sont si défiants, qu’ils n’entrent jamais dans les barques des Français ; & tout le Commerce qui se fait avec eux, se fait à bord de leurs petits canots, dont ils montrent au bout d’une perche, les pelleteries qu’ils veulent vendre, demandant en même temps ce qu’ils veulent en échange, comme couteaux, poudre, balles, fusils, haches, chaudières, &c.
Les Français de leur côté, qui ne se fient pas davantage à eux, attachent aussi leurs marchandises à d’autres perches, restant toujours dans leur bord, d’où ils leur délivrent de cette sorte ce qu’ils ont besoin, en recevant de même leurs pelleteries ; mais ne souffrant jamais qu’ils en approchent en trop grande quantité, ces Barbares sans foi ayant souvent enlevé de cette manière des bâtiments qui n’étaient pas assez sur leurs gardes. Le Commerce fini, chacun se retire.

On a dit ci-dessus, que toutes ces pelleteries s’échangent contre des marchandises à l’usage des Sauvages ; l’on va présentement donner un état de ces marchandises, tiré, comme beaucoup d’autres choses qu’on a dites, & qu’on dira encore du négoce de la nouvelle France, des Mémoires du Baron de la Hontam ; mais rectifiés en quelques endroits, sur d’autres Mémoires qu'en ont fourni des Marchands qui font ce Commerce.

Etat des Marchandises propres pour la traite du Castor.
Des fusils courts & légers.
De la poudre à giboyer.
Des balles, & du menu plomb.
Des haches grandes & petites.
Des couteaux à gaine.
Des lames d’épées, pour faire des dards.
Des chaudières de toutes grandeurs.
Des alênes de Cordonnier.
Des hameçons de toutes grandeurs.
Des batte-feu, & pierres à fusil.
Des capots de petite serge bleue.
Des chemines de toile commune de Bretagne.
Des bas d’étame courts & gros.
Du tabac de Brésil.
Du gros fil blanc pour des filets.
Du fil à coudre de diverges couleurs.
De la ficelle, ou fil à rets.
De la conterre de Venise, ou rassade (petites perles).
Quelques fers de flèche, mais peu.
Quelques sabres.
Un peu de savon. Des aiguilles, & des épingles.

La meilleure marchandise, & de plus sûre vente, serait l’eau-de-vie ; mais la traite, comme on l'a déjà dit, en est défendue : c’est cependant une de celles dont les canots des Coureurs de bois ne sont pas le moins chargés.
C’est avec ces canots, qui sont construits d’écorces de bouleau que se fait tout le Commerce du grand fleuve & des lacs, pendant l’été. En hiver, on se sert de traîneaux tirés par des chevaux, ou par des chiens ; & c’est la voiture ordinaire pour aller de Québec à Mont-real pendant cette saison, lorsque la rivière de S.Laurent est glacée.
Il ne faut pas oublier de remarquer que le Commerce des lacs ne se peut faire que par ceux des Habitants qui en ont obtenu les congés du Gouverneur Général, & que ces congés sont fixés à un certain nombre par an ; ce négoce particulier, qui est très lucratif, étant très préjudiciable au négoce général de la Colonie, à cause qu’il empêche une partie des Sauvages d’y venir apporter leurs pelleteries, où, comme on l’a dit ci-dessus, tous les Habitants, les riches, & les pauvres, les privilégiés, & non privilégiés pourraient avoir part.

