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Les villes à travers les documents anciens

 

Louvain et son histoire ancienne

 

Louvain en Belgique par William Barlett - gravure reproduite et restaurée numériquement par © Norbert Pousseur
Hôtel de ville de Louvain, par William Henry Barlett
in Vues de la Hollande et de la Belgique par N G Van Kampen, éd. 1836
Stadhuis te Leuven

 

Extrait de l'ouvrage "Mélanges d'une très grande bibliothèque
De la lecture de livres françois, ... imprimés au seizième siècle"
d'Antoine-René de Voyer, marquis de Paulmy, édition 1786, (collection personnelle)

Texte en vieux françois retranscrit en français moderne avec correction de certains noms propres
Il s'agit donc d'analyse, transcription, résumés... de livres imprimés entre 1500 et 1600, (mais avec des commentaires allant jusqu'en 1780....
)

Le quartier de Louvain étant le premier en rang dans les états, c’est  par lui qu’il faut commencer. Il contient, indépendamment de Louvain, les villes de Diest, Arschot, Tirlemont, Leeuwe que l’on prononce Leau, Sichem, et un grand nombre de bourgs et châteaux, dont plusieurs méritent que j’en dise quelque-chose. Ou y trouve d’ailleurs cinq belles abbayes, et trois prieurés considérables.

Louvain, suivant la tradition du  pays, est si ancien, que l’on croit que cette ville fut bâtie du temps de Jules-César, et que son Fondateur s’appelait Lupus ; mais cette opinion n’a aucun fondement raisonnable. On dit encore que son nom vient du mot Loven qui signifie honoré, parce qu’autrefois on y honorait le Dieu Mars : mais tout ce qu’on en fait de certain, c’est qu’au neuvième siècle les Normands ayant ravagé ce grand pays, et ayant fait, un énorme butin, le rassemblèrent dans une enceinte, ou parc fortifié sous la protection d’un château, qui s'appelait Lovan, situé sur la Dyle, rivière qui passe à Louvain. L’Empereur Arnoud,  après avoir battu les Normands, s’empara du château, et comme il y demeura quelque temps, on l’appela le Château de César. La ville ou le bourg qui se forma aux environs, devint le chef-lieu d’un comté qui eut des appartenances assez étendues. Ce comté fit partie de la Basse-Lorraine, et c’est tout ce qui demeura de la succession de Charles de France, dernier Prince de la Race de Charlemagne, et passa à Lambert I, son beau-frère, tige des Ducs de Brabant, et qui ne prirent d’abord que la qualité de Comtes de Louvain.
C’est cette ancienne origine qui a assuré à la ville de Louvain la première place dans les états de Brabant. Le Duc Henri I, surnommé le Vieux, fut assassiné dans le château de Louvain, l’an 1038, et ce ne fut qu’en 1165 que la ville fût entourée de murailles, sous le Duc Godefroi III. Elle fut fort agrandie, au quatorzième siècle, par les soins de Jeanne, Duchesse de Brabant, et de son second mari Venceslas de Luxembourg. Le pauvre Duc Jean de Bourgogne, quatrième du nom, fonda, peu de temps avant sa mort, l’an 1426, la fameuse Université de Louvain, et lui fit accorder de grands privilèges par le Pape Martin V. L’Empereur Charles Quint fut élevé avec ses sœurs dans le château de Louvain, qui subsiste encore quoique fort délabré ; car on prétend que c’est le même qui existait du temps de l'Empereur Arnoud, du moins est-il à la même place. S’il n’est pas beau, l’air y est fort sain, car il est fort élevé : on y monte par des degrés ; et comme ils sont larges et bas, on peut y arriver à cheval : il domine sur la ville et sur toute la campagne aux environs.

Depuis plus de quatre cents ans, les Souverains des Pays-Bas ont toujours nommé des Gouverneurs ou Châtelains pour le château de Louvain, qui est qualifié dans leurs provisions de Château-César. Si ce poste peut être de quelque défense, du moins la ville ne l’est-elle point, quoique ses murailles soient bonnes et entières ; son enceinte est trop vaste pour pouvoir être défendue, puisqu'elle l’est trop pour être toute habitée. On y entre par huit portes ; mais on n’y compte guère que douze mille habitants, encore faut-il y comprendre environ deux mille étudiants qui y sont ordinairement. Dans le siècle dernier, il y en avait jusqu'à quatre mille ; mais cette Université, fondée, comme je l’ai dit, au quinzième siècle, n’a rendu à la ville de Louvain qu’une partie de ce que le commerce lui valait autrefois. Au quatorzième siècle, on assure qu’on y fabriquait tant de draps, d’étoffes de laine et de toile, qu’à l’heure où les ouvriers se retiraient on ne pouvait pas passer dans les rues.
Le siècle suivant, la ville d’Anvers enleva tout ce commerce ; une partie des manufactures passa aussi à Bruxelles dans le même temps. Le seul commerce qui reste à Louvain, est celui de la bière, qui est excellente.

