Texte et gravure
extraits de l'ouvrage "L'Univers
collection des vues les plus pittoresques du globe" de Jules Janin - édition ~1840
La ville de Durham, la capitale du comté et le siège de l’évêché, est une ville peu peuplée, peu active, peu bruyante, ou plutôt ce n’est pas une ville, c’est une cathédrale, mais une des plus belles cathédrales du monde chrétien.
Les Saxons jetèrent les premières bases de cet édifice, qui fut continué par les Normands. Cette fondation se rattache à une histoire pleine de mystère. C’était au commencement du dixième siècle, les pirates danois infestaient les côtes de l'Angleterre, et plus d’une fois ils pénétraient dans l’intérieur du pays. Ces corsaires redoutables laissaient partout sur leur passage toutes sortes de crimes, de ruines et de dévastation. Un jour qu’ils avaient porté leurs brigandages plus loin que jamais, ils arrivèrent jusqu’à Lundis-Twne, un couvent où repose le corps de saint Cuthbert. A l’approche des Danois, les religieux prirent la fuite, puis, quand le monastère fut brûlé, les pirates se retirèrent.
De retour au lieu où fut leur église, les religieux se mirent à chercher dans les ruines fumantes le tombeau de saint Cuthbert. O bonheur! le cercueil fut retrouvé intact. Et dans ce cercueil, intact aussi et comme s’il venait de s’endormir dans la mort, le corps du saint, mort depuis quatre siècles.
Sur la sainte relique les moines tinrent conseil, et le saint leur apparut en leur disant qu'il ne voulait plus habiter ce lieu souillé et qu’il leur ferait connaître l’emplacement qu’il avait choisi pour qu’on lui bâtît un tombeau inviolable. Aussitôt dit, les moines prirent le cercueil de saint Cuthbert sur leurs épaules et il parcoururent la contrée cherchant une place à ce cercueil.
Ce voyage fut long et solennel, le saint ne se hâtait guère d’indiquer le coin de terre où il voulait être déposé. A force de porter çà et là la bienheureuse relique, les moines se sentirent vieillis, fatigués, hors d’haleine : cependant leur pèlerinage continuait toujours.
Un jour enfin, comme ils traversaient, chargés de leur précieux fardeau, la forêt de Newcastle, ils s’arrêtèrent à la lisière du bois, dans un site pittoresque, pour se reposer. — Le beau site ! s’écria l’un des confrères. Puis l’instant d’après ils veulent recharger le cercueil sur leurs épaules : — O merveille ! nulle force humaine ne peut le lever de terre. Cette fois le saint a choisi lui-même l’emplacement de son couvent.
En ce lieu même fut bâtie la cathédrale de Durham. L’autel s’éleva sur le cercueil de ce moine immobile. Deux siècles plus tard la foudre brisa la haute tour et mit le feu à l’église, et cette fois encore le saint fut retrouvé intact dans son cercueil. A ce nouveau miracle, la tour et l’église furent rebâties plus belles et plus puissantes. Quarante années et plusieurs millions furent employées seulement à élever ce chef-d’œuvre ; il fallut tout un grand siècle pour le couvrir d’ornements au dedans et au dehors ; comme il allait être achevé enfin, vint la réforme religieuse : aussitôt le saint travail s’arrêta, les hautes tours restèrent inachevées, et on dirait maintenant une église en ruines réparée à moitié.
Telle qu’elle est, la cathédrale de Durham est un monument du plus beau style, dans une position admirable. Elle n’a pas moins de quatre cent onze pieds de longueur sur cent pieds de hauteur. Assise fièrement sur le roc vif, l’église semble défier les siècles. — Et elle peut en effet les défier, puisqu’elle a résisté à Luther !
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