L’on n’a presque parlé jusqu’ici que du Commerce intérieur de la nouvelle France ; on va présentement ajouter quelque chose de celui que les vaisseaux y viennent faire.
Les Normands ont été les premiers qui ont fait le Commerce de Canada ; & pendant plus d’un siècle, on n’a guère vu à Québec, que des vaisseaux de Rouen, de Dieppe, & du Havre.
Les Malouins, & les Nantais ont ensuite partagé ce négoce avec eux ; mais enfin il est presque tout demeuré aux Marchands de la Rochelle, quoiqu’ils y aient envoyé les derniers.
Les vaisseaux de Bordeaux & de Bayonne ne laissent pas néanmoins d’y aller ; & c’est par eux que les Canadiens reçoivent la plus grande partie des vins, des eaux de vie, du tabac, & du fer qui leur viennent de France.
Il y a deux saisons dans l'année, pour le départ des vaisseaux Français qui vont au Canada ; l’une à la fin d’Avril, ou au commencement de Mai ; l’autre vers le mois de Septembre : celles-là pour trouver les glaces fondues ; celles-ci pour arriver avant qu’elles soient formées.
Les navires qui partent de France pour ce négoce, ne payent aucun droit de sortie du Royaume pour leur cargaison, non plus que d’entrée lorsqu'ils arrivent à Québec ; à la réserve néanmoins du tabac de Brésil, qui paye 5 sols par livre ; c'est-à-dire 25 livres par quintal.
La cargaison de ces vaisseaux est en partie semblable à celle pour les Iles, & en partie différente ; le tabac, le sucre, & plusieurs autres marchandises qui viennent des Antilles, étant du nombre de celles qui se portent en Canada, où le sol & le climat ne sont pas propres pour leur culture.
Il y a aussi quelque différence pour les draps & les étoffes : un Pays aussi froid que la nouvelle France, en demandant de plus chaudes, & de plus épaisses qu’en Pays situé sous la zone torride, comme le sont les Antilles.
Quoiqu’il y ait de grands profits à faire sur toutes les marchandises qu’apportent à Québec les navires Français, & qu’il n’y en ait guère qu’on ne vende à 50 pour cent de gain ; ce sont cependant celles qui sont les moins nécessaires, & qui ne sont que pour la parure ou la curiosité, qui se vendent le plus ; & l’on ne peut dire combien le génie de la Nation paraît dans l’achat de mille bagatelles agréables, mais souvent inutiles, comme de rubans, de dentelles, de dorures, de tabatières, de montres, & d’autres tels bijoux, dont il n’arrive jamais assez par les vaisseaux, quoiqu’ils se vendent ordinairement plus de quatre fois leur juste prix, même tous frais déduits.
Dès que les vaisseaux sont arrivés à Québec, les Marchands de cette ville, qui ont leurs Commis à Mont-real, & aux Trois-Rivières, font charger sur des barques une partie des marchandises qui sont pour leur compte, & les y envoient pour les vendre en gros aux Détailleurs.
Il y a néanmoins plusieurs riches Négociants de ces deux Villes qui les reçoivent de la première main, & qui viennent faire eux-mêmes leur emplette à Québec, affrétant ensuite des barques qui les ramènent eux, & leurs marchandises au lieu de leur résidence.

Toutes ces marchandises se payent ou en argent, ou en Lettres de Change sur la Rochelle, ou en pelleteries, comme martres, ours, chats sauvages, renards, & autres dont on a parlé ci-dessus ; à la réserve du castor, qui doit se porter au Bureau de la Compagnie, qui a ses propres vaisseaux pour les envoyer en France ; ou enfin en farines, en blés, en légumes, particulièrement en pois secs ; en bois de charpente & de menuiserie, & en madriers.
Les retours en pelleteries sont les meilleurs ; mais ni de celles-là, ni des autres marchandises, il n’y en a jamais assez pour charger tous les vaisseaux qui sont venus de France ; n’y en ayant que quelques privilégiés qui puissent avoir leur charge entière pour s’en retourner.
Souvent les vaisseaux de la Rochelle, pour ne pas s’en aller à vide, vont charger du charbon de terre à l’Ile du Cap Breton, pour les Iles de la Martinique, & de la Guadeloupe, où il s’en consomme beaucoup pour le raffinage des sucres, dont ils font ensuite leur cargaison de retour.
D’autres allaient acheter des morues sèches à Plaisance, qu’ils payaient argent comptant ; mais ce négoce ne pouvant plus se faire depuis la cession de Plaisance, & de l’Ile de Terre-neuve aux Anglais, ils portent des farines à Louis-Bourg, ( c’est ainsi que les Français nomment l’Ile du Cap Breton) où ils sont payés en Lettres de Change, jusqu'à ce que la pêche de la morue, qu’on commence à y établir, puisse leur en fournir assez pour faire leur retour entier en poisson sec.

C’est à Québec, dans la basse Ville, que les plus riches Négociants de la Rochelle ont leurs magasins, & leurs Facteurs ; & c’est où les Marchands des autres Villes, & de Québec même, qui ne sont pas assez forts pour avoir des Correspondants en France, viennent se fournir de toutes les marchandises dont ils ont besoin.
Il y a aussi des Marchands du Pays qui ont de pareils magasins à Québec ; mais ceux-là ont des navires à eux, qui vont & viennent de Canada en France, & qui leur apportent les diverses marchandises dont ils envoient les factures à leurs Correspondants de la Rochelle, à qui ils adressent aussi par la même voie, les pelleteries, & autres productions du Pays qu’ils peuvent amasser d’une saison à l’autre.

 

Voir aussi la page consacrée au Québec dans les années 1830




Indiens du  Québec vers 1830 - gravure reproduite puis retouchée par  © Norbert Pousseur Chefs Indiens Assiniboins vers 1830 - gravure reproduite puis retouchée par  © Norbert Pousseur  Chefs Indiens Assiniboins vers 1830 - gravure reproduite puis retouchée par  © Norbert Pousseur

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