Le Magistrat de Louvain, est très nombreux ; car indépendamment des deux Bourgmestres, il y a sept échevins, deux Pensionnaires, six Secrétaires, deux Receveurs, et  vingt-un Conseillers, dont onze font nobles, dix tirés des Corps de métiers, entre lesquels est partagée la simple Bourgeoisie. Ce qu’on appelle Noblesse à Louvain, comme à Bruxelles, est composé d’un certain nombre de familles anciennes de la ville, qui ont été longtemps en possession d'être seules élues aux places de Bourgmestres. Cette élection et. celle de toutes les Charges municipales, se fait en vertu d’un privilège accordé en 1379 par la Duchesse Jeanne et son mari Venceslas. J'ai déjà dit qu’ils avaient fait beaucoup de biens à Louvain. Ils en furent mal récompensés ; car, en 1382, les Tisserands et autres Manufacturiers se révoltèrent contre le Duc et la Duchesse, massacrèrent et jetèrent par les fenêtres plusieurs Magistrats, coururent dans la campagne, et y commirent de grands dégâts. à la fin ils se soumirent, et demandèrent pardon : on en punit quelques-uns ; les autres ayant eu peur, quittèrent le pays et passèrent en Angleterre, où ils portèrent leur industrie. Quelques-uns sont revenus par la suite à Anvers et à Bruxelles, mais aucun à Louvain : c’est ce qui engagea le Duc Jean IV à y fonder l’Université, qui devint bientôt très  florissante. On donna aux Professeurs les bâtiments qu’occupaient autrefois les halles et les  manufactures ; mais comme ils avaient plus de quatre cents ans d’antiquité, on a été obligé de les rebâtir dans le siècle dernier.

Il y a actuellement plus de quarante collèges à Louvain. Les plus anciens sont ceux où l’on enseigne la Philosophie, que l'on appelle dans le pays Pédagogies ; ils portent des noms assez ridicules, qui sont ceux des enseignes qui pendaient aux maisons à la place desquelles ils ont été bâtis, le Lys, le Château, le Faucon, et le Porc. Le grand collège, fondé pour les Théologiens existe dès l’an 1432. Dans ce siècle-ci, on y a ajouté une belle chapelle. Le collège du Pape Adrien VI fut fondé en 1512, lorsque ce Pape n’était encore que Doyen de Saint-Pierre de Louvain, et Précepteur du Jeune Prince, qui fut depuis l’Empereur Charles-Quint ; il fut achevé quand ce Fondateur fut Pape. En 1517, on fonda le collège que l’on appelle des Trois Langues, parce qu’on y enseigne l’Hébreu, le Grec et le Français. En 1560 et 1579, on en bâtit deux autres pour les Théologiens, par les ordres du Roi Philippe II ; deux autres furent fondés par des particuliers en 1569 et 1575. Il est inutile que je m’arrête sur tous les autres, dont environ la moitié est du seizième siècle, et le reste du dix-septième. On compte dans l'Université de Louvain cinq Facultés : la première est toujours la Théologie ; le Droit Canonique et le Droit Civil en forment chacun une ; la Médecine est la quatrième, et celle des Arts est la cinquième. On choisit alternativement dans chacune le Chef de l’Université, que l’on nomme Recteur magnifique ; effectivement il reçoit de grands honneurs, et préside  à un Tribunal de police, où se portent les causes des Maîtres et des écoliers. L'Université a un Chancelier perpétuel, qui est toujours le Doyen de la grande collégiale de Saint-Pierre.

