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Les voyages à travers les documents anciens
Voyage en Chine vers 1830 par Gabriel Lafond de Lurcy
在中国之旅1830

Page de garde de volume 5 du Voyage autour du Monde - reproduction © Norbert Pousseur

 

Le code pénal chinois (中国《刑法》)

 

 


Texte et illustration extrait du Volume 5 - Chapitre 1

 

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Morale et politique ne vont guère de compagnie,
et ce que l’une vante comme un axiome,
l’autre s’en moque comme d’une rêverie...
F. Grille d’Angers, Lettre à M‘. le duc de Broglie.

Chinois avec cangue - reproduction © Norbert Pousseur
Supplice du Tcha, ou Kangue (mu jia en chinois - 木枷), dessin de Collignon, gravé par Outhwaite, extrait de cet ouvrage

 

J’ai entendu faire l’éloge du code pénal de la Chine; j’abandonne aux jurisconsultes le soin de l’apprécier, et me contenterai d’en parler d’une manière très-sommaire.

Dans ce pays le sang est puni par le sang : la peine du talion existe dans toute sa plénitude ; et si un homme a été tué, le meurtrier paye de sa tête. A Wampoa, un matelot américain puisant de l’eau à bord de son navire, laissa tomber un seau sur la tête d’un Chinois qui était dans un petit bateau, et le tua. Bientôt le navire fut entouré d’une multitude de bateaux chinois où l’on faisait un vacarme épouvantable ; l’officier qui commandait, craignant un coup de main, tira le canon et mit son pavillon en berne; tous les navires envoyèrent aussitôt une embarcation armée, ce qui, peu à peu, éloigna la plupart de ces barques. Des mandarins vinrent à bord demander le coupable, qui leur fut refusé; et, de crainte de surprise, chaque navire laissa quelques hommes de garde sûr le navire américain. La nouvelle en parvint bientôt à Canton, où toutes les transactions cessèrent aussitôt, le vice-roi exigeant absolument qu’on livrât le meurtrier involontaire.
Cet accident suspendit les affaires pendant plus de quinze jours, les Chinois ne voulant pas se relâcher de leurs prétentions. A la fin, les négociants voyant augmenter leurs dépenses, furent obligés, pour en finir, de recourir à un stratagème qui les tira d’embarras, mais qui faillit ne pas avoir d’effet. Un matelot américain mourut dans cet intervalle à bord d’un des navires mouillés à Wampoa ; on livra le mort à la place du vivant. Les mandarins se refusèrent à le recevoir, disant qu’il leur fallait un homme vivant pour le punir, et non un homme mort; mais il leur fut répondu que la peur avait fait mourir le coupable ; et celui qui avait commis l’homicide ne leur étant pas connu, ils ne purent prouver qu’on les trompait. Plusieurs Européens étaient d’avis de ne rien livrer du tout, et de ne pas souffrir que les Chinois missent la main sur un Européen. Je me sers du mot Européen, afin de distinguer la classe des blancs, qui font cause commune dans ces contrées éloignées. Cependant, il fallut que les Chinois se contentassent du corps qu’on leur livrait ; et, ce qu’il y eut d’affreux pour les blancs, c’est qu’il fut exécuté et qu’il eut la tête tranchée.

Voleur chinois avec cangue - reproduction © Norbert Pousseur
Voleur en cangue conduit et fustigé par des agents de police,
dessin de Janet Lange d'après une peinture chinoise du temps des Mings,
illustration extraite du "Tour du Monde" d'édouard Charton, année 1864

L’instrument le plus ordinairement employé dans les châtiments est le bambou. On en frappe le coupable d’un certain nombre de coups, nombre déterminé par la loi, qui à ce sujet descend dans les détails les plus minutieux. Une amende, également graduée par la loi, peut soustraire le coupable à ce supplice. Lorsqu’il s’agit d’un Tartare, on emploie le fouet au lieu du bambou. Vient ensuite le kia ou la cangue, instrument formé de deux pièces de bois, ayant chacune une échancrure semi-circulaire. On engage le cou du condamné dans ces deux échancrures, en réunissant les deux pièces de bois, puis le sceau du mandarin est apposé sur la jointure, ainsi que sur une large bande de papier où est écrite la sentence, ce qui met le surveillant dans l’impossibilité de se laisser séduire pour adoucir le sort du coupable. Dans les angles de cette machine sont deux autres trous par lesquels passent les poignets. Le poids de ces pièces de bois varie de cinquante à deux cents livres, suivant la gravité du crime. Un préposé de la police, armé d’un fouet, mène en laisse le malheureux condamné, lorsque celui-ci peut porter l’instrument de son supplice. La sentence indique la durée du châtiment : c’est un, deux ou trois mois, plus ou moins, selon la gravité du délit. Quelquefois, cependant, le conducteur permet au patient, qui paye cette faveur, car en Chine l’humanité a son tarif, de s’appuyer contre une muraille ou de s’asseoir par terre. Ce malheureux étant privé de l’usage de ses mains, on est forcé de lui donner à manger.

Chinois portant sa cangue - reproduction © Norbert Pousseur
Autre exemple de cangue (木枷), dessin de Demoraine, gravé par Pardinel, illustration extraite de
"Histoire de tous les peuples et des révolutions du Monde" de Auguste Saint-Prosper, édition ~1840-41


Un autre supplice, qui a de l’analogie avec le précédent, consiste à enfermer le coupable dans un tonneau, de manière à ce que la tète et les poignets dépassent par le haut, et comme le tonneau est loin d’avoir la hauteur de l’homme, le patient a le corps ployé et se trouve dans une position excessivement pénible ; ses parents sont obligés de lui donner à manger. Les criminels sont aussi emprisonnés dans des cages de fer, et transportés ainsi d’un lieu à l’autre.