L’Hôtel-de-ville de Louvain a été commencé en 1440, et fini dix ans après. C’est un bâtiment remarquable, d’une architecture gothique singulière, qui semble découpée avec une délicatesse surprenante : de ce siècle-ci, on en a beaucoup orné les dedans.
Avant l’érection de l’archevêché de Malines, dans le diocèse duquel est actuellement la ville de Louvain, elle était partagée entre ceux de Liège et de Cambrai, suivant le cours de la Dyle. La principale église est la collégiale, dédiée à Saint Pierre ; elle fut fondée en 1045 par Lambert II, Duc de Brabant et Comte de Louvain, qui y établit un Prévôt, un Doyen, un Chantre, et dix-huit Prébendes : par la suite, il en a été ajouté dix autres. Toutes ces places sont ordinairement remplies par des Professeurs de l’Université de Louvain. L’église est grande, d’une architecture gothique dont les  proportions sont très belles, et la symétrie très exacte. Le fond de ce bâtiment est encore du temps de sa fondation ; mais il y a été ajouté en différents temps des ornements, dont les plus modernes sont pourtant assortis au goût de l’ancien bâtiment. Avant l’an 1604, son portait était décoré de trois tours chargées de clochers, dont le principal était de cinq cent trente-cinq pieds de hauteur : un ouragan terrible les abattit alors, et détruisit ainsi le plus beau monument de cette espèce qu’il y eût en Flandres, où l’on est fort curieux de cloches et de clochers. On remarque dans l’église le tombeau du Duc de Brabant Henri IV, mort en 1235, et de ses deux femmes, dont la première s’appelait Mathilde de Boulogne, et la seconde Marie, fille du Roi de France, Philippe Auguste. On croit aussi que Godefroi II, fils de Godefroi le Barbu, mort en 1142, et Godefroi III, dit au Berceau, mort en 1186, sont enterrés dans cette église ; mais on n’y trouve plus leurs tombeaux. On voit dans cette même église an Crucifix miraculeux, qui a un bras détaché de la croix ; et on prétend qu’avec ce bras  là il arrêta un voleur qui voulait dérober les vases sacrés. Il y a encore dans Louvain une autre collégiale dédiée à Saint Jacques ; elle n’est dans la ville que depuis 1454 ; mais elle était fondée dès l’an 1036, dans un village de Brabant.

L’abbaye de Sainte-Gertrude est très belle, et habitée par des Chanoines réguliers de l’Ordre de Saint-Augustin, de qui l’on exige des preuves de noblesse de huit quartiers. Elle fut fondée, l’an 1206, par Henri IV, Comte de Louvain, Duc de Brabant ; mais elle n'a été érigée en abbaye qu’en 1449. La plus belle église de Louvain, après la collégiale, était, et est peut-être encore, celle ci-devant occupée par les Jésuites. Ils furent appelés dans cette ville en 1561 ; mais leur église et leur maison n’ont été achevées (1666) qu’environ cent ans avant la destruction de leur Compagnie, Il y a un grand nombre d’autres couvents dans Louvain, Les Dominicains y furent établis en 1256 par Henri VI, Comte de Louvain et Duc de Brabant, qui, ayant été assassiné en 1260, fut enterré dans cette église avec sa femme Adélaïde de Bourgogne, qui lui survécut treize ans. Les Récollets y ont un très beau et très grand couvent, fondé, l’an 1231, pour des Cordeliers. Les Augustins y sont depuis l'an 1280. On garde dans leur église une hostie miraculeuse, ou plutôt une moitié d’hostie ; l’autre moitié est à Cologne. Les Carmes sont établis dès l’an 1431, et les Chartreux dès 1489. Ces Pères ont de très beaux cloîtres, avec des vitres dont les peintures sont remarquables.

Il y a encore dans Louvain un prieuré de Chanoines réguliers de Saint Augustin, dont l’église et le couvent sont très beaux, et dix ou douze couvents d’hommes moins considérables et plus modernes. Les couvents de filles sont au nombre de douze ; le principal est l’abbaye de la Vignette, dont les Religieuses sont de l’Ordre de Cîteaux. Il y a d’ailleurs dans Louvain deux Béguinages. C’est peut-être ici le lieu de dire ce que c'est que cette espèce de Communautés, dont il y a grand nombre dans les Pays-Bas Catholiques, et qui s’est même conservée dans quelques villes de la Hollande, telle qu'Amsterdam. C’est une espèce d’association de filles dévotes, qui se rassemblent dans une enceinte contenant un certain nombre de maisons où elles demeurent une à une ou deux à deux sous la direction d’une Supérieure qu’elles se choisissent : elles ont une chapelle en commun, et quelques Prêtres pour la desservir ; d’ailleurs elles vont les jours de grandes fêtes à la paroisse. Aucun homme ne demeure jamais dans leur enceinte, qui ferme tous les soirs. Enfin on peut dire que ce font des Chanoinesses roturières, qui ont pris pour leur Patronne Sainte Begge, comme les Chanoinesses nobles, Sainte Gertrude sœur.

 

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Les textes ont été transcrits du vieux françois en français courant,
et les gravures ont été corrigées des défauts d'impression et de vieillissement.
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