Chinois dans cangue en forme de tonneau - reproduction © Norbert Pousseur
Condamné à la cangue nourri par sa femme, dessin de Gilbert d'après une planche chinoise, gravé par Gauchard,
illustration extraite du "Tour du Monde" d'édouard Charton, année 1864

Il existe des peines moins rigoureuses pour des délits moins graves, c’est le bannissement à une distance qui ne peut excéder cinquante lieues, ou l’exil temporaire ou à perpétuité au-delà des frontières de l’empire.

Lorsqu’il s’agit d’une de ces actions que la loi flétrit dans tous les pays du nom de crime, les Chinois la punissent de la peine capitale, qui s’applique de trois manières, suivant l’énormité du fait: la strangulation, la décollation ou la mort lente. Cette dernière, réservée pour les crimes de haute trahison, le parricide ou le sacrilège, est accompagnée de souffrances atroces, ce qui semble confirmer ce que j’ai dit des mŒurs cruelles de ce peuple, et cependant il est en général d’un naturel assez doux ; mais, dans les pays despotiques, les châtiments ne sont plus une dette que le coupable paye à la société, c’est une vengeance qu’elle exerce.

Supplice chinois des parricides - reproduction © Norbert Pousseur
Supplice des parricides, dessin de E Bayard d'après M Trèves, lieutenant de vaisseau,
illustration extraite du "Tour du Monde" d'édouard Charton, année 1864


Le patient est étendu en croix, le bourreau s’approche; il porte sur lui une collection d’instruments tranchants qui ont tous une forme particulière, un usage déterminé par la loi, et qui ne peuvent s’appliquer qu’à un seul membre. Il porte la main sur ses instruments, en saisit un au hasard, et selon l’usage auquel il est destiné, coupe une jambe, un bras, un doigt ou une main ; ou si la chance favorise le coupable, il le lui plonge dans le cŒur, et abrège ainsi un supplice qui eût pu durer une journée entière, et plus. Si la sentence a prononcé que le corps sera coupé en morceaux, elle n’en reçoit pas moins son exécution ; si elle porte que les entrailles seront arrachées, le supplice s’inflige à l’homme mort comme à l’homme vivant; on lui arrache aussi les ongles, les nerfs des pieds et des mains, et même on lui broie les os.

Supplice chinois du dépècement - reproduction © Norbert Pousseur
Supplice du dépècement, dessin de Janet Lange d'après une peinture chinoise du temps des Mings,
illustration extraite du "Tour du Monde" d'édouard Charton, année 1864

 

Le système pénitentiaire est des plus rigoureux. Il est à remarquer que la question de l’isolement est depuis longtemps résolue en Chine, où on l’applique à tous les cas d’emprisonnement.

Un peu moins sévère pour les femmes, la loi ne les condamne à la réclusion que pour les délits graves, et ne punit des fautes légères qu’en donnant les coupables en garde à leurs plus proches parents, qui en répondent sur leurs têtes.
La torture, qui consiste à presser les ongles des patients, pour leur arracher des aveux, n’est appliquée qu’aux hommes. Le faux témoignage est puni des peines les plus sévères.
J’ai dit que la peine du bambou pouvait se racheter par une amende; il n’en est pas ainsi de la peine capitale, que le condamné doit toujours subir.

Tribunal chinois vers 1850 - reproduction © Norbert Pousseur
Séance d'un tribunal chinois, dessin de Vaumort d'après une estampe chinoise,
illustration extraite du "Tour du Monde" d'édouard Charton, année 1864

 

Quelque atroces que paraissent certains supplices, il ne faut pas perdre de vue que la loi est toujours présente, et que c’est juridiquement qu’ils sont infligés. Je dois ajouter qu’ils sont extrêmement rares, et je terminerai en citant cette maxime populaire qui se trouve dans la bouche de tous les Chinois : « l’Empereur et le sujet qui violent la loi sont également coupables » maxime à l’aide de laquelle ils ne trouvent pas trop rigoureux un régime qui pèse également sur tous, et des châtiments dont le rang et la richesse ne mettent pas à l’abri.

Tribunal chinois vers 1850 - reproduction © Norbert Pousseur
Supplice des incendiaires, dessin de E Bayard d'après M Trèves, lieutenant de vaisseau,
illustration extraite du "Tour du Monde" d'édouard Charton, année 1864

 

A noter qu'il s'agit là d'un texte et d'illustration datant autour de 1800, époque où la Chine était régie par des mŒurs, sans doute peu changés depuis plusieurs centaines d'années. Cet aspect de la société chinoise peut être mis en parallèle aux condamnés aux galères ou aux travaux forcés à la même époque en Europe, et un peu plus en arrière aux tortures qui étaient un pratique courante notamment dans les affaires religieuses.

 

 

En Chine, trois femmes dans la Cangue  - Photo colorisée de 1900 reproduite puis restaurée par  © Norbert Pousseur
Trois femmes dans la Cangue, en Chine,
photo couleur, ou sans doute plutôt colorisée, non située géographiquement,
extraite de Autour du Monde, aquarelles, souvenirs de voyages,
édité par L. Boulanger, vers 1890

 

 

 

La page de présentation de l'ouvrage de G Lafond Vers la présentation de l'ouvrage

 

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